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Photo parlante sur les TIC

Post de Olivier Ezratty du 6 juillet 2007 - Tags : France,Politique,Technologie | 14 Comments

Il y a quelques semaines, on pouvait lire beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’Elysée depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la Présidence. Et on pouvait voir notamment des photos du Président au travail dans son bureau. Celle-ci, ci-dessous, provenant de L’Express, m’a intrigué. On y voir quelque chose qui pourrait ressembler à un écran d’ordinateur portable ouvert. Or, le candidat lui-même avait indiqué en décembre 2006 à la conférence LeWeb3, qu’il n’utilisait pas d’ordinateur, étant trop occupé par la politique depuis 30 ans.

Sarkozy 3

En fait, en zoomant, on se rend compte qu’il s’agit d’une sorte de sous-main en position verticale. Je ne sais pas trop à quoi il peut servir, mais ce n’est sûrement pas un Acer Ferrari ou l’un de ces nouveaux portables au dessus en cuir. Peut-être une photo de Cécilia et de ses enfants?

Sarkozy 4

Bref, malgré cette apparence trompeuse et pas forcément voulue, le président n’utilise pas encore d’ordinateur. Ses conseillers n’ont pas encore trouvé le moyen de l’appâter. Vers 1997, son prédécesseur Chirac s’était mis au PC par le biais d’une de ses passions: le sumo. Son PC installé dans son bureau à l’Elysée lui permettait de consulter les résultats de matches de sumo se jouant au Japon. Et peut-être ensuite, de suivre l’actualité des arts premiers, qui ont donné lieu à la création du Musée du Quai Branly. Qu’est-ce qui attirera Sarkozy?

La question est symbolique car elle fait écho au rôle des TIC dans le gouvernement. Si on descend en dessous de la présidence, on avait déjà vu que notre nouveau Premier Ministre était bloggeur. Certes. Mais nombreux sont dans notre industrie ceux qui ont regretté que ne soit pas créé un Ministère ou un Secrétariat d’Etat aux nouvelles technologies. Et oui, les TIC ne sont pas encore au niveau de la pêche ou du sport et de l’artisanat dans l’esprit de nos dirigeants et fonctionnaires. La presse spécialisée l’avait relevé au moment de la création du gouvernement Fillon 2.

Il y a plusieurs Ministères qui s’intéressent aux TIC, mais la coordination et la vision d’ensemble restent à construire:

  • L’Enseignement Supérieur et à la Recherche qui chapotte entre autres l’INRIA ainsi que divers systèmes d’aide à l’innovation comme l’Agence Nationale de la Recherche. Ce Ministère doit en théorie coordonner la politique gouvernementale en matière de TIC. Espérons que Valérie Pécresse aura le temps de s’y investir lorsqu’elle aura fait avancer cette réforme (à tiroirs et sans fin) des universités. Et qu’elle alignera des moyens pour ce faire car elle ne dispose pas d’administration en propre chargée du sujet des TICs. Son cabinet comprend un certain Edouard de Pirey, conseiller technique sciences et technologies. C’est un il est Ingénieur des mines, Normalien (Ulm) et Agrégé de mathématiques de 31 ans qui a un parcours dans le domaine de l’énergie. Allons bon.
  • Le Secrétariat d’Etat à la Fonction Publique, sous la responsabilité d’André Santini, et sous la tutelle d’Eric Woerth, Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique. Ce secrétaire d’état n’a pas encore de cabinet de publié, à moins qu’il ne soit partagé avec celui de son ministre de tutelle. André Santini pilotera la réforme de l’Etat et à ce titre tout ce qui relève de l’administration électronique. C’est une bonne chose car Santini était l’un des rares députés et maires à s’intéresser aux nouvelles technologies.
  • Le Ministère de l’Economie (Bercy) qui a la la tutelle de l’Oséo ainsi que des DRIRE qui accompagnent l’innovation dans les régions dans ce mille feuille de dispositifs d’aide où tous les entrepreneurs se perdent régulièrement. Il s’occupe aussi des PME. On y trouve également entre autres le Conseil Général des Technologies de l’Information qui a plutôt une mission interne à ce Ministère qu’une vocation stratégique. En tout cas, il ne fait rien de bien visible et est doté de très peu de moyens. Il publie chaque années quelques avis sur des sujets divers (Galiléo, télécommunications, TIC)… de deux pages chacun.
  • Le Ministère de la Culture s’intéresse de près aux contenus numériques. Il était à l’origine de la très controversée loi DADSVI qui transposait les directives européennes sur les droits d’auteurs. Son cabinet n’a pas encore été entièrement publié.
  • Le Ministère de l’Education est aussi versé dans les TIC. Son cabinet comprend une certaine Caroline Pons-Hollande en charge des TIC. Elle avait occupé le même rôle dans le Cabinet du Ministère de la Fonction Publique et avait officié dans la réforme de l’Etat et dans le lancement de l’ADAE et du programme ADELE en 2004. ADAE qui a depuis disparu en titre et s’est retrouvée fondue dans la réforme de l’Etat.
  • Si on continue dans l’inventaire des conseillers, Matignon a son conseiller en TIC, Yohann Leroy, un X/Mines de 30 ans ayant officié à la DRIRE de l’Ile de France. Il faudrait au passage expliquer aux équipes qui ont conçu le site du Premier Ministre que les applications Flash pour afficher la composition d’un gouvernement, c’est un peu too much, et cela ralentit la consultation sans grande valeur ajoutée. Il y a aussi un conseiller TIC à l’Elysée, mais je constate que le site de la Présidence laisse un peu à désirer pour ce qui est de la composition du cabinet. est-ce une “Presidency under Construction”?

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  • En France, il nous faut aussi compter sur les nombreuses administrations indépendantes comme la CNIL, l’ARCEP ou le CSA qui ont tous leur mot à dire dans la convergence numérique.

Ce premier aperçu des cabinets donne un arrière-goût un peu désagréable. Contrairement à ce qui avait pu se pratiquer dans les cabinets de l’ère Jospin et même après sous Raffarin et Villepin, il n’y a pas beaucoup de conseillers techniques qui ont une expérience de l’industrie. Ce sont, à l’exception de Caroline Pons-Hollande, plutôt des hauts-fonctionnaires très classiques issus des grandes écoles et d’administrations centrales. Ils sont certes assez jeunes, dans la trentaine, mais quelle expérience terrain ont-ils? De plus, les moyens de coordination et de gouvernance des TIC au Ministère de la Recherche ne sont pas bien clairs. Il n’y a pas encore de stratégie bien lisible au niveau de l’accompagnement de l’innovation.

Mais a-t-on un benchmark? Quels sont les pays qui ont créé un poste au rang de Ministre ou de Secrétaire d’Etat dédié aux TIC? Souvent, ce sont les pays en voie de développement (en Côte d’Ivoire, en Ouganda, en Thailande) où les TIC sont considérées à la fois comme une facilité essentielle pour le développement économique, mais aussi comme un outil à surveiller, comme du temps où nous avions en France un “Ministère de l’Information”! Chez nos voisins allemands, c’est le Ministère de l’Economie qui a en charge les “technologies” sans plus de précisions. Les anglais ont un “Secretary of State for Innovation, Universities and Skills”, créé à l’occasion de l’arrivée de Gordon Brown au 10 Downing Street, et équivalent au nom près de notre Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur mais avec une responsabilité sur la formation continue des adultes. Chez les Danois, on trouve un Ministère des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation”, aux attributions voisines, couvrant l’enseignement supérieur, la recherche, les télécoms, les TIC et l’innovation. Probablement la meilleure intégration qui soit pour orienter le pays vers la modernité. Comme quoi les scandinaves là aussi sont une référence!

Faut-il pour autant attendre que l’Etat fasse la pluie et le beau temps dans les TICs? Pas à ce point, mais il peut impulser le marché et l’innovation (cf à la fin de ce post). Il peut structurer l’organisation de la concurrence dans les télécoms et les médias pour favoriser l’émergence d’innovations, comme dans la télévision numérique. Il peut continuer à promouvoir l’équipement en PC et en ADSL, notamment dans les zones défavorisées et dans les régions, tout comme dans les PME, notamment par le biais des innovations de l’administration électronique (télédéclarations…). Il peut aussi et surtout restructurer le beans du système des aides à l’innovation qui est à la fois bien trop fragmenté, complexe, et encore trop favorable aux grands groupes. Enfin, il faut pousser pour que le MIT Européen soit lancé en France.

Bref, il y a du pain sur la planche.

On attend le boulanger… ou la boulangère Valérie.

RRR

 
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