Actualités quantiques de novembre 2025
Post de Olivier Ezratty du 1 décembre 2025 - Tags : Actualités,Quantique | No Comments
Dans ce 75ième épisode de Quantum, le podcast de l’actualité quantique, toujours avec Fanny Bouton, nous faisons le tour habituel de l’actualité scientifique, technologique, événementielle et people du quantique en France et dans le monde.
Et comme d’habitude, voici le transcript, les liens utiles et illustrations de cette actualité.
Evénements
Séminaire SFGP
Je participais le 5 novembre à un séminaire organisé par la Société Française du Génie des Procédés : Génie des procédés & Machines quantiques. C’était un événement intéressant permettant de confronter les besoins d’une industrie tournée autour de la chimie industrielle et des capacités des technologies quantiques.
Benoit Celse de la SFGP y présentait les besoins dans la chimie industrielle qui vont des simulations chimiques à de l’optimisation industrielle. J’y faisais un point habituel sur l’état de l’art du calcul quantique (supports). C’était suivi des interventions d’Etienne Décossin et Christophe Domain d’EDF qui présentaient les besoins d’EDF ainsi que l’avancement du projet « Optimisation de l’Energétique du Calcul Quantique » (OECQ), mené avec Quandela, Alice&Bob et le CNRS. Puis Daniel Vert faisait un état des lieux de la résolution d’équations aux dérivées partielles. Cela se terminait par un panel auquel je participais sur l’état des lieux technologique du calcul quantique. La leçon de l’histoire est que l’obtention d’un avantage quantique pour les métiers de la chimie industrielle prendra du temps.
Journée Minalogic sur la photonique quantique
Cette journée Minalogic Innovation Talks – Photonique pour le quantique avait lieu à Lyon le 18 novembre et regroupait de nombreux acteurs de la photonique couvrant les capteurs quantiques, les communications quantiques et le calcul quantique. Voici quelques-uns des intervenants : Daphné Wang de Quandela, Ségolène Olivier du CEA-Leti et Michael Geiselmann de Ligentec sur la fabrication de composants de nanophotonique, Guillaume de Giovanni de Viqthor, Andreas Fognini de Single Quantum sur les détecteurs de photons uniques, Jean-François Roch de l’ENS Paris Saclay et Matthieu Munsch de Qnami sur les capteurs NV center, Eleni Diamanti du CNRS LIP6 et de Welinq ainsi que Marc Kaplan de Veriqloud sur les communications quantiques.
Cela se terminait par une « imposture » jouée par trois acteurs du théâtre d’improvisation ImproLyon présentant un projet fictif dont voici le support de présentation que j’avais concocté pour l’exercice. Les références arXiv sont réelles et les taglines sont inspirées de véritables startups anglo-saxonnes !
Au début de la journée, j’y faisais une keynote pour dresser un tour d’horizon du domaine, en étant focalisé sur le calcul quantique et les technologies habilitantes comme les lasers.
OVHcloud Summit
Cela avait lieu le 20 novembre à la Maison de la Mutualité, avec le lancement de l’accès à la machine Pasqal Orion de 100 qubit (en mode analogique). Et l’élargissement du catalogue des émulateurs quantique avec Qleo de Quobly qui tourne sur GPU et de cudaQ de Nvidia.
Adopt AI
L’événement avait lieu au Grand Palais le 25 novembre, avec une présentation de Fanny Bouton avec Valérian Giesz de Quandela pour le lancement de leur émulateur Merlin pour des applications de machine learning tournant sur infrastructures OVHcloud.
Symposium France Singapour
Il avait lieu chez Bpifrance à Paris les 25 et 26 novembre (agenda). Ces deux journées coorganisées par le laboratoire CNRS Majulab de Singapour et Quantonation étaient bien denses.
Il y avait d’un côté des annonces de partenariats avec Singapour concernant le CNRS (ci-dessous, notamment sur l’énergétique des technologies quantiques), Quobly (avec le National Quantum Federated Foundry, pour la caractérisation de puces silicium) et Pasqal (sur la recherche, avec le CQT). Le point d’orgue était un débat avec Alain Aspect et Artur Ekert (création de la QKD E91 à base d’intrication).
La partie scientifique du symposium était d’un très bon niveau. Il y avait côté français les interventions d’Elham Kashefi, Eleni Diamanti, Pascale Senellart, Maud Vinet (ci-dessous, avec une présentation très complète sur l’état de l’art des qubit silicium), Julien Laurat, Sébastien Tanzilli, Thierry Lahaye, Valentina Parigi, Nina Amini, Tanguy Sassolas, Iordanis Kerenidis, Yvon Maday, et Frédéric Barbaresco (et j’en passe). Et côté Singapourien, des pointures telles que Mile Gu (sur le quantum machine learning), Joe Fitzsimmons (de la startup Horizon Quantum), Jose Ignacio Latorre (le patron du grand laboratoire CQT), Hui Khoon Ng (aussi du CQT, qui collabore avec le CNRS), David Wilkowski (sur les atomes froids), et Johnson Goh (de A*Star, sur la recherche singapourienne sur les qubits silicium).
La journée démarrait avec une session sur l’énergétique du calcul quantique avec une présentation de la Quantum Energy Initiative par Alexia Auffèves, suivie de l’état des lieux du projet OECQ avec Christophe Domain et Cyril Baudry pour EDF, Pierre-Emmanuel Emeriau et Ariane Soret pour Quandela, Jeremy Stevens pour Alice&Bob et Robert Whitney pour le CNRS.
Dommage, la conférence n’était pas enregistrée !
A venir
France
Avancements sur la QKD à Nice
Avec des travaux intéressants de l’équipe de Sébastien Tanzilli du laboratoire InPhyNi qui a opéré un réseau de QKD sur 100 km et jusqu’à une station de base permettant par la suite d’établir des communications satellite.
Deployed quantum key distribution network: further, longer and more users by Nathan Lecaron, Yoann Pelet, Sébastien Tanzilli, and Olivier Alibart, arXiv, November 2025 (8 pages).
Acquisition de Qperfect par BTQ
Le 11 novembre 2025, la société canado-taïwanaise BTQ faisait l’acquisition complète de la startup française QPerfect. Ce qui les intéresse n’est pas l’émulateur de la startup mais leur activité de développement d’un ordinateur quantique à base d’atomes froids fonctionnant en mode gate-based. BTQ cherche depuis quelques années à utiliser des ordinateurs quantiques pour faire du mining de Bitcoin en consommant moins d’énergie. Ils ont dans la même veine aussi un partenariat avec Quandela pour étudier l’usage du boson sampling. L’activité « atomes froids » de QPerfect était relativement discrète mais faisait partie de l’intention de ses deux créateurs, Shannon Whitlock et Guido Pupillo, de l’Université de Strasbourg et du laboratoire CESQ.
Fast Quantum Gates for Neutral Atoms Separated by a Few Tens of Micrometers by Matteo Bergonzoni, Rosario Roberto Riso, and Guido Pupillo, arXiv, November 2025 (19 pages).
Quandela
Ils annonçaient un partenariat avec Nvidia sur la simulation de leurs qubits et inauguraient Lucy au TGCC, en compagnie de celle de l’ordinateur quantique de Pasqal. Lucy est un ordinateur quantique supportant 12 qubits.
Partenariat SEALSQ et Quobly
Sealsq est une société suisse spécialisée dans les composants électroniques de sécurité, qui supportent la PQC. Le partenariat avec Quobly est original. Il vise à évaluer comment les architectures matérielles de PQC pourraient être associées aux ordinateurs quantiques de Quobly pour sécuriser leur accès, avec des racines de confiance (“Root-of-Trust”) matérielles intégrant de la PQC nativement dans des ordinateurs quantiques.
Quantum Foundations
Une émission intéressante sur les quantum foundations sur France Culture avec Shane Mansfield et Hypolyte Dourdent. Et puis une intervention de Philippe Grangier qui présentait sa vision dans le cycle de conférences organisé par Hervé Zwirn à l’Académie des Science, autour de l’ontologie CSM (contexte-systèmes-modalités), avec son extension pour tenter de définir ce qui se passe au niveau du Heisenberg cut lors d’une mesure quantique, en s’appuyant sur les ITP (infinite tensor products) et les algèbres de type III de John Von Neumann. C’est pointu !
International
Quantinuum
Quantinuum lançait Helios, un ordinateur quantique de 98 qubits à base d’ions piégés. C’est un record pour un ordinateur commercial à base d’ions piégés. Il bat aussi un record côté fidélités avec des fidélités de portes à deux qubits à 99,92 % et des fidélités de lecture de 99,952 %, ce qui est excellent pour mettre en œuvre la correction d’erreurs.
Il utilise différentes zones de qubits avec une région en anneau pour le stockage de qubits utilisée comme mémoire à accès aléatoire, connectée via une jonction X à quatre voies à une zone de cache intermédiaire et une zone pour les portes à un et deux qubits et leur lecture, ainsi qu’un stockage utilisé de premier niveau en mode FIFO.
La zone de lecture et des portes peut accueillir 16 ions et supporter 8 portes de deux qubits en parallèle à la fois. Quantinuum a interverti ses éléments ! Les qubits de données sont désormais des ions baryum 137Ba+ tandis que les ions ytterbium 171Yb+ sont utilisés pour le refroidissement. Dans les générations précédentes, les ions baryum étaient utilisés pour le refroidissement tandis que les ions ytterbium étaient utilisés pour le calcul.
Les opérations des portes sont assez lentes, compte tenu du temps nécessaire pour déplacer les ions entre les zones. Il faut environ 40 ms pour déplacer les ions du stockage vers la zone de calcul. Le temps par couche de portes avec 98 qubits est compris entre 40 et 55 ms. Il faut aussi 300 µs de temps refroidissement après deux portes de qubits.
Ils mènent leur propre expérience de circuit aléatoire de suprématie de Clifford, qui consommerait 1073 watts sur un superordinateur en utilisant un équivalent classique à contraction de réseau tensoriel. Cela n’a pas plus de sens que les démonstrations de suprématie de Google.
Superconducting pairing correlations on a trapped-ion quantum computer by Etienne Granet, Sheng-Hsuan Lin, and Henrik Dreyer, arXiv, November 2025 (63 pages).
Helios: A 98-qubit trapped-ion quantum computer by Anthony Ransford, M.S. Allman et al, arXiv, November 2025 (25 pages).
Quantinuum Helios advances by Olivier Ezratty, novembre 2025.
IBM
Lors de leur conférence développeur du 12 novembre 2025, IBM a fait quelques annonces confirmant celles de juin 2025, notamment autour du processeur Night Hawk qui va succéder à Heron, avec 120 qubits et une connectivité améliorée de 4+2 : 4 pour les qubits voisins et 2 pour des qubits distants, cette connectique servant à la mise en œuvre des codes de correction d’erreur non locaux de type qLDPC (gross code).
Ce processeur est maintenant fabriqué à Albany chez IBM sur des wafers de 300 mm, une technique devant permettre d’améliorer la qualité des puces par rapport à la fabrication sur wafers 200 mm qui étaient produites dans la fab de Yorktown Heights, que nous avions visitée en février 2024 (source de l’image ci-dessous).
Le 20 novembre, IBM annonçait un partenariat avec Cisco pour interconnecter les ordinateurs quantiques entre eux de manière quantique. Cela fait sens dans la mesure où Cisco a déjà investi dans la création d’infrastructures de connectivité quantique photonique. IBM n’a pas encore indiqué comme générer la transduction entre micro-ondes et photons optiques. Cela a l’air d’être un partenariat très prospectif.
https://www.ibm.com/quantum/blog/networked-quantum-computers
https://www.linkedin.com/posts/jay-gambetta-a274753a_qdc25-activity-7394551922256486400-wj7q
Lancement de la Quantum Scaling Alliance
Qolab et HPE lançaient une alliance qui est en fait leur écosystème pour construire leur ordinateur quantique scalable à base de qubits supraconducteurs. Leur prix Nobel John Martinis fait le tour des popottes pour promouvoir la société.
Papier de Google sur les défis algorithmiques
Un très bon papier qui décrit bien l’état des lieux et la roadmap pour obtenir un avantage quantique. J’en parlerais dans mon intervention à la Q2B de Santa Clara.
The Grand Challenge of Quantum Applications by Ryan Babbush, Nicholas C. Rubin, arXiv, November 2025 (22 pages).
Su Yeon Chang et Marco Cerezo du Département de l’Energie US publiaient en novembre 2025 un excellent “review paper” sur arXiv sur le quantum machine learning (QML).
Le bilan est que le QML peut apporter un certain avantage quantique lorsque les données ou le problème sont déjà quantiques, en utilisant par exemple des états quantiques existants préparés dans un ordinateur quantique ou des données quantiques provenant directement de capteurs quantiques. Par contre, il n’y a pas encore d’avantage quantique général démontrable pour les tâches d’apprentissage automatique comme les LLM et la reconnaissance d’images sur les ordinateurs quantiques NISQ actuels, notamment en raison de l’effet de plateau stérile (barren plateaus) limitant les capacités d’entraînement des grands modèles sur plus d’une vingtaine de qubits. En conséquence, la plupart des expériences menées dans un régime où le code peut être facilement émulé sur un simple ordinateur portable ne s’adaptent pas aux jeux de données réels lorsque tous les coûts d’encodage, de transfert et de lecture des données sont bien pris en compte.
Le papier n’examine pas la manière dont le QML pourrait fonctionner sur des ordinateurs quantiques FTQC (tolérants aux fautes) d’un point de vue pratique, comme pour les inférences en temps réel, ce qui est une exigence courante pour les LLM et la reconnaissance d’image. Il explique que de nombreuses accélérations attendues reposent souvent sur des hypothèses matérielles irréalistes comme un accès rapide aux données via certaines formes de mémoire quantique (qRAM, qui n’existe pas encore et dont les coûts pratiques si elles existaient seraient exponentiels), et des conditions favorables au niveau des données, devant être de préférence creuses. Il semble que les modèles variationnels ne conviennent pas aux systèmes FTQC en raison des lois d’échelle lors de l’entraînement et du chargement des données. Le QML basé sur l’algorithme HHL de résolution de systèmes linéaires pourrait être une piste à explorer.
L’article n’explore pas le « quantum reservoir computing », ce que certains considèrent comme prometteur, en particulier lorsqu’il s’agit de paradigmes d’ordinateurs photoniques quantiques, ce sur quoi travaille notamment Quandela. Ce thème était d’ailleurs traité dans trois interventions pendant le symposium France Singapour.
A Primer on Quantum Machine Learning by Su Yeon Chang, and M. Cerezo, arXiv, November 2025 (16 pages).
Bullshit
Elon Musk émet l’idée de placer des ordinateurs quantiques dans des cratères sur la lune. Ce n’est pas très réaliste d’un point de vue pratique. J’adore la réponse d’Olivia Lanes, que l’on avait tous les deux rencontrée à Yorktown en février 2024.
Et un phénomène envahissant sur LinkedIn, celui des (…) qui commentent l’actualité d’il y a un an (voire parfois plus), comme l’annonce de Willow. Faut le faire !
Sur ce, bonnes fêtes de fin d’année !
![]()
![]()
![]()
Lien du blog Opinions Libres : https://www.oezratty.net/wordpress
Lien de l'article : https://www.oezratty.net/wordpress/2025/actualites-quantiques-de-novembre-2025/
Cliquez ici pour imprimer
(cc) Olivier Ezratty - http://www.oezratty.net