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Le numérique dans le plan de reprise – 2

Post de Olivier Ezratty du 28 mars 2009 - Tags : Economie,Entrepreneuriat,France,Innovation,Politique,Technologie | 10 Comments

Dans cette seconde partie, nous allons creuser la contribution du Comité Richelieu et de la CGPME.

Le 18 mars 2009, ils publiaient un ensemble de propositions pour intégrer les PME innovantes dans le plan de relance du gouvernement. En poursuivant leur cheval de bataille : le rôle des PME dans l’innovation. Le tout étant explicitement destiné aux députés, l’un des moyens d’influence de la politique de l’Etat.

ComiteRichelieuCGPME

Ce plan regroupe cinq propositions assez interdépendantes :

Pérenniser les progrès du Crédit Impôt Recherche

Le Comité Richelieu pense surtout au cadre du Pacte PME lancé en 2006 et du programme Passerelle qui permet aux grandes entreprises de sous-traiter des travaux de recherche à des PME innovantes et de bénéficier du CIR sur les montants investis.

Traduite en langage courant, la proposition signifie “Pitié, n’abandonnez pas le programme Passerelle  !” , dont il se dit qu’il est en train d’être jeté aux orties avant même d’avoir sérieusement vu le jour.

Ce programme mériterait d’être plus connu et mis en oeuvre. Il permet en effet à des startups innovantes de travailler pour des grands groupes sur des programmes de R&D. Indirectement, cela transforme certaines startups du statut d’entreprise de technologie en sous-traitants de R&D. Mais cela leur permet au moins de traverser le désert de la crise.

Créer un Crédit Impôt Innovation

Celui-ci couvrirait non pas simplement les activités de Recherche mais également les investissements avals de l’innovation. La question étant de savoir jusqu’où descend l’aval. Est-ce pour le “D” de R&D et la couverture de l’ensemble des activités techniques de création d’une offre innovante, ou bien les activités non techniques qui permettent de générer des innovations comme les investissements marketing, commerciaux, à l’export et aussi la protection de la propriété industrielle ? J’avais relayé cette idée dans les 29 propositions pour le plan France Numérique 2012, élaborée après une contribution de la société Glaizer Group.

Ce besoin de mieux positionner les offres des startups technologiques sur leur marché a été confirmé récemment par cette thèse de Frédéric Iselin sur la “Proposition de valeur et positionnement prix – La place de la valeur client dans le pricing d’offres innovantes : le cas des startups technologiques”. Thèse selon laquelle 58% des startups technologiques françaises ont une proposition de valeur non compétitive. Même si l’étude pêche par l’absence de comparaison avec d’autres pays, elle rappelle cette réalité encore mal comprise : l’innovation est la combinaison de technologies et/ou de services et d’une rencontre avec un marché et des besoins clients.

These Iselin 

Sur le Crédit Impôt Innovation, le Comité Richelieu est allé loin en prémâchant le travail du législateur, rédigeant directement les articles du code des impôts à modifier (page 13). L’été dernier, cette idée n’avait pas pu être retenue par le cabinet d’Eric Besson. La raison : l’impact budgétaire était à la fois inconnu et … significatif. Oséo et Bercy se sont donc naturellement opposés à la proposition. Est-ce que la donne a changé depuis ? D’un point de vue des restrictions budgétaires, non. Mais du point de vue stratégique, le besoin est toujours le même. Signalons tout de même que dans l’ordre des choses, le financement de l’innovation est plus important que toute forme de Crédit Impôt. Car pour bénéficier du Crédit Impôt, qu’il soit “Recherche” ou “Innovation”, il faut avoir des fonds à investir ! D’où la proposition suivante du Comité Richelieu…

Orienter Oséo Innovation sur les dépenses aval

Il s’agit des investissements des startups non couverts par le soutien fiscal du CIR et qui viennent d’être citées dans la proposition précédente. J’applaudis des deux mains : Oséo Innovation devrait contribuer au financement de l’ensemble des besoins de l’innovation : de la R&D au marketing à l’international. Il le fait déjà, mais dans un patchwork d’avances et programmes divers dont la lisibilité n’est pas évidente. Oséo Innovation gagnerait à simplifier son offre : une entreprise, un ensemble de besoin, et une avance et/ou aide intégrant ses différents besoins, échelonnée dans le temps. On en est évidemment loin, surtout quand on intègre la réduction du budget d’Oséo Innovation.

Adapter les modalités du soutien apporté par Oséo Innovation

A commencer par le non plafonnement des avances remboursables au niveau des fonds propres et la transformation des avances en aides pour tenir compte des difficultés actuelles du crédit. La première proposition fait visiblement écho à l’alerte que j’avais lancée début février et aux retours de nombreuses startups qui sont en liaison avec les membres du Comité Richelieu. Si Oséo Innovation se contentait déjà d’appliquer les anciens ratios courants de 1 pour 1 (1€ d’avance remboursable pour 1€ de fonds propres), cela serait déjà pas mal. Quand à transformer les avances remboursables en aides, on peut toujours demander, mais ne rêvons pas trop !

Améliorer la gouvernance du soutien apporté aux projets collaboratifs

En creu, le Comité Richelieu demande à ce que les projets financés par les Pôles de Compétitivité, voire l’ex Agence de l’Innovation Industrielle (intégrée à Oséo) concernent plus les PME que les grands groupes qui n’en ont pas forcément besoin en priorité surtout lorsqu’ils sont profitables comme France Telecom ou Thalès. Ils souhaitent également que les projets soutenus soient plus proches du marché et des besoins clients, alors que l’approche actuelle est encore très teintée “recherche”.

Aujourd’hui, ce ratio est très variable. Par exemple, le pôle Systematic est plus “grand comptes” (49,5% des établissements du pôle) tandis que Cap Digital est plus “PME” (avec 72,8% de PME dans les établissements du pôle).

CartePoleCompetitivité

Le fonctionnement des pôles avait été évalué en juin 2008 par le BCG et une traduction du volapuk de consultant est nécessaire pour le décoder. Le plus ironique dans ces pôles est la notion de “pôle national” par opposition aux quelques “pôles mondiaux”. Véritable contresens puisque la compétitivité devrait s’entendre à l’échelle internationale et pas nationale. Les pôles nationaux sont donc au mieux des bassins d’activité sectoriels, et surtout de fait le résultat du lobbying local pour récupérer des subventions dans la manne des pôles de compétitivité (1500m€ entre 2005 et 2008). L’Etat n’a pas su faire des choix au moment du lancement des pôles en 2005 et s’est laissé aller à en labelliser 71 par clientélisme ! Pour l’instant, l’évaluation de tous ces pôles reste visiblement en demi-teinte si l’on lit entre les lignes. C’est toujours une véritable usine à gaz à la française à ceci près qu’elle est dans l’ère du temps : distribuée, cloud, et tout ce que vous voulez. Leur évaluation est difficile tant sont enchevêtrés les dispositifs d’aide à l’innovation. Si le risque est grand de crouler sous “l’overhead” du management de projets collaboratifs, certains projets collaboratifs issus des pôles font tout de même avancer le schmilblick, notamment pour rapprocher certaines startups de grands groupes.

Au final, le Comité Richelieu avance de très bonnes intentions, mais peu ont des chances d’aboutir à court terme ne serait-ce que pour des raisons budgétaires. Comme en général, il faut patienter plusieurs années avant que les bonnes idées se concrétisent, on peut saluer la persistance de cette association. Et il faut reconnaitre au passage que ces propositions ne sont pas spécifiques au numérique mais aux PME innovantes… :). Comme la moitié des PME innovantes touchent de près ou de loin au numérique, on s’y retrouve tout de même.

RRR

 
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