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Decode Quantum avec Benjamin Huard de l’ENS Lyon

Post de Olivier Ezratty du 28 septembre 2022 - Tags : Actualités,Quantique | 2 Comments

Nous voici au 50e épisode des entretiens Decode Quantum après 2 ans et demi d’existence. Pour cet épisode, nous avons le plaisir de recevoir Benjamin Huard.

Crédit photo : Nil Hoppenot.

Benjamin Huard est enseignant-chercheur à l’ENS de Lyon où il dirige le Quantum Circuit Group d’une quinzaine de personnes qui fait partie du Laboratoire de Physique de l’École. Il mène ses recherches dans de nombreux domaines, une bonne partie tournant autour des qubits supraconducteurs, mais avec un bon nombre de ramifications dans des secteurs adjacents comme dans les capteurs quantiques, la thermodynamique quantique, et aussi les qubits de chats. Il est sinon diplômé de l’ENS Paris, ce qui est d’un banal dans le quantique en France ! Il avait fait sa thèse au CEA dans le groupe Quantronics et un post-doc à Stanford University.

Voici les thèmes que nous avons abordé ensemble :

  • Comme d’habitude, comment notre invité est tombé dans la marmite du quantique. C’était à l’ENS comme de nombreux autres, et du fait de l’influence des enseignants. Il trouvait intéressant d’être confronté à des questions ouvertes auxquelles les enseignants n’avaient pas de réponses. Par exemple, comment fonctionne la mesure quantique. Comment l’appareil de mesure choisit-t-il la valeur mesurée ? Plus toutes ces questions à la fois scientifiques et philosophiques sur les postulats de la physique quantique.
  • Nous discutons de ce point qui m’avait pas mal fait gamberger lorsque j’avais travaillé sur la question pour l’édition 2021 de mon livre “Understanding Quantum Technologies”. Benjamin nous décrit les mouvements intellectuels pour décrire la physique quantique comme une théorie axiomatisée mathématiquement.
  • Nous évoquons ensuite le sujet de sa thèse, soutenue en 2006. Il s’agit de Interactions entre électrons, effet Josephson mésoscopique et fluctuations asymétriques du courant, dirigée par Hugues Pothier, qui dirige maintenant l’équipe Quantronics au SPEC, en remplacement de Daniel Esteve qui est parti à la retraite. Il travaillait sur les électrons libres dans de l’argent.
  • Sur la caractérisation du passage de courant dans un seul atome pour créer une jonction Josephson, dont l’effet tunnel est modifié en pareil cas. Cela a un lien avec les qubits d’Andreev qui ont deux niveaux d’énergie localisés et font aujourd’hui appel à des nanofils supraconducteurs.
  • Nous faisons un tour sur son post-doc à Stanford. Il travaillait alors sur le graphène. Il nous explique les expériences qu’il menait alors. Avec la démonstration de l’effet tunnel de Klein (qui n’est pas d’Etienne mais d’Oskar Klein). Il s’agit d’électrons relativistes sans masse. Hein, quoi ?  Ce sont des fermions relativistes sans masse qui sont simulés avec des électrons. Ce sont des quasi-particules qui prennent la forme d’électrons habillés d’un nuage de Fermi.
  • Benjamin nous fait découvrir deux physiciens renommés de Stanford : Hideo Mabuchi, un spécialiste du contrôle quantique ainsi que Amir Safavi-Naeini qui est spécialisé en optomécanique supraconductrice. Stanford vient aussi de recruter David Schuster (un ancien thésard de Robert Schoelkopf de Yale) qui vient de Chicago, et travaille aussi pour Amazon.
  • Nous poursuivons le parcours de Benjamin qui était recruté par le CNRS à la fin des années 2000 pour monter un groupe à l’ENS Paris. Pour ce faire, il a passé quelques mois à Yale dans le laboratoire de Michel Devoret qui était alors encore professeur au Collège de France (voir Decode Quantum 23).
  • Benjamin a travaillé sur le couplage entre quantum dots et cavités avec Takis Kontos. Ce sont des recherches qui ont abouti à la création de nanotubes de carbone pour piéger des spins d’électrons, menant à la création de la startup C12 Quantum Electronics par Matthieu et Pierre Desjardins, ce dernier ayant été un thésard de Takis avec une soutenance en 2016. Le monde est petit et ce n’est que le début !
  • Benjamin a aussi planché sur le contrôle des qubits supraconducteurs, sur la manière de piloter un système quantique qui est mesuré. Comment, en fonction du résultat, imposer une trajectoire quantique à l’objet mesuré en contrôlant ses oscillations de Rabi entre l’état de repos et l’état excité. Ce sont des recherches cruciales pour la correction d’erreurs. Il a d’ailleurs été un des premiers à employer un FPGA pour créer une boucle de rétroaction rapide de correction d’erreur.
  • Nous passons à la thermodynamique quantique. Benjamin est tombé dessus un peu par hasard via un groupe du Japon qui travaillait sur les démons de Maxwell classiques avec des billes dans un liquide colloïdal. Il nous explique comment il a travaillé sur la version quantique de ce démon de Maxwell, ce qui l’a naturellement amené à travailler avec Alexia Auffèves.
  • Vient ensuite un épisode important des travaux de Benjamin avec sa rencontre avec Zaki Leghtas aux Mines de Paris. Cela les a amenés à recruter deux thésards : Théau Péronnin et Raphaël Lescanne, qui sont devenus les fondateurs de la startup Alice&Bob. Le laboratoire de Benjamin à Lyon est alors devenu une sorte de Poudlard du quantique. En plus de Théau qui y a terminé sa thèse, le laboratoire a vu passer Nathanaël Cottet (qui est aussi chez Alice&Bob et a été post-doc à Yale), Quentin Ficheux (chez Alice&Bob, passé par le CNRS à Grenoble dans l’équipe de Nicolas Roch, ancien post-doc de Benjamin), Antoine Essig (bien, aussi chez Alice&Bob), Sébastien Jezouin (chez Alice&Bob), Jeremy Stevens (encore chez Alice&Bob) et puis Antoine Marquet qui est étudiant-doctorant à cheval entre son laboratoire et… Alice&Bob ! Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que Benjamin Huard est donc aussi conseiller scientifique d’Alice&bob. Il nous explique en quoi cela consiste.
  • Benjamin a aussi eu comme thésards Philippe Campagne-Ibarcq (maintenant à l’Inria dans l’équipe Quantic avec… Mazyar Mirrahimi), Danijela Marković (qui travaille sur les memristors quantiques chez Julie Grollier dans son laboratoire CNRS/Thales à Palaiseau), Emmanuel Flurin (dans l’équipe Quantronics au SPEC à Saclay, qui a inventé un photodétecteur de micro-ondes unique avec Patrice Bertet) et puis aussi Daniel Szombati (qui travaille maintenant chez Qilimanjaro en Espagne).
  • Nous passons au rôle d’Audrey Bienfait dans son équipe, qui avait fait sa thèse au CEA avec Patrice Bertet. C’est une autre jeune star montante de la physique quantique qui a obtenu récemment un ERC et un poste à temps plein, ce qui est assez rare en France. Elle travaille sur la résonance de spins électroniques dans divers matériaux et a pu gagner 5 ordres de grandeur dans leur mesure. Cela pourrait être utilisé en chimie et en imagerie. Son projet ERC vise à transformer cette technologie en outil d’imagerie.
  • Nous traitons aussi de la Quantum Energy Initiative que j’ai lancée avec Alexia Auffèves et Robert Whitney et dont Benjamin a été un soutien de la première heure. Il nous explique l’intérêt scientifique de l’initiative.
  • Enfin, nous terminons avec son rôle d’enseignant à l’ENS Lyon et aussi à Centrale Lyon. Il constate une augmentation de la demande des élèves à suivre le cursus de physique quantique de l’école. Au titre d’enseignant, Benjamin fait d’ailleurs partie du consortium Quantedu qui a été monté dans le cadre de la stratégie quantique nationale et qui coordonne les investissements publics dans l’enseignement supérieur autour des technologies quantiques et est coordonné par Franck Balestro d’UGA à Grenoble.

Et voilà !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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