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MIPTV et MIPCUBE 2013 : Contenus

Post de Olivier Ezratty du 18 avril 2013 - Tags : Actualités | 4 Comments

Dans cette troisième et dernière partie de ce compte-rendu du MIPTV et du MIPCube, et après les startups et la 4K, nous allons couvrir d’une manière assez rapide la question des contenus. Cela sera aussi la rubrique “people” de ce compte-rendu avec quelques célébrités de la TV prises en photo à cette occasion.

Le MIPTV est le salon de la vente de contenus vidéo aux diffuseurs. On y trouve des stands de producteurs et distributeurs de téléfilms, de séries TV, de mini-séries, de documentaires, des programmes pour enfants et d’autres pour adultes, et aussi de formats d’émissions. Les acheteurs y font leurs emplettes comme au super-marché : ils visionnent les bandes annonces de 1 à 3 minutes et cela leur suffit pour faire des achats d’impulsion pour remplir leurs grilles de programmes. Les stands sont plus organisés pour la vente que pour présenter les produits dont on a l’impression, comme néophyte, qu’ils sont presque secondaires. Les grands stands sont structurés avec de nombreuses tables et chaises pour mener les négociations commerciales, à l’image des fameux box des centrales d’achat des hypermarchés. Ce salon est une véritable place de marche !

Stands MIPTV (4)

Mondialisation des contenus

Comme la plupart des marchés, celui-ci est mondial. Tous les pays producteurs de contenus sont représentés au MIPTV. Il y a bien entendu les USA avec de très grands stands isolés en général des grandes allées du salon et puis les autres : les pays européens, le Canada, l’Australie, le Brésil, Israël, etc. On y trouve aussi les pays d’Asie : la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. On n’est ainsi pas très étonné de découvrir un grand panneau de l’opérateur de TV publique chinoise CCTV sur le devant du Palais des Festivals (ci-dessous) et à côté, un autre du coréen KBS. On ne va probablement pas trouver un grand nombre de contenus issus de ces sociétés dans nos chaines de télévision mais le reste du monde pourra en être friand. Leur présence est souvent le corolaire d’une forte présence politique et économique, comme en Afrique par exemple. La Chine commercialise surtout des documentaires et la Corée des séries TV et des téléfilms.

Palais des Festivals (Cannes) (5)

La symbolique est encore plus forte lorsque l’on peut voir cela dans un encart publicitaire distribué avec le MIPTV Daily News : “China welcomes you in Cannes”, un peu comme s’ils étaient chez eux.

China welcomes you in Cannes

Cette mondialisation du marché des contenus TV se poursuit à grande marche. La programmation de nos chaines en France le reflète avec une diversification un peu plus grande des sources de séries TV : avec des pays comme le Danemark (Bergen) ou avec avec Homeland (une série US dérivée d’une série israélienne, Prisonner of War, son créateur Gideon Raff intervenant au MIPTV). Canal+ nous diffuse de son côté régulièrement des films (de cinéma) coréens déjantés.

On retrouvait ce phénomène dans le concours MIPCube Content 360. L’année dernière, il était sponsorisé par les canadiens. Cette année, c’était au tour des Russes avec le groupe de télévision CTC Media et l’opérateur mobile MTS. Les compétiteurs devaient présenter des créations transmédia adaptées au marché russe. Il n’y avait pas de candidats français dans cette finale. Ils étaient indiens, danois, allemands et lituaniens. Et le gagnant était australien ! Chacun avait conçu un contenu transmédia, souvent “gamifié”, pour l’audience russe, et évidemment… en russe, jusqu’à avoir des acteurs russes dedans. Le gagnant, Alex Alexander (ci-dessous), proposait un jeu interactif simulant une cyber-attaque sur la Russie qui mélangeait réalité et jeu. Ce sont aussi des  Australiens qui ont gagné l’une des épreuves des Digital Emmy Awards remis pendant le MIPTV lors d’une soirée au Martinez.

Jury Russe

Cette mondialisation se constate aussi dans les productions de plus en plus internationales de séries TV, un moyen éprouvé pour concurrencer les séries américaines. Les tournages se font généralement en anglais. Le casting est international. Pour des raisons de coûts, les plateaux sont en Roumanie ou pays équivalents. Mais rarement en France pour les grosses coproductions où la France est impliquée.

Mini-séries TV

Les mini-séries sont des séries TV d’environ une dizaine d’épisodes avec une narration continue d’un épisode à l’autre. Il s’agit d’une appellation américaine. Ce format n’est pas bien nouveau mais il a tendance à se généraliser. Il est testé avec une première saison et décliné dans d’autres saisons si le succès est au rendez-vous. Ce format est l’apanage des diffuseurs de contenus premium comme Canal+ en France ou Netflix aux USA. Canal+ a ainsi coproduit les séries XIII, Mafiosa, Braquo et Borgias. Netflix a produit House of Cards, joué par Kevin Spacey et diffusé d’un coup avec ses 13 épisodes en 2012. L’opérateur de VOD/S-VOD a remis cela avec Hemlock Grove, présenté au MIPTV.

Selon Reed Midem, 800 des 4000 acheteurs de contenus visitant le MIPTV sur un total de 11000  visiteurs représentaient des services de VOD ou de contenus en ligne, en augmentation de 30% par rapport à 2012. Et selon ABI Research, le marché des contenus OTT ont augmenté de 60% en valeur en 2012, à $8B. Ce sont surtout les grands acteurs tels que Netflix, Hulu, Apple et Amazon qui ont généré cette croissance. Ce marché devrait atteindre $20B en 2015. Malgré une chronologie des médias défavorable qui affecte les offres de S-VOD, le marché français a tout de même cru de 56% en 2012 selon Médiamétrie, ce qui n’est pas loin de la croissance mondiale.

Cannes est en tout cas un lieu de choix pour le lancement de séries à destination des diffuseurs, quels qu’ils soient : chaines TV ou services OTT. Une demi-douzaine de nouveautés étaient ainsi présentées avec la projection de bandes annonces ou de l’épisode pilote.

  • Da Vinci’s Demons

Cette mini-série de huit épisodes produite par Adjacent Productions pour le câblo-opérateur US Starz et distribuée par la BBC raconte de manière très romancée la jeunesse de Léonard de Vinci dans une Florence violente. L’histoire démarre en 1477, une quinzaine d’années avant le début de la série Borgia et reprend les codes de Borgia avec une narration mêlant un grand nombre de personnages, des intrigues politiques, des meurtres et du sexe à tout va (hétéro et homo…). La provocation et la transgression font vendre ! Les séries Da Vinci’s Demons et Borgias pourraient converger si les cinq ou six saisons suivantes de la première sont bien tournées car Léonard de Vinci a été au service de Cesare Borgia en 1503 ! Et on y voit des Médicis, Orsini et autres Sforza.

Projeté dans le grand auditorium du Palais des Festivals là où a lieu la remise des prix du Festival de Cannes, la qualité visuelle de la production est au rendez-vous. La photo et les décors sont particulièrement bien travaillés. Cela va encore plus loin que la lumière qui était déjà très bien traitée dans Borgia. Les principaux acteurs, tous anglais, étaient ensuite sur scène avec ci-dessous Laura Haddock, Lara Pulver et Tom Riley.

Laura Haddock Lara Pulver and Tom Riley (Da Vinci Demons)

  • Hemlock Grove

Il s’agit d’une série de loups-garous de 13 épisodes dans la lignée des films Twilight. Elle est produite par Gaumont International Television, la filiale américaine du français Gaumont. Diffusée sur Netflix en S-VOD, elle donne plus de liberté aux scénaristes ! L’horreur peut y être présentée de manière plus explicite que dans les séries diffusées sur les grands networks américains.

Famke Janssen (Hemlock Grove) (4)

Ci-dessus l’actrice Famke Janssen (Goldeneye, X-Men, Taken 2) qui joue le personnage principal dans cette série. Le producteur Tim Roth (ci-dessous) indiquait que dans le cahier des charges, il fallait aussi satisfaire les téléspectateurs de plus en plus nombreux qui consomment les contenus HD dans leur home cinema. D’où une photo de qualité “cinématographique” pour la production.

Eli Roth (Hemlock Grove) (1)

  • Odyssey

Cette mini-série de 10 fois 52 minutes raconte l’histoire d’Homère. C’est une coproduction entre la France, l’Italie et le Portugal où a lieu le tournage jusqu’en juin 2013. Côté France, la série sera diffusée par Arte. Elle est coproduite par Making Prod, une société de production de 10 ans créée par un ingénieur centralien, Matthieu Vialla. Un profil plutôt rare dans ce métier ! Caterina Murino (une autre James Bond girl, vue dans Casino Royale) joue le rôle de Pénélope. Celle qui attend ! Ci-dessous, elle remet un Digital Emmy Awards au Martinez.

Caterina Murino (2)

  • The saint

On passe aux USA avec le screening du premier épisode de cette série TV plus classique qui reprend le personnage incarné dans les années 1960 par Roger Moore. La série est produite par le Canada et par… Roger Moore qui fait aussi quelques apparitions devant la caméra. Les acteurs principaux sont Adam Rayner and Eliza Dushku. Dans le premier épisode présenté à Cannes, il y a de l’action, c’est bien fait, mais ce n’est pas extraordinaire. C’est de la série policière de commodité.

C’est son marketing qui est intéressant. Les épisodes suivants doivent être tournés dans le monde entier et coller à de grands événements : le Grand Prix de Monaco, la Fashion Week à Paris, puis Londres, le Vatican, Toronto, etc. Au-delà de l’intérêt visuel et du dépaysement, c’est probablement une manière de mieux vendre la série à ces différents pays. Il n’y a rien mieux que de flatter l’égo des pays pour leur vendre du contenu ! Ce principe a été appliqué dans la série “Le Transporteur” produite par Europacorp qui se passe aussi dans divers pays européens.

  • Rogue

Encore une mini-série, cette fois-ci américaine avec Thandie Newton dans le rôle principal (ci-dessous). Elle est produite pour le bouquet satellite américain DirecTV dont c’est la première incartade pour créer des contenus exclusifs, une tendance déjà bien amorcée en France avec Canal+ et ses séries originales. Le moyen de valoriser la TV payante est en effet de proposer des contenus exclusifs ! Et pour les autres pays, de les diffuser aussi rapidement que possible comme le fait Orange avec “Games of Thrones”.

Thandie Newton (Rogue) (2)

Le salon est aussi le moment où les lancements de nouvelles productions de séries TV sont annoncés. J’ai notamment identifié dans les dizaines de séries en phase de production :

  • S.H.I.E.L.D. du nom de l’organisation qui sauve le monde, que l’on entrevoit dans les films Iron Man, Captain America et The Avengers.
  • Intelligence, une série sur une unité de cyber-espionnage du futur avec un agent qui bénéficie d’un implant lui permettant de capter tout le spectre électromagnétique.
  • Human, une téléfilm avec des policiers de LAPD aussi du futur qui font équipe avec des robots humanoïdes, une version policière de Real Human, une série récemment diffusée sur Arte.
  • IronSide, un remake de l’Homme de Fer, une série des années 70. A ne pas confondre avec Man of Steel, le prochain Superman !

Les rois du branded content

Le branded content est très à la mode et la référence du domaine est probablement Red Bull. Ce qui est moins connu dans cette société autrichienne au breuvage énergisant qui fait 5 milliards d’Euros de CA annuel est l’activité média de sa filiale Red Bull Media House. Cette dernière produit une quantité impressionnante de documentaires sur les sports extrêmes, comme si la société occupait tout l’espace disponible sur ce créneau. Ils subventionnent et couvrent ainsi 1000 opérations par an !

Red Bull Media House ne produit pas que des vidéos de trois minutes sur YouTube. Ce ne sont que des teasers pour des documentaires et des long métrages qui sont commercialisés en bonne et due forme, tel “Mount St Elias” (descente à ski), “Where the trail ends” (mountain bike), “Art of flight 3D”, “Storm surfers” ou “Bouncing cats” (breakdance). Ce sont au passage de bonnes promotions pour les caméras GoPro, intensivement utilisées pour tourner les scènes avec caméras portées par les pratiquants de sports extrêmes. Red Bull Media House édite même de la presse écrite aux USA. C’est un cas assez rare de société dont les activités de sponsoring sont devenues un centre de profit.

Le patron du business de Red Bull Media House intervenait dans une session du grand auditorium pour expliquer tout cela mais le public était là pour voir et écouter Felix Baumgartner (ci-dessous) raconter son saut à 39 km de haut en octobre 2012. Et d’évoquer les défis que cela représentait, notamment au niveau du scaphandre qui était devenu son ennemi avec le temps. A tel point qu’il dû passer plusieurs fois devant le psychologue pour surmonter la claustrophobie.

L’investissement de Red Bull dans cette opération a été conséquent, estimée à plus de $40m mais il a été rentabilisé médiatiquement au-delà de toute espérance, pulvérisant de nombreux records de buzz, de consommation vidéo YouTube avec un direct pour 8 millions d’internautes, 77 retransmissions en direct à la TV, 9 millions de tweets, entre autres. Et évidemment, une revue de presse à rendre jaloux Apple.

Felix Baumgartner (8)

Et YouTube ?

YouTube n’est évidemment pas en reste dans un salon comme le MIPTV. Il attire pas mal de producteurs de contenus qui apprécient sa distribution mondiale de un milliard de visiteurs uniques par mois.

Philippe Debevoise, le cofondateur de Machinima, intervenait à nouveau cette année. C’est l’une des sociétés de production les plus actives sur YouTube. Un cinquième des utilisateurs de YouTube consomment les vidéos produites par cette société et, signe des temps, plus du tiers des vidéos consommées le sont sur mobiles. Elle est placée juste derrière le service de musique Vevo en vidéos vues (aux USA et selon ComScore). Et la consommation est l’une des plus élevées par producteur : 92 minutes par mois et par utilisateur sur la tranche des 12-34 ans. La société est devenue un groupe média multi-thématique couvrant l’événementiel, la musique, les séries, le sport, l’animation et les jeux.

Machinima data (2)

Une table ronde permettait aussi à quelques autres producteurs de présenter leurs contenus originaux créés spécialement pour YouTube. Et notamment la société française Golden Moustache qui se focalise sur l’humour potache tout comme Sam et Nic Chapman de l’anglais Pixiwoo (ci-dessous) qui produisent des petites vidéos de conseils de maquillage. Le résumé de cette session et les vidéos associées est sur le très complet blog du MIPTV.

Sam and Nick Chapman (Pixiwoo) and Jorge Rincon (Adsmovil)

Toutes ces vidéos produites pour YouTube partagent un point commun : ces sont des formats courts de quelques minutes, plutôt dans le déjanté et l’humour décalé. On est très loin des budgets des productions pour la télévision ! Et pour cause, puisque la structure de revenu des sociétés de production de contenus pour YouTube est encore assez faible. Explications…

Prenons l’exemple de Machinima. Son audience affichée est de 1,9 milliards d’impressions par mois. Elles génèreraient un revenu publicitaire de $2 au CPM (coût pour mille impressions) ce qui nous ferait sur 12 mois un revenu pour YouTube de $45m. Machinima en récupèrerait moins des deux tiers, ce qui ferait environ $30m par an. Il en redistribue à son tour une partie à plusieurs milliers de sociétés ou personnes physiques à qui il achète les contenus qu’il ne produit pas en propre. A l’origine, il s’agissait surtout d’enregistrements de séquences de jeux. Mais Machinima a probablement d’autres sources de revenus liées à ses propres applications web et mobiles. D’autres sources évoquent un CA de $25m en 2011. Il est donc possible que Machinima ait fait entre $30m et $40m en 2012. Cette estimation de CA représente en tout cas l’équivalent du budget de production d’une mini-série telle que Borgia !!! Et ce n’est pas le revenu associé pour les diffuseurs ou le producteur car seule une part de ce revenu est ensuite redistribuée.

Au passage, Machinima a levé aux alentours de $80m en tout depuis sa création en 2000, dont un tour de $35m au printemps 2012 dans lequel Google serait majoritaire. Google serait d’ailleurs aussi en discussion pour entrer au capital de Vevo. Fin 2012, Machinima licenciait 23 de ses 200 employés. Ce qui nous donne par la même occasion le revenu par employé en 2012, situé aux alentours de $150K, ce qui n’a rien d’extraordinaire.

Autres données disponibles : le clip Gangnam Style du coréen Psy qui a battu les records avec 1,2 milliards d’impression selon Google. Il aurait généré $8m de revenus, soit un CPM de $6,25. Il est peut-être plus élevé que celui de Machinima si les publicités ne peuvent pas y être évitées contrairement au système TruView qui permet de les zapper au bout de quelques secondes et qui est optionnel sur YouTube.

Par comparaison, la grille de TF1 coûtait 935m€ en 2012, soient environ $1,2B ! Et l’activité digitale du groupe TF1 représentait 101,3 m€, soit quatre fois la taille de Machinima. Bref, ce ne sont pas les mêmes ordres de grandeur que pour un leader mondial de la vidéo sur YouTube ! La raison est simple : si YouTube est très populaire, il ne représente “que” quatre heures de consommation de vidéo par mois par utilisateur, alors que la consommation de TV est supérieure à trois heures par jour. De quoi relativiser un peu le phénomène YouTube.

La migration de valeur, s’il y en a une, ne fait donc que démarrer. Au passage, on remarquera que Google ne communique pas du tout sur le revenu généré par YouTube. Ce manque de transparence commence à être perturbant pour un service en ligne aussi dominant qui affecte l’industrie globale de la télévision et de la vidéo, même si à ce stade, son impact économique est visiblement encore marginal !

OpenState indiquait fin 2012 que les 1000 premières chaines YouTube généraient chacune $23K par mois. Ce qui donne un total de $276m pour elles et donc un peu moins du double pour Google. Cela démontre une très grande fragmentation de l’audience. YouTube est en quelque sorte un diffuseur de “long tail” des contenus.

En intégrant une loi de Pareto à la 80/20, cela donnerait un CA de Google sur YouTube d’au mieux de $1B. Ca semble bien bas. YouTube ferait sinon environ 4 milliards de vues par jour. Avec un CPM moyen de $2, cela donnerait un CA de $2,92B. On n’est pas loin d’une estimation de Wall Street qui évalue ce CA à $3,6B avant redistribution aux partenaires. Ceci est à comparer aux $50B qu’ils génèrent en tout.

Dans le cas où Google ferait $4B avec YouTube sur 2012, ce qui se trouve dans l’hypothèse la plus haute, cela donnerait un ARPU annuel correspondant de plus de $2 tandis que celui de Google Search est estimable aux alentours de $27 sur leur dernière année glissante. Un bon rapport de 1 à 12 ! Il y a peut-être une explication : la publicité sur YouTube a un défaut par rapport à celle du moteur de recherche : elle est moins bien contextualisée, un peu comme toutes les “display ads”, donc sa valeur est moindre. Et la proportion des vidéos regardées liées à des produits ne doit pas être bien élevée tandis que dans le moteur de recherche, on va plus fréquemment aller à la chasse aux produits à acheter. Cela pourrait changer si les vidéos de YouTube étaient plus souvent consommées sur des Smart TV, là où l’attention du spectateur est plus grande. D’où la progression de Google TV chez les constructeurs de TV, à surveiller comme le lait sur le feu !

En tout cas, le modèle économique de YouTube est loin de pouvoir financer la production des contenus télévisuels actuels. Ce sont encore deux mondes très différents !

Social TV

Au MIPCube, Virginia Mouseler, CEO de TheWit faisait le tour des meilleures pratiques dans la social TV et surtout, sur la génération de buzz autour des programmes de TV réalité. TheWit est une société spécialisée dans le suivi des tendances dans la social TV. Ils font un inventaire régulier des shows TV dans le monde qui fonctionnent en synergie avec les réseaux sociaux. Ce sont les “talent show” genre The Voice qui génèrent le plus d’échos. Et ce sont les pays latins qui sont les plus réactifs (Espagne, Amérique du Sud), la France étant juste derrière. Voire aussi le résumé de cette intervention par Benoit Zante sur le site PetitWeb.

TheWit Social TV markets

Le pire du pire est atteint avec l’émission anglaise de Channel 4 “What happens in Kavos” qui décrit comment les jeunes anglais passent leurs vacances dans cette ville de l’ile de Corfou. Elle raconte les beuveries et autres extrémités qui rappellent celles d’Ibiza et c’est accompagnée de relais divers dans les réseaux sociaux. Le contenu de cette émission est d’ailleurs intégralement diffusé sur YouTube (épisode 1, épisode 2, épisode 3).

Autre thématique intéressante pour tirer parti des usages sociaux, les séries TV. Wale Gbadamosi Oyekanmi de Darewin nous en fournissait un très bon exemple avec la campagne qu’il a menée pour le compte de NT1 sur la série Walking Dead, l’une des plus piratées au monde et arrivée en France deux ans après sa sortie aux USA. Pour 20K€, il a généré un buzz original en créant des centaines de comptes de zombies sur Twitter qui envoyaient des messages morbides aux fans à qui on avait préalablement indiqué de ne pas utiliser le hashtag #walkingdeadNT1. 30000 utilisateurs de Twitter et Facebook ont été ainsi attaqués virtuellement par 300 comptes zombies créés par une douzaine de prestataires travaillant en 3×8. Les utilisateurs pouvaient tuer ces comptes en leur répondant. La multiplicité des comptes permettait de passer au travers des mailles du filet anti-spam de Twitter. Community Manager Zombie, ça vous dit comme job d’été ? Résultats : +26% de fans sur Facebook et +12% sur Twitter (ce qui est finalement modeste) et surtout, un bon buzz généré dans la presse (y compris aux USA, cf exemple ci-dessous dans AdWekk). Le truc a surtout permis de sensibiliser les jeunes qui constituent l’essentiel de l’audience de ce genre de série.

Darevil Zombie Attack NT1

Wale Gbadamosi Oyekanmi rappelle ainsi qu’il faut penser à bien segmenter son approche dans les réseaux sociaux. Un conseil qui est d’ailleurs valable pour toute startup ou projet ! Mais le coup des zombies n’est pas facilement reproductible. Cela ressemble à un fusil à un seul coup ! Mais la segmentation a du bon. Jorge Rincon de la société américaine Adsmovil expliquait dans un talk sur Twitter comment la campagne d’Obama s’était appuyée sur eux pour promouvoir son candidat avec des publicités mobiles ciblées sur les hispaniques du pays. Elle tirait parti du fait que les hispaniques étaient en moyenne plus équipés en smartphones que les américains.

De manière bien plus sage, Orange, France Télévisions et la société de production Telfrance annonçaient pendant le MIPTV le lancement d’une (nouvelle) application second écran pour la série “Plus Belle la Vie” diffusée sur France 3. En complément de l’application-jeu déjà disponible, celle-ci est synchronisée par fingerprinting (en utilisant une technologie censée provenir des Orange Labs) avec l’émission en direct et permet notamment de sélectionner des extraits pour les publier dans les réseaux sociaux, ce qui n’est pas sans rappeler la fonctionnalité équivalente intégrée dans MyTF1 depuis début 2013. Elle occupe aussi le cerveau du spectateur avec des QCM et des informations sur l’intrigue en cours, même si celle-ci n’est pas aussi compliquée qu’avec du Tolkien.

Dans un autre débat, Tim Krim (à ne pas confondre avec Tariq, Tim est le scénariste et producteur de Heroes) recommandait de ne plus créer de contenus pour une audience mais avec l’audience. La technologie n’est pas la réponse à tout ! Il faut de l’engagement, du contenu nous a-t-on répété à l’envie dans ce MIPTV. Quand on fait le tour de toutes les applications sociales et transmédia qui sont inventées pour engager les téléspectateurs, on prend tout de même le tourni. L’engagement, c’est bien gentil, mais un contenu TV, c’est fait pour se distraire. Et cela reste sa qualité qui prime avant tout. Le social est une sauce moderniste permettant de mieux le vendre ou le faire consommer. C’est du buzz à base d’UGC (user generated content). Comme pour le cinéma, le digital est surtout un élément du mix marketing. Le produit que l’on consomme reste avant tout du contenu permettant de passer un bon moment.

Les intervenants de la conclusion du MIPCube faisaient remarquer avec satisfaction que le numérique consommait de plus en plus de temps des sociétés de production et des chaines TV et qu’il était maintenant bien entré dans les mœurs de l’industrie. Au point de réclamer de nouvelles disruptions, notamment pour déstabiliser les acteurs établis comme Netflix, Amazon ou Lovefilm (UK).

C’est reparti pour un tour…

Voir mes deux autres articles sur le MIPTV et le MIPCube 2013 : sur les startups et sur la 4K.

RRR

 
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