LeWeb 2013 : médias sociaux
Post de Olivier Ezratty du 16 décembre 2013 - Tags : Facebook,Internet,LeWeb,Médias sociaux | 1 Comment
Nous allons traiter des médias sociaux dans cette quatrième partie de mon compte-rendu extensif de la conférence Leweb 2013. C’était un thème récurrent un peu hors sujet par rapport à celui de la conférence (”The next 10 years”). En effet, les médias sociaux sont la réalité d’aujourd’hui et bien malin serait celui qui pourrait dire à quoi elle va ressembler dans 10 ans. Il y a tellement d’incertitudes économiques, sociales et politiques qui peuvent interférer ! Malgré tout, ce thème reste une marque de fabrique de Leweb, donc ne boudons pas la chance de profiter de la diversité des interventions dans ce domaine !
Rappel des épisodes précédents de ce long compte-rendu : vue d’ensemble, dans 10 ans puis l’homme augmenté et les objets connectés. Et les photos de la conférence sur Facebook.
Les intervenants en plénières
Commençons par Gary “Fucknershit” Vaynerchuk qui intervenait à Leweb pour la troisième fois (vidéo). C’est ce que l’on appelle dans les médias un “bon client” ! Une grande gueule qui sort des sentiers battus du langage châtié et qui assène des vérités contre-intuitives. Shit, fuck, suck shit, this is shit, stop fucking doing this, smart fucking everything… Qu’est-ce qu’on se marre en l’écoutant ! Il ose ! C’était d’ailleurs l’intervention la plus longue de la conférence (53 minutes). Loïc Le Meur sait tirer parti de la bête !
Gary “Vee” en profitait pour faire la promotion de son dernier livre “Jab, Jab, Jab, Right Hook: How to Tell Your Story in a Noisy Social World”. En gros, il y explique aux marques comment être efficaces dans leur relation clients dans l’univers ultra-encombré des réseaux sociaux. Ca parle de brand content, de contextualisation de message, de personnalisation en fonction des réseaux sociaux et des audiences.
Dans son intervention, il a passé du temps à expliquer le rôle de Snapchat, le dernier réseau social à la mode, au moins aux USA. Il raconte comment il s’était fait avoir en 1996 en rachetant Luxury.com et sa base d’emails qui ne générait rien du tout ! Il a alors compris qu’il fallait engager la relation en profondeur avec ses clients plutôt qu’en surface/largeur. Il fait la distinction entre le reach et l’attention. C’est la seconde qu’il faut obtenir pour pouvoir raconter son histoire ! Snapchat permet d’obtenir de l’attention pour les marques ! Comment fait-il pour envoyer des snaps à des milliers de personnes ? Gary indique les avoir sélectionnées une par une dans son carnet d’adresses ! Et après, cela part en mode viral.
Snapchat est une application mobile iOS/Android qui permet d’envoyer des photos ou des vidéos à ses amis sélectionnés un par un et qui sont automatiquement effacées – au pire – au bout de 30 jours et dans la plupart des cas, juste une fois reçues par vos amis. Qui sont vos amis ? L’application vous propose de les sélectionner dans vos carnets d’adresse iOS/Android. Le fonctionnement est viral comme tous les réseaux sociaux : vous allez envoyer des Snaps à vos amis ce qui va les pousser à installer Snapchat sur leur mobile. C’est une sorte de mail photo/vidéo sans stockage. Ce qui n’empêchera pas la NSA d’intercepter ce qui l’intéresse sur les tuyaux et de le sauvegarder si besoin est ! Il existe par ailleurs une palanquée d’applications permettant de sauvegarder les données de Snapchat. Une simple copie d’écran et la photo que vous ne souhaitez pas diffuser largement peut se retrouver sur Facebook ou Twitter en un clin d’œil. La vraie confidentialité ? C’est de ne rien émettre ! L’interface utilisateur n’est sinon pas extraordinaire et on s’y perd un peu conceptuellement. Mais c’est très apprécié des jeunes qui vivent dans le temps présent !
Pour lui, la valeur sur Internet est générée de trois manières : avec des utilitaires, du divertissement et des échappatoires (escapism, pour juste se détendre), les deux derniers pouvant être facilement confondus. La home page de votre mobile reflète votre personnalité ! Tout ce que l’on choisit ou publie en est le reflet ! Au passage, Gary égratigne les autres intervenants “qui donnent la même présentation de merde trois fois de suite”. Des noms !!!
Gary énonce ensuite des règles de bon sens comme “donner avant de vendre”. C’est l’analogie de la course de Marathon (jeu de patience) par rapport à un sprint (de la startup qui a levé des millions et court contre le temps). Ca résonne bien chez moi qui ait adopté depuis 2006 ce modèle du give (Rapport du CES, Guide des Startups, …) pour vendre ensuite du conseil de manière plus traditionnelle. Il faut aussi savoir raconter des histoires et ne pas utiliser les réseaux sociaux comme une simple plateforme de diffusion comme l’emailing. Il énonce une tactique bien connue : suivre les hashtags populaires et rebondir dessus. Au même titre que si on veut avoir l’attention d’un journaliste, il vaut mieux savoir s’accrocher aux thèmes du moment !
Autre grand moment : quand il montre une bouteille d’eau, disant que c’est gratuit et que le fait qu’on puisse la vendre 2€ montre que l’on peut vendre n’importe quoi ! Il n’a pas du assez voyager là où l’eau non polluée a vraiment de la valeur ! L’eau est plus ou moins une commodité selon les endroits et les circonstances !
Second speaker marquant, l’incroyable Ramon de Leon (vidéo), ancien patron du marketing de Domino’s Pizzas qui travaille maintenant dans une agence digitale à Chicago. On peut dire qu’il occupe bien l’espace ! Quelle énergie ! Cela donne dans un peu le télévangéliste. C’était un peu décousu mais tout de même intéressant.
En substance : votre contenu et vos données sont votre ADN ! Il montre comment les enfants s’approprient rapidement les nouveaux outils et l’évolution des envies des jeunes qui ne veulent plus être président (des USA) mais juste obtenir son attention ! Il parle aussi de la formation à la programmation, maintenant déployée dans 33000 écoles dans 166 pays. Et puis de la manie de tout mesurer, comme ces bébés que l’on suit en temps réel (il cite le Mimo Baby Monitor mais aurait très bien évoquer le Baby Monitor de Withings). Et puis : la TV a été remplacée par les mobiles comme premier écran pour les enfants, il faut personnaliser les contenus (mouef… comme Gang Nam Style, vu plus d’un milliard de fois… ?). Il faut créer une connexion émotionnelle dans ce monde saturé de contenus. Etc.
Je vais maintenant juste vous donner les liens des interventions des “grands” des médias sociaux. Il s’y applique une dure loi pour certains : ceux qui ne sont pas les patrons de leur boite ou indépendants sont généralement bien ternes. Ils n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre dans leur expression et on s’ennuie généralement en les écoutant.
Les startups du concours
Passons maintenant aux startups qui concourraient pour cette édition de Leweb et se situaient dans la mouvance des médias sociaux :
Pour une fois, on ne parle pas d’application mobile, mais d’une application classique pour Windows ou MacOS, développée en Adobe AIR, et qui fait tout de même 45 Mo ! L’application est gratuite à l’essai et payante ensuite. C’est du freemium. Je l’ai installée pour la tester avec mes comptes Facebook et Twitter. L’application y importe les données nous concernant mais elles résident sur votre ordinateur et ne sont pas partagée dans le cloud. L’import pour mes comptes Twitter et Facebook a duré 1h30, probablement du fait des nombreuses photos que j’ai publiées sur Facebook.
L’application vous fournit des métrics sur votre activité dans les réseaux sociaux, les personnes avec qui vous interagissez le plus, etc. C’est du big data personnel ! Le plus curieux : vous pouvez récupérer les photos que vous avez publiées sur les réseaux sociaux ! Je dirais : mais je les ai déjà ! Oui, sauf si on les a publiées directement à partir de son mobile, ce qui est une pratique plus courante que le dérushage de fichiers RAW avec Lightroom sur PC/Mac !
Le marché ? Plutôt les gros contributeurs sur les réseaux sociaux et moins les “listnerers”, ceux qui écoutent mais n’agissent pas beaucoup. Comme ces utilisateurs de Twitter qui m’émettent jamais de tweets. Cela pourrait aussi évidemment concerner les marques et leurs community managers mais pour ce faire, il faudrait que les analytics proposés soient un peu plus développés.
On atteint dans un pareil cas les limites du concept du “Minimum Viable Product”. Le produit est déjà assez sophistiqué mais pour ce qui me concerne, je l’ai déjà désinstallé car il ne m’a pas produit d’analytics que je ne connaissais déjà. Cela manque de finesse et de ouaoumpf.
Il semble que la solution s’appuie sur un jeu permettant de comparer des sonorités différentes. Mais la démo est bien trop courte et manque de substance. On ne comprend pas du tout quelle est la pédagogie proposée. Il en va de même de leur site web qui ne présente pas clairement le produit. Leur page “A propos” ci-dessus est à verser dans l’épais dossier des mauvaises pratiques ! On ne comprend pas quel est sa nature ! Ca se voyait à la tête des membres du jury pendant la présentation ! La première question était : est-ce que l’outil permet de jouer ou d’écouter de la musique. La réponse était confuse ! Je trouvais d’ailleurs bien curieux que le jury ne pose pas plus de question pour caractériser le produit. Ils faisaient peut-être semblant d’avoir compris. Leçon pour les startups : il faut rapidement caractériser sa société dans son pitch après avoir décrit le “pain point” avec un “on fait un (objet) qui fait (fonction)”. Si cela se trouve, ce truc est super. C’est l’emballage qui ne l’est pas du tout.
Au passage petit exercice en prenant Meludia comme exemple : lorsqu’ils ont pitché pendant Leweb, ils devaient avoir environ une cinquantaine de personnes dans la salle, ce qui n’est pas folichon. 180 avaient vu leur vidéo sur YouTube au moment de la rédaction de cet article. Et le Google count sur “Meludia + Leweb” donnait 4320 réponses pour un total de 8390. Donc, en gros, Leweb leur a permis de multiplier leur présence en ligne d’un facteur 2. L’effet démultiplicateur de génération de notoriété est manifeste. Après, il faut surfer dessus et continuer à trimer dans la durée pour rester visible !
Autres startups
Andy Grignon de Quake Labs – dialoguant avec Robert Scoble – présentait Eightly, un agrégateur de flux d’informations gamifié présentant les thématiques sous forme de cartes à jouer et adapté aux tablettes. C’est très joli graphiquement ! On peut y créer des requêtes d’exploration de services tels que Facebook ou Flickr. Les flux d’information sont animés. Mais je ne suis pas sûr que l’outil soit très efficace quand on scanne beaucoup de sources d’information. Le machin n’est pas prêt de remplacer pour autant mon lecteur de flux RSS ! Ce logiciel sortira en 2014.
Citons le cas de Shehzad Daredia de bop.fm (vidéo) qui intervenait en plénière. Cette startup créé en 2013 au Y-Combinator est une sorte de méta-Deezer (des débuts) qui permet d’écouter de la musique sans limitations de régions. Il permet d’agréger ses préférences dans les sites de consommation de musique (Spotify, Pandora, Last.fm, Deezer, …) et de les partager avec d’autres. Quand on n’est comme moi abonné à aucun de ces services, on peut tout de même l’utiliser, aller dans son moteur de recherche, etc. Les musiques sont récupérées sur YouTube ou Vevo si pas disponibles ailleurs. Après, reste à voir comment sont gérés les droits de diffusion avec les maisons de disques !
Voici quelques autres startups rencontrées sur Leweb et pas forcément dans les médias sociaux :
Il y avait aussi une quinzaine de startups sur le pavillon belge et notamment Tevizz qui propose une solution de monitoring des flux dans les réseaux sociaux aux chaînes de télévision. Elle intègre une approche quantitative avec force tableaux de bord et graphes et qualitative pour aller jusqu’à faire de la modération des commentaires eux-mêmes.
Itou avec les quinze startups suédoises ! Pas le temps de tout creuser… des volontaires ?
Dans le bêtisier de Leweb, j’ai aussi trouvé cette startup qui exposait : Suit Up ! Googleizez son nom pour essayer de trouver son site web pour voir ! Et quid de la valorisation de leur produit ! Un kakémono, ça coute environ 100€. Bon sang de bon soir ! Sans compter le nez dans le téléphone. Zéro pointé pour l’exposant ! A bons entendeurs…
TV connectée
Le seul endroit où l’on a parlé spécifiquement de télévision était une table ronde réunissant Bruno Patino de France Télévisions et KC Estenson de CNN. J’ai y entendu des choses déjà connues.
Chez Bruno Patino : les chaines de télévision doivent s’adapter à un monde horizontal et plus vertical. C’est l’âge du contexte, du multi-écrans, du partage, de la personnalisation. Il a évoqué un point que je pousse depuis deux ans aux chaînes en France : vous devez avoir des APIs sur vos contenus et usages. Chiffre intéressant : l’audience “digitale” (hors broadcast TV) est de 5% à 15% de l’audience TV traditionnelle selon les programmes. C’est plutôt facile de supporter les différents écrans. Ca l’est moins de persuader les auteurs d’en tenir compte dans la conception des programmes. France Télévisions l’a particulièrement bien expérimenté avec les émissions politiques comme Mots Croisés.
Du côté de CNN, KC Estenson rappelle que CNN est sur Internet depuis 1996. Je me rappelle d’ailleurs l’avoir testé en très haut débit à Montréal (dans une conférence interne organisée par Microsoft). C’était à l’époque bluffant de rapidité ! Aujourd’hui, CNN supporte 20 plateformes différentes dans 9 éditions et 6 langages. Et doit s’adapter aux modes de consommation différents selon la période de la journée : le mobile un peu tout le temps dans la journée et notamment dans les transports, le PC au bureau et notamment en milieu de journée, la tablette le soir, etc. Le web est en fait le bon endroit pour diffuser les nouvelles fraiches. Les autres supports dont la TV prennent le relai dans le reste de la journée. Surtout pour un événement qui est encore en cours. KC Estenson rappelait aussi une évidence : l’expérience utilisateur est encore mauvaise sur les seconds écrans comme sur les set-top-boxes (sous-entendu : du câble et aux USA).
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J’ai zappé les conférences en Plénière II animées par Cédric Giorgi, qui étaient plus focalisées sur la communication des marques. Un peu dans la lignée de ce que l’on peut entendre et voir dans des événements tels que le Hub Forum ou l’EBG.
Voilà pour les médias sociaux @ #Leweb 2013 !
Le prochain article traitera d’un sujet transversal : la croissance des startups, avec les nombreux témoignages de consultants, entrepreneurs et investisseurs sur cette question épineuse qui conditionne pas mal les innovations qui nous utiliseront dans les années à venir !
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