CEATEC 2013 : composants
Post de Olivier Ezratty du 8 octobre 2013 - Tags : Composants,Innovation,Loisirs numériques,Mobilité,Technologie,TV et vidéo | No Comments
Dans cette troisième partie de mon compte-rendu de ma troisième visite au CEATEC, nous allons couvrir l’actualité des composants. La première partie était consacrée au salon en général, au marketing des exposants et à la mobilité et la seconde partie à la 4K, à la TV connectée et aux interfaces utilisateurs.
Les composants sont l’une des particularités intéressantes de ce salon. Pan stratégique de l’industrie japonaise, il est complété par celui des machines-outils et du matériel de laboratoire. La moitié des composants des smartphones et tablettes sont d’origine japonaise ! Et pourtant, malgré le fait que le Japon ne soit pas présent dans les SoC (system on chip) qui concentrent une bonne partie de la valeur des mobiles.
Cette industrie est toujours à l’image de la culture japonaise avec le sens du détail et la recherche permanente de perfection. Le tout pour servir la soif du marché de disposer de smartphones, tablettes et autres devices toujours plus fins, plus légers et aussi dotés d’une plus longue autonomie. Ils sont aussi très forts dans les capteurs qui vont les alimenter l’abondante offre de produits pour le fitness et la santé. Certaines marques que vous connaissez sous l’angle des produits grand public sont issues de ce secteur et même des matériaux de base. Ainsi, Sharp a démarré au début du 20ième siècle dans la métallurgie. Les origines de Toshiba sont la lampe à incandescence et celles de Hitachi, le moteur électrique. TDK a démarré avec la fabrication de ferrite (aimants) dans les années 1930. Et Kyocera est à l’origine et encore maintenant un spécialiste des céramiques spécialisées ! C’est d’ailleurs un plaisir que de visiter le stands de composants car le bullshit marketing y est bien moindre que pour les produits finis et les technico-commerciaux savent de quoi ils parlent !
Malgré tout, l’industrie japonaise des composants est sous pression. Elle n’a pas réussi à prendre une position solide dans le nouveau marché des MEMS, ces composants micro-mécaniques qui sont de plus en plus courants dans les mobiles : micros, accéléromètres, gyroscopes, etc. On les trouve aussi dans de nombreuses applications du domaine de la santé et de l’automobile. C’est l’un des rares marchés des composants qui génèrent encore une croissance à deux chiffres. Cf ci-dessous quelques charts issus d’exemples de rapports de Yole Développement, une société basée à Lyon spécialisée dans les études de marché sur les composants.
On va ainsi passer d’une demi-douzaine à une douzaine de composants MEMS dans les smartphones. Ils vont de plus en plus intégrer des capteurs de pression, de luminosité, d’humidité, de gaz, d’infrarouge sans compter la multiplication des micros. Les accéléromètres et gyroscopes sont de plus en plus intégrés dans un seul composant avec le micro-contrôleur qui va avec.
La moitié du marché des MEMS est pour l’instant dominée par les micros, accéléromètres (mesure l’accélération), gyroscopes (mesurent la rotation) et compas (mesurent l’orientation pour trouver… le Nord).
Les cinq premiers acteurs de ce marché sont occidentaux et le premier est … le franco-italien STMicroelectronics, notamment grâce à son contrat avec Apple. Il est numéro un dans les composants finis tout comme dans la fabrication de composants MEMS pour des tiers. Ainsi, la bonne performance de STMicroelectronics a-t-elle érodé celle de l’un des leaders japonais : Murata. Les japonais sont aussi sérieusement concurrencés par les chinois, notamment dans l’industrie florissante des LED.
Ecrans MEMS
Commençons par Sharp qui présentait une tablette de 7 pouces utilisant son premier écran de 1280 par 800 pixels en technologie MEMS. Cette technologie a été développée en partenariat avec Pixtronix, une filiale de Qualcomm mais n’a rien à voir avec la technologie Mirasol de ce dernier qui est destinée aux liseuses électroniques et fonctionne sans rétroéclairage. L’écran Mirasol est notamment intégré dans une liseuse Camelus-R2 de Tsuzuki tournant sous Android et destinée au marché japonais.
Le principe de ce “PerfectLight Display” consiste à combiner un rétroéclairage à LED rouges, vertes et bleues, qui traverse ensuite une matrice de nano-obturateurs (un par pixel d’image) qui laissent passer ou pas la lumière en s’ouvrant partiellement ou totalement et se fermant à très haute fréquence. L’avantage par rapport au LCD est de laisser passer plus de lumière et donc d’économiser encore plus d’énergie. Dans un écran LCD, le rétroéclairage en lumière blanche doit passer par au moins trois filtres : un polarisant, le LCD proprement dit et un filtre de couleurs. Cela absorbe les deux tiers de la lumière du rétroéclairage. Ici, toute la lumière est transmise (pour un pixel à 100% de luminosité). La technologie a deux autres bénéfices marginaux : l’image est parfaitement visible de côté et l’écran peut fonctionner à très basse température, ce qui n’est pas le cas des LCD. Le système a l’air très intéressant mais il faudra voir ce qu’il donne à l’usage et si les micro-obturateurs tiennent bien dans la durée. Se pose aussi la question de l’éclairage LED de couleur. S’agit-il de LED de couleur ou de LED blanches avec un filtre ? Le spectre lumineux généré n’est pas le même selon les cas tout comme l’efficacité énergétique. Dans le premier cas, l’efficacité est bonne mais le spectre émis étroit. Dans le second cas, le spectre peut être plus large mais l’efficacité énergétique moindre. Il semblerait aussi que l’industrialisation de la fabrication de ces écrans ne soit pas encore au point.
Comme l’écran est le principal consommateur d’énergie avec le processeur des appareils mobiles, l’impact sur l’autonomie de cette technologie pourrait être significatif. On pourrait espérer une bonne heure d’autonomie supplémentaire sur une tablette à base Intel. Ce développement fait suite à un investissement de Qualcomm de $120m dans Sharp début 2013 pour 5% du capital. Sharp est en effet mal en point et plutôt sous perfusion, malgré son excellente technologie d’écrans LCD IGZO qui elle aussi est très efficace côté qualité d’image comme consommation d’énergie.
Sharp démontrait aussi des écrans TV avec un faible bezel (cadre) mais réalisés avec un artifice qui ne leur rend pas honneur : une optique qui déforme le bord de l’écran et rend l’image plus grande que réellement. Cela épaissit l’écran d’environ un cm. Chez LG et Samsung, ils ne sont pas obligés d’utiliser ce genre de subterfuge et savent fabriquer des dalles à faible bezel intégrées dans des coques très fines sur les côtés.
Réduire l’épaisseur de nos smartphones et tablettes
Dans les autres composants, les dixièmes de millimètres se gagnent un par un pour continuer à rendre nos tablettes et smartphones encore plus fins ! Au menu cette année :
Chez Kyocera, on a gagné 0,025mm d’épaisseur sur le substrat de base sur lequel est placé le capteur photo.
Sur le stand de TDK, on pouvait observer un petit système BlueTooth de 22 x 27 mm sur 2 mm d’épaisseur exploitant la technologie SESUB. Insérable dans son porte-monnaie, on peut le retrouver avec son smartphone ou d’être averti en cas de vol par un pickpocket.
Combien gagne-t-on en épaisseur en intégrant tous ces composants ? Impossible à dire. En tout cas, vous pouvez observer cette miniaturisation d’une année sur l’autre chez les principaux fabricants de smartphones et tablettes. Ce n’est pas le résultat du génie d’innovation d’Apple ou de copie de Samsung, mais de ce travail de bonzaï des fabricants de composants dont un grand nombre de japonais !
Autres composants
Kyocera continuait à démontrer sa technologie de haut-parleur piézoélectriques les plus fins du marché (1 mm) “Smart Sonic Sound”, maintenant installée dans les nouvelles TV 55 pouces OLED incurvées de LG Electronics sous l’appellation “Clear Speaker” et dans une dizaine de smartphones du marché. Le son n’a rien d’extraordinaire et doit être complété par un caisson de basse pour mieux couvrir le spectre sonore audible. Ces HP permettent aussi de mieux entendre le son en collant le smartphone sur l’oreille, par transmission des vibrations.
TDK présentait sa technologie d’enregistrement sur disque dur à base de thermomagnétisme, qui permettra de poursuivre la course à la densité. Elle s’appelle HAMR pour Heat-Assisted Magnetic Recording : un laser chauffe la surface du disque pour permettre un enregistrement magnétique de plus grande densité, la chaleur permet au disque de bien conserver la polarité du magnétisme. Ils prévoient de mettre 40 To dans un disque dur 3,5 pouces d’ici 2020. Ils démontraient un prototype de disque dur 2,5 pouces de Seagate utilisant cette technologie et tournant au passage à 10000 tours/minute. Ce type de disque est censé sortir en 2016. Grâce à cette technologie, la densité des disques durs va passer de 1 à 5 Tbits par pouce carré.
Hosiden présentait ses modules de liaisons optiques 4×3 Gbits/s qui servent à la transmission de signaux 4K issus de caméras broadcast. Ils ne sont évidemment pas les seuls sur ce marché.
La Petra (Photonics Electronics Technology Research Association) présentait sur le stand de NEDO (sorte d’ANR japonaise) une maquette de composants hybrides de photonique intégrant du silicium et des composants de photonique III-V (que j’ai décrit dans cet article sur Alcatel-Lucent). Ca sert à quoi ? A poursuivre l’intégration des composants permettant de gérer du très haut débit permis par les transmissions par fibres optiques ou intégrant des lasers et autres LED. Les japonais sont en effet avec les américains et les français (chez Alcatel-Lucent, Thalès et le CEA-LETI), les plus avancés dans ce domaine. Le monde étant petit, j’ai d’ailleurs croisé sur le salon deux personnes du CEA-LETI qui organisaient une conférence sur les nanotechnologies rassemblant le CEA et des industriels japonais !
NEC démontrait le HS100-10 Contactless Hybrid Finger Scanner, un lecteur d’empreintes digitale qui lit à la fois l’empreinte classique et détecte aussi les veines du doigt pour plus de précision. Pas sûr que cela soit unique pour autant. Ce système est utilisé dans la solution de paiement dénommée Bio Money. L’empreinte digitale hybride remplace la carte à puce ! La détection des veines est un bon moyen d’éviter de ce se faire couper les doigts par des voleurs pour utiliser vos empreintes digitales ! Mais cela ne sert pas qu’à ça heureusement.
Le Glide Cloud de Alps Electric est un capteur tactile pour surface non plane, intégrable notamment dans les smart watches qui épousent la forme du bras. Ces capteurs sont aussi utilisés dans des tableaux de bord de véhicules.
C’en est terminé pour ce petit tour des composants vus au CEATEC 2013. Dans le prochain épisode, nous couvrirons la santé, l’habitat, les transports et l’énergie.
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