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Le speed-dating de jeunes entrepreneurs au Mash-Up

Post de Olivier Ezratty du 20 juillet 2011 - Tags : Enseignement supérieur,Entrepreneuriat,France,Internet,Startups | 4 Comments

Mardi 19 juillet 2011, je suis allé faire un petit tour à la troisième édition du Mash-Up. Clément Vouillon de TechCrunch France avait bien couvert le lancement de cette opération après la première édition.

Il s’agit d’une initiative intéressante qui comble un manque dans la palanquée de conférences et événements sur l’entrepreneuriat : faire se rapprocher les étudiants qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat, ont un projet ou pas, et l’écosystème des startups, à savoir les startups elles-mêmes lorsqu’elles recrutent et les différents prestataires de services de ce milieu. Les Startup Weekends semblent se rapprocher le plus de ce concept.

Logo Mash-Up

Les événements Mash-Up ont lieu tous les deux mois et associent trois composantes : l’intervention de personnalités du secteur comme Gilles Babinet (entre autres activités, président du Conseil National du Numérique) ou Jean-David Chamboredon (ISAI), des pitches d’entrepreneurs et évidemment, le plus important, le networking entre les participants.

Les pitches durent deux minutes et sans slides ni démo, un format intéressant qui fait appel à l’art oratoire plus qu’aucun autre. Sachant que les projets sont sélectionnés par les Internautes qui votent sur la page Facebook de l’événement. Un système potentiellement biaisé – chaque entrepreneur pouvant solliciter ses amis pour voter – mais qui gagne en pertinence avec la croissance du nombre de votants. Et il se trouve qu’il double à chaque édition, ayant atteint plusieurs milliers pour cette dernière édition. Période creuse de l’été oblige, il n’y avait pas de pitches dans cette édition du Mash-Up.

Pour aider le networking, l’organisation fournit une liste des projets représentés sur place. Il y en avait plus d’une cinquantaine cette fois-ci. Les thématiques rappellent un peu celles que j’ai pu croiser dans les Startup Weekends. C’est d’un intérêt variable avec plein de projets relevant des réseaux sociaux liés à des scénarios quelque peu étriqués (partager les avis sur un événement, sur des photos, connecter les gens qui ont un même besoin, etc), des projets d’accompagnement de startups (est-ce que cela a un sens lorsqu’ils sont lancés par des débutants ?) et d’autres qui ne relèvent pas vraiment de la sphère marchande (comme la mutualisation des avis pour faire évoluer l’enseignement dans les écoles d’ingénieurs). Avec le recul, on peut être un peu dépité par la liste et dans l’embarras pour donner du feedback à de jeunes entrepreneurs plein d’entrain. Mais heureusement, il y avait quelques projets qui peuvent devenir sérieux dans le tas !

Pour cette troisième édition d’été, Denis Brulé de Moodstock faisait un témoignage de la notion de “pivot”. Je l’ai malheureusement raté mais je le connais bien pour l’avoir rencontré notamment lorsqu’il se lançait dans l’entrepreneuriat en 2007. Au départ, son projet consistait à créer des outils de représentation d’informations structurées en 2D. Il a plusieurs fois “pivoté” et aujourd’hui, sa société est focalisée sur la reconnaissance d’images [post-scriptum : la société a été cédée à Google en 2017]. Il propose un service en SaaS de reconnaissance d’image exploitable par des tiers. Ce service est notamment utilisé par une autre startup, Captur.io, de Damien Detcherry, qui permet de prendre en photo une carte de visite ou un objet personnel et de récupérer la vcard pour alimenter son carnet d’adresses. Le point commun de ces deux boites ? Denis est ingénieur de Centrale Lyon et est passé par l’incubateur de Centrale Paris à Chatenay Malabry, et Damien est issu de Centrale Paris. C’est l’un des organisateurs du voyage d’étude Frenchsiliconnnection dans la Silicon Valley auquel j’avais participé en avril 2011.

Donc, deux ingénieurs entrepreneurs. Mais dans les deux cas, ils ne sont pas (encore) associés à des profils plus orientés business, typiquement issus d’écoles de commerce. Or on trouve beaucoup d’entrepreneurs en herbe dans ces écoles. Le problème est de les faire se rencontrer, s’apprécier, et partager des idées. La même question se pose avec d’autres profils très utiles aux startups comme les designers.

L’histoire récente a montré que les communications numériques et les réseaux sociaux étaient loin de constituer la panacée pour provoquer ces rapprochements. Il faut voir les personnes en chair et en os pour créer la fusion… entrepreneuriale. Et la géographie de nos grandes écoles n’y est pas bien favorable. Combien d’écoles d’ingénieurs sont à côté d’écoles de commerce en France ? Il y a bien Centrale Lyon qui est à deux pas de l’EM Lyon à Ecully mais il s’y produit un phénomène culturel de rejet mutuel relativement classique : les élèves ingénieurs considèrent que ceux (et celles) des “biz school” donnent dans le superficiel (pour utiliser un langage soutenu…) et dans l’autre sens, les élèves des écoles de commerce trouvent difficile de communiquer avec les élèves ingénieurs. Nous avons aussi Télécom Sud Paris et Télécom Ecole de Management à Evry, un cas ultra-rare de campus commun à un cursus d’ingénieurs et à celui d’une école de commerce. Sorti de là, les écoles s’apparient mais à distance comme l’ESSEC (Cergy) et Centrale Paris (Châtenay, à 45 km) ou Polytechnique et HEC (9 km de distance et pas de transports en commun entre les deux).

Côté design, n’en parlons pas, les distances sont encore plus grandes ! Un grand nombre de ces écoles à Paris sont bien éloignées des écoles d’ingénieurs avec lesquelles elles pourraient s’associer. Il y a aussi le Strate College à Sèvres, qui est tout aussi isolé. Et on n’en voit pas la couleur dans le méga-campus de Saclay en cours de restructuration. Pour nous consoler au Mash-Up, nous avons rencontré un artiste original, Dody French (sa page Facebook), qui se positionne comme “tropicalisateur”. Avec comme exemple d’œuvre, ce réflex Canon skinné de manière assez originale (ci-dessous). Ce n’est pas forcément de ce type de design dont une startup Internet a le plus besoin, mais il faut toujours brasser les originalités artistiques pour se sourcer !

Dody French (2)

Pour décloisonner les populations étudiantes, l’équipe de Mash-Up applique donc une recette simple : organiser ses événements à tour de rôle dans une école de commerce et une école d’ingénieur. Ils ont commencé par HEC et pour cause puisque les fondateurs en sont issus. Plus précisément il s’agit de Margaux Pelen et de trois compères ayant suivi un Master HEC / Télécom Paristech. Ces derniers sont issus d’écoles d’ingénieurs : Benjamin Retourné, Adrien Pavillet (tous deux de l’Ecole Centrale d’Electronique) et Sébastien Zerah (ESIEE) tandis que Margaux a suivi tout le cursus HEC. Déjà un bon mix !

Equipe Mash-Up

La seconde édition a eu lieu logiquement chez Télécom Paristech et la troisième avait lieu sur le terrain neutre de La Cantine. La prochaine édition d’octobre 2011 aura lieu à l’EPITECH. La première édition avait rassemblé plus de 200 personnes, ce qui montre la persistance de la soif d’entreprendre chez les jeunes. L’opération est très “lean”. La participation aux événements est gratuite, ils sont financés par des sponsors mais le budget est tout rikiki, de quelques milliers d’Euros par an.

Reste à assurer la pérennité de cette initiative intéressante. A l’instar de ce qui se passe dans les grandes écoles avec leur activité associative foisonnante, l’équipe fondatrice envisage de passer la main à d’autres étudiants, certains ayant déjà été identifiés.

Rendez-vous donc à cette quatrième édition pour voir comment cela évolue !

RRR

 
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