Back from China – Shanghai Expo
Post de Olivier Ezratty du 12 juillet 2010 - Tags : Actualités,Chine,Communication,Environnement,France,Innovation,Technologie | 12 Comments
Cette exposition était sous le signe de “Better city, better life”, ou comment mieux vivre dans la cité. Si une partie des pavillons portait bien sur ce thème, le reste était un ensemble de cartes postales de leur pays respectif. Le “better city, better life” est décliné dans les transports, les communications, et aussi dans le respect de l’environnement. On a l’impression qu’il s’agit d’un voeu pieux tant les mégalopoles chinoises concentrent ce qu’il y a de moins écolo sur la planète. Mais il faut remettre ce thème dans le contexte chinois : les villes sont l’eldorado des campagnes, encore plus que partout ailleurs dans le monde. Les paysans y viennent, de manière contingentée, pour trouver du travail et en envoyer le fruit à leur famille. Les télécommunications permettent de rester en contact avec la famille. Mais le travail reste dur et les chinois aspirent toujours à une vie meilleure.
Des dimensions… chinoises !
L’exposition universelle de Shanghai est tout bonnement gigantesque. Située des deux côtés du fleuve Huangpu, elle s’étale sur 5,3 km2 soit à peu près l’équivalent de quatre fois le parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. Même si sur place, on a plutôt l’impression que l’ordre de grandeur est supérieur, de 1 à 10.
L’Expo attire 500000 visiteurs par jour, dont moins de 5% d’étrangers. Donc, beaucoup de chinois et qui proviennent de toutes les provinces du pays. Ils sont envoyés par cars entiers, notamment des écoles et camps de vacances. C’est pour les chinois un bon moyen de voyager dans sa tête avant de voyager réellement. Ouverte début mai 2010, l’exposition a déjà attiré plus de 20 millions de visiteurs. Les organisateurs prévoient de dépasser les 70 millions de visiteurs prévus. Notons au passage que l’exposition universelle de Paris de 1900 en avait attiré 60 millions, une performance compte tenu des moyens de transport de l’époque.
Les pavillons les plus fréquentés comme celui de la Chine, de l’Allemagne ou de la France attirent 50000 visiteurs par jour, soit environ un par seconde. Le pavillon d’Arabie Saoudite en reçoit quant à lui 20000 par jour, handicapé par un circuit passant par un tapis roulant très lent. La conséquence principale, ce sont des queues interminables. Elles peuvent atteindre 7 heures pour les pavillons des grands pays et l’on découvre une qualité du peuple chinois : la patience (ci-dessous, un tout petit bout de la queue menant au pavillon d’Arabie Saoudite).
Les européens que nous sommes ont été vaccinés chez Eurodisney et ne souhaitent pas être logés à la même enseigne. Ils ont au choix la possibilité de visiter les pavillons des petits pays où la queue est inexistante (comme en Corée du Nord…) ou assez courte (15 minutes à une heure), d’obtenir un badge VIP par divers moyens, ou de s’enregistrer plusieurs semaines à l’avance comme journaliste. Rien ne semble prévu pour les bloggeurs, une forme de média pas encore traitée de manière institutionnelle en Chine. Sachant pour couronner le tout que certains pays exigent une inscription plusieurs jours à l’avance pour profiter d’un coupe file VIP. Ainsi, si les badges VIP dont notre groupe disposait (et je ne trahirai pas la source pour éviter l’émeute…) permettaient de visiter sans encombre des pavillons comme celui de l’talie, du Mexique, de la Pologne, de la Corée du Sud ou d’Iran, il fallait parlementer pour entrer en VIP dans celui de Chine, d’Arabie Saoudite ou du Brésil, et l’on se faisait jeter chez les Espagnols, les Allemand, les Japonais et aussi au Luxembourg, insensibles à toutes sortes d’arguments.
Logistique et transports
L’espace de l’Expo est immense ! On y arrive via une demi-douzaine de portes en taxi ou en transports en commun (métro, bus). L’entrée dans l’Expo est tout un roman. C’est à chaque porte l’équivalent d’un grand aéroport avec contrôles de sécurité, scanner aux rayons X des sacs, interdiction d’y apporter une bouteille de liquide (mais vide, c’est OK). Puis des portiques électroniques à écran couleur pour passer son ticket. La queue menant à tout ça est gigantesque aux heures de pointe. Elle remplit des zones comme ci-dessous, vide au milieu de la journée.
On trouve même des chiens détecteurs de bombes, identifiés volontairement de manière bien visible. Sachant qu’en plus, un officiel équipé d’une caméra vidéo filme toutes les personnes entrant dans l’exposition à chaque entrée, pour une exploitation visiblement à postériori en cas d’événement majeur.
Au sein de l’Expo, on peut se déplacer à pieds, mais aussi par navettes de bus électriques. Ils sont étonnamment très silencieux, contrairement à ce que l’on trouve en ville qui fonctionne toujours avec de bons vieux produits pétroliers, pousse-pousse compris. Sinon, un métro, des bus et des navettes fluviales permettent de traverser la rivière qui sépare les deux zones de l’Expo.
Il y a bien sûr de quoi boire et manger et on remarque en particulier les nombreux KFC, visiblement partenaires de l’événement. Mais aussi une gigantesque soucoupe volante au sol qui abrite de nombreux bars et restaurants en plus d’un grand complexe de salles de cinéma.
Notons que les chinois disposaient d’un “passeport” pour la visite de l’Expo. Il était destiné à être tamponné sur chacun des stands pour marquer leur visite. Un objet tout symbolique à rapporter chez soi pour le montrer à sa famille. D’où les queues sur les stands, même dans les petits pays.
Petit détail : la météo. Il faisait chaud et humide pendant notre séjour à Shanghai. Et la plupart du temps, le ciel était brumeux ou blanc laiteux. Sans compter les averses, heureusement sporadiques. Résultat : pas de soleil, sauf quelques heures l’avant dernier jour des quatre où nous sommes restés. Et cela se voit sur les photos ! Le coucher de soleil ci-dessous est donc plutôt exceptionnel à Shanghai, surtout en temps de mousson.
Architecture
Dans l’ensemble, les pays ont fait plus d’efforts dans l’architecture de leur pavillon que dans la muséographie. C’est la norme dans ce genre d’événement destiné à un “très grand public”.
L’architecture des pavillons donne donc lieu à plein d’excentricités. On a ainsi doit à du cubisme chez les Italiens et la Corée du Sud (ci-dessous, vu de l’intérieur, avec des dimensions à couper le souffle), à une pyramide inversée chez les chinois, à un patchwork de petites maisons chez les Hollandais, à un hérisson géant chez les anglais, à une couverture végétale chez les espagnols ou les vietnamiens (mais aussi pour l’Alsace), à des pavillons couleur rouille (Luxembourg, Australie) ou à un vaisseau tout droit sorti de Starship Troopers chez les Allemands.
L’architecture relève sinon le plus souvent de l’addition d’une “peau” à un bâtiment parallélépipédique bien traditionnel. Notamment pour ceux des pavillons qui ont été construits autour de friches industrielles dont on peut encore voir les traces au niveau des fondations.
Un effort est fait dans certains cas pour rendre les pavillons éco-responsables, voire avec un bilan énergétique positif. Le pavillon de l’Alsace, ci-dessous est ainsi équipé d’une façade dont la moitié est végétale, et l’autre, avec un circuit d’eau qui refroidit le bâtiment en s’évaporant, les pompes étant semble-t-il activées par énergie solaire (mais je n’ai pas vu les panneaux solaires…). Et le système sert aussi au chauffage pour l’hiver. Ce bâtiment devrait être reconverti en bureaux après l’Expo.
Les pays les plus pauvres se contentent d’un modeste stand dans un grand hangar dédié à leur continent : l’Afrique du Sud, l’Amérique du Sud et les Caraïbes. Certains étaient même fermés “pour maintenance”, probablement par manque de personnel.
L’architecture qui m’a en fait le plus surpris est celle d’un pont (ci-dessous). Traversant le fleuve qui relie les deux parties de l’exposition, c’est un géant dont les têtes de pont dont de véritables immeubles d’affaire avec ascenseur.
Muséographie
De son côté, la muséographie est un mélange de techniques et d’art permettant de présenter les choses dans une exposition ou un musée.
Malgré la profusion d’outils numériques divers, la muséographie d’aujourd’hui repose sur les mêmes recettes maintenant quelque peu éculées : images projetées – certes sur des surfaces maintenant non planes – écrans LCD, objets présentés et mis en scène. On trouve maintenant quelques écrans multi-touch mais cela n’a rien de très surprenant. Ce sont toujours la vue et l’ouie qui sont sollicitées, mais assez peu l’interactivité et l’apprentissage.
Les grands shows reposent sur des projections multi-écrans et un son multicanal. En gros, on a droit au mieux à une attraction du Futuroscope, et au pire, à une petite exposition statique avec posters plus ou moins bien éclairés et objets de pacotille. La différence se situe plus dans la dimension des pavillons et de leurs couloirs que dans l’intérêt ou la réelle mise en valeur de leurs contenus. C’est très décevant de ce point de vue là mais les visiteurs chinois ont l’air d’apprécier.
Et au fait, qui trouve-t-on dans ces pavillons ? Le plus souvent, ce sont des chinois. Ils gèrent le filtrage, l’accueil, et même les boutiques souvenir à la sortie des pavillons. Il y a un ou plusieurs responsables de stands issus de leur pays. Les petits pays sont animés par leurs citoyens. Une exception notable : l’Allemagne avait parait-il plus d’une centaine de jeunes allemands parlant le chinois sur son stand. A l’image de son rang d’exportateur à destination de la Chine !
Quelques pavillons
Je n’ai vu qu’une trentaine de pavillons donc mes impressions ne remplaceront évidemment pas celles d’un visiteur ayant passé une ou deux semaines et ayant parcouru l’ensemble de l’exposition et ses centaines de pavillons.
J’ai passé plus de temps dans les pavillons des pays, grands comme petits, que dans les pavillons thématiques, à part celui de Cisco qui présentait une vidéo sur la vie dans le futur grâce aux technologies de télécommunication, et scénarisée pour Shanghai. Ces pavillons thématiques sont parait-il plus intéressants que ceux des pays mais je ne l’ai appris que trop tard ! Dans l’un d’entre eux, mais je ne sais pas lequel, on présente une autre vidéo de la “ville du futur”, avec des véhicules de transport individuels ressemblant à des Segway carrossés, qui naviguent automatiquement dans Shanghai et arrivent en bas des immeubles et les grimpent sur le mur – comme un laveur de carreaux – pour aboutir directement dans les appartements. On est en pleine science fiction, mélangeant allègrement des visions prospectives vues dans le Cinquième Elément, Minority Report, Blade Runner et autres Star Wars (pour Corruscant). A ceci près que l’on ne nous montre pas de moyens de transport volant ! Et heureusement, en général, qu’il ne s’agit que de visions et pas de réalité !
Il est intéressant de comparer la posture des pays : certains sont très tournés vers leur passé (l’Egypte ou le Mexique par exemple), d’autres sont résolument orientés vers le futur (la Corée du Sud). Entre les deux, on trouve un mélange de design, d’art et de technologie, le meilleur équilibre ayant été trouvé chez les italiens. Certains pays ont carrément transformé leur pavillon en boutique “de goodies”.
Alors, passons en revue quelques pays :
On pouvait y voir divers chefs d’œuvres empruntés au Musée d’Orsay (Millet, Monet, Van Gogh, Gauguin, Cézanne, Bonnard, Rodin). Des images de Paris et de la France étaient projetées sur les murs, sur lesquels les chinois appréciaient de se faire photographier.
Côté technologique, en plus d’une Citroën C6 (il me semble), il y avait des zones dédiées à Michelin, à Lafarge et ses ciments innovants (quelle idée pour la sensualité !) et aussi les robots Nao de Aldebaran Robotics. Ils étaient les plus sensuels de tout ce fatras, bougeant lentement et en phase les uns avec les autres.
La France était aussi représentée dans l’autre zone de l’exposition avec un stand pour l’Ile de France et un pavillon pour les Régions Alsace et Rhône Alpes. Pour l’Ile de France, c’était moyen. En guise de futur, des maquettes de la Tour Eiffel, de la Tour Triangle qui devrait être construite à la Porte de Versailles un de ces quatre, et du RER Transilien. “Better city, better life” ? Les franciliens apprécieront !
Le pavillon Rhône Alpes était bien tristounet, présentant à l’intérieur un “making of” bien terne de sa propre construction. C’était compensé par la présence du restaurant école Paul Bocuse. Mais dans ces pavillons régionaux, zéro queue pour y entrer !
Enfin, l’Alsace, déjà citée était un peu plus sympa, d’autant plus qu’ils ont accueilli notre groupe pour le déjeuner. On y trouve de vrais français(es), charmantes au demeurant, un peu de technologie (images en 3D) et de la tradition (des produits du terroir : flammekueche, poterie, etc). Reste à s’interroger sur le “mind share” que peut générer un tel pavillon isolé dans l’exposition. La France, reine de la gabegie ? Pas vraiment car de nombreux autres pays européens ou autres avaient aussi des pavillons sur leurs villes ou leur région en dehors de leur pavillon national.
A noter le travail “de fou” des français qui sont sur place. Aux débuts de l’exposition, ils bossaient 12 heures par jour non stop. Puis la relève est arrivée et ils ont pu un peu souffler.
Il manque à ce petit tour la Chine et la Corée que j’ai déjà évoqué au début de l’article. Les USA ? Un pavillon que je n’ai pas vu, à part l’extérieur qui est tout ce qu’il y a de plus commun. Le Japon, pas vu car le pass VIP n’y était pas accepté sans rendez-vous. L’Espagne, ratée. Idem pour la Russie. Mais la muséographie de ces différents stands n’avait parait-il rien d’extraordinaire.
Vous pouvez essayer de profiter du site de
Vous trouverez l’intégralité de mes photos de la Shanghai Expo sur cet album Picasa. Je publie les albums thématiques de ce voyage en Chine au fur et à mesure de leur préparation. Le premier concerne la ville de Shanghai, et le troisième les “vrais gens” croisés en Chine, ce d’autant plus que les chinois – et surtout les chinoises – se laissent très facilement prendre en photo. D’autres albums suivront !
D’ici quelques jours, dans l’épisode suivant de ce retour de Chine, je couvrirai l’écosystème de l’innovation chinois. Tout du moins, ce que j’ai pu en observer sur place !
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La série complète des articles de ce compte rendu de voyage en Chine :
Back from China – Introduction
Back from China – Shanghai Expo
Back from China – Ecosystème de l’innovation
Back from China – Internet
Back from China – Vendre en Chine
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