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L’écosystème des logiciels photo – 2

Post de Olivier Ezratty du 7 septembre 2008 - Tags : Innovation,Logiciels,Logiciels libres,Photo numérique,Startups | 13 Comments

Nous traitons ici de la catégorie la plus traditionnelle des logiciels photo : ceux qui permettent la modification et la retouche des photos, mais aussi leur décodage et leur encodage de et vers différents formats (RAW, JPEG, TIFF, etc).

Les logiciels de retouche photo intègrent parfois des fonctions d’organisation des photos. Mais le centre de gravité des logiciels est situé d’un côté ou de l’autre. Nous nous focaliserons ici sur les logiciels dont le centre de gravité est la retouche des photos. Le post suivant traitera des logiciels focalisés sur l’organisation et le tri des photos. Il est probable que la tendance à l’intégration des deux fonctionnalités va s’accentuer comme le montrent Picasa de Google et Lightroom d’Adobe. Elle est très souhaitable, surtout dans la mesure où la retouche des photos est de plus en plus intelligente si ce n’est automatique, ou encore, réalisée directement dans les appareils photo eux-mêmes, tandis que le tri et l’organisation des photos reste une tâche faiblement automatisable.

Les deux standards bien connus (Photoshop et GIMP) ont la caractéristique d’être aussi bien utilisés pour le traitement des photos que pour la création graphique (pour le premier) et pour la création web (pour le second). Avec un niveau de sophistication qui dépasse l’utilisateur moyen. Ce qui explique la prolifération d’outils de retouche photo plus simples (Paintshop.net, Pain.net, etc) dont le nombre dépasse l’entendement.

Les grands standards

Un peu comme dans les systèmes d’exploitation, nous avons une plate-forme logicielle commerciale dominante face à un logiciel libre qui se porte très bien avec une grande richesse fonctionnelle :

  • Evacuons pour commencer la famille Adobe Photoshop qui est la référence incontestée du marché, surtout chez les professionnels. Elle se compose de Photoshop CS3 et de Photoshop Elements 7. Photoshop CS3 est le logiciel “haut de gamme” pour la retouche de photos, très utilisé dans la presse et la mode. Cet outil est plus adapté aux graphistes et créatifs qu’à ceux qui traitent leurs photos de manière classique. La richesse du logiciel est probablement inégalée sur le marché et il bénéficie de surcroît du plus grand nombre de plug-ins, gratuits comme payants. Cet écosystème technique est complété par un quasi-monopole dans la presse spécialisée dont presque tous les trucs et astuces sont documentés pour Photoshop. Ce logiciel assez cher est aussi très piraté. Il est complété de Photoshop CS3 Extended qui apporte principalement l’édition 3D (placage d’images sur structures éditables en 3D) et les filtres dynamiques non destructifs. Photoshop Elements est une version grand public de Photoshop, très abordable (99€) et fréquemment bundlée avec du matériel. Il intègre une fonction intéressante, PhotoMerge, qui permet de combiner plusieurs photos de groupe et de retenir les visages bien orientés.
  • Il y a ensuite le logiciel libre GIMP actuellement en version 2.4.7, la référence dans sa catégorie et multiplateforme (Windows, Mac, Linux). Ils est tout aussi, si ce n’est plus complexe, à utiliser que Photoshop. La 2.4 sortie il y a environ un an est cependant plus facile à exploiter que les précédentes. Le logiciel reprend une grande partie de la richesse fonctionnelle de Photoshop et est adapté à de nombreux traitements. Il est aussi complété de nombreuses extensions, quasiment toutes gratuites et en open source, et de tutoriaux, largement disponibles sur Internet. Le logiciel est en retrait par rapport à Photoshop pour ce qui est du traitement d’images HDR et provenant de formats RAW. On attend avec impatience la version suivante, la 2.6, qui sera capable de traiter directement les formats RAW et ensuite, les images en HDR, en 36/42 bits par pixels. J’ai eu l’occasion il y a un de faire un tour d’horizon de ce logiciel. On peut aussi noter l’existence de Cinepaint, très utilisé sous Linux mais maintenant également disponible sous Windows, qui est un lointain dérivé de GIMP (fork datant de la version 1.0.4), capable de traiter les photos en haute dynamique (HDR, 16 et 32 bits de résolution car canal de couleur) applicable également au noir et blanc. Il est surtout exploité pour la retouche d’images dans le cinéma car il sait bien gérer des séries de frames (images).

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  • Adobe Lightroom est un compromis entre Photoshop CS3 et Elements. Il permet de gérer, trier et corriger ses photos tout en supportant le RAW et le traitement par lots. Sa nouvelle version 2 vient de sortie en anglais, avec un prix raisonnable de 250€. Ses évolutions récentes intègrent le travail en groupe, des fonctions de retouche de base suffisantes pour le traitement usuel des photos.

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Les autres solutions

Derrière ces grands standards du marché se trouvent plein d’autres solutions dont certaines méritent d’être détaillées :

  • Raw Shooter Essentials 2006 est un logiciel gratuit d’édition de fichiers RAW. Il est très pratique et convertit en mode batch les RAW en JPEG selon les paramètres que vous lui fournissez. Vous pouvez appliquer un ensemble de corrections d’une image à d’autres images, enregistrer des snapshots des corrections pour revenir en arrière et faire des comparaisons. On peut classifier rapidement ses photos en cinq catégories pour en faire le tri. Il est dommage que l’on ne puisse pas recadrer les images RAW avec leur envoi en JPEG. Et la qualité de la conversion en JPEG ne semble pas aussi bonne avec Photoshop CS3 / Camera RAW. Pixmantec, l’éditeur de ce logiciel dont la dernière mouture date de 2006, a la particularité d’avoir été acquis par Adobe la même année. Raw Shooter Essentials est en fait la souche à partir de laquelle Adobe a créé Lightroom avec pas mal d’évolutions en deux ans !

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  • RawTherapy : est un équivalent également gratuit du précédent pour l’édition de fichiers RAW et la conversion en JPEG. Son usage est un peu plus complexe que celui de Raw Shooter Essentials du fait d’un nombre de paramètres plus grand et cryptiques pour le profane. Il présente l’avantage de permettre le recadrage et des transformations d’images applicables aux fichiers RAW avant conversion ce qui est très pratique car cela permet ainsi de produire après conversion des photos JPEG prêtes à être diffusées. Il intègre aussi un historique détaillé des modifications. Le logiciel est cependant assez lent car il n’exploite pas toutes les capacités du matériel. Mais il fonctionne aussi bien sous Windows que sous Linux. Il est bien documenté. Le modèle économique ? Des donations via Paypal. Je ne sais pas bien si cela nourrit son créateur !

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  • Oloneo PhotoEngine est un logiciel dont la bêta va sortir d’ici l’automne issu de la startup française Oloneo. C’est un logiciel de traitement de l’image (JPEG ou RAW) avec des caractéristiques inédites. Cela commence avec une gestion d’images à haute dynamique (combinaison de plusieurs JPEG ou RAW avec une exposition différente) en mode… temps réel. Ensuite, une gestion d’éclairages mulltiples qui consiste (illustration ci-dessous) à rassembler plusieurs photos d’une même scène prise avec des éclairages différents, et de régler ensuite chaque lumière avec un potentiomètre et pour chacune, de définir la température de couleur et la couleur. Cette fonctionnalité pourra faire gagner énormément de temps aux photographes d’objets en studio pour qui le réglage des lumières (flashs de studio) est souvent très délicat, notamment sur les objets brillants. Le logiciel d’Olonéo ajoute un historique multi-utilisateur des modifications. Il s’étendra avec d’autres traitements comme la correction de la profondeur de champs. L’équipe fondatrice (Antoine et Alexandre Clapier, Alexis Bergue) est très sympathique et possède une expérience aux USA dans la 3D où les deux premiers avaient créé RayFlect et Eovia. Oloneo PhotoEngine sera payant et très abordable, surtout pour les utilisateurs professionnels.

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  • Photomatix de HDRSoft (éditeur français) est un autre logiciel de gestion de photos en HDR. On peut le tester gratuitement puis l’acheter à $99.
  • DXO Optics Pro, actuellement en version 5.0, est un logiciel également français qui traite automatiquement les photos RAW et JPEG en corrigeant les défauts introduits par les optiques des réflex numériques. Il utilise une base de donnée des principaux objectifs du marché intégrant les données de déformation (et corrigeant au passage les perspectives pour les grands angles), de vignettage (bords assombris) et de franges colorées des images. Il supprime également la poussière provenant des capteurs et corrige la colorimétrie comme les zones sous ou surexposées. C’est un outil professionnel de qualité qui fait un travail automatique assez formidable. Il est vendu à 249€ dans son édition supportant les réflex semi-pros et pros. Et 124€ avec un support des reflex “amateurs” (la série des Canon EOS x0D par exemple). On peut télécharger une version d’évaluation pour se faire une idée de la puissance du logiciel.
  • Le fabricant de “dos numériques” pour professionnels Phase One propose CaptureOne Pro (4. 52 Mo de téléchargement), un logiciel de traitement de photos que l’on pourra mettre dans la même catégorie d’Adobe Lightroom. Il permet la récupération et le process de photos JPEG et surtout RAW, avec les corrections habituelles (balance des blancs, éclairage, HDR, recadrage – mais pas de retouche au pinceau et aux calques) et la conversion en TIFF ou JPEG en batch des photos. L’interface est agréable, mais le logiciel ne semble pas bien rapide dans le scan des dossiers et l’affichage des images RAW. Le logiciel qui peut être essayé gratuitement, comme la plupart, est commercialisé à 299€, à peu près au même prix que son concurrent d’Adobe qui semble plus complet. Sans compter Oloneo PhotoEngine, vu ci-dessus, qui devrait offrir un périmètre fonctionnel voisin si ce n’est supérieur, avec un traitement plus temps réel des effets, et pour beaucoup moins cher.

CaptureOne

  • Il existe un grand nombre de logiciels d’édition de photos gratuits ou pas pour le grand public que je ne vais pas détailler ici (Wikipedia les recense bien). Citons notamment Paint.net, un logiciel open source pour Windows qui gère le multicouches et un grand nombre d’effets spéciaux (mais ne supporte pas les fichiers RAW). On trouve quelques logiciels libres sous Linux (Krita, TuxPaint) mais aucun ne semble arriver à la cheville d’un point de vue fonctionnel, de GIMP à part CinePaint qui en est un dérivé. Il y a aussi Photoscape, un freeware qui sait importer les RAW (mais sans fioriture) et permet un traitement batch de corrections de photos (ci-dessous).

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  • Dans la même catégorie, on peut aussi citer Photofiltre (signalé par Jluk en commentaires). Cet éditeur de photos shareware français est de bonne facture, gère les calques, propose plein de filtres, et supporte les fichiers RAW.

Photofiltre

  • IrfanView est un freeware assez complet qui supporte les fichiers RAW et est extensible par plug-in et qui supporte les filtres Photoshop. Le logiciel est créé et maintenu par un jeune développeur bosniaque ! 1,25 Mo de téléchargement.
  • Une grande partie des logiciels de traitement de l’image sont en fait dédiés à la création graphique et pas à la retouche photographique. C’est ainsi le cas de de Pixia (un freeware japonais surtout dédié à la création de mangas), de Pixen (un freeware qui ne fonctionne que sur Macintosh) et de Artweaver  (un freeware allemand). Dans les logiciels commerciaux, il y a aussi ArtRage2 ($25 pour la version complète et gratuit pour une version de base), un logiciel de peinture numérique qui reproduit la texture de la peinture à l’huile (ci-dessous).

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Les logiciels pour effets spéciaux divers

Au delà de la retouche photo, divers logiciels permettent de traiter de manière spécifique les photos : création de panoramiques, habillage, collage, etc. Il existe des centaines d’utilitaires dans cette catégories. Ce sont la plupart du temps des shareware à environ $30. La concurrence est rude et aucun acteur n’est significatif sur ce marché. Ces fonctionnalités sont progressivement intégrées directement ou sous forme de plug-ins au sein des logiciels que nous avons vu ci-dessus, surtout les grands standards.

  • La création de panoramiques (photo stitching) est une fonction que l’on trouve maintenant intégrée dans un bon nombre de logiciels d’édition de photos. Mais on peut distinguer dans le lot le logiciel Autopano de KOLOR, une autre société française, qui prend en compte les différences d’exposition et de balance de couleurs entre photos et qui détecte automatiquement les panoramiques dans un jeu de photos. Cette détection semble unique et est extrêmement bluffante. Je l’ai testée (ci-dessous) avec 149 photos d’une ballade en montage et il m’a trouvé tout seul une quizaine de panoramiques dans le lot, intégrant dans certains cas des photos prises avec des focales et des objectifs différents ! Cela procure un véritable gain de temps. Le logiciel à $99 est proposé en version d’évaluation et tourne sous Windows comme sur Macintosh et sous Linux. Ce logiciel est en fait basé sur la technologie Autostitch de l’université de British Columbia aux USA. Il faut aussi citer le projet open source Hugin issu des Panorama Tools de l’université de Furtwangen en Allemagne.

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  • La correction de panoramas et perspectives est une fonctionnalité que l’on trouve dans les logiciels de retouche comme Photoshop et GIMP, mais aussi dans des utilitaires dédiés comme ShiftN, un freeware de Markus Hebel, qui effectue cela automatiquement en détectant les lignes convergentes d’une photo.
  • La création de collages photos est très à la mode. C’est une fonctionnalité de logiciels courants comme Picasa, mais aussi de logiciels spécialisés (et payants) comme Photomix (ci-dessous). Que l’on pourra sans trop de difficulté remplacer par un bon vieux logiciel de mise en page (comme Microsoft Publisher ou le logiciel libre Scribus).

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Le logiciel Ript fonctionne dans la même veine et avec un résultat plus seyant, proche de celui des véritables albums photos, mais le logiciel met une plombe à se lancer et il n’est pas bien souple (pas d’édition de la fonte dans les boites de texte) ! L’équipe fondatrice indique avoir créé ce logiciel spécialement pour la gente féminine. C’est gratuit, c’est en bêta. Et après ? Mystère !

Ript

  • Le lissage des photos de visage avec par exemple Face Smoother et CleanSkin qui semble être le meilleur dans sa catégorie. Ce sont des utilitaires qui lissent la texture de la peau des visages sans altérer les zones fortement contrastées comme les yeux et les cheveux. Ils se substituent à de nombreux filtres et plug-ins intégrés dans Photoshop et GIMP et s’utilisent sans prise de tête.
  • Quelques logiciels de maquillage virtuel comme Digital Make-up, visant surtout les adolescentes. C’est d’ailleurs une fonction qui vient de faire son apparition dans les appareils photos chez Casio avec ses Exilim Zoom EX-Z300 et EX-Z250 annoncés en août dernier. Même si il s’agit plus de retouche automatique de la peau que de maquillage à proprement parler. On peut aussi compter sur des logiciels qui vous modifient votre coiffure tel Beauty Wizard.
  • Le morphing pour créer des vidéos de transition entre deux visages (Fotomorph, Face Morpher, MorphMan, Free Morphing, Squirlz Morph). Il en existe même une version fonctionnant en ligne : Morph Thing. C’est plus ludique qu’utile pour le photographe.

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Comment choisir ?

Nous avons donc l’embarras du choix. C’est d’ailleurs la même chose pour les autres catégories que nous étudierons dans les prochains posts.

Quelques critères sont à prendre en compte : support du RAW ou pas, payant ou gratuit, amateur ou pro. La solution payante offrant le bon compromis semble Adobe Lightroom. La solution gratuite pour l’édition est GIMP si vous êtes patients. Du côté des logiciels complémentaires, la combinaison de DXO Pro, Oloneo PhotoEngine et Autopano devrait constituer une belle panoplie pour le professionnel ou “l’expert”.

Petits conseils : choisir des logiciels “plateforme” qui disposent d’un grand nombre d’extensions et de plug-ins. Ce sont à priori des logiciels généralistes. Il faut aussi vérifier que les logiciels “vivent” et existent depuis un certain temps et/ou sont régulièrement mis à jour. C’est particulièrement vrai pour les shareware proposant les fonctions périphériques qui manqueraient à votre logiciel “pivot”.

Next

Dans le prochain épisode de cette série d’articles, nous passerons en revue les logiciels de gestion et de tri de photos.

N’hésitez pas à signaler les logiciels intéressants qui auraient été oubliés dans ce panorama.

Edité le 9 septembre (ajout de Photofiltre), le 12 septembre 2008 (ajout de Hugin, Ript, SquirlzMorph, ShiftN) et le 15 septembre (ajout de CaptureOne).

RRR

 
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