Les doutes autour de Vista
Post de Olivier Ezratty du 27 août 2007 - Tags : Logiciels,Logiciels libres,Microsoft,Photo numérique | 13 Comments
Beaucoup d’ondes négatives ont convergé sur Windows Vista cet été. Elles projettent un doute sérieux sur ce qu’il advient de l’adoption de cette version par le marché. Voyons un peu ce qu’il en est, ce que les précédents nous indiquent, et ce qui pourrait arriver.
Les doutes
Le printemps et l’été ont été l’occasion d’entendre quelques éditorialistes et bloggers se plaindre de Windows Vista. Désabusés après des mois à chercher à stabiliser leur configuration, ils en sont venus à vouloir migrer “en arrière” vers Windows XP. Certains se plaignent des difficultés à faire fonctionner leur matériel. D’autres de lenteurs ou de complexité, comme pour gérer les connexion réseaux, et de la lourdeur des mécanismes de sécurité qui demandent des validations à l’utilisateur à tout bout de champ et surtout, perturbent les anciennes applications.
Du côté des constructeurs, Acer a décidé de remplacer Windows Vista par Windows XP sur certains PC destiné aux entreprises. Gianfranco Lanci, le CEO d’Acer, indique que c’est essentiellement parce que Vista ne booste pas les ventes de PC. C’est tout à fait le cas. Microsoft annonce dans son rapport trimestriel que les ventes de PC ont cru de 11% à 13% dans le monde tandis que celles de Windows croissaient de 11%. Mais les ventes en entreprise croissent seulement de 7%.
Dell annoncait une décision similaire à celle d’Acer en avril dernier. Ces décisions sont tout à fait normales et il est étonnant qu’elles n’aient pas été prises plus tôt pour ce qui concerne les PC vendus aux entreprises. Les entreprises ne passent pas comme cela à une nouvelle version de Windows, surtout les grandes. Elles passent par des plans de migration qui sont très lents à démarrer à défaut de décider. Ce sont les ventes au grand public qui génèrent mécaniquement l’adoption d’une nouvelle version de Windows. Et au gré des achats et de remplacement de PCs.
Je me suis sinon amusé à comparer les “Google Count” de “I love Vista” “I love Windows XP” et “I hate” pour les deux. Cela donne le résultat suivant qui illustre qu’en masse, il y a beaucoup plus de “hate” mais moins en proportion du total. Cela ne veut pas dire grand chose, mais bon. Et ces “Google count” sont assez faibles dans l’ensemble.
Un anglais s’est même lancé dans la création d’un site dédié à “I hate Vista”: http://www.ihatevista.co.uk/.
La grande question est finalement: ces événements relativement sporadiques sont-ils normaux pour une nouvelle version de Windows qui a moins d’un an d’existance, ou bien une véritable crise qui menacerait la position de Microsoft? C’est ce que nous allons tenter de décrypter.
Microsoft valorise des ventes de Vista en quantité, qui dépasseraient les 40 millions d’unités à la mi 2007. Mais on n’en connait pas le découpage par canal de distribution et on imagine qu’elles proviennent en priorité de ventes OEM, qui représentent 80% du chiffre d’affaire de Windows. Comme il se vendra environ 250 millions de PC en 2007, c’est ma foi un résultat correct car cela veut dire que sur environ 7 mois, environ un nouveau PC sur trois a été vendu avec Vista. Comme ceux-ci ont aboutit en priorité au grand public et qu’ils représentent environ 40 à 50% des ventes de PC (selon les pays), cela donne une pénétration de Vista sur plus des deux tiers des nouveaux PC vendus. Tout cela au doigt mouillé.
Les problèmes de Vista
Vista contient à la fois trop de nouveautés pas assez. Son marketing était de ce fait difficile à faire. Et surtout, ces nouveautés ne sont pas assez peaufinées. Ou parfois on trouve des améliorations censées simplifier la vie des utilisateurs mais qui sont des régressions, voire des suppressions incompréhensibles de fonctionnalités.
Les problèmes avec Vista sont nombreux, et on pourrait les segmenter ainsi :
Les déceptions continuent lorsque les utilisateurs qui veulent revenir à Windows XP découvrent que cela n’est pas facile du tout. En effet, on ne peut pas installer un Windows XP en dual boot au dessus de Vista car cela détruit le système de démarrage propre à Vista. Il vaut mieux installer d’abord Windows XP. Et encore, tout ceci fonctionne correctement si on dispose bien des CD d’installation des versions de Windows, pas toujours fournis par les constructeurs.
Malgré les cinq années d’effort mises dans le développement de Vista, l’expérience montre une chose claire: une nouvelle version d’un système d’exploitation ne peut d’un côté plus faire la révolution et de l’autre, elle est contrainte par une base installée qui est de plus en plus nombreuse et diversifiée. Il ne faut donc pas attendre la lune. Si on analyse les nouveautés des dernières moutures de MacOS ou Linux, ce n’est pas la révolution non plus. Ce sont des améliorations graduelles en général. Mais pas autant de régressions tout de même que ce que l’on a pu constater avec Windows Vista.
Mais tout n’est pas noir avec Vista. Heureusement! J’apprécie personnellement l’interface de gestion des fichiers et des photos. Même si Photo Gallery est un peu galère sur les bords et sa prochaine version en beta. La sécurité du système semble bonne, même si c’est au détriment d’interférences pénibles avec l’utilisateur. Il y a plein de nouveautés sporadiques qui servent de temps en temps, comme le backup qui fonctionne très bien, mais ce n’est pas le bouleversement que l’on pourrait attendre d’une version qui a mis 5 ans à être pondue. Ce qui me gêne le plus, c’est le manque de finition et l’absence de petits plus déjà cités, qui ne coûtent pas cher à développer et qui faciliteraient la vie de tous les jours. Les développeurs quant à eux doivent apprécier la richesse de l’environnemment et tous les outils qui vont avec.
Un exemple
J’ai été récemment confronté à un problème dans Vista (qui existait déjà sous Windows XP) pour lequel j’ai trouvé une solution qui n’était documentée dans aucun des forums de discussion technique que j’ai pu parcourir: comment augmenter la taille d’une partition primaire Vista. Je souhaitais faire cela pour que la partition occupe tout le disque, en me débarrassant de celles que le constructeur avait configuré par défaut. Ils ont une propension, avec Vista comme Windows XP à créer trois partitions: une C: pour le système, une D: de même taille pour les données et une dernière pour le backup du système. Mais l’équilibre de taille entre C: et D: n’est pas bon et je préfère n’avoir qu’une seule partition pour ne pas m’en soucier. Et la dernière, cachée, est inaccessible et ne me sert à rien. On est clairement dans le mode expert, diront les gens de Microsoft.
Alors, dans le Disk Manager de Windows Vista, on peut diminuer la taille de la partition système, mais pas l’augmenter. Allez savoir pourquoi. Et on ne peut supprimer la partition de backup créée par le constructeur. Avec Gparted, le Disk Manager de Gnome que j’ai pu utiliser en bootant avec un Ubuntu Live, j’ai pu supprimer cette partition gênante du backup constructeur. Mais pas récupérer la place pour la partition NTFS de Vista.
S’en est suivi quelques tentatives qui n’ont pas aboutit:
J’ai trouvé une solution qui fonctionne mais qui est franchement super-lourde à mettre en oeuvre:
Imagex / capture c: e:image.wim « Image »
DISKPART
SELECT DISK 0
CLEAN (efface tout du disque)
CREATE PARTITION PRIMARY (créé une partition unique)
ACTIVE
EXIT
Imagex /apply e :image.wim 1 c :
Bootrec /fixboot
Ce n’est pas bien simple! Et rappelle certaines manipulations complexes pour configurer Ubuntu. Autre solution: acheter Partition Magic de Symantec pour 79€. Il parait qu’il peut étendre une partition Vista en deux coups de cuiller… Alors, pourquoi n’est-ce pas possible nativement avec Vista? Trop compliqué?
Petite précision ajoutée le 29/8/2007: cette manipulation était utile car j’utilise Vista sur un laptop avec un disque de 120 Go qui est assez rempli. Lorsqu’il ne me reste plus que 10 Go à 20 Go, gagner 5 Go a de l’importance en valeur relative. Evidemment, sur un gros disque dur d’un PC desktop, cela serait relativement futile.
La concurrence
Est-ce que ces déconvenues qualitatives autour de Vista ont-eu un impact négatif sur Microsoft et favorisé l’expansion de ses concurrents? Nous n’avons pas assez de recul pour le constater. Mais quelques signes le montrent à la marge:
Les évolutions d’Apple sont fort positives. Les nouveaux Mac – notamment portables – à base de processeurs Intel attirent des utilisateurs de MacOS qui ont besoin de Windows, voire des utilisateurs de Windows. Les résultats financiers d’Apple annoncés en juillet sont excellents avec une croissance de +24% en revenu et de +30% en marge nette. Leur dernier trimestre présentait 33% de croissance en unités dans les ventes de Macintosh, soit environ trois fois la croissance des ventes de PC. Mais leur part de marché tourne toujours aux alentours de 3%. Il faudrait à Apple plusieurs fois 30% de croissance pour gagner quelques points de parts de marché et changer sérieusement la donne.
Le monde Linux continue d’attirer des utilisateurs déçus de Windows, notamment Ubuntu qui est la distribution la plus populaire, complétée éventuellement de l’interface graphique Compiz-Fusion qui rivalise avec Aéro de Vista. Mais la dynamique a-t-elle modifié la donne en termes de parts de marché? Je ne l’ai pas constaté à ce jour mais ne dispose pas pour autant des dernières données IDC sur le sujet. Et si Vista n’est pas bien au point, Linux a ses propres faiblesses qui ralentissent sa progression. Je l’avais évoqué dans ma description de la prise en main d’Ubuntu en mars dernier, qui reste d’actualité, même si depuis, j’ai réussi à bien stabiliser ma configuration. Linux est particulièrement prisé des jeunes, mais on manque de données de marché sur ce phénomène. Contribue-t-il sur la durée à augmenter solidement la part de marché (ou plutôt “d’usage”) de Linux?
Les retournements de marché se produisent souvent lorsque le leader établi accumule trop d’erreurs et que les concurrents savent en tirer le meilleur parti et se différentier et s’enfoncer dans la brèche. Microsoft semble avoir trébuché sur Vista, mais est-ce au point d’être une erreur stratégique compte-tenu de ses mécanismes de distribution (ventes OEM) et du poids de sa base installée? Visiblement, pas encore, mais la messe n’est jamais dite.
Les précédents
Il y a-t-il des précédents à la situation actuelle de Windows Vista? Certains se souviennent de Windows Millenium, un Windows 98 vaguement amélioré et ajoutant son lot de problèmes. Version qui n’a pas fait long feu du fait de l’arrivée un an après de Windows XP, qui lui a plutôt bien réussi. Mais Vista n’est pas une version mineure. Et de plus, rien de sérieux n’est prévu à l’horizon d’un an après sa sortie, soit en novembre prochain. A part un vague Service Pack dont on ne sait pas grand chose et dont la bêta vient de démarrer.
Lors de la sortie de Windows 3.0 en mai 1990, les utilisateurs et les médias se plaignaient aussi de sa lenteur. A cette époque comme maintenant, il fallait un PC tout récent et bien dimensionné pour bien tirer parti du système. Windows était toujours en avance de phase par rapport aux capacités du matériel. A l’époque, il se vendait environ 24 millions de PC par an dans le monde. Puis 36 millions en 1992 à l’époque de Windows 3.1 et 146 millions en 2000 et environ 250 millions en 2007. Ce qui donne un ordre de grandeur de complexité du marché similaire entre 2000 et 2007. Et n’explique donc pas les difficultés sur le support du matériel.
En 2001, Windows XP avait généré son lot de levées de bouclier (cf ci-dessous le titre d’un article de Libération de cette époque) mais cela ne concernait pas tant les soucis que nous venons d’évoquer mais plutôt des aspects relatifs à la vie privée.
C’était l’époque du lancement du système d’authentification Passport, que l’on utilise pour se connecter à Hotmail et les débuts du DRM. Le sujet fait toujours couler autant d’encre. Mais la réalité est qu’il ne gêne pas la vie courante de la majorité des utilisateurs.
What’s next?
En fait, il est bien trop tôt pour juger de l’avenir et du succès de Windows Vista. La perspective à prendre en compte est au minimum de trois années après son lancement pour intégrer les premiers déploiements dans les grandes entreprises. Leur vitesse ne pourra se mesurer qu’à cette échéance. Et grâce aux ventes OEM de Windows qui représentent on l’a vu l’essentiel du revenu pour ce produit, Microsoft a une manne de revenu assurée.
Microsoft peut par ailleurs redresser la barre sur les aspects produits évoqués ici. Le futur Service Pack 1 apportera peut-être quelques améliorations et corrections. Il serait bon que l’éditeur montre de manière plus visible qu’il prend en compte les besoins de ses utilisateurs, et qu’il le fait rapidement.
Sinon, une nouvelle version de Vista est prévue dans 2 ans mais la “roadmap” n’est pas encore connue du grand public. Et parallèle, Microsoft investit beaucoup sur les “Software as a service” et le les liens entre Windows Vista et ses services en ligne Windows Live. Car il n’y a pas que les OS dans la vie. Les services Internet sont là où se situent les principales innovations récentes. Un autre espace où Microsoft se doit d’être présent. Et où l’éditeur reste d’ailleurs juste un challenger dans la plupart des domaines qu’il y occupe, sauf dans la messagerie et la messagerie instantanée.
Affaire à suivre…
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