Nous voici dans le 62e épisode des entretiens Decode Quantum où Fanny Bouton et moi-même recevons Sam Mugel et Michel Kurek de Multiverse. Vous pouvez également retrouver ces entretiens sur Frenchweb ainsi que dans cet historique depuis leur création en mars 2020.

Sam Mugel est co-fondateur, CTO et DG de Multiverse au Canada, basé à Toronto. Il possède un doctorat en simulation quantique, délivré conjointement par l’ICFO (Espagne) et l’université de Southampton (Royaume-Uni). Il est expert en informatique quantique et en apprentissage automatique quantique (QML). Il fut physicien informaticien à Cortirio (Royaume-Uni), conseiller scientifique au Quantum Revolution Fund, et fondateur et directeur technique de Groundstate Consulting. Sam Mugel intervient en tant qu’expert quantique pour McKinsey et consultant/expert pour Forbes Magazine, et aussi coach pour le CDL de Toronto. Sam est d’ailleurs français, ce qui n’est pas évident en lisant sa biographie.

Michel Kurek dirige la filiale française de Multiverse qui est une startup internationale dont le siège est en Espagne. Il a auparavant notamment travaillé 15 ans à la SGCIB dans la création d’algorithmes financiers. Il a une formation d’ingénieur ENSIMAG complétée par un master en finance de l’ESSEC et plus récemment par un Executive Master en innovation de l’École polytechnique. Il s’est notamment intéressé à la question des brevets et publications dans le quantique, et est l’auteur d’un document de référence sur le sujet.

Voici les points clés de cet entretien :

Marmite quantique : pour Sam Mugel, cela démarré avec sa thèse de doctorat. D-Wave et IBM étaient déjà des réalités en ligne au moment de sa thèse. Michel s’est lancé plus tardivement. Il avait tout de même fait des classes préparatoires avec une spécialisation en physique. Il a voulu changer en 2019. Heureusement, il n’avait jamais vraiment lâché la physique. Son master à l’X demandait de s’intéresser à un sujet précis et il a choisi les technologies quantiques, en l’abordant d’abord sous l’angle de la propriété intellectuelle.

Sujet de thèse de Samuel Mugel qui concernait la simulation de matériaux topologiques avec des atomes froids (rubidium) : Propagation in media as a probe for topological properties soutenue en 2017 (136 pages). C’était un travail théorique.

Création de Multiverse, de son objectif, projets et technologies. Le premier nom était “Quantum for Quants” car c’était une association à buts non lucratifs, en 2017. Ils ont été alors approchés par le Creative Destruction Lab, d’où l’installation de Sam au Canada, les autres cofondateurs de Multiverse étant en Espagne. Michel a été mis en contact avec Multiverse par le truchement de Christophe Jurczak de Quantonation, fonds qui est l’un des actionnaires. Ses connaissances dans le monde financier correspondaient à la focalisation de Multiverse de l’époque.

Finance dans le quantique ? Sujets identifiés dans les simulations Monte Carlo, les optimisations de pricing, les détections de fraudes ou anticipations de la dégradation de la note de crédit de clients.

Éditeur de logiciels ou plutôt société de services ? Les deux à la fois. Une équipe de produit et une équipe de services. Peur de créer un produit qui ne serve à rien. D’où interfaces avec des clients et travail factorisé. Projets qui ont un impact client.

Création de Singularity, une bibliothèque d’optimisation de machine learning. Et pas que dans la finance car cela cible des marchés dans l’industrie 4.0, la maintenance prédictive, l’énergie, la capture de carbone, la catalyse sur de l’hydrogène, la production d’énergie renouvelable, le grid management. Ils font du quantique et du “quantum inspired”.

Quantum annealing et solutions dans la finance. Ils ont beaucoup travaillé sur les algorithmes quantiques analogiques avec D-Wave et Pasqal, et aussi Xanadu. Ont obtenu des résultats probants. D-Wave a de meilleures performances en mode hybride (vs Gurobi, un optimisateur classique) et sur un cas précis. Problème modélisé en QUBO qui est bien adapté à D-Wave.

Quantum inspired et réseaux de tenseurs. « Quantum-inspired » est un terme qui peut s’applique au matériel comme au logiciel. Le Digital Annealing de Fujitsu est du quantum inspired au niveau des deux. Les TPU de Google sont des “Tensor Processing Units”. La fonction d’onde est une matrice et faite de tenseurs. Le quantum inspired utilise des réseaux de tenseurs plus petits avec de petits blocs plus faciles à gérer. On exploite des GPU. On peut perdre un peu d’information mais c’est acceptable. Les MPS sont des tenseurs 1D pour des systèmes physiques simples et DRMG est plus puissant, pour le calcul de ground states énergétiques de systèmes quantiques à N corps. PEPS permet de gérer des modèles 2D et 3D, ou hiérarchiques.

Cohabitation de deux écoles : celle des physiciens qui les utilisent pour de la simulation de systèmes à N corps et l’école venant de l’IA et des mathématiques appliquées. Les réseaux de tenseurs ont de plus en plus d’implications dans la résolution de problèmes industriels.

Évolution du marché. Impact de l’analogique à déterminer.

Projet CACIB avec Pasqal. Il s’agit d’un logiciel de machine learning exploitant pour une part la simulation quantique de Pasqal. Ils ont créé un classifieur utilisant des données client réel de credit scoring. Ils ont entraîné un grand ensemble de classifieurs et utilisé la méthode des ensembles pour choisir parmi plusieurs méthodes avec Pasqal. Cela donne de meilleurs résultats qu’avec ADABOOST et un Random Forest Search. C’est dû au choix de la fonction de coût. Cela comprend la détection des “Fallen angels” qui sont les clients dont la situation se dégrade brutalement. Ils ont d’abord utilisé l’émulateur du simulateur de Pasqal ou “le simulateur numérique du simulateur quantique”. L’avantage quantique sera intéressant à partir de 300 qubits contrôlables pour dépasser ce qui est en production chez CACIB. Pasqal en est aujourd’hui à environ 60 atomes contrôlables dans le cas de ce projet.

Partenariats, notamment avec les startups du hardware, et récemment avec Eviden dans Qaptiva, puis un grand nombre de startups comme Alice&Bob, Quandela, Xanadu ainsi qu’IBM et Rigetti.