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Peut-on simplifier les systèmes optiques complexes ?

Post de Olivier Ezratty du 28 juin 2021 - Tags : France,Quantique | No Comments

Dans le 28ème entretien de la série Decode Quantum lancée en mars 2020 et toujours coproduits avec Frenchweb / Decode Media, Fanny Bouton et moi-même recevions Valentina Parigi qui est professeure associée dans le groupe d’optique quantique du laboratoire LKB de l’École Normale Supérieure à Paris et fait partie de Sorbonne Université.

D’origine italienne, elle a obtenu son doctorat  au laboratoire européen de spectroscopie non linéaire de Florence. Elle y a fait ses premières recherches sur la manipulation d’états non classiques de la lumière. Elle a notamment travaillé sur les effets non linéaires de la lumière et sur les mémoires quantiques à base d’atomes de Rydberg.

Depuis 2015, elle a plusieurs centres d’intérêt comme les réseaux quantiques complexes utilisant des variables continues, les applications dans les technologies quantiques et les questions relatives aux fondations de la mécanique quantique, à savoir, de son interprétation et de la philosophie associée. Elle se positionne plutôt comme expérimentatrice.

Elle a obtenu la médaille du bronze du CNRS en 2020 et des financements européens de type ERC en 2018 dans le cadre du projet COQCOoN (“Continuous Variables Quantum Complex Networks”).

Amis du quantique et de la photonique, cet épisode est fait pour vous !

Dans cet entretien, nous commençons comme d’habitude à demander à notre invitée ce qui l’a amenée à s’intéresser à la physique quantique et aussi à devenir chercheuse en France.

Mais ce n’est évidemment pas tout…

  • Nous découvrons la dimension du laboratoire LKB, l’un des plus grands laboratoires de physique quantique en France avec le C2N de Palaiseau et l’Institut Néel de Grenoble. On y parle aussi de l’enseignement de la physique quantique. Nous avions déjà accueilli Serge Reynaud qui travaille aussi dans ce laboratoire au sujet des fluctuations quantiques du vide.
  • Nous passons en revue ses domaines de recherche comme les réseaux quantiques complexes. Et notamment l’étude des systèmes quantiques à N-corps. En gros, ce sont des systèmes qui manipulent plusieurs photons.
  • Elle nous parle aussi des photons à variables continues et de leurs applications. Ce type de photon est manipulé comme une onde avec des propriétés continues tandis que les photons dits à variable discrète sont manipulés comme des particules, dont on mesure la présence ou non ou une seule propriété simple comme la polarisation. Les photons à variable continue sont l’un des types de photons utilisés dans la cryptographie quantique (QKD) ainsi que dans les calculs quantiques à base de photons.
  • Nous évoquons aussi ce qu’est tout bonnement un photon, un sujet encore débattu par les physiciens ! Une onde ou une particule ? Quelle taille fait-il et comment se déplace-t-il ? De plus, comme l’illustre le schéma ci-dessous, il existe plein de types de photons et d’assemblages de photons différents. Ce schéma est extrait de la 4e édition de mon ebook “Understanding Computing Technologies” à paraître en ligne d’ici l’automne 2021. Cette version sera en anglais comme son titre l’indique.

  • Valentina nous parle de la fonction de Wigner. Cette fonction connue des spécialistes de la photonique permet de décrire en trois dimensions les caractéristiques d’un champ électromagnétique et notamment de représenter les états quantiques complexes comme des états intriqués. On distingue les états gaussiens relativement classiques des états non classiques comme ces états intriqués. Ci-dessous, quelques-unes des formes de la fonction de Wigner selon le type de champs électromagnétique. En haut à gauche, un état classique d’un faisceau cohérent issu d’un laser. En bas à droite, un “cat-state” représentant un état intriqué à deux photons. Le schéma distingue en haut les états dits gaussiens dont la courbe ressemble à une gaussienne dans les deux dimensions et en bas, des états non gaussiens qui prennent des valeurs négatives et correspondent à des états quantiques complexes (source: Philippe Grangier, avec qui Valentina Parigi a travaillé).

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  • Nous évoquons la question des non-linéarités dans les systèmes optiques qui permettent notamment de gérer certains aspects et certaines portes quantiques dans le calcul quantique.
  • Nous parlons de mesure de ces photons à variable continue avec de la détection homodyne servant à mesurer leur amplitude et leur phase.
  • Enfin, nous évoquons aussi le quotidien de la vie d’une chercheuse. Comment gérer son temps ? Quelles collaborations entretien-t-elle avec d’autres laboratoires de recherche, notamment à l’étranger ? (Espagne, Finlande, Allemagne. Italie. USA). Finalement, peut-on parler d’une recherche quantique européenne ? Quel est le sens du lien entre la recherche et les startups ?

Rebouclons sur la complexité des systèmes de photons évoquée avec Valentina Parigi. Pour avoir passé une grosse semaine à mettre à jour cette partie dans mon ebook, je vous confirme que c’est compliqué. On sort rapidement des qubits “simples” avec leurs deux états |0> et |1> représentés dans leur sphère de Bloch. Le calcul quantique à base de photons utilise des techniques très variées qui sont très différentes de celles des qubits dit solides comme les qubits supraconducteurs, à spins d’électron (silicium) ou à base d’atomes froids et d’ions piégés.

L’appareillage est différent avec des sources de photons si possible uniques et indistingables comme celles de Quandela, des circuits pour les traitements avec leurs linéarités et non linéarités, puis des détecteurs de photons de types très variés (détecteurs de photons uniques, détecteurs homodynes et hétérodynes permettant de capter les informations des photons à variables continues, etc).

Les techniques sont de plus hybridables. De plus, comme les photons traversent un appareillage fini avant d’atterrir dans des détecteurs de photons, on est limité en nombre de portes quantiques exécutables, une limite que l’on contourne avec la très curieuse méthode du MBQC, pour measurement based quantum computing. Le tout avec leur lot d’avantages et d’inconvénients par rapport aux qubits solides. Les photons sont en tout cas incontournables dans le paysage des technologies quantiques. On les trouve partout : dans le calcul quantique, dans les télécommunications et la cryptographie quantiques ainsi que dans les capteurs quantiques.

Pour mémoire, dans les anciens épisodes de Decode Quantum, nous avons rencontré d’autres spécialistes de la photonique comme Pascale Senellart (C2N, Quandela), Alexia Auffèves (Institut Néel), Eleni Diamanti (LIP6), Alain Aspect (IOGS), Philippe Grangier (IOGS) ainsi que Valerian Giesz, Niccolo Somachi et Shane Mansfield (Quandela).

RRR

 
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