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Que fait Atos dans le quantique ?

Post de Olivier Ezratty du 4 octobre 2020 - Tags : France,Quantique | 1 Comment

Dans la seconde saison des entretiens Decode Quantum avec les acteurs de l’écosystème des technologies quantiques, nous avons eu l’occasion de nous intéresser à Atos qui est l’acteur majeur des technologies quantiques en France et en Europe depuis leur entrée dans ce marché en 2016. Ils s’étaient lancés dans les technologies quantiques sous l’impulsion de Thierry Breton qui était leur CEO, avant de devenir Commissaire Européen au début de l’année 2020.

Philippe Duluc Cyril Allouche Fanny Bouton Olivier Ezratty Laura Fau

Avec Fanny Bouton et Richard Menneveux, nous avons enregistré fin juin 2020 cet épisode de Decode Quantum avec les deux pilotes et têtes pensantes d’Atos dans les technologies quantiques, Philippe Duluc (SVP et CTO Big Data et Security d’Atos) et Cyril Allouche (Responsable de la R&D quantique chez Atos). Nous les avions rencontrés la première fois en mai 2018 (photo ci-dessus).

Voici le podcast en question…

Si vous voulez en savoir plus sur Atos, vous pouvez évidemment consulter leur site web. Je décris leur offre logicielle et leur stratégie d’ensemble dans la dernière mouture de l’ebook Comprendre l’informatique quantique édition 2020 pages 278, 279, 598 et 599.

Leur offre quantique s’articule autour de plusieurs composantes :

Une solution logicielle d’émulation de calcul quantique. Atos parle de simulation, mais je préfère utiliser la notion d’émulation qui est plus appropriée dans la mesure où la simulation quantique couvre un autre domaine, celui de l’utilisation de calculateurs quantiques analogiques pour simuler des processus de physique quantique. Cette offre logicielle s’articule autour des langages de programmation quantiques AQASM (langage de description de circuits quantiques) et pyAQASM (scripting) et de l’outil de développement myQLM qui fonctionne sur ordinateurs personnels sous Windows et dans l’environnement jupyter. Tout cela permet de tester des algorithmes et logiciels quantiques sur calculateurs classiques. Il permet aussi d’intégrer les caractéristiques de processeurs quantiques telles que les caractéristiques des qubits, comme leur fidélité, et d’observer leur impact sur l’exécution du code quantique.

Depuis l’été 2020, myQLM supporte l’émulation de code pour les calculateurs à recuit quantique de D-Wave qui utilisent un processus de programmation différent de celui des calculateurs à base de portes quantiques universelles. myQLM est diffusé gratuitement aux développeurs depuis l’été 2020. Sur un laptop, on peut émuler jusqu’à une vingtaine de qubits. L’outil myQLM peut servir pour lancer l’exécution de code sur les serveurs aQLM évoqués ci-dessous, aussi bien “on premise” (sur site, pour les clients qui ont installé une aQLM chez eux) ou via le cloud (via l’offre d’Atos ou de tiers).

Un serveur d’émulation de code quantique utilisant les logiciels précédents, l’aQML. C’est une gamme de machines utilisant plusieurs processeurs Intel et, récemment, des GPGPU Nvidia V100 (dans l’aQLM E), accompagnés de grande quantité de mémoire RAM. Elle permet d’émuler jusqu’à une quarantaine de qubits. Ces machines sont optimisées du côté de l’accès mémoire, ce qui est critique pour pouvoir “jouer” avec une matrice géante de 2^2n valeurs pour simuler n qubits. Ces machines sont très abordables et commercialisées à un prix de quelques centaines de milliers d’Euros. Elles sont exploitées aussi bien pour le développement et le test à petite échelle d’algorithmes quantiques que pour la simulation de qubits et de leur bruit chez les développeurs de processeurs quantiques.

Atos connaît un certain succès commercial avec l’aQML qui est disponible depuis 2017. Elle est installée dans de nombreux pays : en Allemagne, en Autriche, en Finlande, aux Pays-Bas, en France (Total, CEA), au Royaume Uni (STFC Hartree Centre), au Japon, en Inde et aux USA (dans les fameux laboratoires Argonne et Oak Ridge du Département de l’Énergie).

Atos aQML

Une offre d’accès aux ressources aQLM en cloud, dénommée QLaaS (Quantum Learning as a service) qui est notamment utilisée par la startup américaine Xofia qui développe des algorithmes de quantum machine learning. Cette offre est accessible à partir de l’outil myQLM. Cette offre en cloud a été bâtie en partenariat avec le STFC Hartree Centre au Royaume-Uni.

Atos lançait en juillet 2020 le programme d’accélération Scaler, destiné aux startups et PME pour leur permettre d’adopter des technologies de calcul haute puissance et d’émulation de code quantique. Cela couvre aussi les solutions de sécurité et de décarbonation.

Atos développe aussi, séparément, des solutions de cryptographie “quantum-safe” (ou dites de “post-quantum cryptography”).

La grande question qui brûle les lèvres depuis qu’Atos s’est lancé dans le quantique est : vont-ils produire un ordinateur quantique ? Philippe Duluc et Cyril Allouche y répondent dans le podcast. En substance, Atos souhaite intégrer ce qu’ils appellent un ou des accélérateurs quantiques à leurs calculateurs classiques, notamment pour proposer des solutions de calcul hybride qui associent calcul quantique et calcul classique. A ce titre, ils ont déjà lancé un partenariat avec la startup finlandaise IQM qui développe des processeurs à qubits supraconducteurs. Ils sont aussi en relation avec d’autres startups telles que la Française Pasqal et ses qubits à base d’atomes froids. Ils regardent aussi ce qui se passe dans les ions piégés, notamment en Autriche avec la startup AQT.

On peut regretter qu’ils n’aillent pas plus loin mais leur approche prudente s’explique par l’incertitude autour de l’évolution des processeurs quantiques et de la concurrence entre types de qubits. On peut néanmoins espérer qu’ils contribueront peut-être un jour à industrialiser à grande échelle la technologie d’une startup ou d’un laboratoire de recherche français ou européen. L’Europe a besoin d’avoir un acteur de ce rang.

Autre regret, une combativité marketing d’Atos qui n’est pas (encore) à la hauteur face aux grands américains tels qu’IBM qui évangélisent à tour de bras les développeurs et entreprises. Alors que l’offre logicielle et d’émulation d’Atos est d’un très bon niveau. Ils développent cependant des partenariats divers avec des startups du calcul quantique, comme Pasqal en France et quelques autres en Europe.

RRR

 
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