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MIPTV : contenus TV traditionnels

Post de Olivier Ezratty du 11 avril 2014 - Tags : TV et vidéo | 5 Comments

J’ai eu l’occasion de visiter le MIPTV et le MIPCUBE pour la quatrième fois en ce début d’avril 2014. En voici un compte-rendu en plusieurs parties qui va couvrir les contenus traditionnels, les contenus dits “numériques”, les expériences utilisateurs télévisuelles connectées et enfin, l’actualité de la 4K côté production de contenus.

Dans cette partie, je vais me focaliser sur les contenus TV. Il en faut bien pour alimenter tous les écrans, avec ou sans interactivité et numérique !

Cette année, on pouvait noter quelques phénomènes :

  • L’innovation débridée qui sévit dans les formats de la TV réalité, scriptés ou pas, qui sont un bon reflet de tendances sociétales communes à la plupart des pays. Cette innovation provient d’un très grand nombre de pays et notamment UK, Pays Bas, Espagne et Israël.
  • La montée en puissance d’Israël dans les formats de TV réalité, dans la prolongation de leurs succès dans la fiction, notamment avec Hatufim qui avait été décliné dans Homeland. Ce phénomène fait évidemment penser au dynamisme de l’écosystème des startups du pays. Nous verrons les points communs entre ces marchés dans le succès de ce petit pays.
  • La professionnalisation des créateurs de contenus dits “numériques” destinés à la génération Y et qui au bout du compte sont maintenant acquis par les chaines de TV traditionnelles. La création de contenus “numériques” est une notion bien vague sur laquelle il nous faudra revenir.

La bataille des formats

Le MIPTV accueille environ 11 000 visiteurs dont 5000 acheteurs de programmes travaillant pour la plupart pour les chaines de TV du monde entier. En son sein, le MIPFormat qui rassemble 1500 participants est une conférence pendant laquelle les sociétés de production présentent leurs nouveaux formats d’émissions de TV réalité.

Ces formats ont la particularité d’être consommés en majorité dans la TV broadcast live, peu en différé et pas du tout en VOD/SVOD. Cette caractéristique la rend stratégique pour les chaines de TV qui dépendent de la publicité TV traditionnelle. Les sociétés de production de ces formats proposent généralement aux chaines TV les applications mobiles correspondantes à leur format, dans un package multi-écrans global.

Virgina Mouseler (The Wit) (2)

Dans la conférence “Fresh TV – Formats”, Virgina Mousseler (ci-dessus) de la société suisse The Wit faisait une présentation très prisée des nouveaux formats commercialisés par ces sociétés de production. Les thématiques les plus vendues concernent le dating, la cuisine, la chanson et les jeux de questionnaires classiques. On voit ici le pire du pire de la TV réalité (prime time) et des jeux à la noix qui alimentent “l’access”, ce créneau prisé des chaines TV, avant le journal télévisé en soirée, et qui cible toutes les audiences sauf probablement la génération Y ! La difficulté créative consiste à créer un format qui puisse fonctionner dans la durée sans que la répétition du scénario devienne lassante. Les meilleurs formats sont ceux qui comme les séries TV créent des “cliffhangers” donnant envie de savoir ce que donneront les candidats sélectionnés dans l’épisode suivant.

Premier en lice, le dating donne lieu à une créativité étonnante qui laisse parfois pantois. La plupart de ces formats mettent en avant des astuces plus ou moins scientifiques de “matching” des couples pour apparier hommes et femmes (ils s’en tiennent généralement là…) selon différents critères. Ces méthodes reprennent voire perfectionnent celles des grands sites web de rencontres.

Adam Looking for Eve

  • Dans “Adam Looking for Eve” (Pays Bas, vidéo), les couples sélectionnés sont envoyés dans une ile déserte sur une pirogue, un peu comme dans l’Ile de la Tentation, à ceci près qu’ils sont nus. Cela doit normalement faciliter les rapprochements. Visiblement, d’autres couples nus sont envoyés ensuite sur l’Ile pour perturber le premier couple. Je vous passe le détail à part qu’à la fin du format, les couples doivent ensuite se rencontrer en ville et habillés, pour vérifier que l’alchimie fonctionne aussi dans la vie courante. Vous n’êtes pas prêts de voir cela en France car le CSA veille au grain, ou alors, cela serait dans une version très édulcorée ! Sans compter Jean-François Copé qui l’interdirait d’emblée aux moins de 18 ans !
  • Dans “Dating Code” (Suède, Endemol), le processus de création scientifique des couples est mis en scène de manière poussée. Il s’appuie sur des tests portant sur tout un tas de signaux : la voix, l’odeur, le profiling psychologique et le body language. L’amour devient de la chimie prédictive et un processus. C’est aussi cela la singularité ?
  • Dans “Love is an attraction” (Israël), on s’en tient à la métaphore de l’aimant pour rapprocher les couples.  C’est plus basique.
  • Dans “Dating pool” (UK), présenté à l’état de maquette réalisée en synthèse 3D et qui n’existe donc pour l’instant qu’à l’état de concept, les hommes sont présentés en maillot de bain aux femmes sur des plateformes en hauteurs. Ils sont éliminés au fur et à mesure en étant envoyés vers le bas, dans une piscine bien froide.
  • Dans “Best Couple Ever” (France, et acquis par M6), des couples déjà formés sont évalués dans leur vie par des juges. Faut être gentil et attentionné avec Ginette pour gagner ! On retrouve une formule voisine avec “Power Couple” (Israël, Dori media) qui lui met les couples dans des situations extrêmes style Ford Boyard ou Koh Lanta pour vérifier leur résilience.
  • Dans “The Extra Mile” (Israël, vidéo), on s’attaque à la réalité du terrain en rassemblant des couples de parents divorcés. Non pas pour les rabibocher, mais pour leur faire gagner un prix de plusieurs dizaines de milliers de $ qui servira à financer les études de leurs enfants. Qui plus est, alors qu’ils sont en compétition entre eux, les couples sont jugés sur leur capacité à collaborer en leur sein et entre couples. Un bon format de TV réalité comme de série TV se doit toujours d’introduire un dilemme difficile à trancher. Ici, le format colle parfaitement avec la réalité vu que la moitié des couples sont divorcés dans les pays développés !

Du côté des jeux de questionnaires, l’imagination porte en premier lieu sur la manière d’éliminer les candidats qui ne fournissent pas la bonne réponse. Cela peut sembler marrant la première fois, mais ce n’est pas évident de rendre cela intéressant de manière répétitive.

  • Dans “Boom !” (Israël, Keshet Productions, à l’origine de Rising Star), on répond aux QCM en coupant les fils de couleur d’une grosse bombe noire. Quand le candidat se trompe, elle explose… en l’arrosant d’eau et de fumée colorées. Bientôt sur TF1 qui a misé très tôt sur ce format avant d’attendre la fin de la première saison en Israël !

UKEjectorSeat_Endemol

  • Dans “Ejector Seat” (UK, Endemol, ci-dessus) le candidat est sur une sorte de siège éjectable qui se renverse en arrière quand il perd. Il sera diffusé par ITV (UK) pour commencer. C’est presque pareil dans “Push IT” (Mexique, vidéo) : les candidats sont absorbés dans le  Pushinator quand ils perdent. Leur siège est sur un rail qui les tire en arrière dans le fond du studio avec bruit, lumière et fumée. Exemple de question éliminatoire du jeu : “Qui a écrit le journal d’Anne Franck ?” !
  • Dans “Run & Buzz”,  les candidats doivent courir 18 mètres pour cliquer sur le buzzer et répondre ou attendre pour avoir plus d’infos. Encore le dilemme !

Second domaine d’innovation, si l’on peut le qualifier ainsi : des variations dans les questions posées aux candidats :

  • Dans “The Link”, les candidats doivent deviner les liens qui existent entre plusieurs questions.
  • Dans “The Lie” (Irlande), il faut trouver les assertions fausses parmi 4.

The Big Picture

  • Dans “The big picture” (ci-dessus, encore Israël, vidéo), les questions sont posées sous forme d’images, c’est un QCM sur ce que représente la photo. Le jeu sera déployé en premier par Nordic World dans les pays scandinaves.
  • Dans “Beat the crowd” (Pays-Bas), c’est un contre 200 participants. Le candidat doit répondre mieux que la moyenne de la foule à des questions quantitatives. La méta-question qui est posée est : l’intelligence individuelle peut-elle être supérieure à celle de la foule ? Pas évident, sauf si le casting des 200 ne comprend que des neuneus ! Le Top 10 de l’audience est sélectionné pour faire ressortir les meilleurs de la foule et faire gagner le meilleur d’entre eux ou le candidat seul du départ. Exemple de question : quel est le % des gens qui penchent la tête à droite pour embrasser leur moitié !
  • Dans “Who’s Asking” (Israël), on introduit un autre dilemme : il faut choisir la personne qui pose les questions ! Elles proviennent de n’importe qui dans la rue. C’est l’introduction du “crowdsourcing” des questions. On voit dans ces deux derniers cas l’influence sociétale du “numérique” !
  • Dans “Pyramid of celebrities” (Israël), les dernières questions du jeu sont posées par des célébrités et même par le président du pays, Shimon Perez. Imaginez François Hollande posant une question à la dernière étape d’un pourtant bien sage “Question pour un champion ?” !
  • Dans “El Impostor” (Pérou, GV Productions, vidéo), un imposteur est intégré dans une famille. Un candidat visiteur doit l’identifier en deux jours. Le visiteur gagne s’il découvre l’imposteur sinon c’est la famille et l’imposteur. On pourrait faire cela dans un gouvernement !

D’autres formats sont proposés qui sortent du jeu classique :

Dans “Amazing Greys” (UK, Eyeworks, vendu à ITV), un candidat “normal” est confronté à un candidat senior ayant des aptitudes hors du commun. Exemple donnée : l’haltérophilie. Un jeune homme fringant et musclé est confronté à une mémé chétive de 67 ans. Ils doivent soulever de manière répétitive un poids de 95 kg. Et la mémé gagne. C’était une haltérophile émérite ! Trop injuste ?

Dans “Out of silence”, on joue à fond sur l’émotionnel en mettant en scène la manière dont des sourds retrouvent le gout d’entendre grâce à des implants dans la cochlée.

Dans “Relaxing Cup” (Espagne, Madarina), des célébrités du pays qui ne parlent pas la langue de Shakespeare sont envoyées dans un village anglais. Ils doivent se débrouiller et apprendre l’anglais pour faire leurs courses et tout le reste. Ils doivent aussi apprendre la cuisine anglaise ce qui n’est pas forcément la partie la plus facile du jeu. On devrait y envoyer tous nos dirigeants politiques !

Dans “The Shower” (video), une émission de radio-crochet style “The voice”, les candidats chantent en maillot de bain sous la douche en studio.  Le public contrôle la température de la douche via son feedback donné via une application mobile : vers le froid si le candidat n’est pas bon et vers le chaud s’il est bon, mais on arrête la séquence avant de l’ébouillanter pour éviter le gaspillage. La tag line : “The shower must go on!”.

Côté cuisine, c’est aussi la foire d’empoigne. Le plus drôle : “My mum cooks better thans yours” (Espagne, Mandarina), un couple est aidé par la belle-mère du gars. Elle ne peut le faire au début qu’en hurlant de loin sur ce qu’il faut faire pour réussir la recette. Sauf en utilisant le “panic button” qui lui permet d’entre en scène mais qui accélère la vitesse du compteur du temps disponible. Encore un dilemme ! Cette émission est diffusée quotidiennement. La cuisine est aussi un format mis en avant par la Corée du Sud et la Chine qui occupaient avec les programmes associés les devantures du Palais des Festivals de Cannes (ci-dessous) !

Food Odyssey (3)A Bit of China II (In Food we trust)

Enfin, dans “Dolphin with the stars” (Portugal), une dizaine de candidats lambda et des célébrités apprennent à cohabiter avec des dauphins pendant un mois. A la fin,  deux équipes concurrentes se produisent dans un spectacle aquatique comme celui du Marineland d’Antibes ! Au programme : Justin Bieber, Pink, Eva Longoria. C’est probablement le plus beau format et celui qui dégage le plus d’émotions positives de ceux qui étaient présentés au MIPTV.

Des séries TV qui s’essoufflent

Les séries TV sont les contenus les plus consommés par les téléspectateurs dans le monde. Ils dynamisent notamment les offres de VOD et de SVOD (vidéo à la demande sur abonnement comme chez Netflix).

Dans son fameux discours d’aout 2013 à l’Edinburgh International Television Film Festival, Kevin Spacey insistait sur le fait que Netflix avait commandé la totalité de la première saison de la série House of Cards sans lancer d’épisode pilote préalable comme le font généralement les networks américains. Ils ont pris plus de risques et permis par la même occasion d’avoir une trame narrative se déroulant plus progressivement que dans les épisodes pilotes qui doivent trop en dévoiler d’emblée d’habitude.

Kevin Spacey expliquait le grand gâchis généré par ces épisodes pilotes, ceux qui aboutissaient à la production de la série étant en minorité. En évitant le pilote, Netflix évite ainsi la dispersion. C’est censé apporter plus de qualité aux contenus. Sachant que la thématique a été sélectionnée en fonction de l’analyse des gouts des utilisateurs de Netflix, ce dernier ne manquant pas de données pour ce faire.

Est-ce pour autant la fin des épisodes pilotes aux USA ? Bien non. Seule la Fox a annoncé avoir adopté le modèle de Netflix. Le “best practice“ de House of Cards (Netflix) commence bien lentement à faire des émules de ce côté là. Quid du binge viewing (quand on peut visualiser les épisodes à la suite sans attendre leur diffusion semaine après semaine en broadcat) ? Seuls les concurrents directs de Netflix semblent s’y mettre, comme chez Amazon.

The Sniffer (Ukraine)

Du côté des thématiques, les séries TV surfent souvent sur les succès passés ou ceux du cinéma. “The Sniffer” (Ukraine, video) met ainsi en scène un détective qui détecte tout grâce à une sensibilité particulière aux odeurs. Une sorte de “Mentalist” du nez. C’est aussi dans la lignée de “Unforgettable”, cette série avec une détective douée d’une super-mémoire. D’ailleurs, TF1 qui diffusait cette dernière série va aussi diffuser “The Sniffer”. La CBS va quand à elle tester un pilote de “Scorpion” qui met en scène une personne surdouée qui va régler les problèmes du monde (c’est précis…). Enfin, Sky 1 (UK) a commandé “Intelligence”, une série en 13 épisodes sur un cyber-agent américain à qui on a implanté une puce dans le cerveau permettant d’accéder à toutes les bases de données mondiales et tous les appareils connectés. Une sorte de PRISM ambulant !

Le thème de la fin du monde sauce Word War Z fait aussi des émules : dans “The day after” (Russie) avec des enfants kidnapés pour tester des virus, le virus s’échappant et contaminant la terre entière. Les belges s’y mettent aussi dans “Cordon”. “Bitten” (Canada) et ses loups garous est dans la lignée des Twilight, avec cette fois-ci une jolie blonde qui se transforme en méchante louve si on la titille trop.

El Mariachi” (Mexique) est une adaptation du film éponyme de Robert Rodriguez, délayée dans 70 épisodes de 60 minutes ! Dans “El principe” (Espagne), les services secrets de la Ceuta luttent contre les trafics de drogue et les islamistes. Un truc qui serait populaire sur FNTV, qui n’existe heureusement pas encore.

Maggie Gyllenhaal (Honorable Woman) (2)

On pouvait aussi découvrir “Sensitive Skin”, avec Kim Cattrall (sur les effets du vieillissement (son intervention), une série produite au Canada pour Movie Central, ainsi que “Honorable Woman” avec  Maggie Gyllenhaal (ci-dessus), une mini-série de 6 épisodes sur une marchande d’armes face à ses dilemmes et en plein conflit israélo-palestiniens.

Suivant la mode des télénovelas, les pays latins continuent à surfer sur les histoires de familles, comme dans “The celebration” (Argentine), des épisodes indépendants les uns des autres mettent en scène des événements tragiques dans des familles. Et les pays nordiques donnent toujours dans le lugubre avec par exemple “Black widows” (Finlande), où des femmes trentenaires se débarrassent de leurs maris en faisant exploser leur bateau.

Les séries TV historiques semblent toujours au gout du jour malgré leur cout en général assez élevé avec “New worlds” (UK) qui se déroule du temps de Charles II (17ième siècle). “In the heart of the ocean” (Espagne), met en scène 80 femmes envoyées pour occuper le nouveau monde au 16ième siècle. Une autre série met en scène une histoire d’amour avec un soldat turc pendant la première guerre mondial. Perdant de ce conflit, ce pays ne célèbre pas comme nous le centenaire de cette guerre ! Et “Heiroglyph” est une série US couvrant une période rare à la TV, celle des Pharaons. Canal+ a de son côté commandé 12 épisodes de “Versailles” qui sera tourné en anglais.

Courtney Kemp Agboh (Power creator) and Curtis Jackson (50cent) (2)

Et les américains ? Ils ne sont pas en reste dans de déluge de présentations de nouveautés. Il y avait surtout Power, cette série produite par le rappeur “50Cent” Curtis Jackson (ci-dessus) et qui sera diffusée en premier sur la chaine payante US Starz. Avec un petit lien de parenté avec House of Cards : un héro du côté de la force obscure qui a une double vie de tenancier de boite de nuit branchée et de tête de réseau de revente de drogue et d’armes. Au bout de quelques minutes de l’épisode pilote, il tue froidement un petit dealer traître de son réseau. Mais il est fait pour être apprécié par le public car il est moins pire que les autres et veut abandonner son business de dealer.

Le calendrier des épisodes pilotes américains est toujours bien fourni. On y note qu’ils adaptent parfois des contenus européens ou d’autres origines étrangères comme “House of Cards” l’était : “An American Education” est inspiré de “Bad Education” de la BBC (ABC), “Exposed” est inspiré d’un format scandinave (ABC), “Sea of Fire” (encore ABC) est tiré d’une série hollandaise, “Red Band Society” vient d’Espagne tout comme “The Mysteries of Laura” (‘’une détective qui doit aussi gérer ses enfants jumeaux), “Coercion” est issu d’une nouvelle israélienne et qui rappelle “The Americans”, “The Slap” vient d’Australie, “Gracepoint” est un remake du britannique Broadchurch qui a fait un tabac sur France 2.

Les thématiques suivent aussi les tendances sociétales : “Selfie” (ABC) où un jeune attire l’attention malgré lui dans les médias sociaux, “More Time with the Family” (CBS) où un père  change de carrière pour pouvoir mieux s’occuper de ses enfants, “Madam Secretary” (CBS) qui relate les aventures d’une Secrétaire d’Etat Américaine, “Ellen More or Less” (NBC) sur la vie d’une femme qui se réinvente après avoir perdu 50 kg.

Dans la lignée de The S.H.I.E.L.D., la Fox va lancer “Gotham”, une série “prequel” des Batman couvrant notamment la vie du commissaire Gordon. Et comme les aventures associant la Maison Blanche et les services secrets font toujours recette, “State of Affairs”  racontera celle d’un agent de la CIA qui conseille le président (qui n’existe pas dans la vraie vie…). Et “The Visitors” (ABC) décrit une invasion extra-terrestre utilisant des enfants, une variante de “V”.

Autres audiences

L’audience des enfants était particulièrement choyée dans ce MIPTV, avec force fictions et dessins-animés, mais sans innovation particulièrement notable.

Une autre audience est maintenant prise en compte avec la chaine du câble US DogTV qui vise les chiens et leurs propriétaires. Elle sert à occuper votre chien quand son propriétaire est absent. Cette chaine a été lancée par le groupe israélien PTV. Elle présentait DogTV Anywhere, son application second écran. L’interface tactile est probablement plus adaptée que la télécommande d’une TV pour une manipulation par les pattes de votre toutou. Mais ce mode d’utilisation n’est pas encore au programme.

DogTV (2)

L’application fonctionne aussi dans les Smart TV des principaux constructeurs ainsi que sur les box OTT style Roku et Apple TV. La chaine dans laquelle Discovery vient d’investir est distribuée pour l’instant aux USA uniquement. On peut imaginer qu’elle sera facile à “localiser”. L’histoire ne dit pas si la durée moyenne d’attention de votre chien est supérieure à celle de vos enfants ni de combien elle va augmenter l’empreinte carbone  des animaux domestiques !

En 2015, on aura peut-être Fish TV pour son poisson rouge et Cat TV. Mais capter l’attention d’un chat est probablement plus difficile que pour un chien. Le chat est au chien ce que la génération Y est aux seniors dans le numérique ! D’ailleurs, Cat TV existe déjà avec des formats très courts. Ca s’appelle YouTube !

On pourra ensuite passer des outils de recommandation et des réseaux sociaux vidéo pour chiens et chats. En effet, il ne sera pas bien difficile de détecter l’intérêt des animaux aux programmes qui leurs sont proposés. Le plus dur ne sera pas dans la dimension technologique mais de trouver un bon business model pour ces services additionnels !

Le succès des formats israéliens

Cette année, Israël était mis à l’honneur dans ce MIPTV (cf la vidéo de la table ronde “Focus on Israel” du MIPTV). En à peine deux ans, les chaines et sociétés de production du pays sont devenus de gros exportateurs de fictions et de formats d’émissions de TV. Certains formats comme “Rising Star” ont ainsi été vendus à jusqu’à 25 pays.

Visant toujours le marché mondial, le format japonais “A couple” de Nippon TV a été adapté pour le marché mondial et vendu à 10 pays. Le format “Boom !” déjà cité a été acquis par TF1 en plus de la Fox alors que la première saison israélienne a démarré tout juste début avril 2014. Comme pour “The Extra Mile” et ses couples divorcés, “Selfie” (un autre) colle au mieux aux évolutions sociétales du moment en mettant en scène des jeunes dans leur dernière année d’études avant l’armée, et les relations avec les parents transformées du fait de l’usage intensif des mobiles.

Elevator Pitch

Keshet Productions est à l’origine de la série TV “Hatufim” qui a été déclinée dans “Homeland” ainsi que de “Boom !”.

La société vient de lancer “Elevator Pitch”, un format pour les entrepreneurs en herbe. Ils montent dans un ascenseur (très lent) pour pitcher leur projet et l’ensemble de l’audience de l’émission est amenée à voter de manière interactive. La maison de production présente cela comme la “plus grande étude de marché” jamais réalisée via la TV. C’est une alternative aux systèmes de crowdfunding style KickStarter pour valider une idée. Le projet est encore à l’état papier et il doit être lancé d’ici fin 2014 en Israël.

Dans la même idée, une conférence associant les médias et le numérique est organisée en Israël du 11 au 14 juin 2014. Un intervenant rappelait que contenu et logiciels sont la déclinaison du même mot en hébreu. Alors, pourquoi les israéliens sont-ils si présents dans ce domaine, en plus des startups high-tech ? Quels sont les points communs à ces deux réussites internationales ? Quelles leçons peut-on en tirer ? Ici, la magie est une combinaison de facteurs multiples :

  • Un petit marché intérieur qui les pousse à faire de la qualité avec peu de moyens et à créer des contenus et formats qui s’exportent bien pour pouvoir les rentabiliser. Et l’exportation est véritablement mondiale car elle ne peut pas être régionale au vu des pays voisins qui ne sont pour l’instant pas vraiment des marchés cibles. Cela pousse à aller plus loin. Cela fait écho au débat courant en France sur l’export et les startups : faut-il commencer par l’Europe ou par les USA…
  • La capacité à associer des métiers différents : contenus, sociologie, numérique.
  • Un gout du risque plus fort et des talents certains de vendeurs et négociateurs.

C’est une belle leçon pour la France et son exception culturelle qui s’exporte plus difficilement. Dans la majorité des conférences, la France était peu présente. Un seul format présenté comme innovant dans la TV réalité (“Best Couple Ever”) et pas de série TV exportable de présentée en plénières. Mais il s’en vend tout de même, comme celles d’Europacorp avec Transporter, “Taxi Brooklyn” ou XIII ou Lagardère avec “Borgia”, tous tournés en anglais. Les “Revenants” diffusés sur Canal+ se sont aussi bien vendus à l’étranger.

On se rattrapait aussi avec les formats dits “numériques” comme ceux de la société de production Golden Moustache. Cela ne veut pas dire que les sociétés de production et de distribution françaises ne vendaient rien à Cannes. Elles étaient cependant assez peu visibles dans leur footprint média. Ce qui s’exporte ? Souvent des contenus qui empruntent aux codes américains comme les productions d’Europacorp ou des séries comme No Limit, diffusé par TF1. Les documentaires et les programmes destinés à la jeunesse se portent un peu mieux.

Ce MIPTV montrait que le marché des contenus est de plus en plus global. Ils ne sont plus l’exclusivité des américains. Les séries TV anglaises et des pays nordiques font un tabac. Les contenus de l’Amérique du Sud s’exportent très bien en Asie. L’anglais ITV vient d’acheter “Sing my song” à China TV. Les partenariats sont transcontinentaux : le Mexique sera le prochain pays à l’honneur au MIPCOM en octobre 2014. Il vend ses contenus partout dans le monde et notamment en Asie. Cette mondialisation est évidemment alimentée par les tuyaux Internet et en particulier YouTube.

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Voilà pour les contenus TV traditionnels. Dans l’épisode suivant, nous traiterons des contenus dits “numériques”, c’est-à-dire qui sont produits avant tout pour une diffusion hors des canaux traditionnels de la TV broadcast. Avec une omniprésence de YouTube, encore plus structurant pour le marché que ne l’est Netflix.

RRR

 
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