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LeWeb 2013 : vue d’ensemble

Post de Olivier Ezratty du 13 décembre 2013 - Tags : Actualités | 20 Comments

J’ai assisté les 10, 11 et 12 décembre 2013 à mon neuvième LeWeb en comptant la dernière édition de la conférence “Les Blogs” qui précédait (en 2005).

Avec le CES de Las Vegas en janvier, ce sont trois des journées les plus intenses de l’année. Avec un mélange de networking sans égal et de conférences vraiment intéressantes comptant plus d’une centaine d’intervenants de très bon niveau. On y est baigné dans un mélange de jet set et de Mecque de l’Internet mondial. C’est l’événement du genre le plus important à l’échelle européenne si ce n’est mondial.

Le thème de cette année ? Nous aider à anticiper les dix années qui viennent. Je ne sais pas trop s’il est possible de le faire tant les surprises peuvent être grandes et la créativité des uns et des autres qui font le futur difficile à anticiper. Quand on pense que la première édition de LeWeb en 2006 date d’avant l’arrivée de l’iPhone, de la 3G, de Facebook et Twitter ! Le changement de nom de l’événement de Les Blogs à Leweb traduisait déjà une rupture du milieu des années 2000 : la fin des blogs comme pivot du web. Les réseaux sociaux et les applications mobiles les ont remplacés. Je suis un dinosaure du web avec “Opinions Libres”. Mais il faut bien que les réseaux sociaux pointent sur quelque chose ! La curation n’a pas de sens sans contenus ! Il n’empêche que même si on ne peut pas prédire grand chose, les interventions sur le sujet étaient fort éclairantes !

Guy Kawasaki

L’autre nouveauté de cette année, c’est le rachat de la franchise de la conférence par Reed Midem, société anglaise et grand organisateur de salons et conférences comme le Midem, ou le MipTV et son MipCube où je vais et interviens régulièrement depuis 2011. Cela n’a visiblement pas changé grand-chose côté contenus car celui-ci était toujours sous la coupe de Loïc et Géraldine Le Meur qui déploient toujours aussi efficacement les grandes ailes de leur immense réseau dans l’Internet mondial. Sans eux, Leweb ne serait pas ce qu’il est. Reed Midem apporte surtout sa logistique commerciale et marketing. Ils sont notamment chargés de commercialiser les espaces pour les exposants et sponsors. On se demande ce que deviendrait Leweb sans les Le Meur. Ils auraient encore deux ans à tenir contractuellement avec Reed Midem. Si l’envie leur prend de laisser tomber Leweb, tout peut arriver ! Cela reste un enjeu majeur de préserver l’organisation de Leweb à Paris.

Si vous n’en étiez pas, vous pouviez être là tout de même en regardant les simulcast vidéo des conférences ou en compulsant cette présentation de Loic Le Meur sur les tendances de la Silicon Valley. On y trouve tout ce qui est tendance : e-learning, impression 3D, objets connectés, économie collaborative, géolocalisation, crowdfunding… C’est un éternel recommencement ! Et maintenant, vous pouvez revivre intégralement Leweb grâce aux vidéos publiées sur YouTube.

Comme chaque année, je vais décortiquer Leweb. J’essaye de me distinguer des autres bloggeurs et médias accrédités par une analyse à froid et à postériori de tout ce qui se passe et se dit à Leweb. Et aussi à 360°, un peu comme je le fais pour le Rapport du CES.

Dans cette première partie, je vais me consacrer à la forme de Leweb : la mise à jour de ma scorecard habituelle, une vue sur les participants et sur le casting, la scénographie, les stands et le marketing des exposants qui cherchent à “hijacker” la conférence.

Le fond viendra dans les articles suivants où je parcourais les différentes thématiques récurrentes de la conférence. Comme fils conducteurs, il y avait : de la prospective à 10 ans, la croissance des startups, les objets connectés (en prolongation de l’édition 2012 de Leweb), l’homme augmenté, l’impression 3D et une grosse piqûre de rappel sur les médias sociaux. Et aussi les interventions politiques qui méritent le détour.

J’ai sinon publié un extrait de mes photos de la conférence sur Facebook.

La scorecard

Etant un habitué de l’événement, je maintiens une scorecard de Leweb depuis sa création. Et suis aussi bien l’évolution du nombre des participants que les aspects logistiques et aussi le nombre d’intervenants qui marquent la scène. Je n’y intègre pas les deux éditions passées de Leweb Londres auxquelles je n’ai pas pu participer.

Leweb 2013 scorecard

Nous allons prendre cela point par point :

Côté participants, c’était la première édition avec une baisse de participation, passée de 3447 à 3331. Une baisse de 3,36% n’est pas bien significative. Ce d’autant plus que l’événement avait atteint sa taille critique. A quoi attribuer ce léger tassement ? Au minimum, au prix de l’événement associé à un temps de crise économique. Se pose la question du nombre de places payées par rapport aux places offertes qui a peut-être aussi évolué. Leweb est un événement payant (2300€) sachant que le prix est modulé en fonction de la date d’inscription et qu’il existe des tarifs avantageux pour les startups (800€), les étudiants (300€) et les développeurs freelance (600€). Pour un entrepreneur en phase de levée de fonds, Leweb est plutôt un bon investissement. Il va en très peu de temps et sans déplacements pouvoir rencontrer un bon nombre d’investisseurs français, européens et même américains.

Côté présence effective, il y avait du monde comme chaque année, mais à certains moments, cela semblait bien moins rempli. Notamment en fin de journée et dans la salle des plénières. Certains intervenants ont vu une différence marquée. J’ai l’impression qu’il y avait plus de français que l’année passée. Et comme ils sont généralement moins studieux et viennent surtout pour réseauter, on les voyait moins. Qui plus est, les participants qui ont des places gratuites viennent souvent juste une demi-journée “pour se montrer”. L’audience rassemblait des médias et bloggeurs (environ 400 dont environ 70 bloggeurs “officiels”), des entrepreneurs, des entreprises établies comme Orange ou Microsoft qui font de l’open innovation, des agences de communication, quelques étudiants et enfin des consultants en tout genre.

Audience (34)

Le casting était d’un très bon niveau cette année sachant que les interventions les plus marquantes étaient comme souvent réparties sur la seconde et la troisième journée. On regrettait certes l’absence de Marisa Mayer de Yahoo! qui avait été annoncée en juin mais dont le déplacement en Europe a été annulé il y a quelques semaines.

Le mix de Leweb est assez unique. Il associe à la fois des habitués de la conférence (Robert Scoble, Om Malik, le jury, …) et de nouveaux intervenants, notamment jeunes et cette année, avec un effort pour améliorer la représentation féminine. On va retrouver pèle-même des entrepreneurs de startups émergentes ou établies, des execs de grandes boites (Microsoft, Twitter, Google, Facebook, Amazon), quelques CEOs (Orange, Paypal), des consultants renommés (Kawasaki, Solis), des chercheurs et scientifiques, des personnalités d’autres secteurs que le numérique qui se mettent au numérique (comme le chef espagnol Ferran Adrià Acosta) et enfin, quelques politiques. A noter la présence pour au moins la troisième fois de Gary “Fucknershit” Vaynerchuk, qui arrive à dire pas mal de choses censées sur les médias sociaux et la relation client dans son verbiage émaillé d’innombrables “fuck” et “shit” !

Garry Vaynerchuk (12)

Côté startups, l’habituel concours a fonctionné comme l’année dernière. 700 candidats s’étaient manifestés. 16 ont été retenus et ont pitché dans le hall Eiffel, en face d’une assistance clairsemée comme d’habitude. Un candidat s’est désisté au dernier moment (Glose) et remplacé au pieds levé par un concours réalisé à l’improviste. Trois finalistes ont ensuite pitché en plénière devant un jury comportant des habitués (Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon, Brent Hoberman) et quelques autres comme Pascal Cagni (ancien d’Apple), Fleur Pellerin et Yossi Vardi (qui a au passage malheureusement perdu son slot d’intervenant). Le gagnant était le polonais Intelclinic. C’est la première fois qu’une startup du domaine du bien-être gagne cette compétition. Au passage, tandis que les trois finalistes de l’année dernière étaient français, aucun l’était cette année. Syndrome coupe du monde de football ?

Startups

Les exposants étaient d’abord de grandes entreprises qui veulent communiquer auprès des startups et des investisseurs sur leur approche de l’open innovation ou sur leur offre : Orange, France Télévision, Canal+, Renault, Paypal, Somfy et Google. Puis des pavillons qui font la promotion d’un pays (Belgique, Suède, Espagne) ou d’une région (Ile de France – ci-dessous, et les pays arabes).

Région Ile de France

Un effort avait été visiblement fait pour attirer les intervenants des pays du Moyen-Orient, d’Israël ainsi que de Russie qui avaient tous droits à un panel dédié dans le hall des “Plénières II”.  On croisait d’ailleurs quelques femmes voilées dans la conférence ! Mais les représentants des pays du Moyen-Orient se faisaient gentiment rabrouer par les intervenants américains lorsqu’ils demandaient s’ils prévoyaient d’investir chez eux. Trop loin mon fils ! On trouvait ensuite tout un tas de stands de startups à commencer par ceux des 16 startups sélectionnées.

Audience (40)

Les sponsors comprennent la plupart des grands exposants. Il y avait un cas à part avec Microsoft qui était sponsor mais sans stand. C’était surtout le principal sponsor de la compétition des startups. Ce qui a permis à Jean Ferré d’intervenir lors de la remise des prix. Microsoft avait sinon deux autres intervenants en plénière : Satya Nadella qui dirige l’activité cloud et serveurs et serait pressenti pour remplacer Steve Baller et Roxanne Varza, qui gère les relations avec les startups en France et animait un panel de VCs.

Conçue par la société de production Zero7, la scénographie pour les sessions plénières a été innovante à plusieurs titres. Tout d’abord, la scène ressemblait à un plateau de télévision, situé au même niveau que les spectateurs. C’était intriguant. La proximité était grande entre les premiers rangs et les intervenants. Loïc Le Meur expliquait dans son introduction que cela permettait une meilleure interaction avec la salle.

Stage (10)

Il en a fait plusieurs fois la démonstration dans les questions/réponses, notamment avec Fleur Pellerin. Deux spectateurs ont été invités à poser la question directement à Fleur Pellerin : Glenn Le Santo (de Wearable World, qui avait l’air d’avoir bien préparé son coup avec deux GoPro) et Adeline Pilon (de A&F Markets).

Adeline Pilon (A&F markets) et Fleur Pellerin (4)Glenn Le Santo (Wearable World) and Fleur Pellerin (3)

La scène était finalement assez vide avec juste des sièges et un peu de matériel (écrans de contrôle et de timer). Mais elle était bien “habillée” grâce à plusieurs vidéos projecteurs vidéo qui éclairaient un arrière-plan en maille de fer, complétés d’éclairages en LED de couleur. Cela permettait de générer des atmosphères différentes avec des teintes de bleu, de vert ou d’orange. Le son dans la salle était très équilibré avec toutes les enceintes, y compris les caissons de basse, montés au plafond. La projection vidéo était assurée avec des projecteurs Christie fournis par le loueur MVision.

Le générique de la conférence était quant à lui réalisé en images de synthèse et généré en 4K. La captation vidéo était assez classique, réalisée par la société lilloise Manganelli avec cinq caméras Sony HD équipées d’optiques Fujinon (au lieu de Canon l’année dernière) dont une montée sur un Steadicam. Il n’y avait ni Dolly (grue) ni travelling sur roues comme dans les éditions précédentes. Le streaming vidéo était réalisé par Freecaster.

La logistique était bonne cette année. On n’en parle que quand elle ne tourne pas rond, comme en 2008 au 104. Mais il faut le dire quand elle est au top. C’était le cas cette année. Le buffet était correct et s’était même amélioré avec des légumes, des crudités et des fruits ! Le feedback de l’année précédente a bien été pris en compte ! Bon, il y a eu juste un bug avec une file d’attente un peu longuette pour les médias le premier jour. A cause du temps qu’il faut pour retrouver à la main les badges protégés contre la copie par Nagra ID !

Buffet (1)

Leweb hijacking

Comment se faire remarquer à Leweb ? C’est la question que se posent à la fois les entreprises établies et les startups en mal de visibilité ou d’investisseurs. Le point clé pour les exposants est surtout d’obtenir une couverture média sur leur présence et en particulier de leurs annonces éventuelles. Sans annonces, peu ou pas de couverture média…

Première recette : venir en maillot de bain sur scène. C’est l’approche choisie par Eric Careel et Cédric Hutchings de Withings. C’est gonflé par rapport aux habitudes. Le tout après la présentation d’une vidéo sur le bien être avec des gens nus (vus de loin). Largement de quoi se faire interdire sur Facebook ou sur l’App Store ! Mais cela colle bien avec le message de la société : ses produits sont faits pour améliorer le bien être. Donc la forme physique !

Eric Careel et Cédric Hutchings (Withings) (2)

Seconde recette : présenter des technologies réellement nouvelles sur son stand. C’était l’approche encore perfectionnée par rapport aux années passées de France Télévisions. Son maintenant traditionnel stand était bourré d’innovations sourcées auprès de startups presque toutes françaises telles que StreamRoot (avec une solution de CDN peer-to-peer fonctionnant en 4K), Leankr (application second écran play along avec des contenus associés au programme visualisé), Sensorit (et sa vitre intelligente, construite avec un écran LCD transparent de LG Electronics), Laster (et ses lunettes de réalité augmentée utilisant la technologie EnhancedViewT) ou encore Akka (et son prototype de voiture électrique à conduite automatique). Chez Orange, on trouvait deux solutions logicielles : le gestionnaire de mots de passe et portefeuille numérique Dashlane et la solution de protection de ses mobiles, Lookout. C’était nettement moins percutant que l’approche de France Télévisions.

Streamroot (vu sur stand France Télévisions)

Troisième recette : faire une démonstration partielle de son produit. C’était l’approche d’Henri Seydoux (Parrot) dans son intervention en plénière. Le produit est un jouet télécommandable avec un mobile et dénommé Jumping Sumo. Il sera annoncé au CES en janvier 2014. Sur scène, Henri Seydoux l’a démontré encore dans sa boite en carton. On le voyait bouger sur le sol, mais pas à quoi il ressemblait. Même si en zoomant bien, on commençait à en voir un bout (ci-dessous). Ca, c’est du bon teasing !

Henri Seydoux (Parrot) (5)Henri Seydoux (Parrot) (8)

Quatrième recette : Uber qui proposait ses trajets en voiture avec chauffeur. Cette société maintenant bien connue a un lien particulier avec Leweb : son créateur, Trevor Kalanick, en a eu l’idée lors de Leweb 2008 et a été confirmée après l’épisode neigeux de 2010 qui avait bloqué plein de participants notamment à la sortie de la soirée après la fermeture des métros. On se rend compte au passage que Uber est positionné CSP+ !

Uber (1)

Cinquième recette : le village “tout en un” de Google. Il intégrait plusieurs dimensions : la zone de conférence, la zone de démonstrations, et des attractions comme l’impression de tshirts personnalisés et la prise de photos. C’était une sorte de Googleplex en miniature. La difficulté dans ce cas est de bien remplir les ateliers.

Google

Sixième recette : suivre la tendance de ce que j’appellerai la “photo pourrie”. A savoir, proposer aux visiteurs de se faire prendre en photo à la va-vite. Etant spécialisé dans le portrait, j’exècre et conspue ce genre de pratique. Le résultat est généralement très médiocre. Mais ça attire le chaland, alors pourquoi s’en priver ? Le problème, c’est que la méthode était employée dans trop d’endroits : sur le stand de la région Ile de France, dans le village de Google et le stand des startups belges tous deux équipés d’un Sharing Box, et enfin dans une zone de Pixel Pictures avec son Pixomat. Et ne parlons pas de Snapchat qui a été cité 147 fois dans les conférences ! Beurk… ! Il y avait une variante un peu plus sophistiquée avec la Wish Machine sur le stand Orange (réalisée par l’équipe de Delphine Remy-Boutang de the Bureau) permettant aux visiteurs d’enregistrer une vidéo sur leurs rêves d’innovations de 2003 et leurs rêves pour 2023.

Pixel Pictures (4)

Septième recette : annoncer son programme startups. C’est ce qu’a choisi de faire Canal+ avec Canal Start. Le programme est un incubateur qui accueillera trois à cinq sociétés par an. Mais sans locaux. Canal+ pourra investir en amorçage dans les startups comme le font Bouygues Télécom et SFR. Très bien. Sauf qu’il n’y avait aucune startup de valorisée sur leur stand. Pourtant, Canal+ a l’habitude de faire déjà appel à pas mal de startups. Mais le groupe média a l’habitude d’empêcher les startups de communiquer publiquement cette belle référence. On peut espérer que cela va changer avec ce nouveau programme !

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Huitième recette : organiser une des soirées de la conférence. RudeBaguette et The Family en ont organisé une, en marge de la conférence. La soirée officielle était sponsorisée par Pernod Ricard (en nature ?) et Immobi. Vous connaissiez ce dernier ? Moi non… Curieux investissement marketing !

Autre recette, éculée, utiliser des mannequins pour permettre à l’assistance – plutôt masculine – de se faire prendre en photo avec. L’agence Tequila Rapido a récidivé cette année, avec les mêmes hôtesses. Il serait temps de chercher à se renouveler !

Pour les startups qui cherchaient à rentrer en contact avec vous, il y avait le coup de l’invitation envoyée sur Presdomatch, l’outil de réseau social proposé aux inscrits, mais pas forcément acceptée. Puis une rencontre fortuite commençant par “on avait prévu de se rencontrer“. Ah bon ? C’est dans la même veine que “on se connait sur Twitter“…

Voilà pour cette mise en bouche. Dans les prochains épisodes, nous allons creuser les principales thématiques de ce Leweb et à commencer par la principale : ce qui nous attend dans dix ans, pour peu que l’on puisse le savoir en avance !

RRR

 
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