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IBC 2013 : production et diffusion

Post de Olivier Ezratty du 21 septembre 2013 - Tags : Apple,Haut débit,Internet,TV et vidéo | 2 Comments

Voici le troisième épisode du compte-rendu de ma quatrième visite de l’IBC d’Amsterdam où je suis passé du 13 au 15 septembre 2013. Les deux premiers concernaient un tour d’horizon général et le second les outils de captation de la vidéo.

Nous allons ici couvrir les étapes de la production, de la post-production, et de la diffusion de contenus vidéo professionnels (broadcast TV mais aussi cinéma). Ce sera un peu geeky pour ceux d’entre vous qui ne sont pas passionnés des technologies de la TV ! Cet article rappelle au passage que la TV broadcast comme la production cinématographique sont des secteurs particulièrement gourmands en ressources informatiques. Que ce soit en puissance de calcul, en débits de réseaux, en capacité de stockage, d’archivage et d’affichage, l’industrie est souvent aux limites du possible technologiquement parlant !

Trois tendances touchant la production et la post-production pouvaient être observées sur cet IBC 2013 : l’IP base studio, le cloud et la captation live en 4K. Du côté de la diffusion, la mode est évidemment au multi-écrans. Mais les nouveautés portaient plus sur les expérimentations de diffusion en live de contenus 4K, notamment par les grands acteurs du satellite (SES, Eutelsat, Intelsat).

IP based studio

Il s’agit de l’intégration complète de la production télévisuelle sur réseaux IP dès la sortie caméra. Actuellement, la sortie des caméras broadcast est généralement est coaxial SDI 1,5 Gbits/s. Ces câbles vont dans des armoires de brassage qui alimentent ensuite des mélangeurs et divers systèmes pour les effets spéciaux. Le signal TV habillé sort ensuite, encore en SDI, et alimente les système de diffusion, qu’ils soient hertziens, satellite, câble, IPTV ou “seconds écrans”.

Dans l’IP Studio, tout fonctionne sous TCP/IP, dès la sortie caméra, avec généralement, une conversion SDI vers fibre optique. Le signal vidéo va alors circuler dans un réseau IP jusqu’aux routeurs, au mélangeur, traverser différents serveurs spécialisés comme pour l’ajout d’effets spéciaux, puis être diffusé.

En soi, ce n’est pas nouveau car c’est ainsi que fonctionnent généralement les studios de web TV. Ce qui est nouveau est son application à de la captation broadcast, avec des exigences de qualité plus élevées et notamment une vidéo traitée en natif (RAW ou RGB non compressée). C’est maintenant possible avec les technologies de routage IP en fibres optiques à 40 GBits/s et 100 GBits/s, même si pour l’instant, les configuration ont l’air de se contenter de routeurs de 10 Gbits/s. Il faut en effet du Gbits/s à la pelle pour faire cohabiter le signal de plusieurs caméras de plateau qui génèrent chacune au minimum un débit de 1,5 Gbits/s et assurer une qualité de service sans faille. Sans compter les caméras 4K qui génèrent aux alentours de 6 GBits/s.

Le bénéfice du studio broadcast sous IP ? Il est plus flexible. On peut le délocaliser par rapport au lieu de la captation (studio, stade), mutualiser les régies et les personnels associés, s’appuyer sur des serveurs avec une connectique plus simple (réseau et fibre optique).

Deux stands mettaient particulièrement en valeur l’IP Studio : le laboratoire de recherche de la BBC qui a conceptualisé tout le workflow du studio IP et notamment le moyen de synchroniser les contenus et leurs métadonnées, et Sony, qui exposait, avec nombre de ses partenaires, diverses configurations intégrées de studio tout IP. Ensuite, on trouvait tout un tas de composantes, que nous verrons plus loin.

Cloud anything

La mode du cloud a aussi touché le monde du broadcast. Où est-il employé ? Il l’était déjà depuis longtemps pour la mise en place de services de streaming vidéo pour les seconds-écrans. Il touche maintenant le workflow de production. Car qui dit “IP based studio” dit aussi transport de la vidéo sur Internet. C’est un cloud très haute performance qui nécessite des liaisons spécialisées à très haut débit. Même en compressant la vidéo, on a besoin de tuyaux qui sont plutôt dans les gigabits/s que dans les mégabits/s. La vidéo professionnelle est à tous points de vue l’une des applications les plus lourdes du numérique en termes de volumes transmis que de puissance de calcul employée. Les caméras vidéo broadcast peuvent être quasiment directement être connectées au cloud qui est alors mis à toutes les sauces :

  • Pour créer sa chaine web TV (comme chez Brightcove ou Ooyala).
  • Pour archiver et gérer ses contenus (comme chez Aframe).
  • Pour les services de transcodage et d’archivage (comme chez le français ATEME).
  • Pour créer son service de VOD (comme chez le français Hexaglobe).
  • Pour gérer la partie business et monétisation des opérations (comme avec Alpha Networks).
  • Pour gérer la publicité (avec des acteurs comme Amagi).
  • Pour alimenter les usages multi-écrans (comme avec ces Edge Servers de Toshiba en mémoire Flash,  ci-dessous).

Toshiba (2)Toshiba (1)

Citons aussi les Sony Media Cloud Services avec ses outils de régie qui fonctionnent dans un navigateur et permettent l’uplink en live de feeds vidéos avec une régie de production distante. L’outil comprime la vidéo à la source pour qu’elle puisse passer dans les tuyaux disponibles : 4G, LTE, Wi-Fi. Un scénario adapté en priorité aux news.

Captation live en 4K

La 4K est monnaie courante dans les grandes productions cinématographiques depuis l’avènement de la RED en 2008. Il s’agit de programmes montés à base de “fichiers” dérushés, avec des logiciels de montage tels que FinalCut ou AVID. L’enjeu de la 4K est de supporter maintenant la production de contenus en direct ! C’est techniquement beaucoup plus compliqué. Il faut transporter des flux de données beaucoup plus lourds et traverser une chaine de production avec plus d’une douzaine de composantes.

Nous avions vu une bonne partie de ces maillons en place dans l’expérimentation menée à Roland Garros en juin dernier. L’IBC a été l’occasion de voir la chaine broadcast live 4K continuer à se compléter. Il y a cependant encore des trous dans la raquette et notamment sur l’encodage en live de flux 4K en HEVC, indispensable pour faire passer de l’UHD dans les tuyaux !

A terme, on aura la combinaison des trois tendances : des “IP studios” s’appuyant sur le cloud pour produire et diffuser des contenus live en 4K.

Le débat a toujours lieu sur le frame rate nécessaire pour la 4K. Certains stands comme ceux de la BBC et de l’EBU (European Broadcasting Union) démontraient l’intérêt d’un frame rate supérieur à 100 fps. Le sujet est surtout important pour les retransmissions sportives. Pour la fiction, la question ne se pose pour l’instant pas car elle est captée au mieux en 48 fps (comme pour le décrié “The Hobbit” de Peter Jackson sorti en 2012).

BBC (5)EBU (1)

Plus généralement, les avis sont toujours partagés sur l’intérêt de la 4K, au cinéma comme à la télévision (cf cet article qui ne lui trouve aucun intérêt). Les industriels et Hollywood poussent pour la 4K. D’un autre côté, les broadcasters ne sont pas très pressés et les consommateurs sont circonspects. Jusqu’au jour où ils peuvent voir une démonstration de vidéo 4K sur un bel écran !

Il n’est pas du tout évident de s’y retrouver dans la correspondance entre les caractéristiques des vidéos supportées et les débits nécessaires. Je vais donc essayer de débroussailler la chose une fois pour toutes.

Il existe trois connectiques disponibles en sorties de caméras HD et UHD sur coaxial SDI pour le support du live broadcast :

  • HD-SDI à 1,5 GBits/s qui est la plus couramment utilisée pour générer du 1080i 50/60p en encodage 4:2:2 sur 10 bits. C’est une demi-image 1080p 50 ou 60 fois par secondes. Cela équivaut à du 1080p en 25/30p. Notons au passage que le BluRay supporte le 1080p à 25/30 fps ou le 1080i à 50/60 fps… mais une fois compressé en H264 !
  • 3G-SDI à 3 Gbits/s qui permet de transmettre de la vidéo 1080p 50/60fos en 4:2:2 sur 10 bits. Elle est rarement utilisée en broadcast. Plusieurs sorties 3G-SDI peuvent être combinées pour transporter une image vidéo UHD, comme c’est le cas de la Canon C500 avec ses deux sorties 3G-SDI.
  • 6G-SDI à 6 GBits pour la UHD (2160p) en 25/30p aussi en 4:2:2 sur 10 bits. En effet, comparée à la 3G-SDI on multiplie par quatre le nombre de pixels par image mais on divise par deux le frame rate. Et on retombe sur nos pattes. Pour faire du UHD en 50/60p, il faut donc en théorie 12 Gbits/s. Mais on verra plus loin que personne n’en fait.

Une caméra broadcast 2K ou 4K va générer une vidéo selon au moins trois formats possibles :

  • Un format RAW avec l’envoi des données brutes de chaque photosite du capteur de la caméra. Le débit va être calculé avec la formule suivante :

Débit en bits/secondes = nombre de bits d’encodage des couleurs primaires (10, 12, 14, 16 bits) x nombre de photosites du capteur (qui sont rouge, vert ou bleu) x nombre de frames par seconde / taux de compression éventuel.

J’ai pris dans le tableau ci-dessous deux exemples avec la Canon C500 et la Sony F65. La première a un capteur de 8 millions de photosites RGB qui sont encodés sur 10 bits. Et la Sony F65 qui a deux fois plus de photosites encode chacun d’entre eux sur 16 bits. Canon se rattrape un peu en utilisant son “Log gamma” qui comprime la dynamique sur 10 bits et permet de renforcer la finesse de restitution des basses et hautes lumières. Et Sony applique une compression lossless d’un facteur 3,6 aux données RAW. C’est nécessaire pour pouvoir ne serait-ce qu’enregistrer les vidéos sur ses cartes SR qui plafonnent aujourd’hui à 5,5 GBits/s.

Debits Cameras 4K

Le format RAW est ensuite débayerisé avec du matériel spécifique pour transformer l’image vidéo en image RGB (4:4:4 pour des effets spéciaux) ou en YCC (4:2:2, avec une luminance et deux chrominances complémentaires). C’est ainsi que fonctionnait la captation live de Roland Garros en juin 2013.

Le résultat prend beaucoup de place ! Rien que pour du cinéma en 24p, une Sony F65 va ainsi générer 225 Mo/s. Ce qui donne 880 Go de l’heure ! Si on passe au 48p et en 3D avec deux caméras, cela va donner plus de 3 To de stockage par heure de tournage ! Une grosse production pouvant générer 150 heures de rushes, il va falloir stocker 463 To quelque part et si possible sur un système redondant. En 4K 24p, on se contentera de 115 To. Comme le plus grand disque dur fait 4 To, ça fait déjà 29 disques durs, sans redondance ! Cela donne une idée du défi en matière de “big data” pour la production de films 4K au cinéma !

Pour la TV, le défi est un peu différent car on doit gérer tout cela en temps réel. Tandis que les tournages de cinéma donnent lieu à l’accumulation de rushes sur stockage en carte mémoire ou sur disques durs externes ou internes, dans la TV broadcast, il faut transporter des GBits/s de données dans tout le workflow de production.

Une Canon C500 sort de la vidéo 4K à 60p en se contentant de deux sorties 3G-SDI alors que la théorie dit qu’il faudrait 12 Gbits/s. En fait, il faut 12 Gbits/s quand la débayerisation a lieu dans la caméra car elle double le flux de données.

  • Un format YCC (voire RGB) avec l’un des standards SMPTE.

Le calcul du débit est un peu différent car on raisonne en pixels “complets” et pas en “photosites”. Chaque pixel est encodé avec une luminance sur un certain nombre de bits (color depth) et deux chrominances sont ensuite codées avec chacune la moitié (pour le 4:2:2 qui est le standard en broadcast). Chaque pixel demande alors 20 bits (= 10 pour la luminance et 10 pour les deux chrominances). On refait la multiplication avec la résolution et le frame rate et on obtient le débit vidéo réel nécessaire. Le cas extrême : celui d’une FT-One de ForA qui sert aux ralentis et va stocker ses images dans la caméra après dérawtisation et les diffuser ensuite à la régie en YCC 4:2:2 UHD 60p. Cela qui va nécessiter 12 Gbits/s, soit quatre sorties 3G-SDI.

  • Enfin, un format compressé le plus souvent dérivé du H264. Ce format n’est pas utilisé en broadcast pour les tournages en studio. Il peut l’être pour le tournage de news et de documentaires ou pour de la Web TV. Là, les débits sont évidemment plus raisonnables et traversent sans problème un réseau haut débit traditionnel 100 Mbits/s voire s’il le faut 1 GBits/s.

Passons maintenant en revue quelques une des nouveautés de l’IBC 2013 côté production en live de vidéo UHD. L’offre s’enrichit mais il faut rester prudent. Certains produits ne sont pas encore disponibles.

Convertisseurs

Pour pouvoir transporter de la HD ou de la UHD sur de longues distances, ou s’intégrer dans un studio IP, il est utile de convertir dès la sortie caméra le signal SDI en flux TCP/IP circulant sur fibre optique.

Les convertisseurs coax SDI / fibre optique s’installent généralement au dos de la caméra (exemple ci-dessous avec le CopperHead 3400 de Miranda qui gère la 4K en 12 Gbits/s). Cette fibre va aussi gérer tout un tas de signaux annexes dans un sens ou l’autre : l’intercom audio entre le caméraman et la régie, le time code et le contrôle à distance de la caméra (focale, netteté, ouverture). A l’autre extrémité, on trouve des CCU (Camera Control Unit), souvent de la marque du constructeur de la caméra ainsi que des routeurs. Il existe des convertisseurs plus simples qui prennent la forme d’un simple dongle quand un seul coax SDI demande une conversion.

Telecast-CopperHead-3400-Fiber-Optic-Camera-Transceiver 

Routage

La connectique 6G adaptée à l’UHD commence à être supportée par tout un tas de sociétés dont Semtech, embrionix, Evertz, Xross et Omnitek. Evertz présentait ainsi (suite au NAB 2013) son routeur hybride SDI/Ethernet 10 Gbits/s, le 3080IPX.

evertz-3080IPG-ASI-IPGE

Evertz propose une panoplie complète de solutions de régie pour l’UHD avec non seulement ses routeurs, mais également des convertisseurs (up et down, entre UHD et HD), des décodeurs et encodeurs de contribution, des systèmes de Multiview pour les moniteurs de régies (Dreamcatcher) et des encodeurs de distribution HEVC. Mais il semble que de nombreux produits soient encode au stade de l’annonce (comme les décodeurs et encodeurs de contribution 7814UDX-4K et les décodeurs et encodeurs de distribution 7880IPG-10G-J2K) sans compter l’encodeur 3480ENC-HEVC.

Evertz (2)

J’ai aussi fait un tour sur le stand de Miranda et vu ses serveurs et routeurs. A noter le design étudié de machines qui sont destinées à des data-centers ! Leur routeur 8500H-ip-3g-fS-cX supporte la UHD. Miranda propose des routeurs traditionnels avec entrées et sorties SDI coaxiales ou des routeurs dits hybrides qui gèrent à la fois le coax SDI ou bien des entrées/sorties fibre optique. Chaque fibre peut gérer jusqu’à 18 canaux SDI 3 Gbits/s donc 4 caméras UHD. Ces fibres utilisent la technologie de multiplexage de longueur d’onde CWDM (cf mon papier sur Alcatel-Lucent pour comprendre).

Belden Miranda (2)Belden Miranda (3)

Serveurs et stockage

La production broadcast a besoin de serveurs à tous les étages ! Pour gérer tous les effets et l’habillage des contenus, la production et le montage de programmes enregistrés, pour le stockage et la diffusion, puis pour l’archivage. C’est du big data reposant sur de nombreux très gros fichiers. La consommation de TV peut ensuite générer de la big data classique avec plein de données d’usages, notamment chez les opérateurs Internet et télécoms qui peuvent suivre à la trace la consommation des téléspectateurs.

Sinon, le belge EVS, déjà croisé à Roland Garros, est prêt pour la 4K avec ses serveurs XT3 adaptés à la gestion des ralentis en liaison avec les FT-One de ForA. Différentes marques proposent des convertisseurs notamment pour downscaler de la UHD pour l’afficher sur des moniteurs Full HD ou au contraire upscaler un contenu HD pour l’injecter dans un mélangeur UHD. Rohde & Schwarz propose aussi son enregistreur 4K, le DVS Pronto4K, doté d’entrées 3G-SDI. Sony est aussi de la partie avec son enregistreur SR-R1000, aussi vu à Roland Garros.

EVS (1)

Le leader du stockage en production TV est Isilon, une filiale d’EMC. Ses serveurs de stockage sont adaptés au “big data” et donc au stockage de fichiers pour la production vidéo et notamment en 4K. Ces serveurs de production servent à stocker les contenus à éditer et à diffuser à l’antenne. Ils sont gérés par OneFS, le système de gestion de fichiers Iisilon. Les limites de ces systèmes ? La capacité des réseaux, des processeurs et des disques durs du moment !

EMC (1)

Enfin, Oracle, par le biais de son activité StorageTek, se présente comme le mieux placé pour l’archivage longue durée sur bandes des énormes volumes de données générés par la 4K, les concurrents principaux étant EMC et IBM. Il annonçait à l’IBC son nouveau StorageTek T10000D qui repousse les limites de l’archivage avec jusqu’à 8,5 To par cartouche accessibles en lecture à la vitesse de 252 Mo/s (qui est voisine du débit d’une Sony F65…). Une cartouche accessible via un robot chargeur va donc stocker entre quatre et huit heures de rushes 4K pour le cinéma !

Un système d’archivage complet peut gérer jusqu’à 68 exaoctets (soit 68 millions de To). Il est associé à un logiciel, le StorageTek Linear Tape File System, qui facilite la gestion des fichiers à partir de n’importe quel point du réseau.

Oracle (2)

Cependant, on n’a toujours pas de véritable solution pour l’archivage de très longue durée (plusieurs décennies) : les disques optiques se dégradent chimiquement avec le temps, les supports magnétiques se dégradent également mais moins si la température et l’humidité sont contrôlés. On ne saurait pas dépasser la soixantaine d’années en tout cas. Quand à l’argentique, l’expérience a montré qu’il durait difficilement plus d’un siècle, même si les procédés chimiques ont évolué avec le temps ! Mais c’est à ce jour le système d’archivage de plus longue durée !

Mélangeurs

L’australien Black Magic se démarquait en présentant son mélangeur UHD à 1895€ doté de 10 entrées SDI 6G, le ATEM 1 M/E Production Studio 4K. Il se contrôle soit avec un logiciel sur PC/Mac, soit avec une table de mixage comme la ATEM 1 M/E Broadcast Panel (qui coute 3925€). Voyez les specs, c’est assez impressionnant pour ce prix-là avec la gestion d’incrustations, le monitoring multi-vues (en Full HD seulement), des transitions et de l’habillage. ! Bon, OK, cela ne supporte l’UHD qu’aux frame rates de 24p, 25p et 30p ! Il faut savoir être raisonnable !

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Black Magic n’est évidemment pas seul. Il faut notamment compter avec Snell et ses mélangeurs Kahuna supportant l’UHD. Ils étaient aussi dans la configuration vue à Roland Garros. Sony propose aussi ses mélangeurs MVS-7000X et MVS-8000X (ci-dessous) qui fonctionnent en 4K et notamment avec leur caméra F55, adaptée au broadcast tandis que la F65 est plutôt adaptée au tournage de fictions lourdes.

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Habillage

L’israélien Orad propose sa solution d’habillage de contenus PowerWall qui supporte maintenant la 4K. Cela permet à la fois d’habiller un contenu broadcast à l’antenne mais aussi de créer des effets pour de l’affichage événementiel en 4K. Au passage, Orad annonçait avoir mis à jour sa solution 3DPlay chez M6 dans ses plateaux situés à Neuilly et notamment pour la météo. Le système pilote l’ensemble du processus d’intégration, des images de caméras, du décor virtuel et des cartes météos provenant de MeteoGroup. Le tout est piloté par la présentatrice avec une simple télécommande !

Il existe même des solutions d’habillage 4K dédiées aux programmes de sport, notamment chez Vizrt et EVS. C’est justifié car il est probable que les premières expériences de chaines TV en 4K se feront autour du sport, sur les années paires avec la coupe du monde de football en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016.

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Les solutions de décors virtuels se mettent aussi à la 4K. C’est le cas chez Vizrt qui s’appuie sur des cartes nVidia Quadro K6000 annoncées en juillet 2013 (7 milliards de transistors, 2880 processeurs de flux, 5,2 Teraflops et 12 Go de RAM) aussi bien que sur des cartes Matrox DSX LE3 4K.

De son côté, Screen présentait à l’IBC sa solution de sous-titrage 4K PolistreamBLACK. Et oui ! Là aussi, il faut passer à la 4K et mettre les sous-titres au niveau de la qualité de l’image !

Analyseurs

C’est une catégorie de produits particulière, utile pour contrôler la qualité des signaux vidéos. Eux-aussi sont en train d’être mis à la sauce 4K/UHD. On en trouve chez Rohde & Schwarz, chez OmniTek (avec son Ultra 4K Tool, ci-dessous, un outil de test, monitoring et conversion du signal 4K. qui permet notamment le “Pan & scan” Full HD sur un contenu 4K. Il supporte le 6G-SDI), Video Clarity (avec le ClearView Extreme 4K, un analyseur de qualité vidéo qui réalisation une comparaison subjective de qualité d’image, qui rappelle aussi ce que fait le Rennais Perceptiv) et aussi Leader Instruments (avec son LV5490 SD to 4K, un autre moniteur de qualité de signal qui supporte la 4K. Il converti aussi une entrée 4K vers une sortie 1080p pour l’envoi sur un moniteur traditionnel).

Enfin, il faut encore compter avec Black Magic Design et son SmartScope Duo 4K (ci-dessous) qui analyse les signaux vidéos sur deux écrans 8 pouces, y compris pour l’UHD et pour seulement 995€.

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Cartes graphiques

Le matériel de base d’une régie est principalement constitué de PC, serveurs et desktops, dotés d’interfaces utilisateurs spécifiques. Dans leur cœur et pour supporter la 4K, il faut des cartes graphiques adaptées. On en trouve chez les leaders du marché que sont nVidia (et ses Quadro 6000 à plus de 2000€, notamment compatibles avec Adobe Premiere CS 5.5), AMD (avec ses Radeon HD7970 et HD7990) et Matrox mais aussi chez DVS avec ses Atomix HDMI (avec entrées/sorties HDMI ou SDI et compatible avec Apple FinalCut Pro). Matrox propose ainsi sa carte graphique Mojito 4K  à 1795€ qui est compatible avec Adobe Creative Cloud et surtout Adobe Premiere Pro. On peut enfin citer le moins connu Bluefish444 qui propose une carte graphique 4K, la Epoch | 4K Supernova S+. Elle supporte via quatre entrées 3G-SDI de la 4K en 4:4:4 à 12 bits en RGB et YUVA (luminance + chrominance + couche alpha pour la transparence).

Côté étalonnage couleur, utilisé surtout pour les programmes de stock, on a sous la main Adobe SpeedGrade, un logiciel de la Creative Suite 6 annoncé en 2012. C’est un concurrent de DaVinci Resolve (acquis par Black Magic Design) et aussi du français Firefly Cinema qui propose sa solution d’étalonnage collaborative.

Moniteurs

Les moniteurs 4K ne manquent pas. Mais Sony se démarquait en présentant non seulement un écran 4K OLED de 56 pouces, le même que celui que j’avais pu voir au CES 2013 mais aussi un autre, de 30 pouces, qui sera probablement plutôt utile aux stations de montage et de visionnage, mais aussi aux régies. Sony proposait déjà des moniteurs de régie OLED en 1080p de formats allant du 16 au 25 pouces. L’intérêt de l’OLED pour une régie ? Un très bon rendu des couleurs et des noirs, le meilleur qui soit aujourd’hui dans les technologies d’affichage. Comme ces écrans sont assez chers, il est normal qu’ils commencent à se diffuser d’abord via les applications professionnelles.

Cars régies

Les premiers cars régie équipés en 4K arrivent aussi (OB Vans, ou Outside Broadcast Vans). La société anglaise Telegenic a ainsi créé le premier du genre, présenté au NAB en avril 2013, équipé en matériel Sony. Il est équipé d’une partie du matériel que nous venons de voir : avec des caméras HD, des F55 4K, un mélangeur MVS-8000X, un routeur Miranda 4K 8500 et trois moniteurs Sony PVM-300 4K LCD. Ces cars se déplient pour offrir une surface de travail toute équipée de jusqu’à 75 m2 avec toute la place pour la régie vidéo, son, contrôle des caméras et tout le toutim ! Dans un premier temps, ils servent à la captation d’événements enregistrés, comme ce qu’a pu faire le néerlandais United Media avec le concert de Muse à Rome en juin 2013. On n’en est pas encore au live vu l’absence de chaines TV 4K pour l’instant !

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Diffusion 4K par satellite

Les chaines TV n’ont pas de stand à l’IBC, aux exceptions notables des labs de la BBC et de la NHK. Ce sont les diffuseurs de TV par satellite qui sont les plus présents avec SES Astra, Eutelsat et Intelsat. Puis des opérateurs multi-tuyaux comme Globecast. Chacun d’entre eux présentait avec différents partenaires technologiques des expérimentations de transmission de vidéo live 4K. Les opérateurs satellite sont en effet les mieux préparés à diffuser de la 4K : leurs satellites ont du débit disponible sur leurs transpondeurs. Des canaux continuent de se libérer avec l’arrêt progressif des chaines TV analogique. Et l’infrastructure est là sans nécessiter de mise à jour : des satellites en orbites capables d’absorber tout débit et Codec pour du broadcast. Cela explique pourquoi ils ne se gênent pas pour faire des expérimentations à 100 Mbits/s qui sont plutôt inaccessibles aux autres tuyaux aujourd’hui sauf peut-être la fibre optique.

La configuration d’Eutelsat consistait à encoder un signal direct 4K 50p en HEVC à partir de Paris sur le satellite Eutelsat 10A et en DVB-S2. A l’arrivée, il était ensuite décodé sur une box équipée du processeur Broadcom vu partout dans les démonstrations du salon et présenté sur une TV LG 4K. A l’IFA, une autre démonstration avait intégré la diffusion du même genre de signal sur du câble en DVB-C2. Les partenaires de ces opérations étaient Ericsson, Globecast et Newtec. Les contenus étaient produits en UHD 60p par Sky Italia. Ils étaient envoyés via une quadruple liaison SDI 3G à la solution d’acquisition d’Ericsson qui exploitait ensuite un encodeur AVP2000 pour générer du MPEG4 AVC à 60 fps et une résolution couleur sur 10 bits et 4:2:2. Le signal passait ensuite par un modulateur satellite de Newtec (AS110) en DVB-S2 à 89 Mbits/s et en bande Ku. La liaison montante passait par une antenne de 1,5m de diamètre fournie par GlobeCast (filiale de Orange). Le flux était ensuite réceptionné à Milan et Southampton avec une antenne de 2,4m de diamètre (pas très grand public…) et quatre récepteurs Ericsson RX8200 alimentant un écran 4K

SES  Astra démontrait avec l’anglais Sky la transmission de deux chaines Ultra-HD encodées en HEVC transmises à partir de la position 19,2° Est (utilisé par  CanalSat). L’une des deux chaines était encodée avec un codec HEVC de Fraunhofer et à raison de 100 fps. Le décodage avait lieu avec une box équipée d’un processeur Broadcom (dont nous parlerons dans l’épisode suivant).

Intelsat était aussi de la partie avec une démonstration équivalente à celle d’Eutelsat.  Egalement partenaire de Ericsson, l’opérateur a réalisé un test de diffusion par satellite voisin de celui d’Eutelsat, sur le continent américain, avec un feed UHD de 100 Mbits/s généré avec le même encodeur AVP2000 d’Ericsson et décodé avec le RX8200. Comme Eutelsat, c’était un flux 60 fps encodé en 4:2:2 sur 10 bits. Mais en MPEG4, pas en HEVC.

Dynamic broadcast

Autre sujet évoqué dans cet IBC 2013, le dynamic broadcast. Il s’agit d’une technologie qui permettrait d’optimiser la diffusion de programmes TV sur des tuyaux unicast (TNT, satellite, câble) et sur Internet en multicast de manière optimisée en fonction de l’audience. Les terminaux présenteraient aux téléspectateurs des chaines assemblées dynamiquement à partir de diffusion broadcast ou haut débit. Le système prévoit aussi le download de contenus en avance par rapport à leur diffusion pour permettre un lissage de la charge des réseaux et des serveurs. Cela ne pourrait fonctionner que si les émetteurs et les récepteurs étaient coordonnées autour d’un même standard et avec des terminaux tous connectés à Internet. L’intérêt serait de placer dynamiquement en broadcast les contenus live les plus regardés et de diffuser les autres via Internet. Un groupe de travail du consortium DVB planche sur la question depuis quelques années.

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C’en est fini pour cette partie. Dans le prochain épisode, nous allons nous rapprocher progressivement des vrais gens et couvrir les set-top-boxes et les technologies clés associées (chipsets, HEVC). L’épisode d’après traitera des middleware et logiciels associés.

RRR

 
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