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Les faux-semblants de l’emploi dans le numérique

Post de Olivier Ezratty du 17 juillet 2013 - Tags : Economie,France,Innovation,Internet,Silicon Valley,Startups,USA | 19 Comments

Cela fait trente ans que je gravite dans les industries du numérique et huit ans que je le fais dans l’univers des startups et de l’entrepreneuriat. J’en profite bien, c’est mon métier et j’apprécie le rythme incessant des innovations dans le secteur.

La révolution numérique a bouleversé presque tous les métiers, les entreprises, l’éducation tout comme la démocratie. Le rythme effréné de ses changements en perd quelques-uns tandis que les jeunes, dits Génération Y ou Z, les ont adoptés dès leur naissance ou leur enfance. Le retard des uns est régulièrement évoqué par les autres. Que ce soit entre classes d’âge ou de pays, plus ou moins numérisés. Une société moderne se doit d’être “numérique” pour performer, ne serait-ce qu’au niveau économique.

Le numérique est ainsi porté aux nues par de nombreux corps constitués pour justifier une plus grande attention des pouvoirs publics. Nous avons des lobbies du numérique comme il y en a dans l’énergie, l’agriculture et tout un tas de métiers. Le revers de cette médaille est un espace de communication saturés de messages du style “le numérique lave plus blanc”, un théâtre d’abondantes exagérations et approximations sur les transformations du marché, des effets de mode et aussi une face sombre du numérique dans ses usages et dérives.

Pour agrémenter cette période calme de l’été, je vais vider mon sac de ces agacements qui ont émaillé les derniers mois et sortir des gonds de la numéricolatrie ambiante en mettant en évidence quelques-uns de ces paradoxes et faux-semblants du numérique.

Premier sujet : l’emploi.

La campagne de communication sur l’emploi dans le numérique

Quelques études ont récemment mis en avant les emplois créés par le numérique. L’une des plus connues est “L’impact d’Internet sur l’économie fran­çaise”  du cabinet de conseil McKinsey, commanditée par Google France au début 2011, et reprise à l’envie depuis deux ans. Selon elle, l’Internet repré­sen­te­rait le quart de la crois­sance en France et plus d’un mil­lion d’emplois directs et indirects. Autres données clés : la valeur ajou­tée de la filière Inter­net était de 60 Md€ en 2009 pour atteindre 72 Md€ en 2010. Cette filière repré­sen­tait 3,2% du PIB en 2009 et 3,7% en 2010. Avec une pré­vi­sion de 130Md€ en 2015, soient 5,5% du PIB.

La campagne de communication a bien fonctionné puisqu’elle a servi à justifier tout un tas d’actions plutôt bien vues pour accompagner les entreprises du secteur et notamment les startups.

Elle a notamment permis de revenir en arrière sur un grand nombre de dispositions de la Loi de Finances 2013 qui pénalisaient l’investissement dans les startups. On a eu l’affaire des pigeons puis les Assises de l’Entrepreneuriat et les annonces du Président de la République en mars dernier en avril 2013. Et l’impact sur les français semble bien réel puisque ceux-ci pensent en majorité que le numérique est porteur d’espoirs côté emplois. Cf par exemple cette étude publiée par l’Usine Digitale en juin 2013. Le message est passé ! Et il est vrai que le numérique est probablement plus créateur d’emplois et d’opportunités que nombre de secteurs traditionnels, et qui plus est, ce sont des emplois plutôt bien payés. Car des emplois, en veux-tu en voilà, il y en a aussi dans les métiers de la restauration. Ils ne sont pas bien pourvus, car ils sont plus pénibles et sont mal payés.

Enquete Emploi Usine Digital Jun2013

Les sons de cloche différents

En fait, d’autres statistiques émettent des sons de cloche différents. Tout d’abord, celles de McKinsey relèvent d’une méthodologie approximative qui cumule des emplois du secteur du numérique et des emplois numériques d’autres secteurs avec des risques de doublons. Ce biais a été décortiqué par le MUNCI qui met en cause les chiffres de McKinsey. Selon lui, les créations d’emploi brutes dans le secteur du numérique sont bien moindres en réalité. Elles auraient été de 230 000 entre 1995 et 2009, à comparer aux 700 000 emplois nets directs et indirects créés par “Internet” selon McKinsey. Le MUNCI est un syndicat d’indépendants aussi a-t-il un discours assez différent des instances patronales du secteur. Le discours est assez négatif sur le secteur mais leurs méthodes de calcul sont intéressantes.

De son côté, Syntec Numérique communique sur la création de 11000 emplois en 2011, ce qui est plus raisonnable et sommes toutes, dans la durée, assez cohérent avec les données évoquées par le MUNCI. Cf les chiffres clés du secteur des services publiés débuts 2013. On y voit les effets classiques des crises économiques avec un reflux de l’emploi quand ça va mal. Par contre, l”emploi serait reparti en 2012 alors même que la France rentrait progressivement en récession.

Emplois SSN Syntec BIPE 2013

 

Une autre source indique que l’industrie informatique a créé 46600 emplois entre 2007 et 2012, ce qui est certes positif, mais assez modeste. Et évidemment, cela correspond aux années de la crise financière post-Lehman Brothers.

Seulement voilà, ces données sont brutes et ne fournissent jamais de soldes nets de création et destruction d’emplois liés au numérique car aucune analyse statistique n’en facilite le calcul. Des filières entières sont transformées par le numérique.

Le cas du commerce en ligne

Une grosse part des créations d’emplois du numérique relève ainsi du développement du commerce en ligne. Très bien ! Mais à quel prix dans le commerce traditionnel ? Et combien d’emplois dans la distribution supprime-t-on avec les caisses automatiques ou avec les drive ? Comme toute innovation de rupture, le commerce en ligne provoque une migration de valeur à partir de la distribution traditionnelle. C’est une création/destructrice de valeur schumpétérienne mais dont le solde est probablement négatif à l’échelle locale. On passe d’emplois dans la distribution de détails à des emplois dans la logistique et la distribution sans compter ceux des call center. En grande majorité, des emplois faiblement rémunérés, autant que dans le commerce de détail.

Comme la majorité des acteurs du e-commerce en France sont purement locaux (Rueducommerce, Fnac.com, …), ou internationaux issus d’autres pays (comme Amazon ou eBay), l’impact sur la performance économique du pays est faible ou vaguement indirecte. En théorie, le temps que l’on gagne à acheter en ligne permet de faire d’autres choses. Et plutôt du côté des loisirs. Le temps passé à consommer des contenus créé un transfert de valeur vers ces derniers ou vers les activités télécoms et de vente de matériel.

Le e-commerce fluidifie l’achat de produits manufacturés qui sont généralement importés : les loisirs numériques et l’habillement. Plus le e-commerce est performant, plus on importe. Comme dans le même temps, nos PME sont un peu à la traine dans leurs exportations et, ipso facto, dans leur capacité à vendre en ligne, le développement du e-commerce accroit le solde négatif de notre balance commerciale. Mais est-il mesuré ? On s’en garde bien ! Et dans l’ensemble, le numérique contribue à hauteur de 1% du PIB au déséquilibre de notre balance commerciale, une position médiane entre l’Allemagne et le Royaume-Uni  (source : IGF) et encore, il ne s’agit que du solde sur les produits et services numériques, pas sur les métiers qui utilisent le numérique comme le e-commerce !

Le cas des contenus

Le numérique est aussi destructeur net de valeur et d’emploi dans toutes les industries des contenus. Il a été fortement déflationniste par un effet de commoditisation de la création et de la distribution des contenus. La presse écrite, les industries de la musique, les photographes souffrent tous.

Le cinéma, la télévision et la radio résistent relativement bien à cette pression déflationniste. Ce sont des marchés plus protégés par la régulation et leurs modes de distribution. Pas forcément pour longtemps d’ailleurs. Le phénomène est valable dans tous les pays du monde. La France n’y échappe pas.

Performance et exportations

Il faut regarder les choses en face : le numérique détruit des emplois à court et moyen terme, tout du moins dans les économies occidentales. Comme pour la mondialisation, on n’a d’autre choix que de tirer parti de ces transformations et de limiter les dégâts. Bref, d’innover !

Plusieurs approches complémentaires sont adoptables par un pays comme la France pour faire du numérique un créateur net d’emploi :

  • D’un côté numériser les secteurs d’activités traditionnels pour améliorer leur performance économique, surtout lorsqu’ils sont eux-mêmes exposés à la concurrence internationale et sont exportateurs. Le numérique est un excellent outil pour améliorer la compétitivité. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un problème d’équipement ou de haut débit. C’est aussi une affaire d’organisation, de management et de culture. On a bien trop souvent numérisé les processus et les outils, mais sans faire évoluer assez les méthodes de management et le rapport à l’innovation dans les grandes organisations. Le numérique peut aussi servir à améliorer la performance de filières entières comme celles du tourisme. Bref, la transformation numérique des entreprises et aussi des pouvoirs publics est loin d’être achevée !
  • De l’autre, faire en sorte que les industries numériques françaises soient plus exportatrices et contribuent à l’amélioration de notre balance commerciale. Cela passe par des modèles de volume et des produits et services (surtout en ligne) aussi standardisés que possibles. Dans ce domaine, la France et l’Europe sont à la traîne ! On est même plutôt en phase de régression. Même les USA sont dans ce cas malgré tout ce qui peut se passer dans la Silicon Valley. Une Silicon Valley portée aux nues par son impact sur la vie de tous les jours, mais dont on oublie parfois que les emplois directs sont relativement modestes : de l’ordre de 300 000 ! Ce n’est pas si énorme que cela ! Pour les startups, cela devrait conduire à aider en priorité les startups qui ont des approches “volume” et sont tournées vers le monde entier.

Part numérique dans PIB

Dans le premier, la France est à peine dans la moyenne européenne, surtout pour ce qui concerne les usages numériques dans les TPE et PME. Ainsi, le remplacement des caissiers/caissières dans les hypermarchés peut-il avoir du sens s’il s’accompagne du développement d’une industrie dans les outils numériques qui les remplacent. Cela concerne plus de 400 000 personnes !

Mais il y a fort à parier que ces systèmes ne viennent pas exclusivement d’acteurs tels que le français Ingénico ou Gemalto, nos spécialistes des moyens de paiement. Si la migration de valeur du numérique nous fait perdre une partie de la chaîne de valeur, on y perd d’un point de vue macro-économique.

La migration de valeur dans les emplois du numérique

Qu’en est-il maintenant des emplois dans le secteur du numérique ?

Côté sectoriel, les statistiques INSEE (cf tableau ci-dessous, compilé par Coe-Rexecode en 2011) montrent que la part des emplois des secteurs du numérique est plutôt en tassement et que les emplois industriels (plutôt exportateurs) sont remplacés d’année en année par des emplois dans les services (généralement, bien moins exportateurs). Qui plus est, ce remplacement a plus lieu dans le privé que dans le secteur public du fait de l’augmentation du nombre de fonctionnaires (Etat + Collectivités) en tendances longues. Cela explique en (petite) partie l’augmentation incontrôlable du déficit public. Idéalement, il faudrait que l’augmentation de la productivité des services publics soit plus élevée que dans le privé ! On est loin, l’une des raisons étant la complexité réglementaire du pays et le mille-feuille administratif. Le choc de simplicité voulu par François Hollande est indispensable. Reste à l’exécuter !

Je suis allé à la source de ces données : la base ALISSE de l’INSEE. Qu’indique-t-elle ? Que sur la période 2008 à 2012, les emplois dans le numérique ont baissé ! –1% dans les télécoms (c’est avant l’effet Free Mobile), –6% dans les services informatiques, –8% dans l’édition de logiciels et –2% dans la publicité, une catégorie qui abrite surement les nombreuses agences de conseil qui intègrent peu ou prou du numérique dans leur valeur ajoutée. Ici, l’effet n’est probablement pas sectoriel mais simplement lié à la crise économique post-Lehman. Mais ces données contredisent les sources du Syntec que sont le BIPE et pôle emploi. C’est probablement lié aux contours flous de certains secteurs du numérique et aux nombreuses manières de segmenter les entreprises dans leurs différents métiers. Il y a aussi des variables d’ajustement du secteur clés que sont les toutes petites structures.

Emplois dans numérique

Il faut ajouter à ces statistiques les indépendants comme votre serviteur, dont le nombre est estimé à 30-40 0000 personnes. Le statut auto-entrepreneur en a peut-être augmenté le nombre au passage… pour peut-être le voire bientôt se réduire avec les restrictions que le gouvernement actuel s’apprête à apporter à ce régime entrepreneurial particulier. Du fait du lobby des artisans, qui n’ont rien à voir avec le numérique !

La situation est contrastée selon les métiers. Les sociétés de services et les startups manquent clairement de développeurs. Elles peinent à recruter ! Les startups s’en plaignent encore plus car les jeunes diplômé, en moyenne, sont moins enclins à prendre le risque d’y travailler. D’où l’intérêt de l’initiative 42 de Xavier Niel et des anciens fondateurs de l’EPITECH. Elle vise non seulement à former plus de jeunes au développement, mais aussi à intégrer dans cette filière des jeunes avec des profils plus créatifs et preneurs de risques.

Pour les autres métiers, c’est moins évident. Là aussi, il y a des hauts et des bas. Les jeunes développeurs sont certes très courtisés, mais le numérique n’emploie pas que des développeurs, ni que des jeunes. Il y a de tout : des commerciaux, des marketeurs, des entrepreneurs, des chefs de projets, des ingénieurs et techniciens de support, des ingénieurs réseaux, des consultants, etc.

En plus des développeurs en général, on manque aussi de spécialistes du mobile, du big data tout comme d’architectes logiciels ou de spécialistes de la sécurité informatique. Les métiers de support doivent aussi accompagner le mouvement. Ainsi on a besoin de plus de juristes formés aux questions du numérique (propriété intellectuelle, protection de la vie privée, droit des affaires, etc).

Les métiers se transforment sans cesse et il faut en suivre les évolutions : des établissements d’enseignement supérieur qui doivent adapter leurs cursus aux salariés eux-mêmes qui ne doivent pas oublier que dans le numérique, il faut rester étudiant toute sa vie sous peine de voir sa valeur diminuer très rapidement sur le marché du travail.

Les exportateurs numériques

Autre paradoxe de l’emploi du numérique en France : les sociétés qui exportent sont bien plus situées dans les industries du matériel et du logiciel que dans l’Internet. Prenons ne serait-ce qu’Alcatel-Lucent et ST-Microelectronics (qui sont des entreprises binationales, au moins, franco-américaine pour l’une et franco-italienne pour l’autre). Leur CA 2012 cumulé est de 21 Md€. Si on estime au nez que la moitié de la valeur ajoutée est créée en France, cela fait au moins 10 Md€. Ces deux sociétés ont des difficultés, mais plus des quatre cinquièmes de leur activité relève de l’export ! Il en va de même d’autres industriels du numérique tels que Sagem Communication, Ingenico, Gemalto ou SOITEC. Ce n’est pas une grande surprise : l’exportation concerne surtout des produits et des technologies.

Les éditeurs de logiciels français représentent quant à eux un CA cumulé de 7,4 Md€ et 45000 emplois (source: Top 250 de Syntec Numérique) avec 23% d’exportations. C’est trop peu ! On peut espérer que la vague des logiciels diffusés en “cloud” permettra aux éditeurs français d’exporter plus.

Les ESN (SSII) exportent encore moins même si les leaders comme CapGemini tirent une partie de leur marge de leurs activités externes à la France (14,4% selon le dernier indicateur Syntec 2013). Elles recrutent beaucoup mais ne créent pas forcément autant emplois. La raison est simple : leur turn-over est très élevé. Il peut atteindre et dépasser allègrement les 25% dans certaines sociétés. Il était en moyenne d’environ 15% selon l’APEC en 2010, le double de la moyenne de tous les secteurs d’activité. Mais il a baissé avec la crise économique pour se stabiliser un peu au-dessus de 10%, ce qui est devenu presque raisonnable.

En tout cas, cela permet de gérer des flux de recrutements de dizaines de milliers d’ingénieurs chaque année (au moins 10% d’environ 340 000 emplois) ! D’ailleurs, ces sociétés ont beaucoup de mal à pourvoir tous les postes ouverts ! De son côté, la Commission Européenne a annoncé le besoin de 900 000 emplois à pourvoir dans le numérique dans les deux années à venir, en Europe évidemment.

Géographiquement parlant, la valeur migre surtout d’un côté vers l’Asie qui produit le matériel que nous consommons et renouvelons fréquemment, et de l’autre vers une part de l’économie numérique des USA, dominée par les grands acteurs de la Silicon Valley (Intel, Google, Facebook, eBay) et du Nord-Ouest (Amazon, Microsoft). Elle peut aussi s’évaporer purement et simplement par le fait du travail gratuit des uns et des autres qui alimentent les réseaux sociaux, les Wikipedia, blogs et sites de photos et aussi une partie des logiciels libres.

Au fait, l’Internet c’est très bien. Mais ce secteur d’activité représente combien d’exportations directes pour la France (pas via les équipementiers télécoms par exemple) ?

Quid des startups ?

Les startups sont souvent mises en avant comme créatrices d’emploi, ce qu’elles sont bien. Mais elles pèsent bien peu face aux deux principaux employeurs de France : les opérateurs télécoms (plus de 120000 emplois directs et autant en sous-traitance, source: FFTélécoms) et les Entreprises de Services du Numérique (ESN, nouveau nom des SSII inventé par Syntec Numérique en 2013). Les startups du numérique créent à peine quelques milliers d’emploi chaque année. La raison est simple : très peu d’entre elles atteignent le statut de TPE puis de PME et encore moins au-delà.

Digital Kills Jobs !

Comme l’indique fort à propos Marc Giget, que j’ai eu l’occasion d’écouter début juin dans la conférence USI organisée par Octo Technology au Palais Brongniart (vidéo) : le numérique détruit de l’emploi avant d’en recréer. C’est vrai dans le numérique mais aussi dans les greentechs. Vous pouvez aussi le voir dans cette autre vidéo (à partie de la 10ième minute) de son intervention à l’IE Club en juin 2013.

Marc Giget USI Conference Jun2013

Marc Giget s’appuie notamment sur les travaux de deux économistes de la MIT Sloan School of Management, Erik Brynjolfsson and Andrew McAfee. Ils sont relatés dans diverses publications, à commencer par “How technology is destroying jobs” de la MIT Technology Review.

L’article explique comment les technologies numériques ont créé un solde négatif d’emploi, principalement au détriment des emplois moyennement qualifiés de la classe moyenne. Ne restent que des emplois fortement qualifiés (ceux des industries du numérique) et des emplois faiblement qualifiés (que l’on ne peut pas facilement remplacer par des machines et des logiciels). Et les emplois créés dans la première catégorie (dont les fameux 300 000 de la Silicon Valley) ne suffisent pas du tout à compenser les pertes de millions d’emplois dans la classe moyenne. Des pertes qui ne s’expliqueraient pas seulement pas la délocalisation des usines en Asie mais par l’augmentation de la productivité dans les services liés aux usages du numérique.

En résumé, les révolutions agricoles et industrielles classiques ont détruit des emplois dans ces secteurs qui ont été transférés dans le tertiaire et le numérique est en train de détruire les emplois du tertiaire. Le thème est aussi évoqué dans “The Digital Revolution Kills Jobs Faster Than It Creates New Ones”. La thèse est reprise par l’auteur Jaron Lanier un prospectiviste de Microsoft Research (qui pourrait appliquer ses prédictions à son employeur…) dans son ouvrage “Who Owns the Future”. Sans pour autant de donner de pistes bien claires pour restaurer l’emploi dans la middle class. Il balaye par contre d’un revers les théories socialistes. On imagine le topo : comme les technologies détruisent le travail mais pas forcément nos moyens de subsistance (à moyen terme tout du moins…), il faudrait améliorer l’équité de leur répartition. Au contraire, il reste libéral dans l’approche de l’effort individuel pour s’en sortir dans l’adversité de ce bas monde.

Plusieurs auteurs se sont aussi penchés sur le sujet par l’angle de “l’innovation gap”, ce gouffre d’innovation qu’il faut combler rapidement. Il est notamment traité dans “Closing the innovation gap” de Judy Estrin qui (ré-)explique les fondamentaux des processus d’innovation et les moyens de les remettre en route. On en revient toujours aux mêmes basiques sur la manière de développer la recherche, les startups, le rôle des pouvoirs publics et du financement.

Jaron Lanier Who Owns the FutureClosing the innovation gap Judy Estrin

Tout cela justifie de développer de nouveaux secteurs dans le numérique, et dans les autres secteurs innovants comme la santé, d’aider les startups à grandir et à s’internationaliser. Cet impératif ne change pas du fait de ce que je viens d’écrire. Il ne fait que rendre la chose encore plus urgente !

RRR

 
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