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CEATEC 2013 : 4K, TV connectée et interfaces

Post de Olivier Ezratty du 7 octobre 2013 - Tags : Composants,Innovation,Loisirs numériques,Mobilité,Technologie,TV et vidéo | 1 Comment

Dans cette seconde partie de mon compte-rendu de ma troisième visite au CEATEC, nous allons couvrir l’actualité de la 4K, de la TV connectée et des interfaces utilisateur. La première partie était consacrée au salon en général, au marketing des exposants et à la mobilité.

Encore de la 4K !

Les grands constructeurs continuent leur forcing en avance de phase pour promouvoir leurs TV 4K. Le phénomène avait pris de l’ampleur au dernier CES 2013 et il continue de plus belle. La 4K était le message numéro un de la zone TV des stands de Sony, Toshiba, Sharp et Panasonic !

Comment entretenir l’intérêt alors qu’un écran 4K ressemble toujours à un autre écran 4K et que les contenus disponibles ne sont pas légion pour les valoriser ? Les principales nouveautés présentées étaient des TV 4K qui supportent le frame rate de 50/60p permis grâce aux entrée HDMI 2.0 (standard qui vient tout juste d’être finalisé) et Display Port 1.2a. Ce dernier est supporté pour la liaison avec des cartes graphiques de PC ou de Macintosh. HDMI paye indirectement son retard à standardiser la version 2.0 qui supporte la 4K en 60p mais aussi le cout de sa licence dont certains constructeurs aimeraient bien se débarrasser. Le bénéfice client ? Grâce au 50/60p, les mouvements sont plus fluides et les démonstrations sont là pour le rappeler, notamment avec des compétitions sportives.

Panasonic-7

D’autres constructeurs continuent de présenter leurs solutions d’upscaling 2K vers 4K dont on connait les limites habituelles (Panasonic, Toshiba). C’est un passage obligé pour faire croire à un passage en douceur vers le nouveau format en attendant la généralisation de la production et de la diffusion de contenus en 4K.

Seule réelle nouveauté technologique, la présentation par Sharp d’un écran IGZO de 15,3 pouces en UHD de 3840×2160 pixels et que l’on retrouvera début 2014 dans des laptops en lieu et place des résolutions 3200×1800 qui viennent tout juste d’apparaitre depuis juin 2013. A cette taille d’écran, cela a du sens d’avoir de la 4K vu qu’en quatre fois plus petit, on a bien des smartphones et phablets en 1080p ! Cela va contribuer à améliorer la lisibilité des textes et d’avoir des rendus graphiques de meilleure qualité. C’est particulièrement utile pour consulter des cartes comme Google Maps, abondamment utilisé dans les démonstrations sur des écrans 4K de toutes tailles. Il n’y a pas que la vidéo qui compte ! Malgré sa mauvaise santé économique, Sharp est un constructeur très intéressant côté écrans. Sa technologie LCD IGZO présente plusieurs avantages : une basse consommation, un bon rendu des couleurs, un excellent contraste et une capacité à gérer les très hautes résolutions dans tous les formats.

Sharp-12

Il n’y avait par contre pas de course à l’échalote en termes de taille d’écran comme on peut en voir au CES ou à l’IFA. On se contentera des 55, 65, 70 et 84 pouces, ce qui est déjà plus que pas mal pour tout le monde ! De même, les constructeurs ont abandonné l’idée de nous imposer la 3D, avec ou sans lunettes, même si l’on pouvait encore voir quelques démonstrations de ce genre déci-delà et j’ai oublié où !

Sony démontrait son prototype d’écran 4K OLED, le même que celui que j’avais vu au CES 2013. Il concurrence dans la catégorie des prototypes le 55 pouces 4K OLED de Panasonic qui utilise une technologie d’impression pour sa fabrication, censée couter moins cher. Mais aucun de ces deux écrans n’est disponible pour l’instant. Il faudra probablement attendre encore quelques mois voire années pour que leurs techniques de fabrication soient mises au point.

Mitsubishi présentait un écran 4K de 65 pouces en technologie LaserVue qui comprend un rétro-éclairage Laser pour le rouge et des LED traditionnelles pour le bleu et le vert. C’est censé améliorer le rendu du rouge ! Cette technologie sans grand intérêt avait été présentée au CEATEC 2012, mais en 2K. En plus, l’écran est plutôt épais : plus de 10 cm. Ca fait “vieux” ! Tout ceci relève du marketing de l’insistance de l’inutile ! Des technologies voisines sont utilisées dans certains projecteurs vidéos. Casio combine une diode laser rouge et deux diodes standards vertes et bleues. Les avantages sont une consommation d’énergie moindre et une plus grande durée de vie des lampes. Mitsubishi combine des diodes laser rouge et bleues et du phosphore sur une roue tournante pour transformer une partie du bleu en vert. Dans les projecteurs laser 4K de salles de cinéma de Christie, trois sources laser rouge, vertes et bleues Necsel (d’une filiale de Christie) éclairent une puce DLP et permettent d’atteindre des niveaux de luminosité énormes (60 000 lumens).

Dans l’à peu près, Sharp présentait un écran 2K qui ferait presque de la 4K. Utilisant la technologie Quattron avec son pixel additionnel jaune en plus des rouge/vert/bleu, il ajoute dans je ne sais plus quel sens un peu plus de pixels que dans la 4K classique. C’est du pipeau dans l’état le plus pur. Pourquoi donc ? Sharp tient visiblement à développer sa technologie Quattron qu’il a du mal à imposer sur le marché. Le bénéfice client n’est pas clairement visible. Donc tout le monde s’en fout. Qui plus est, ce n’était qu’un prototype. Le temps qu’ils finissent de le mettre au point, le reste du marché aura avancé avec la 4K avec les couleurs primaires classiques rouge-vert-bleu.

Dans le registre de l’habillage marketing, Toshiba présentait des TV “Premium 2K”. Un concept intéressant car il leur faudra bien encore vendre des écrans 2K quelques années avant que la 4K se généralise. Après, côté technologie, rien de bien nouveau à part un rétro éclairage bien uniforme avec une matrice de LED derrière le LCD. Mais avec au nez une centaine de LED (7 dans le sens de la hauteur), pas des centaines comme chez d’autres constructeurs comme Sony pour leurs modèles haut de gamme.

Toshiba-42

Toshiba présentait sinon un set de workflow complet de production de contenus 4K “file-based” avec une caméra RED équipée d’un objectif Canon EF 70-200 et un logiciel d’étalonnage couleur Da Vinci Resolve. Le genre de chose que l’on voit plutôt à l’IBC.

Toshiba-7

Dans les outils professionnels, le japonais Astro (croisé à Roland Garros) présentait  un moniteur calibré 4 basé sur l’écran Sharp 4K de 32 pouces ainsi qu’un nouveau convertisseur 4K, le  SD-7070, qui supporte quatre entrées coaxiales HD-SDI de 3 GBits/s et sort le signal converti en HDMI 2.0 et 60p ou DisplayPort 1.2a.

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Côté broadcasters, c’est la NHK qui mène la barque en pilotant l’initiative NextTV-F qui fédère l’ensemble des industriels japonais (TV, constructeurs, câblo-opérateurs, agences de publicité) vers la très haute définition. Ils prévoient de déployer l’Ultra-HD 4K dès 2014 et la 8K pour les JO de Tokyo en 2020 avec des tests de broadcast dès 2016. L’objectif est de devenir le leader mondial de la très haute définition. Côté tuyaux, comme en Europe et aux USA, c’est le satellite qui sera utilisé en premier car il ne nécessite pas de mettre en place d’infrastructures terrestres, qui sont très hétérogènes (ADSL, FTTH, FTTB, câble, ou… rien).

On pouvait sinon voir les habituelles démonstrations de 8K sur le stand de la NHK. La visualisation s’appuie toujours soit sur un projecteur JVC D-ILA modifié et sur un écran Sharp de 84 pouces (ci-dessous). Les contenus présentés comprenaient comme à l’IBC le carnaval de Rio, les matchs de la coupe FIFA du Brésil (histoire d’optimiser les déplacements…) et un film sous-marin. Ce dernier relevait d’un choix bien curieux car l’optique grand angle et le caisson de protection de la caméra générait du flou aux bords de l’image.

NHK

Hors du cadre de la TV, Panasonic présentait sur une bonne partie de son stand sa tablette Toughpad de 20 pouces en 4K. On pourrait parler de tablette de bureau car à 20 pouces, elle ne rentre pas facilement dans les sacs, quels qu’ils soient. La configuration commerciale ira de 4 à 8 Go de RAM et de 128 à 256 Go de stockage SSD, le tout tournant sur un processeur Intel Haswell Core i5 et pesant de 2,3 à 2,7 Kg. J’en avais vu un prototype au CEATEC 2012 puis l’avait retrouvé au CES 2013 et ainsi de suite. C’est un très beau produit ! Cette tablette serait la plus fine au monde. Décryptage : avec une épaisseur de 10,8mm, elle n’est pas la plus fine au monde puisque l’iPad est épais selon les versions de 7,2 à 9,4 mm. La tablette Panasonic est donc la plus fine au monde dans son format. Ce qui est plutôt facile puisque c’est la seule du marché à cette taille ! Elle devrait être disponible à partir de 4500€ d’ici novembre 2013 et se vendra probablement pour les professionnels capables d’en justifier l’achat avec de bons arguments.

TV connectée

Les constructeurs sont tellement occupés à présenter leurs écrans 4K qu’ils en oublient un peu les fonctions d’interactivité. Et pourtant, comme nous l’avions vu à l’IBC 2013, la 4K est l’occasion de revoir sa copie côté interfaces utilisateurs, notamment pour présenter des métadonnées de qualité et rendre la sélection des contenus encore plus agréable. Les constructeurs japonais mettent beaucoup moins l’accent sur les fonctions connectées de leurs TV que leurs amis coréens Samsung et LG Electronics. On n’entend pas non plus parler de Google TV. Et les expériences utilisateurs double-écran ou second-écran, si on en trouve quelques-unes, sont loin d’être bien avancées. Un peu comme en France, la TV payante et la VOD passent surtout par les opérateurs télécoms et du câble.

Intel présentait une démo “4K ready”. Il faut dire qu’ils ne sont pas bien en avance sur le sujet, étant dépassés dans les chipsets de set-top-box par Broadcom et STMicroelectronics. On avait vu à l’IBC qu’ils présentaient surtout des offres d’encodage logicielles HEVC côté serveur. Ici, il s’agissait d’un navigateur HTML 5 supportant la 4K, le “XJive 4KUHD” (d’origine indéterminée) qui sera disponible pour les constructeurs de TV en 2014. Il supporte l’intégration de vidéos utilisant les codecs HEVC et H264. Cela peut paraitre anodin mais c’est très utile : les middlewares à technologie Web pourront être servis par des gateways domestiques ou des serveurs dans le cloud tout en supportant la résolution Ultra-HD. Le support de la 4K et de l’HEVC est une évolution naturelle pour ces architectures.

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Toshiba démontrait TimeOn, son service de TV en cloud qui relevait du slideware il y a deux ans et a l’air de tourner maintenant. Avec un guide de programme, une fonction de recherche, de la VOD en OTT au-dessus des chaines gratuites qui tourne sur tablette sur sur TV connectée. Les usages proposés sont assez basiques mais les fonctions sociales et de recommandation commencent à faire leur apparition.

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La NHK présentait ses applications en Hybridcast, leur équivalent de l’Européen HbbTV. C’est un standard qui permet d’habiller une chaine TV broadcast avec des compléments applicatifs issus d’Internet. Techniquement, Hybridcast s’appuie sur HTML 5 alors que lHbbTV se contente du HTML 4. Cela vient du processus de standardisation qui est plus rigoureux en Europe : un standard ne peut s’appuyer que sur des standards finalisés et comme HTML 5 est encore en draft au moins jusqu’en 2014, et bien, il n’est pas intégré dans HbbTV. Sinon, les applications Hybridcast démontrées présentaient la particularité de ne pas être plein écran, un peu comme de nombreuses applications HbbTV diffusées en Allemagne. Elles sont directement liées au programme en cours et non pas “standalone”. Elles peuvent aussi interagir avec les tablettes, comme le permet déjà HbbTV (démontré à l’IBC par Neotion et TDF).

NHK Hybridcast-6NHK Hybridcast-4NHK Hybridcast-5

La chaine de TV payante Wowow démontrait sa nouvelle application second-écran sur tablette. Le principe ? De la recommandation avec un défilé de programmes sur l’écran. Tout du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre !

NHK WowowNHK Wowow-2

Pioneer démontrait un petit lecteur Blu-ray diffusant la vidéo sans à une tablette. La communique s’effectuait en wireless USB et à 70 mbits/s. On peut ainsi voir la vidéo à distance. La solution est certes intéressante techniquement, mais dans un monde de plus en plus dominé par la VOD, la SVOD et la catch-up, elle a une importance toute relative. Par contre, on pourra apprécier la consommation à distance de films en Full HD sur les tablettes et smartphones supportant cette résolution, surtout dans les pays où VOD-SVOD-catchup TV ne sont pas ou peu diffusés en HD. La France, par exemple !

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Enfin, on pouvait voir des clés HDMI supportant Miracast pour envoyer à une TV l’image d’un device mobile externe. Des sortes de Google Chromecast chez des no-name japonais et chinois. Miracast, c’est la promesse du “partage du bonheur”  (ci-dessous) !

TV Dongle-2

Interfaces utilisateur

Le CEATEC est l’occasion de voir le foisonnement d’imagination des japonais dans le domaine. Les stands comme ceux de l’URCF (UItra Realistic Communications Forum) regorgent de démonstrations de visualisation 3D diverses sans application commerciale à grande échelle.

Murata propose un capteur “3D touchless sensor” qui permet de sélectionner des fonctions sans même toucher l’appareil. Il existe plusieurs autres technologies pour apporter ce genre de fonction : l’infrarouge (Leap Motion), les ultrasons (Elliptic Labs) ou plus simplement une caméra sans compter la détection du mouvement des yeux (Tobii).

NEC présentait NeoFace, un logiciel de reconnaissance du visage qui serait très efficace pour l’identification de suspects. Il aurait été benchmarké par le FBI après l’attentat de Boston en exploitant les images de vidéo-surveillance (alors que l’on avait déjà trouvé les suspects) et il aurait été celui qui avait donné le meilleur résultat. Chez eux comme chez Omron, la reconnaissance faciale est plutôt mise en avant pour des applications professionnelles et à tendances sécuritaires.

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Omron présentait un détecteur d’expressions faciales qui identifie l’humeur des gens qui regardent la caméra. Sept différentes expressions sont identifiées : surprise, colère, sourire, etc. Cela a des applications dans la distribution, dans la lignée de ce que fait la startup française Quividi. Ils peuvent aussi détecter le nombre et la position des personnes dans une salle ce qui pourrait servie dans les applications de TV connectée pour faire de la recommandation multi-utilisateurs.

Omron-4

Fujitsu FingerLink est un dispositif permettant d’interagir avec les mains et les doigts avec une image projetée sur une table ou un objet posé sur la table. Cela fonctionne en trois dimensions. C’est une forme d’alternative au capteur de l’américain Leap Motion, et qui en présente les mêmes limitations, à savoir un volume d’utilisation restreint. Ici, le dispositif est encore plus encombrant car il intègre un projecteur vidéo. Au nez, on se dit que cette technologie n’aura pas un avenir brillant sauf dans quelques marchés de niche qu’il leur reste à trouver. Les applications démontrées ? Un scrapbook pour rassembler des photos ou articles dans un document, un afficheur d’informations pour les agences de voyage (qui sont en train de péricliter du fait des achats en ligne) et un outil de brainstorming pour réunion (mais dans ce cas, le tableau blanc interactif est bien plus pratique car on peut l’utiliser à plusieurs).

Fujitsu FIngerLink

Sharp présentait un affichage avec quatre écrans LCD montés les uns sur les autres et avec un miroir demi-teinte en façade. Cela pourrait servir pour des solutions d’habillage virtuel dans le retail. Mais en soi, cela n’a rien de nouveau.

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Toyota présentait une démonstration d’application à base de capteur Leap Motion : un jeu sans intérêt. Ca fait genre mais ça ne sert à rien. Il y avait aussi beaucoup de démonstrations de réalité augmentée utilisant des procédés qui existent depuis au moins huit ans et notamment sur le stand Intel mais aussi chez DoCoMo.

Pour paraphraser un Président, les capteurs sont à l’Est et les logiciels sont à l’Ouest ! En effet, si un grand nombre des capteurs nécessaires aux innovations en matière d’interaction homme-machine proviennent de l’industrie japonaise, les applications et plateformes logicielles viennent souvent d’acteurs des pays occidentaux, américains et européens. Les japonais semblent encore dépendre significativement de ces derniers pour ce qui est du logiciel même si graduellement, ils développent leurs compétences dans ce domaine.

Voilà pour cette partie. Dans la suivante, nous irons justement faire un tour du côté des composants.

RRR

 
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