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10 ans de Scientipôle Initiative

Post de Olivier Ezratty du 2 avril 2012 - Tags : Associations,Cleantechs,Entrepreneuriat,Innovation,Internet,Logiciels,Loisirs numériques,Mobilité,Startups | 13 Comments

Mercredi 28 mars 2012, Scientipôle Initiative fêtait ses 10 ans en grandes pompes à la Mairie de Paris.  Avec une valorisation de ses meilleurs startups lauréates dont certaines exposaient sur place, des débats, et les interventions de Jean-Louis Missika (Mairie de Paris) comme celle de Jean-Paul Planchou (Région Ile de France), ainsi que Laure Reinhart et Eric Vaysset respectivement Présidente et Directeur des Opérations de Scientipôle Initiative (photos ici).

Panorama Grande Salle Mairie de Paris 1

Si vous lisez ce blog depuis quelques temps, vous savez que je cite fréquemment cette association qui contribue par ses prêts d’honneur au financement d’amorçage des startups franciliennes. Et pour cause puisque j’y officie depuis cinq années comme expert, membre et président (par rotation) du comité d’agrément des projets présentés. Avec une arrivée à la mi-vie de l’association, j’y suis presque devenu un “ancien”.

SI_h logo_ couleur

Je vais m’adonner ici à un petit bilan de ces années passionnantes et lever un coin de voile sur les processus de cette association. Je suis juge et partie dans cette affaire, mais j’assume. Et les entrepreneurs passés par là pourront commenter librement mes propos pour les valider ou les invalider.

L’association a donc été créée en 2001 à l’initiative d’un certain Jacques Bardes, du CEA, qui souhaitait aider les entrepreneurs issus des laboratoires de recherche à créer leur entreprise. L’association a obtenu le soutien financier de collectivités locales comme la Région Ile de France, les Conseils Généraux de ses départements (sauf les Hauts de Seine, allez savoir pourquoi…), la Ville de Paris ainsi que la CDC, quelques banques et des partenaires industriels tels que Bouygues Télécom Initiatives. Avec son évolution, le périmètre s’est agrandi et les startups issues de laboratoires aidées par Scientipôle Initiative sont devenues largement minoritaires.

Son activité s’articule autour de l’octroi de prêts d’honneurs sans garantie personnelle allant jusqu’à 20K€ à des entrepreneurs ayant créé leur entreprise depuis moins de trois ans, et à concurrence de 60K€. Ces prêts sont remboursés sur quatre en démarrant avec un an de différé. Ils sont considérés comme des fonds propres par les banques et servent donc d’effet de levier pour obtenir des prêts et avances remboursables divers. Le prêt d’honneur est associé à une activité d’accompagnement des entrepreneur qui commence par le suivi par un des chargés d’affaire permanents de l’association (ci-dessous), une expertise par… un expert et des formations.

Chargés d'affaire Scientipôle Initiative (6)

Les projets sont généralement financés en amont des / ou parallèlement aux business angels. Ils sont donc accompagnés au moment de la plus grande prise de risque.

Ces activités sont complétées par Scientipôle Croissance, nouvellement créé, qui vise à accompagner les entreprises lauréates dans la durée et à les mettre en réseau et avec Scientipôle Capital, un petit fonds d’amorçage qui a pour vocation d’entrer au capital de quelques-uns des meilleurs lauréats de Scientipôle Initiative, qui sont à ce jour 17.

Voilà pour le dispositif d’ensemble. Nous allons maintenant lever le voile sur le processus de labellisation.

Les lauréats de Scientipôle Initiative

Les lauréats de Scientipôle Initiative sont issus de nombreux secteurs de l’innovation. Ils comprennent une sur-représentation de projets de l’économie numérique, mais également des projets intéressants issus d’autres secteurs et notamment dans les medtech, biotech et greentechs. On y trouve des projets à forte connotation technologique mais également d’autres qui relèvent d’innovations de services et portés par des profils “business”.

Voici ici un échantillon des lauréats de ces 10 dernières années et vous en connaitrez sans doutes quelques-uns si vous gravitez dans l’écosystème des startups franciliennes :

  • Internet / ecommerce avec des solutions aussi bien destinées au grand public qu’aux entreprises : I-DISPO, Scan & Target, Nyoulink, Xilopix, Adminium, Novapost, BeezUp, Carnet de Mode, Cassette Voyage, Cliris, SoCloz, Comuto/Covoiturage (une partie de leur équipe ci-dessous, gagnante d’un des trophées des 10 ans de Scientipôle Initiative), Digikaa, Doog, Evaneos, Evaway, Février 46, Forbeez, French Kitch, Hellocotton, Kameleoon, Lingueo, Jeemeo, Kadeal, Moxity, Navendis, Shop&Tip, Neteven, Previznet, Skerou, Quividi, Same Story, Seeing, Stribe, Studyka, Synthesio, Up&Net, Wibilong, Wizboo, Workit, Yoocasa, YouMetrip.

Equipe Covoiturage (16)

  • Logiciels et notamment des outils de développement et de travail collaboratif : Softfluent, AllMyApps, Aspectize, docTrackr, Isthma, Kwaga, Lokad, Matchic Labs, Jaeksoft, Kleverware, Kwaga, Mediatech, NetSAS, Noelios Technologies, Opase, Outwit Technologies, OWI Technologies, PersonAll, Polantis, Portaneo, Praxedo, RunMyProcess, Safety Line, Squid Solutions, Syllabs, The Coding Machine, Potati, Vcodyne, Weconext, Witchbird Contract Live, Xamance, Xedix, XWiki.
  • Contenus/médias, une catégorie très bien représentée, et aussi celle où je réalise la plupart des expertises chez Scientipôle (en bleu): Rue89, Madmagz, Agence de Doublure Numérique, XD-Motion, Ayotle, Digiteyzer, Firefly Cinema, Spideo, Stupeflix, WebTV Interactive, Gymglish, Advestigo, Babelio, Bee Light, Binocle, CreerMonLivre, Curioos, Digital Media Solutions, Dvidea, Enigma Systems, For Better Dreams, Web TV Interactive, Milibris, Kujjuk, Lingueo, Oloneo, Paperblog, Pyrolia, Spideo, Stereolabs, Story 42, Supamonks, Take Part Media, Trinnov, Ubicast, Ublo, Vectoriel, Vixid, Vodkaster, Weezic, Xilopix.
  • Publicité en ligne avec notamment des outils de mesure de la performance :  AdFever, AdLedge, Alenty, Mathic Labs.
  • Finance avec notamment du crowdfunding mais aussi des systèmes de paiement divers : Capital Koala, CrediDomus, Lemonway, Limonetik, Linxo, microDON, Neofi Solutions, Octoplus, Paymium, Perspecteev, Riskelia, Semio, Systemathics, Think Straight, TicketSurf.
  • Télécoms / Mobilité avec une très grande diversité de projets, sachant que Scientipôle est partenaire de l’incubateur Paristech Telecom : Anevia, Plug&Surg, Tikilabs, AirTag, AlphaUI, Appoke, Connecthings, Creova, Dismoiou, Meilleur Mobile, Mobinear, Luceor, MeoMeo, Monextel, My Stream, Navx, Prylos, Senda, Sentinello, Sonear, Système Polaire, Telequid, trusincloud, Ubikod, Vedicis, Vocally, Voxler, Yellow Sat.
  • Gaming : ePawn, Brainbox, Kontest, Lillo, Metaphormes, MyWittyGames, ND Interactive, Owclient, Playtouch, Pretty Simple, Tetraedge, Village Media.
  • Hardware / semiconducteurs : Aldebaran Robotics, Plugnsurf, Nanoplas, Newstep Technologies, NIT, Rayponse, Secure Inc, Simpulse, Z2 Innovation (malheureusement, le porteur du projet est décédé il y a quelques années).

Hors numérique, nous avons aussi :

  • Santé avec de nouvelles thérapeutiques et des services à la personne : ABgenomica, ADDENFI, ADIMEL, Aelred, Aidsenior, DNA Therapeutics, Dreamtouch, eyebrain, Easylife Science, Endodiag, Genostar, Genosplice Technologies, Isonic Medical, LK2, Mem-X, Neurowaken, Nokad, Novacyt, Nutrivercell, Osseomatrix, Profilomic, Vigilio, Vitamfreo.
  • Greentech avec notamment de la gestion et de la production d’énergie et des solutions de recyclage :  Naskeo, Amoes, Smart Impulse, Smart Side, Verteego, Accuwatt, Addelys, Deways, Kweo, Lisotherme, Neobiol, Photofuel, Solarnet, Solsia, Sparks, TondeusEco, Trinov, Tunecharger, EnergyGo
  • Optique et notamment des solutions d’éclairage LED : Effilux, Leosphere, Kwea, Phaseview, Phasics, Thomas Sinclair Laboratoires, Vectrawave, Zamensis.
  • Transports avec des véhicules innovants ou des systèmes facilitant les transports et le parking : Dreamslide, Rayvolution, Remake Design, Smartgrains.
  • Matériaux / construction : Ivea, Magpie Polymers, Nanoe, NECS, Orelia, Pegastech.
  • Divers : Concept Footwear Solution (ci-dessous, Tania Heath expliquant la physique de ses chaussures à talons amovibles), Gobilabs, Laboratoire Shigheta, Natural Grass.

Tanya Heath (Concept Footwear Solutions) (2)

Là-dedans, il y a un peu à boire et à manger et surtout, plein de choses très intéressantes ! La plus grande difficulté pour ces projets étant d’accéder au marché et de se financer convenablement. Certains projets peuvent manquer d’ambition car ils se positionnent dans des marchés de niche un peu étroits. Mais plusieurs ont un beau potentiel de croissance et de création de valeur.

Les mauvaises langues se demandent souvent pourquoi on aide tant de projets avec de l’argent public. C’est un peu le propre de l’innovation : il faut lancer des pistes dans un tas d’endroit pour en faire ressortir des pépites. Seul un petit nombre de ces projets donnent lieu à la création d’entreprises atteignant le statut de la “PME”. Plus de 500 entreprises innovantes ont été aidées pendant ces 10 années et elles ont créé 6 emplois en moyenne. Les financeurs de Scientipôle Initiative sont surtout intéressés par la création d’emplois et comme ici, il s’agit de prêts, le coût de (la contribution à la) création des emploi est assez raisonnable par rapport à de nombreux autres dispositifs d’aide.

Projets acceptés et rejetés, longueur du processus

Financer sa startup est habituellement un bon parcours du combattant qui dure de longs mois, et notamment avec les clubs de business angels et les VCs. Chez Scientipôle, le processus est d’une durée assez élastique : il va d’un minimum d’environ deux mois à plus d’un an selon la maturité du projet. Plus le processus est long, plus c’est le signe d’un manque de maturation du projet. Le feedback du chargé d’affaire est pris en compte par les porteurs de projets qui revoient leur copie et reviennent à la charge. Un expert est sollicité et cela aboutit à une présentation en comité.

Le “pipe” de projets qui aboutit chez Scientipôle Initiative est d’environ 500 projets par an, soit une bonne partie des projets de startups franciliennes. En 2011, il y eu 100 lauréats en bout de chaîne et 120 sont prévus en 2012. Le taux de rejet en comité de sélection est assez faible (<10%). C’est en amont du comité que les projets se font rejeter le plus fréquemment, notamment quand l’équipe n’est pas suffisamment solide et constituée, avec des entrepreneurs trop seuls et/ou manquant de compétences clés et lorsque le produit est encore à l‘état de plan “papier” sans bêta (immatériel) ni prototype (matériel). Il peut aussi arriver que la confiance du chargé d’affaire dans le modèle d’ensemble du projet soit trop faible (valeur du problème traité, approche marketing/vente, approche d’industrialisation). Mais les critères d’acceptation des projets sont bien plus souples dans l’ensemble que dans les canaux de financement privés.

Le niveau de risque pris par Scientipôle reste élevé parce que les startups sont très en amont de leur cycle de vie. Et aussi parce que les membres du comité d’agrément sont certes responsables, mais ce n’est pas leur propre argent qu’ils prêtent aux startups ! Si c’était le leur, ils seraient beaucoup plus sélectifs ! De plus, les innovations de services sont acceptées ce qui est rarement le cas chez Oséo.

Rôle des experts

Le rôle des experts est de valider un projet dans son ensemble ou sur un point particulier en fonction de la demande du chargé d’affaire. Dans la plupart des cas, les experts font des analystes généralistes qui couvrent le produit, le marché, le business model, l’écosystème, le modèle marketing et vente et les aspects financiers. Parfois, ils se focalisent sur le marketing, les aspects financiers voire juridique.

Les experts sont de profils très variés : pas mal d’anciens cadres supérieurs de grandes entreprises technologiques (Intel, Sun, Microsoft, HP, télécoms), des entrepreneurs notamment de l’Internet, des prestataires de service (conseil, communication), des financiers, des business angels et aussi des professionnels de la santé (pour les projets dans les medtech/biotechs), le tout avec une dominante d’ingénieurs de formation. Leur pyramide des âges est très étalée : de la trentaine à la soixantaine.

On retrouve à peu près les mêmes profils professionnels dans le comité d’agrément, la plupart de ses membres étant aussi des experts de Scientipôle Initiative. Cela amène parfois à des décalages entre l’audience très jeune visée dans de nombreux projets et la moyenne d’âge du comité d’agrément. C’est un décalage que l’on retrouve aussi souvent dans de nombreux clubs de business angels.

Le tout est malheureusement à forte dominante masculine, à l’image de ce qui se passe dans l’écosystème de l’innovation. Les candidates sont donc les bienvenues !

Pour être totalement transparent, les experts sont rémunérés 1000€ par dossier mais la participation aux comités d’agrément n’est pas rémunérée.

Le passage en comité d’agrément

Les entrepreneurs présentent leur projet pendant 15 minutes au  comité d’agrément qui comprend de cinq à une douzaine de membres selon l’affluence. Suivent 20 à 25 minutes de questions/réponses et 20 minutes de délibération du comité une fois les entrepreneurs partis. Ce traitement de chaque dossier pendant une heure permet donc de faire un bon tour d’horizon du projet et d’évaluer l’équipe.

Voici quelques conseils qui s’y appliquent ainsi que dans de nombreuses autres occasions de pitcher un projet :

  • Présenter l’équipe au début et rapidement, sachant que tous les demandeurs du prêt d’honneur qui peuvent être jusqu’à cinq doivent être présents. Il est utile que chacun puisse s’exprimer pour que son rôle et la cohésion de l’équipe soient bien valorisés. Il est souhaite d’avoir 2 à 3 personnes qui s’expriment dans la présentation et que les autres, s’il y en a, le fassent pendant les questions/réponses.
  • Bien décrire le problème des clients que vous voulez résoudre, et la segmentation de ces derniers. Puis la solution, avec si possible une démonstration, ou au pire des slides avec copies d’écrans, une démonstration enregistrée ou une vidéo. Même si il y a généralement du Wifi de disponible, toujours prévoir le cas où il n’y en a pas. Il faut que l’on comprenne bien ce que vous faites.
  • Bien positionner votre activité : éditeur de logiciel, site web, fournisseur de technologie, prestataire de service, mix produit/service dans votre activité.
  • Ne pas pipoter ni mentir, par exemple en enjolivant votre pipe commercial. D’abord, parce que ce n’est pas bien… et aussi parce que, en plus de l’expert qui a planché sur votre dossier, il y aura probablement un membre du comité d’agrément qui connaitra votre secteur, un de vos clients, partenaires voire ancien employeur. Et que certaines de vos références sont faciles à valider en quasi-temps réel. Il m’est arrivé de le faire pendant les comités ! Il n’est pas non plus nécessaire de sur-jouer le coup de “l’innovation technologique de rupture” pour un simple site web qui exploite PHP et MySQL… ! Notons cependant que les porteurs de projets peuvent consulter le CV des membres du comité d’agrément juste avant de pitcher. Ils savent ainsi à qui ils ont affaire, ce qui n’est pas le cas dans toutes les instances de ce genre.
  • Bien écouter les questions et répondre de manière concise.
  • Ne pas pitcher en lisant vos notes. Cela arrive parfois et les porteurs perdent facilement des “points de vie” en agissant de la sorte.
  • Faites en sorte que vos slides soient les plus simples et imagés possibles. Vous ne serez pas Steve Jobs mais vous pouvez vous en inspirer. Un bon test consiste à vérifier sur son laptop que ses slides sont lisibles à environ 2 mètres de l’écran.

Vous trouverez bien d’autres trucs de ce genre dans le Guide des Startups, quinzième édition, dont je suis en train de préparer la seizième.

Les questions ? Elles portent le plus généralement sur les points les moins bien abordés dans la présentation et très souvent sur la concurrence, le modèle économique, les efforts commerciaux et marketing et notamment le cycle de vente typique de votre offre (étapes, durée, coût), les éléments financiers avec le compte d’exploitation prévisionnel et le plan de financement du projet, la propriété intellectuelle, et parfois les barrières à l’entrée même si le comité d’agrément sait relativiser leur rôle.

Ecosystème de Scientipôle Initiative

D’où viennent donc les projets qui aboutissent chez Scientipôle Initiative ?  Il y a bien entendu les candidatures directes soumises via le site web de l’association. Mais celle-ci a bâti de nombreux partenariats avec les incubateurs publics et privés, ceux des écoles d’ingénieur et de commerce comme ceux qui sont liés à la recherche comme Agoranov et Incuballiances et les accélérateurs comme LeCamping.

En aval, les projets aboutissent souvent dans les pépinières et incubateurs. Ils sont ensuite financés par les business angels, Oséo, les fonds d’investissement régionaux et de capital risque. Et aussi Scientipôle Capital.

Scientipôle Initiative est une des 241 associations membres du réseau France Initiative. C’en est la plus importante en nombre de prêts et l’une  des rares qui soit aussi spécialisée dans les projets à connotation technologique. En région, vous pouvez faire appel aux autres associations membres des réseaux Réseaux Entreprendre et France Initiative, à ceci près qu’elles sont bien moins rarement spécialisées dans les technologies.

Voilà pour ce petit bilan des 10 ans. Vous entendrez toujours parler sur ce site de quelques startups que je rencontrerai et/ou expertiserai chez Scientipôle Initiative comme j’ai pu le faire au sujet du cinéma numérique !

RRR

 
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