Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

Le plus grand business angel de France

Post de Olivier Ezratty du 16 mars 2010 - Tags : Entrepreneuriat,Internet,Logiciels,Logiciels libres,Startups | 28 Comments

En nombre de startups financées et dans les industries du numérique, il me semble qu’il s’agisse de Xavier Niel, ci-devant fondateur et président d’Iliad, la maison mère de Free.

Explications…

J’ai eu l’occasion de discuter avec lui la semaine dernière sur un tas de sujet, dont celui de ses investissements dans les startups. Je savais qu’il avait investit dans quelques boites connues telles que Deezer, voire dans des startups d’amis divers. J’avais aussi entendu parler de la création d’un fonds d’amorçage commun avec Jérémie Berrebi, fondateur entre autres de Zlio, dénommé Kima ventures, en février 2010. Leur site, ci-dessous, est surtout une boite aux lettres pour envoyer votre projet à Jérémie Berrebi qui en fait le tri et les soumet ensuite à Xavier Niel pour validation.

Home Page Kima Ventures

Je m’étonnais de la volumétrie d’investissements annoncée : un objectif d’investissement dans une centaine de projets en deux ans. Quand je vois à quelle vitesse les clubs de business angels, fonds ISF et autres organisations investissent dans les start-up et parfois avec des ressources humaines significatives, je me disais que c’était une gageure.

Grosse erreur !

En fait, Xavier Niel a déjà investit dans plus de 150 startups, au point qu’il a du mal lui-même à se rappeler de la liste de toutes les boites concernées ! Elles proviennent de nombreux horizons et de nombreux pays dans tous les continents. On peut ainsi citer Deezer qu’on ne présente plus, Architurn (une place de marché et plateforme de service pour l’architecture d’intérieur), Square (la boite du fondateur de Twitter, évoquée dans ce post sur Leweb 2009), Mediapart et Bakchich (plus classe que de posséder “Le Figaro” ou “Libé”…), Ateme (qui produit du matériel de tête de réseau pour la diffusion de l’IPTV), Status.net (une plateforme open source de micro-blogging, établie au Québec),  dans AppsFire (pour partager ses listes d’applications mobiles), et aussi vpod.tv (plate-forme de vidéo en ligne pour les entreprises). Depuis la création de Kima, on peut citer les investissements dans Leetchi (un système de gestion en ligne de cagnotte, une version consommateur de la levée de fonds…), dans dans OpenERP (une sorte de SugarCRM pour l’ERP, d‘origine belge), dans Labotec (développement d’applications mobiles) ainsi que dans Tokup (place de marché de services).

A ce jour, au moins dans la high-tech, Xavier Niel est donc probablement le business angel le plus actif de France en nombre de startups financées. A titre de comparaison, les business angels de “Paris Business Angels”, l’un des plus gros clubs de business angels de France, investissent dans environ 25 projets par an. Mais ils sont plus d’une centaine de membres. Et en moyenne, un business angel très actif investit dans une douzaine de projets – en tout !

Xavier Niel Université d'Ete du MEDEF Sept2010

Les investissements de Xavier sont réalisés en phase d’amorçage et avec des tickets moyens de 100K€. Jérémie filtre pour Xavier les dossiers selon deux critères clés : l’originalité de l’idée et la qualité de l’équipe, et avec, tant que possible, la volonté d’aider en particulier les jeunes entrepreneurs talentueux. Xavier souhaite aussi aider les projets qui pourraient avoir une envergure internationale. Parfois, il investit dans un projet dont l’idée est bonne mais très difficile à réaliser, parce qu’il croie en l’équipe.

Xavier et Jérémie se décident rapidement, en annonçant un délai de réponse de quelques semaines, un vrai défi compte tenu des centaines de dossiers qu’ils ont reçus, notamment depuis la création de Kima Ventures et l’écho que cela a généré. Ils s’appuient ensuite sur leur réseau relationnel mondial pour aider les sociétés, que ce soit pour leur trouver d’autres sources de financement comme des business angels de “prestige” internationaux, ou pour déboucher sur des partenariats business. Mais sans intervenir dans leur gestion. Ils pensent apporter plus de valeur aux sociétés investies qu’avec un “board seat”.

Cinquante dossiers par an, cela fait un sacré paquet ! Le processus est accéléré grâce à deux éléments clés : le “nez” d’entrepreneurs de Jérémie et Xavier et l’absence de formalisme. Celui-ci alourdit généralement les divers organismes qui distribuent ou prêtent de l’argent public et même les clubs de business angels. Ici, pas de comité de sélection, pas d’experts, juste un examen du dossier et une ou deux rencontres avec les entrepreneurs. Ces dossiers doivent cependant sérieusement documentés dans le formulaire du site de Kima. Le tri reste sévère ! Sachant que le % de dossiers soumis de bonne qualité semble plus faible en France qu’ailleurs.

Il faut noter que cette politique d’investissements en phase d’amorçage serait déjà rentable, du fait du volume de prises de participations. On retrouve une loi du genre implacable pour l’investissement dans les startups : il faut d’un côté avoir du nez, et de l’autre, faire du volume car les projets qui décollent sont statistiquement très rares.

Curieusement, l’annonce de la création de Kima Ventures ne change pas vraiment la donne en termes de montants investis et de projets soutenus pour Xavier Niel. C’est surtout la mise en place d’une structure adéquate pour la gestion de ses investissements dans des startups, dans la lignée de ceux qu’il a déjà réalisés, et toujours dans les mêmes domaines : les télécoms, l’Internet et les jeux vidéos.

D’autres initiatives voisines sont à signaler et à positionner par rapport à Kima Ventures :

Jaina Capital logo

  • Jaina Capital, créé par Marc Simoncini de Meetic. Le fonds de 100m€ investit des tickets plus élevés, aux alentours de 500K€, et exclusivement dans des startups françaises. Il est doté d’une équipe permanente de plusieurs personnes dont Michel Kubler, et se focalise comme il se doit sur le numérique. Il a notamment déjà investi dans AppsFire (en commun avec Xavier Niel), dans les jeux en ligne (Winamax), dans les services mobiles MVNO (CoFiTel), dans la location en ligne (Zilok), dans Cashstore (cashback et conseil dans le commerce en ligne) et aussi dans Millemercis (listes de mariage). Marc Simoncini est donc probablement en € le plus grand business angel de France en devenir dans le secteur du numérique. Marc a déjà retrouvé ses mises de fond de départ grâce à quelques belles introductions en bourse (comme avec Millemercis).

Isai Capital logo

  • Isai Capital, créé par une belle brochette d’entrepreneurs comprenant notamment Pierre Kosciusko-Morizet, Oriane Garcia, Ouriel Ohayon, Geoffroy Roux de Bézieux et Tariq Krim, et animé par Christophe Reynaud et Jean-David Chamboredon (ex 3i Ventures, et aussi un bloggeur doté d’une très belle plume, quoique rare). Les tickets sont ici encore plus élevés, de l’ordre du million d’Euros. Isai s’est même constitué en FCPR, un véhicule lourd et institutionnel (agréé AMF) qui permet de lever des fonds au delà de la contribution des business angels fondateurs. C’est presque un VC, ce qui explique sans doute la présence de JdCh dans l’équipe de gestion.

Kima, Jaina et Isai se suivent donc logiquement dans le cycle de financement des startups. Ce qui explique que le nombre d’investissements dans les deux derniers soit pour l’instant modeste. Plus on avance dans le cycle, moins il y a d’élus et plus les besoins financiers augmentent par startup ! Comme les entrepreneurs à l’origine de ces fonds se connaissent bien, souvent depuis plus d’une dizaine d’années, et communiquent régulièrement entre eux, il ne sera pas surprenant de voir des startups financées à la queue-leu-leu par deux voire trois de ces équipes au gré de leur croissance.

Etant principal actionnaire de Free, Xavier Niel a sans conteste les moyens financiers d’aider les jeunes entrepreneurs. Il place au moins 5 millions d’Euros par an dans les startups. Ce qui est certes modeste au regard de son patrimoine, mais lié à son positionnement dans l’amorçage contrairement à ses collègues de Jaina et Isai.

Je m’étonnais il y a quelques années, de la faible activité des grandes fortunes de France autour de l’entrepreneuriat. Il y a bien les Mulliez avec le Réseau Entreprendre et Liliane Bettencourt et sa fondation, mais cela ne va pas bien loin pour les autres, qui préfèrent souvent l’Art à l’entrepreneunariat. Au bout du compte, celui qui a le mieux réussi dans la high-tech française rend bien la monnaie de la pièce aux entrepreneurs. C’est suffisamment rare pour être souligné ! Et surtout, un très bon exemple à suivre, avec Marc Simoncini, pour les autres… quand ils sont encore en France ! L’innovation dans un pays se mesure aussi à sa capacité à recycler la richesse et les compétences générées pour faire émerger de nouvelles entreprises !

Article mis à jour le 20 mars 2010 (ajout de Tokup dans les investissements)

RRR

 
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