Les temps nouveaux dans le numérique
Post de Olivier Ezratty du 5 septembre 2009 - Tags : Economie,Entrepreneuriat,Haut débit,Innovation,Internet,Management,Microsoft,TV et vidéo | 3 Comments
Deux tables rondes étaient consacrées au numérique (contre une, sur les réseaux sociaux, en 2008) dans cette Université d’été du MEDEF consacrées aux “temps nouveaux”.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces deux débats n’ont pas mis grand chose de nouveau sur la table. Mais bon, on est content, le MEDEF semble s’intéresser au numérique. De loin. Au fait, combien de patrons font encore imprimer leurs mails par leur secrétaire pour y répondre de manière manuscrite ?
Tous enfants de Billg ?
L’originalité principale de ce débat est qu’il avait lieu en plein air. C’était le seul de toute l’université. Mais aussi la seule demi-journée dont la météo le permettait. Avec en prime, les cheveux au vent de NKM, arrivée un peu en retard et qui du démarrer son intervention sur un fond musical que la régie son n’arrivait pas à supprimer.
En plus de NKM, intervenaient Laurent Blanchard (Cisco), Vincent Cespedes (philosophe), Christine du Fretay (association e-enfance), Bruno Pattino (ex-le Monde, directeur de France Culture) et Pascal Rufenach (Bayard Presse Enfance).
On a entendu parler de dématérialisation de la culture, de l’amitié, de l’amour, de la mémoire et de l’intimité et de l’émergence de l’égocasting, de l’influence (néfaste?) des jeux vidéos. Et comment cela déboussolait les parents. Des thèmes fort classiques. NKM évoque aussi la frontière de la pudeur et le besoin d’un droit à l’oubli. Il devrait y avoir prescription, “sauf peut-être en Corse”. Une nouvelle psychologie va émerger. Les modèles hiérarchiques avec identités et rôles vont être remis en question. L’identité va être fluide et mobile. Son enrichissement par la relation à l’autre plus fort, avec un impact sur la notion même d’individualisme.
Puis, on n’a pas échappé aux arguties autour d’HADOPI et à la judiciarisation de ce qui se passe sur Internet. On dit souvent que le seul moyen de financer la création est celui que l’on a créé il y a 30 ans. Et “il faut apprendre aux Internautes à…” au lieu “il faut que l’on apprenne à voir comment adapter nos modèles économiques”.
Et hop, c’est reparti pour un tour sur les modèles économiques. Le Monde a-t-il abandonné le payant pour faire du gratuit ? Que nenni, il pratique l’hybridation des modèles économiques, sorte de “fremium”. Le journal avait jusqu’à 27% de rentabilité dans le gratuit sur le web. Mais “quand des gamins de 17 ans peuvent mettre par terre votre modèle économique parce qu’ils vous aiment, vous avez un problème”. Il faut aussi différentier prix et valeur et comprendre où elle se déplace. NKM rappelle que la sphère du gratuit est assez étroite. Le gratuit est souvent apparent. On paye de manière subtile le gratuit notamment par la compromission active ou passive de ses données personnelles. On paye mais pas en cash. Il y a ainsi très peu de choses que l’on ne paye pas. De plus, le modèle de la publicité Internet non qualifiée ne vaut pas cher. L’avenir serait dans publicité hautement qualifiée : fichiers Facebook monétisés. Mon point de vue : la monétisation par la qualification la meilleure existe déjà, et elle s’appelle le search. Ce qui explique que Google capte plus de 40% du chiffre d’affaire mondial de la publicité en ligne. Par ailleurs, les éléments de contextualité d’un réseau social ne sont pas si faciles à monétiser. Autre théorie personnelle : la monétisation de l’audience qualifiée est matériellement limitée par la capacité des marketeurs à segmenter leur audience et à définir des messages personnalisés. Que ceux qui ont plus d’une demi-douzaine de segments pour leur produit lèvent la main ! Une autre question clé se pose : quelle est la masse du revenu publicitaire et quelle est la masse et le périmètre de contenus et services qu’elle peut financer indirectement ?
Sur les contenus, on constate une grande concentration et rentabilité. Apple représente 80% de la musique en ligne aux USA. Pattino défend le prix unique du livre mais il y a un danger de défense de l’ancien modèle. L’enjeu est de savoir qui détermine le prix : le distributeur ou le créateur ? Le choix du modèle est important. Est-ce aussi le propriétaire de la technologie ou celui du contenu.
La chute du débat était intéressante. Pendant pas mal de temps, on pouvait constater que Bruno Pattino et NKM étaient quelque peu distraits par leur mobile (un iPhone qui a remplacé un Nokia pour cette dernière). Le coupable : Twitter. NKM qui est fortement atteinte de twitterisation aigue depuis près de six mois a eu cependant l’intelligence d’intervenir à la fin pour rendre le débat participatif, en citant les twitts (messages sur Twitter) qu’elle avait reçus. Les principaux s’insurgeant notamment sur le titre même de la session : “comment ça, moi enfant de Bill Gates, roi du monopole ! Pas question ! Je veux être un enfant de Linus Torsvalds…”.
La toile va-t-elle craquer?
La seconde table ronde numérique était bien résumée par Hervé Kapla.
Ca partait un peu dans tous les sens… mais pas de craquage de l’Internet à l’horizon, soyez rassurés. Quelques points clés de ce débat où nombre d’intervenants se considéraient comme des vétérans de l’Internet. Je vais trier ici les propos par intervenant.
En conclusion, une intervention d’une participante dans la salle qui demande quel est l’avenir de l’usage d’Internet par la femme ? On apprend que leurs comportements sont différents pendant l’acte de recherche dans la vastitude de l’Internet (terme découvert dans l’agenda de l’Université d’été du MEDEF), mais similaires (aux hommes) dans l’acte d’achat. Internet fait-il gagner du temps aux femmes et en perdre aux hommes ? On oublie aussi qu’Internet libère le citoyen. On ne fait plus de la politique comme avant. La même personne termine en allant un peu loin en trouvant que l’Internet a permis de faire émerger des idées “comme le Modem”. Ah bon, ce n’est pas Bayrou le chef qui pilote tout ?
Bref, on se marre bien, on rencontre des gens bien connus de l’Internet. Mais quelle était la question posée au juste ? La toile va-t-elle craquer ? On n’en a pas vraiment parlé…
Aller, un petit challenge pour le MEDEF pour l’année prochaine : aborder le numérique en séance plénière ! Chiche ? On pourrait y faire intervenir le patron de Lippi Industries, cette entreprise de fabrication de grillage chère à notre ami Jean-Michel Billaut, qui s’est complètement transformée grâce au web 2.0. Si on peut le faire dans le grillage, on peut le faire presque partout !
Lien du blog Opinions Libres : https://www.oezratty.net/wordpress
Lien de l'article : https://www.oezratty.net/wordpress/2009/les-temps-nouveaux-dans-le-numrique/
Cliquez ici pour imprimer
(cc) Olivier Ezratty - http://www.oezratty.net