Bulletins de vote à télécharger
Post de Olivier Ezratty du 8 juin 2009 - Tags : France,Politique | 12 Comments
Au delà des résultats qui sont maintenant tombés, ces élections européennes 2009 étaient bien exotiques. Avec plus de 20 listes et de bien curieuses variantes dans leur promotion générant une impression de chaos et un usage du numérique quelque peu dévalorisant. Je m’intéresse ici aux moyens de promotion des listes, à l’usage de l’Internet dans la campagne, et au mode de scrutin.
Il y avait pour commencer les listes classiques avec partis connus, prospectus, affiches et campagne officielle à la télévision (FN, UMP, Modem, PS, Ecologie, Nouvelle Gauche, NPA). Elles ont raflé comme prévu les 72 sièges de la France. Libertas, la liste de De Villiers, aurait récupéré un siège.
Un parti bénéficiait du temps de parole à la télévision dans la campagne officielle mais ne se présentait pas (les Radicaux de gauche). Pourquoi ? Parce que leur temps de parole semble lié à leur nombre d’élus existants et pas au fait qu’ils se présentent ou non. Un comble !
Les panneaux d’affichage étaient à moitié utilisés par les listes.
Enfin, il y avait des listes pour lesquelles on pouvait voter en téléchargeant son bulletin de vote sur leur propre site web. Et qui sont évidemment défavorisées si l’envie prend de voter pour elles lorsque l’on se rend au bureau de vote. Tient, il y a une liste pour les royalistes… Tient, il y a une liste de “l’Union des gens” (40 voies à Paris !), etc. Alors, pour voter, il faut commencer par aller sur leur site (mais comment savoir qu’ils existent ?), consulter leur programme, leur profession de foi, puis télécharger leur bulletin de vote en PDF et l’imprimer pour l’emporter avec soi au bureau de vote.
Une belle barrière à l’entrée ! Mais à part elles, qui va s’en plaindre ? Ces listes constituent un véritable roman. A croire parfois que l’on serait dans le pays de Groland (cf l’émission de Canal+). Je me demande aussi si cette multiplicité de listes ne contribue pas aussi à générer un peu plus d’abstentions à cette élection, la pire du genre de ce point de vue.
En plus des listes suscitées, nous avions donc par exemple le “Parti de la France” avec des dissidents du Front National, le Rassemblement pour l’initiative citoyenne qui veut juste changer la constitution française pour permettre des référendums citoyens (rapport avec le schmilblick ?), le parti Breton, deux partis basques (l’Eusakal Herriaren Alde et Euskadi European), le Parti Humaniste et Solidarité-liberté, justice et paix qui veulent que l’on respecte plus la personne humaine, la terre sinon rien qui veut revisiter la notion de croissance mesurée uniquement par le PIB (un vrai sujet), et Europe Décroissance qui est plus directe en prônant la décroissance, Cannabis sans frontière et des communistes dissidents. Il y avait aussi la candidature encore plus loufoque “Europe de Gibraltar à Jérusalem” dont les propositions valent le détour.
Avec dans le discours politique, le grand paradoxe des petites listes : elles se réclament représentatives des “vrais” citoyens, demandent à être élues (enfin, …), et si elles sont élues, deviendraient des politiques comme les autres. Finalement, les vrais gens en politique, ce sont ceux qui ne sont pas élus, et qui influencent la politique par d’autres moyens que les élections. On appelle cela la société civile, les experts, ou les lobbies, selon. Et ceux que l’on retrouve dans ces différentes listes citoyennes font d’ailleurs tout pour rester dans la catégorie des non élus. Sans compter le fait qu’elles se foutent souvent de l’Europe comme d’une guigne. La politique de certains de ces amateurs n’est sommes toutes pas meilleure que celle des professionnels…
Au total, ces listes ont recueilli 768375 voies, plus 42969 pour les listes régionales. Soient 4,71% des suffrages exprimés. En baisse semble-t-il par rapport à 2004 où elles auraient rassemblé plus de 8% d’électeurs. La liste antisioniste qui elle, avait des bulletins dans les bureaux de vote en Ile de France où elle se présentait, a tout de même obtenu 1,3% des votes ! Le cinquième de ce qui était nécessaire pour obtenir une place au parlement européen… et heureusement.
En observant les résultats de cette élection européenne, comme celui des précédentes, on peut surtout constater à quel point la France serait ingouvernable si l’Assemblée Nationale était élue au suffrage proportionnel (comme en 1986 ou avant la 5eme République). En effet, avec ce genre de suffrage, les majorités doivent se constituer après les élections et de petits partis au centre comme aux extrêmes se retrouvent en situation d’arbitre et déstabilisent en permanence les gouvernements. Le scrutin majoritaire actuel est peut-être moins démocratique en apparence, mais plus efficace pour stabiliser les gouvernements. Après, que les grands partis soient parfois médiocres, ce n’est que le reflet de notre propre société et de la manière dont fonctionnent les élites. Il n’y a d’ailleurs pas beaucoup de pays où les citoyens sont fiers de leurs hommes politiques.
Sinon, le scrutin régionalisé qui nous a été imposé depuis 2003 mériterait d’être remis en cause. Rappelons nous qu’il a été mis en place pour rapprocher les citoyens des candidats et pour réduire l’abstention. Ces deux objectifs initiaux n’ont pas été remplis donc la solution n’était pas la bonne ou elle n’était pas bien mise en oeuvre. De plus, la majorité des pays européens votent au scrutin proportionnel national. Le seul avantage de ce scrutin régionalisé est d’éviter l’émiettement de la représentation nationale au parlement européen mais celui-ci n’a pas véritablement évolué avec les différents changements de mode de scrutin depuis 1979. Son inconvénient principal est de régionaliser le débat alors que celui-ci doit être international et européen, et même pas national ! Il ne contribue pas à sa lisibilité.
Et Internet ?
Mais revenons sur ces bulletins à télécharger sur Internet. Pratique bien curieuse qui ne s’applique qu’aux petits partis folklos et désargentés. N’il y aurait-il pas des moyens plus nobles d’utiliser l’Internet dans le cadre des élections ?
il y a sinon bien eu des usages sporadiques de Facebook et Twitter dans cette élection, mais on est encore bien loin d’un bon usage de l’Internet dans ce genre d’élection. Notamment pour mieux faire connaitre les programmes des candidats et améliorer le débat démocratique. Or cette élection n’intéressait pas les citoyens européens car ses enjeux étaient complexes et les pouvoirs des élus difficiles à cerner. Raison de plus que de se poser les questions de la pédagogie politique et d’un meilleur usage de l’Internet.
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