Appels à projets Web 2.0 et Serious Gaming
Post de Olivier Ezratty du 27 mai 2009 - Tags : Entrepreneuriat,France,Innovation,Internet,Logiciels,Politique,Technologie | 23 Comments
Ce matin, Nathalie Kosciusko-Morizet présentait dans une table ronde presse/bloggeurs les détails de l’appel à projets Serious gaming et web 2.0. Cela faisait suite à son annonce le 6 mai dernier consécutive à sa présentation au Conseil des Ministres de l’intégration tant attendue du numérique dans le plan de relance. 9h. Une petite heure de présentation et de questions/réponses et puis hop, 9h51, départ express de NKM pour le Conseil des Ministres qui commençait à 10h.
Etaient également présents Luc Rousseau (le Directeur de la DGCIS qui va gérer la partie appels à projets) et Bernard Benhamou (Délégué aux Usages de l’Internet, rattaché au Ministère de la Recherche et au Secrétariat d’Etat au Numérique).
Cet appel à projets est quelque peu intriguant. Pas seulement par les thématiques, bien dans l’air du temps, mais par le processus mis en place. Je me demandais si c’était un processus déjà usité, ou quelque chose de nouveau. Et bien, le processus n’est pas vraiment nouveau, c’est la démarche et le secteur d’activité qui le sont, et le budget est assez important. Le tout est mis en place dans un timing assez serré. On est proche de l’opération commando ! Les plus agiles sauront en tirer parti !
Alors, comment les startups et autres PME innovantes du numérique pourraient s’impliquer dans ces deux appels à projets ? C’est ce que nous allons voir ici.
Appel à projets et appels d’offres
Dans les deux domaines du Serious gaming et du Web 2.0, l’initiative du gouvernement est en fait découpée en deux parties bien distinctes :
Le fait d’avoir obtenu une subvention dans les appels à projet ne rend pas éligible aux appels d’offres qui répondent aux exigences un peu plus rigoureuses du code des marchés publics. La continuité entre les deux porte sur les thématiques. Le résultat des appels à projets pourra cependant alimenter le contenu même des appels d’offres.
Un budget significatif
Le montant budgétisé et obtenu par NKM dans l’enveloppe “numérique” du plan de relance est de 50 millions d’euros qui se répartissent comme suit :
Est-ce que ces sommes sont significatives ? Elles le sont.
Par rapport à l’ensemble des aides publiques à l’innovation, ils paraissent dérisoires, mais creusons un peu. Les subventions d’Oséo Innovation sur l’année 2007 (les résultats annuels 2008 n’ont pas encore été publiés) étaient de 89m€. Sachant que cela concerne tous les secteurs d’activité et que dans le cas du plan Web 2/Serious Gaming, on touche un petit bout d’un seul secteur d’activité. Autre repère, les aides aux pôles de compétitivité : le mieux financé est Systematic, en région parisienne. Il a été doté de 118m€ de soutiens publics sur 3 ans. CapDigital, l’autre grand pôle numérique, est financé à hauteur de 15m€ par an. Enfin, le concours national de la création d’entreprise de technologie innovante (dénommé souvent “concours national de la recherche”) est doté chaque année d’environ 20m€ et il y avait eu 170 lauréats en 2008.
Donc, les 50m€ des appels à projets et appels d’offre du volet numérique du plan de relance représentent un investissement significatif au regard de l’existant. Si l’on ne conserve que la partie “appels à projets”, nous avons l’équivalent de tout le Concours National de la création d’entreprise innovante !
Il est prévu de financer des projets dans des enveloppes dans une fourchette (élastique) allant de 300K€ à 1m€. Cela donne une petite idée du nombre de projets concernés : entre une trentaine et une centaine. Sachant que chaque projet pourra rassembler plusieurs entités : PME, grande entreprise, laboratoire de recherche. Et qu’il y a un peu plus d’un mois pour répondre à l’appel à projets.
Modalités de l’appel à projet
Toute la documentation et les dossiers seront à récupérer sur le site de la DGCIS.
Les projets doivent être menés en France, et la nationalité de l’entreprise n’importe pas. Une représentante de la DGCIS présente à la table ronde presse remarquait en aparté qu’il était de plus en plus difficile de définir ce qu’est une entreprise “française”. Sagem, par exemple, appartient à un fond de pension américain…
Les règles du jeu de l’appel à projet ont été optimisées pour favoriser au maximum possible les PME. Tout en respectant les bornes définies par la Commission Européenne. Par exemple, le taux de financement des projets ira jusqu’à 45% des montants engagés, un projet d’un laboratoire de recherche pourra être financé à 100% des besoins, mais les aides ne pourront pas couvrir les dépenses de commercialisation et de marketing.
Contrairement aux aides et avances Oséo qui sont conditionnées par un apport de fonds propres au moins équivalent, ici, il ne s’agit pas de fonds propres, mais d’engagements humains ou matériels. En gros, un projet sera chiffré en années/hommes et 45% du coût correspondant pourra être financé par l’aide de l’état. Les projets créateurs d’emplois seront favorisés. Sachant néanmoins que la théorie veut qu’ils n’aient pas démarré avant d’être financés. Le règlement de l’aide se fera en au moins trois temps: 30% d’avance à la notification (lorsque l’appel à projet a été gagné) et le reste ensuite pendant et à la fin du projet (20% au minimum à la fin).
Les critères de sélection sont essentiellement qualitatifs, avec notamment :
Le contenu des projets
La catégorie “serious gaming” couvre de nombreuses applications professionnelles comme grand public : la formation, la santé, la publicité, l’environnement, le tourisme, la communication et la culture. Le principe consiste à aider les outils professionnels exploitant les technologies issues du monde du jeu vidéo, l’un de nos points forts dans les industries du numérique. Il s’agit surtout des moteurs de modélisation et de rendu graphique 3D, mais l’innovation dans les domaines concernés demandera probablement la mise en place d’autres technologies complémentaires et de savoirs faire métiers spécifiques.
La catégorie dite web 2.0 a un spectre encore plus large. Pour faire simple, on peut dire que cela couvre presque tous le secteur de l’Internet : le web sémantique, les réseaux sociaux, le travail collaboratif, les mobiles, les outils de développement, le cloud computing. Un appel du pieds est fait en direction de projets qui exploiteraient des données publiques… qui sont déjà publiques, ou pas encore. Ceci, dans la lignée des initiatives américaines (Data.gov) et anglaises (Show us a better way de la Power of Information Task Force). Avec l’espoir de créer un effet positif d’oeuf et de poule avec des demandes d’ouverture de données publiques qui changeront les habitudes. Cependant, l’éligibilité d’un projet de ce genre dépendra de la faisabilité de cette ouverture. On notera que l’ouverture des données publiques requiert des API et pas simplement des publications sur des pages web.
Dans les deux appels à projets, la demande concerne des logiciels métier innovants ou bien des outils de conception de logiciels. Elle doit porter sur des travaux de recherche et d’expérimentation. On retrouve là un travers habituel de nos aides publiques, très focalisées sur l’amont des projets et pas assez sur l’aval, c’est-à-dire la rencontre avec le marché. Heureusement, celle-ci pourra-t-elle en théorie intervenir dans la phase suivante : les appels d’offre publics.
Est-ce que cela vaut le coup pour une startup de s’impliquer ? Pas évident à dire. Si son secteur d’activité colle avec l’un des ces appels à projets, oui. Si elle peut consacrer du temps pendant le mois de juin à remplir les dossier. Et si elle est déjà liée à d’autres acteurs de l’innovation dans le secteur. Une startup avec une offre existante privilégiant donc l’approche business pourra éventuellement attendre la phase des appels d’offre après l’été.
D’autres appels à projets dans le numérique
L’initiative de NKM n’est pas isolée. La DGCIS a déjà lancé divers appels à projets, le plus récent étant celui en cours concernant les paiements sans contacts. Ils auraient obtenu énormément de réponses et seraient un peu dépassés pas l’énorme charge de dépouillement des dossiers.
Il y a eu aussi le programme TIC-PME 2010 lancé en 2005 qui était bâti sur un modèle voisin. Avec le financement de projets sectoriels : TIC pour les dentistes, les opticiens, la facturation, la bio-pharma (en 2007), et le textile, le transport, l’automobile, l’aéronautique, l’agro-alimentaire, le jouet, le BTP, l’horlogerie ou l’ameublement (en 2006). Ca mériterait certainement un petit audit !
Et puis, dans un autre registre, le gouvernement vient aussi de lancer une consultation sur l’Internet du Futur qui relève plutôt de la définition d’une stratégie industrielle dans les domaines que cela recouvre. Il n’est pas impossible que je m’en mêle au sujet de la télévision numérique !
Finalement, ce plan de relance par les appels à projets deviendra innovant lorsque le volet “appel d’offres publics” sera lancé. Car c’est avec de vrais clients qe l’on créée de vraies innovations. Pas simplement en finançant des travaux de R&D. Et pour l’international, c’est une autre histoire…
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