Les programmes startups de Microsoft et Sun
Post de Olivier Ezratty du 8 novembre 2008 - Tags : Innovation,Internet,Logiciels,Logiciels libres,Microsoft,Startups | 6 Comments
Dans la soirée du mercredi 5 novembre dernier, Microsoft fêtait le lancement de son programme BizSparks dédié aux startups. Et pas l’élection d’Obama, quoique…
Je vais ici vous décrire le rationnel de ce programme et en profiter pour évoquer le programme dédié aux startups de Sun Microsystems qui est en place depuis quelques mois. Et au passage, comparer les choix des plates-formes Microsoft et LAMP (Linux & co) pour les startups.
Décryptage…
Microsoft entre en “Génération 2”
Le programme BizSparks est une suite logique du programme Microsoft IDEES dédié aux startups et lancé en France en octobre 2005.
Le programme IDEES vise à parrainer chaque année 25 startups du logiciel et de l’Internet. Il en est maintenant à sa quatrième “promotion” de startups, celles-ci y restant deux années consécutives. Le portefeuille de startups parrainées est donc d’une cinquantaine de sociétés. Le parrainage du programme IDEES comporte des aspects programmatiques classiques (accès facilité aux logiciels, support technique, visibilité marketing) couplés à un traitement personnalisé (accès au Microsoft Technology Center pour le benchmark et la validation d’applications, les relations avec les équipes de vente Microsoft pour approcher des grands comptes, le lobbying vis à vis de diverses sources de financement, des relations presse, etc). Les startups du programme IDEES ont généralement effectué une levée de fonds chez des VCs. Mais la causalité est sujette à caution car les critères de sélection de ces startups comprenaient implicitement le fait qu’elles soient déjà sérieusement étudiées par les VCs. Du point de vue du financement, l’intégration dans le programme IDEES a donc souvent comme impact de consolider une levée de fonds déjà en cours. Mais pas nécessairement, comme pour Beez-Beez et Scan&Target, deux startups croisées chez Scientipôle Initiative et qui n’ont pas encore levé chez des VCs, mais plutôt chez des business angels.
Là-dessus intervient le programme BizSparks qui répond à un objectif clé : élargir la base des startups “recrutées” par Microsoft en amont de cette étape du financement. Comme tout circuit de startups, il en faut donc plus car le taux d’échec les écrème rapidement. La logique du programme est donc différente : les startups sont en phase de démarrage (“early stage”), et leur traitement est plus générique, “programmatique” comme on dit, et moins personnalisé. Au lieu de 25 startups (IDEES), il y aura entre 300 et 400 startups dans BizSparks pour la France.
BizSparks est aussi une forme d’émanation du programme IDEES. En langage marketing Microsoft, IDEES est un “programme depth” et BizSparks un “programme breadth”. Et puis, IDEES a été créé et mis en place chez Microsoft France par Julien Codorniou, connu comme le loup blanc dans le cercle de l’entrepreneuriat hightech français. Julien est parti l’été 2008 au siège de Microsoft Corp pour mondialiser le programme IDEES. Ce qui a aboutit à BizSparks qu’il lance donc en ce moment à l’échelle mondiale. En France, Julien a été remplacé par Lubomira Rochet, une nouvelle “top gun” de Microsoft France (Normal Sup, Science Po, Berkeley, …!). Elle y est secondée par deux jeunes et dynamiques recrues, l’une pour le programme BizStark et l’autre pour le programme IDEES.
Les explications sur BizSparks sont abondantes, notamment sur le site de Microsoft, le communiqué de presse de Microsoft, le blog de Don Dodge, celui de Julien Codorniou, sur ReadWriteWeb et dans la presse IT française.
Les startups candidates de BizSparks doivent faire moins de $1m de chiffre d’affaire et avoir moins de trois ans d’existence. Elles accèdent gratuitement au programme et devront juste $100 à la fin des trois années passées dedans. Les bénéfices sont dans trois catégories :
Le fonctionnement de BizSparks s’appuie sur une astuce assez innovante pour la mécanique de recrutement et de sélectivité, dans la lignée des coutumiers effets de levier de Microsoft. Ce sont les partenaires du programme BizSparks qui recrutent les startups pour Microsoft. Ou tout du moins, ce sont eux qui donnent une sorte d’imprimatur aux startups candidates en qualifiant les projets et en leur fournissant le sésame leur permettant de s’inscire sur le site de BizSparks, un code d’accès dans un lien URL, ci-dessous.
A ceci près que le partenaire peut aussi mettre un lien sur son site qui va générer automatiquement le sésame en question pour la startup candidate (testé ci-dessous sur mon site). Donc, c’est un processus à la sélectivité toute relative ! Au moins, Microsoft peut-il en assurer la traçabilité.
Aujourd’hui, les partenaires français seraient plus d’une trentaine avec des structures d’accompagnement comme INRIA Transfert, des incubateurs comme ceux de Télécom et de Centrale Paris, des fonds d’investissement comme Banexi Venture et Seventure, des associations de Business Angels comme Software Business Angels, des leveurs de fonds comme Aélios Finance, et des associations tout court comme l’IE Club.
Dans le processus Microsoft, les startups en phase d’amorçage intégrées dans le programme BizSparks sont destinées – après un filtrage sévère – à intégrer le programme IDEES qui comprend un traitement plus personnalisé de la relation. Le processus de sélection n’est pas documenté mais est voisin des critères qui sont appliqués par les VCs et business angels : qualité de l’équipe, couple produit/marché, valeur technologique de l’offre, montée en puissance de la boite, modèle économique, clients et partenaires “signés”. Critère auxquels on ajoutera l’intérêt pour Microsoft dans l’influence de l’usage de technologies de l’éditeur, notamment au niveau serveur, et pour tout ce qui est nouveau et récent et doit être évangélisé sur le marché (d’où Windows Azure).
La motivation de Microsoft dans tout cela ? Un, enrichir son écosystème avec des sociétés innovantes. Et deux, améliorer son image par un ancrage économique plus fort dans chaque pays.
Sun Microsystems démarre la “Génération 1”
Evoquons maintenant le programme startups de Sun Microsystèmes. Il est lui en “génération 1”. Baptisé “Sun Startup Essentials”, c’est contrairement à l’approche de Microsoft en France un programme entièrement conçu par la corporation du constructeur qui est ensuite décliné mondialement dans les grandes filiales.
Le programme de Sun propose un package de bénéfices qui recouvre ceux de BizSparks et IDEES de Microsoft :
En France, le programme est géré par Laurent Chiozzotto, qui était d’ailleurs présent au lancement de Microsoft BizSparks mercredi dernier, œcuménisme oblige !
L’approche de Sun est pour l’instant plus modeste que celle de Microsoft, moyens limités obligent. Mais elle est très pragmatique. La montée en puissance est un véritable obstacle à la croissance pour de nombreuses startups du web. Les problèmes d’architecture sont légion et les compétences associées rares et chères. Sun enlève donc une grosse épine du pieds des startups du web (ayant adopté Linux) en pleine croissance. C’est bien très vu.
Oeuf et poule
Avec ces programmes, la question est “qui déclenche quoi chez les startups ?”.
Ces programmes doivent-ils être des raisons de choisir les fournisseurs correspondants ou doivent-ils être choisis une fois ce choix réalisé ? Dans ce dernier cas, le choix est presque évident car ces programmes n’apportent que des bénéfices et pour un coût négligeable, essentiellement en temps homme. Le premier cas est à prendre avec des pincettes. Un choix technologique doit avant tout être lié à des facteurs stratégiques: les segments clients visés et leurs contraintes propres (certains segments d’entreprise sont très Microsoft, d’autres très peu), les exigences éventuelles d’un support logiciel multiplateforme (de moins en moins discriminant au demeurant) et bien entendu les exigences fonctionnelles des logiciels à créer. Ensuite seulement, il est bon de voir comment le fournisseur peut aider.
Alors, comment départager un peu simplement les deux environnements courants dans le domaine du web : le monde Microsoft et le monde Linux / Unix intégrant éventuellement Java et dans lequel se situe Sun Microsystems ? Sachant que je mets ici de côté un autre larron important et complémentaire aux deux : Adobe avec surtout sa technologie Flash qui domine le web, mais qui n’a pas de programme dédié aux startups !
Je ne mets ni en force ni en faiblesse le fait que l’éditeur propose des logiciels qui ne sont généralement pas en open source. L’expérience montre qu’à part quelques exceptions, ce n’est pas critique pour les développements logiciels. Il est plus important d’avoir des APIs en quantité suffisante et bien documentées. Mais Microsoft propose l’accès à ses codes sources sous certaines conditions pas trop difficiles à remplir pour les éditeurs, au travers de ses programmes Shared Source.
Sachant que chaque camp travaille évidemment à réduire ses faiblesses…
Super-depth
Le top du top dans les programmes startups des fournisseurs, c’est lorsque :
Les deux cas ont donc déjà été mis en pratique par Microsoft, mais à toute petit dose. Il est donc bon de savoir que c’est possible !
Entrepreneurs, à vous de jouer maintenant !
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