En 2004, j’avais profité de la réception TV satellite (CanalSat) et de l’Internet (à l’époque, Wanadoo en 512 Kb/s…) pour regarder en direct ou en différé un grand nombre des discours des Conventions Démocrate et Républicaines. Une occasion de découvrir les talents de speakers des politiciens américains, dont les journaux télévisés français nous distillent que quelques secondes en pareilles occasions. Et j’étais émerveillé de cette possibilité de vivre ainsi à distance un événement politique d’importance.

Quatre ans plus tard, l’expérience peut être vécue à nouveau. Dans ce laps de temps, l’Internet a pas mal évolué tout comme les technologies sous-jacentes. Cela commence donc cette semaine avec la Convention Démocrate, qui dans la continuité des primaires démocrates, met le paquet en termes d’usage des technologies numériques. C’est l’un des messages clés des organisateurs de cette campagne. Après l’annonce de la sélection du “running-mate” Joe Biden par SMS, nous avons donc droit à une convention “haute définition” utilisant les technologies les plus récentes de la vidéo sur Internet.

Vous pourrez certainement consulter les vidéos de cette convention dans pleins d’endroits, notamment sur les sites des médias américains comme CNN. Mais c’est sur le site de la Convention que l’expérience pourrait être la plus intéressante : l’image et le son sont de la meilleure qualité, les contenus sont extensifs et pas pollués par de la publicité.

La diffusion des vidéos en directe et en différé est proposée en 16×9 et en haute définition (ou presque, nous le verrons). Elle s’appuie sur :

• Le run-time Silverlight 2 de Microsoft, en beta 2. Qui nécessite un téléchargement de 4 Mo. Il fonctionne actuellement sur Windows XP/Vista et sur Macintosh. Silverlight est un run-time, associé aux codecs de Windows Media, permettant d’exécuter des applications écrites avec le framework .NET de Microsoft. Beaucoup d’autres technologies de Microsoft sont employées dans la Convention Démocrate (SQL Server, outils de travail collaboratif, etc). Elles cohabitent avec de l’Apache sous Linux et un gestionnaire de contenus (CMS) open source SilverStripe, que je découvre par la même occasion. Silverlight avait déjà été utilisé à grande échelle pendant les jeux olympiques par la chaine NBC… mais pour un usage restreint aux USA (par filtrage d’adresse IP) pour des raisons de droits chèrement payés au CIO. Problème qui ne se pose pas pour la Convention Démocrate.

• Le media player de Move Networks, spécialisé pour la télévision sur Internet et utilisé par de nombreuses chaines de TV aux USA. Ce player doit donc être écrit en Silverlight. Il est rapide à télécharger (moins de 1 Mo). Il s’appuie sur une infrastructure de serveurs Move Networks et sur l’utilisation du protocole HTTP sur des sessions TCP multiples, au lieu de protocoles classiques de streaming vidéo. Les fichiers vidéos sont en fait téléchargés par morceaux (streamlets) au fur et à mesure de la consultation, ce qui réduit la consommation de bande passante réseau. Les serveurs délivrent les streamlets à la résolution correspondant à la capacité de réception Internet du player et de manière dynamique. Ce que l’on peut tester lorsque l’on passe de la visualisation normale web à la visualisation plein écran. Et la vidéo démarre rapidement, sans buffering. Cette société basée dans l’Utah est financée par des poids lourds comme Benchmark Capital, Cisco, Comcast et Hummer Winblad (ce dernier nom étant celui d’une ancienne amie de Bill Gates). A hauteur de $46m dans son troisième tour, totalisant ainsi $91m de levées au total ! Un ordre de grandeur qui défie l’imagination pour nos startups françaises ! Brightcove, le principal concurrent de Move Networks, a levé un montant équivalent. Mais son offre semble moins orientée vers de la vidéo de haute qualité comme celle que permet de diffuser Move. Ce n’est peut-être qu’une question de contenus et de clients. Hier même, Microsoft annonçait avoir investi dans Move Networks. Un comble quand on sait que le CEO de Move, John Edwards, est un ancien DG de Digital Research, créateur de DR-DOS, longtemps en procès avec Microsoft !

Sur le site de la convention (http://demconvention.com), vous pouvez tester des vidéos HD avec les discours du premier jour de la Convention, dont celui de Michelle Obama, ainsi qu’une vidéo de présentation de la scène du Pepsico stadium. En SD, on peut aussi visualiser une vidéo de l’installation du Pepsico Stadium impressionnante montrant toute la technique installée dans la salle. Notamment, des écrans LED géants courbes sculptant toute la scène.

Résultat : une vidéo plein écran sur mon 24 pouces en 1920×1200 de très bonne qualité et quasiment sans sauts d’image (liaison Internet : Freebox à environ 8 Mbits/s). sur les fonds bleus, on peut toutefois observer les artifacts de la compression temporelle. Cf ci-dessous un exemple de vidéo à la demande.

Le Moniteur de Windows Vista (ci-dessous) m’indique que le débit Internet consommé par la vidéo est d’environ 600 Ko/s, que le player consomme environ la moitié du CPU disponible (un Core 2 Duo 7300 à 2Ghz) et que Internet Explorer et le player consomment environ 300 Ko de mémoire.

La question en suspens est maintenant : est-ce que l’architecture logicielle mise en place par la Convention Démocrate va tenir la charge à l’échelle mondiale ? Réponse vendredi matin !

Au démarrage de la Convention, c’est bien le cas. Mais je constate que les vidéos n’ont pas l’air être véritablement en HD. Elles semblent plutôt en qualité TV SD mais meilleure que FreeboxTV via VLC en tout cas. Ce qui est presque de la HD pour la webTV où YouTube et DailyMotion nous ont plutôt habitués au 320×240 horriblement pixelisé ! A environ 5 mbits/s, on est dans le bas de la plage de débit correspondant au 720p pour le codec Windows Media 9 et au delà du maximum pour du 720×480. Il est possible que la diffusion en vraie HD (720p) soit limitée aux utilisateurs des USA. Sinon, la comparaison avec la diffusion CNN via satellite montre un décalage d’environ 4 minutes pour le direct. La technologie de Move Networks nécessite donc visiblement ce laps de temps pour créer leurs “streamlets”.

En tout cas, contrairement aux Conventions de 2004, c’est Internet qui m’apportera les images de la meilleure qualité ! En effet, les chaines de TV US distribuées en France dans les bouquets câble, satellite et ADSL ne sont pas en HD à ma connaissance !

Les vidéos de la Convention seront bien entendu également streamées sur YouTube. Sans compter les centaines de bloggeurs présents sur place qui exploiteront leurs propres solutions, telle que Seesmic, mobilisé également pour l’occasion.

La capacité à diffuser de la vidéo plein écran de qualité via le web, et pas simplement via les canaux propriétaires et contrôlés de l’IPTV (ce qui sort des box ADSL via leur sortie vidéo, ou dans le cas de la Freebox, via le logiciel VLC) change la donne. Cet équilibre entre webTV et TV ADSL n’est pas facile à prédire. En tout cas, nous avons plus de choix et d’ouverture avec la webTV. Et il semble qu’aux USA, du fait d’une infrastructure triple-play qui n’existe pas comme en France, la webTV prenne le dessus dans les grands networks TV. On se dirige semble-t-il vers un monde très ouvert pour la télévision, comme l’est le web en général.

D’un point de vue pratique, la Convention a lieu de 15h à 21h heure de Denver. Avec 8 heures de décalage horaire, cela nous fait 23h-5h du matin. Ce qui nous fera apprécier la diffusion HD en différé… quand les américains dorment !

Sur le fond, le démarrage de lundi soir était plutôt mou. Une suite d’interventions avec des liaisons sans musique. Une salle à moitié vide, un peu comme un grand studio de télévision. Des références religieuses fréquentes, surtout au début. La CEO de la Convention est une révérente ! Cela s’est ensuite animé avec Michelle Obama et Edward Kennedy (vus en différé). Ce sont les discours des Clinton (père et mère), Al Gore, Joe Biden et Obama Barack qui seront certainement les temps forts de cette convention.