Mythes et limites du marketing viral
Post de Olivier Ezratty du 11 novembre 2007 - Tags : Communication,Entrepreneuriat,Google,Internet,Marketing,Startups | 6 Comments
Il fut un temps, aux débuts du web 2.0, ou tout plan marketing de startup Internet mettait en avant un aspect viral de l’adoption de son service. Plus généralement, la startup comptait sur du marketing viral pour se faire connaitre. Le tout permettant de faire de sérieuses économies en investissements marketing. Les investisseurs de leur côté recherchaient avec avidité l’aspect viral du produit ou du service dans l’espoir d’identifier un projet à croissance très rapide.
Avec le recul, on constate qu’à part quelques rares exceptions, la plupart des projets ne bénéficient pas de cet effet viral ou bien que, même s’il a lieu, cela n’affranchi pas de mettre en place des méthodes marketing plus traditionnelles pour développer le business.
Qu’est-ce donc que le viral? C’est en gros un phénomène de génération spontanée de notoriété ou d’usage d’un produit basé sur le principe du bouche à oreille. Ou de clavier à clavier… Il est souvent confondu avec le “buzz”, concept voisin lié à la propagation virale d’une bonne image donnant envie d’y goûter.
Certains services Internet se prêtent bien au jeu du viral. Notamment tous ceux qui relèvent de communication ou de réseaux sociaux. Mais cet aspect viral est souvent plus subi par dépit que voulu par les consommateurs. Les approches du viral sont ainsi souvent assimilables à du spam. Le viral du jour, c’est Facebook. Vous commençez par recevoir des invitations à vous inscrire à Facebook provenant de vos contacts si vous ne l’êtes pas encore. Le message que vous avez reçu n’a même pas forcément été généré de manière consciente par son émetteur. Facebook lui a discrètement proposé d’inviter tous les contacts de son carnet d’adresse et l’imprudent a accepté de spammer indifféremment tous ses contacts. Mais le phénomène ne s’arrête pas là puisqu’une fois inscrit dans Facebook, vous êtes spammés de la même manière par des applications développées pour Facebook. On reçoit ainsi des invitation à participer à des “Fun Wall” et autres bizarreries, sans trop savoir de quoi il s’agit. On est aussi spammé pour valider les modifications des informations relatives aux liens que nous avons avec nos amis. Ces méthodes s’appuient sur et étendent celles qui fonctionnaient déjà avec Plaxo et LinkedIn. Elles expliquent la croissance phénoménale de l’audience de Facebook. Ma liste “d’amis” sur Facebook a ainsi déjà la moitié de la taille de mes contacts dans LinkedIn alors que l’une a été créée en 3 ans et l’autre en moins de 6 mois, et par la même méthode : acceptation d’invitations externes.
Mais quand on interroge les uns et les autres sur l’usage qu’ils font de Facebook, on se rend compte qu’il est faible, qu’ils ont accepté d’y être parce que c’est dans le vent et qu’ils y ont été invités. Une très faible proportion d’utilisateurs de Facebook sont de véritables utilisateurs qui en tirent un quelconque bénéfice. On touche là à un point clé: comment faire en sorte que la viralité déclenche un véritable usage, et pas simplement une découverte passive? C’est là que la conception et la valeur d’usage du service intervient. Et il y a malheureusement souvent un gros décalage entre la viralité et cette valeur d’usage réelle.
Parfois le poids de la viralité a carrément pris le pas sur la valeur du service et sur sa pérennité. C’est le cas d’Imagini, ce site web proposant une sorte de décryptage de personnalité à ses utilisateurs en fonction d’un choix d’images. Qui génère un “VisualDNA”. Le site aurait réussi à récupérer ainsi près de cinq millions de profils utilisateurs avec leurs emails en quelques semaines, et alors qu’il n’était qu’en bêta. Mais pour quoi faire après? Certes, vendre cette base de données. Mais ensuite? Pour mettre en contact ces personnes ayant des profils similaires. Un réseau social de plus. Au bout du compte, un beau feu folet: énorme croissance, énorme chute, car les réseaux sociaux ne s’appuient pas que sur le matching approximatif de personnes ayant des goûts similaires (cf l’évolution du trafic en “reach” – pénétration – estimée ci-dessous avec l’outil de mesure d’audience Alexa). Le plus souvent, ce sont des services qui font correspondre le virtuel au monde réel du point de vue des relations interpersonnelles.
Dans la vraie vie, la plupart des startups ne mettent pas en oeuvre cet aspect viral à grande échelle. Tout juste commencent-elles par inviter les “friends and family” à tester le service. Ceux-ci s’exécutent de bonne volonté mais sont contraints plus par les bonnes manières que par l’intérêt réel du service. Et cela ne mêne pas très loin car au delà du cercle des proches, les bonnes manières et la bonne volonté se font plus rares et il faut en revenir à des méthodes plus traditionnelles.
Une grande majorité des startups Internet ne peuvent donc pas s’affranchir du marketing traditionnel même s’il revêt de nouvelles formes modernes aujourd’hui :
Ces différents types de marketing ont donné lieu à la transformation du marché du marketing avec l’émergence de nouvelles agences de presse ou des agences spécialisées dans le SEO, le marketing viral ou le “buzz marketing”. Les grandes agences de communication ont suivi le rythme et proposent également ces services. Les fusions/acquisitions ont également fait l’actualité de 2006 et 2007 au niveau “média planning” avec DoubleClick (Google), qQuantive (Microsoft) et une ribambelle d’autres acteurs acquis par les grandes agences mondiales de publicité (comme Digitas acquis par Publicis).
Pour conclure, le véritable viral est bien rare dans l’exécution du plan d’une startup. Il n’affranchit en tout cas pas d’un investissement marketing significatif dans les formes modernes du “placement”. Et donc, de la création d’un véritable plan marketing digne de ce nom.
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(cc) Olivier Ezratty - http://www.oezratty.net