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Réflexions sur le réflex

Post de Olivier Ezratty du 1 septembre 2006 - Tags : Photo numérique | 10 Comments

J’ai passé mes vacances avec mon tout nouveau reflex Canon EOS 5D. C’est mon premier appareil photo réflex. Je n’en avais jamais utilisé en argentique auparavant. J’avais uniquement des appareils compacts, argentiques puis numériques. L’année dernière, j’avais investit dans un Canon IXUS 700 et en avait atteint rapidement les limites (pas de contrôle de profondeur de champs, pas de stabilisation, faible sensibilité). D’où mon investissement « massif » dans un réflex semi-professionnel. Au point que maintenant, j’ai quasiment mis de côté la vidéo. Je filmais beaucoup en DV depuis 1999 et puis la photo a pris le dessus, j’y reviendrai un jour pour évoquer ce qui pourrait renverser cette tendance.

Canon IXUS 700Canon EOS 5D et ses accessoires

Mon équipement photo actuel comprend donc en plus du boitier Canon, deux optiques : un 24-105mm stabilisé bundlé avec l’appareil (acheté chez Rue Du Commerce) et un télé-objectif 100-400mm également stabilisé (acheté chez Objectif Bastille, l’un des meilleurs magasins pour les pros de la photographie à Paris). Puis un flash externe Canon 430EX. Le tout emballé dans un sac à dos bien pratique de Lowepro. J’ai aussi des filtres neutres pour protéger les objectifs, et un filtre polarisant, utile pour réduire les reflets du soleils dans les photos de mer, de piscine, ou même de vues très ensoleillées. Et puis une carte Compact Flash de 4Go pour être tranquille côté stockage. Cela permet de prendre 750 photos en résolution maximale (en JPEG à 12 mpix). Enfin, j’avais avec moi mon vieux pied Manfrotto.

Bref, un bon équipement que l’on peut considérer comme un appareil semi-professionnel. La différence entre mon équipement et celui d’un véritable photographe professionnel se situe au niveau des boitiers. Je n’en ai qu’un seul. Les pros en ont très souvent deux. Souvent des Canon EOS 1Ds Mark II de 16,7 millions de pixel. Parfois, un modèle adapté aux photos classiques, et EOS-1 D Mark II N un autre appareil adapté aux photos sportives, où le mode rafale doit tenir le choc (8 images par secondes contre seulement 3 par secondes pour mon 5D et 4 par secondes pour le EOS 1Ds Mark II). Ce dernier ne fait cependant “que” 8 mpix.

Mon Canon équipé est une grosse bête surtout avec son téléobjectif 100-400mm. Dans les rues de Nice, Cannes ou Monaco, les gens qui me croisaient étaient étonnés de mon équipement. A la fois parce que moins d’un touriste sur douze en moyenne est équipé d’un réflex, et peu de ces derniers ont de telles optiques. Une vedette à l’horizon ? Non, juste la famille ! Et je ne suis pas l’auteur des photos de Ségolène Royal en bikini parues dans “Closer”, même si elle s’avérait passer ses vacances à Mougins chez sa belle-mère, à quelques kilomètres à peine de mon lieu de séjour! Pour revenir aux touristes, l’appareil le plus fréquemment croisé est le Canon 350D, entrée de gamme reflex de Canon et leader du marché devant Nikon et ses D70/D70s, et remplacé le mois prochain par le nouveau 400D à 10 mpix.

Après quelques milliers de photos prises pendant ces quatre semaines de vacances, voici quelques observations liées à l’usage de cette configuration:

  • Contrairement à une idée répandue, disposer d’un grand nombre de pixels (12,6 dans mon cas) est très utile. Cela permet de faire des cadrages de photos mal cadrées tout en conservant une bonne qualité au finish. Ou aussi pour augmenter virtuellement la focale du téléobjectif (un peu comme le « zoom numérique » des compacts). J’utilise cette capacité dans près de 20% de mes photos. Même si au bout du compte, je compresse à 2000×2000 pixels mes photos pour diviser par 10 leur taille. Je conserve quelques photos au format d’origine quand j’anticipe un tirage de grand format.
  • La gestion de la profondeur de champs permise par les optiques avec le contrôle de l’ouverture du diaphragme (priorité à l’ouverture) est indispensable. Je me demande d’ailleurs ce qui empêche les constructeurs d’intégrer cette fonction dans les compacts. Cela permet de faire des portraits excellents où l’arrière plan est flouté, ce qui met en valeur les visages. J’utilise aussi souvent le double portrait ou l’une des personnes légèrement en arrière plan et un peu floutée. Utile pour réussir les cadrages, le viseur de l’EOS 5D est différentié de celui des appareils qui disposent d’un capteur non « full frame » : il est grand et précis, même s’il ne couvre que 96% de l’image alors que les appareils pros couvrent 100%! C’est un régal.
  • Je suis bluffé par le comportement de l’appareil en faible lumière. C’est une de ses spécificités et il est parait-il actuellement imbattable dans ce domaine. On peut monter à 3200 ISO avec très peu de bruit. Alors que l’IXUS 700 génère beaucoup de bruit à 400 ISO, le 5D génère des photos très propres jusqu’à 1600 ISO. De nombreux réflex numériques présentent cet avantage par rapport aux compacts. Par contre, je passais mon temps à changer la sensibilité de l’appareil selon la prise de vue (intérieur, extérieur, …).

Aquarium du Musee Oceanographique de Monaco - 3200 ISO

  • J’ai pu réaliser de très bons portraits au téléobjectif 100mm-400mm comme l’exemple suivant (qui doit aussi beaucoup au modèle…). Les personnes ne s’en rendent pas compte, les photos sont plus réalistes et le visage n’est pas déformé.

Portrait pris au 400 mm - F8 - 800 ISO

  • L’importance du stabilisateur n’est plus à rappeler. Il est intégré dans les objectifs pour les reflex Canon. Mais à terme, ils seront de plus en plus intégrés dans les boitiers, comme dans le premier reflex Sony, l’Alpha 100, issu de leur rachat de Konica/Minolta. Le stabilisateur du télé 100-400mm est bluffant. C’est grâce à lui que je peux réussir mes portraits pris de loin (même si dans le cas ci-dessus, le temps de pose est à 1/640s du fait d’une sensibilité montée à 800 ISO).
  • J’ai redécouvert l’usage du flash avec un cache (aussi appelé pot de yaourt). Ce cache adoucit la lumière crue du flash. Il est utilisé en dirigeant la lumière vers le plafond. Le résultat est étonnant de qualité par rapport à un compact. De plus, comme mon flash est externe, sa source de lumière est très décentrée par rapport à l’optique. Cela a pour effet de supprimer presque totalement l’effet « yeux rouges » des appareils à flash intégrés. C’est un avantage méconnu. J’utilise le flash de temps en temps en « fill mode », une technique facilement utilisable avec un simple compact pour compenser les contre-jours, difficiles à traiter en jouant seulement avec l’exposition.
  • On peut régler un temps de pose jusqu’à 1/8000s. Avec 1/4000s, j’ai obtenu d’excellentes photos de plongeons d’enfants dans une piscine ou comme après, avec 1/640s, pu chopper des poissons sur le point d’être avalés par un orque à Marineland. On peut être amené à augmenter la sensibilité ISO pour atteindre ce temps de pose. C’est très difficile de réussir cela avec un compact.

Plongeon pris au 1/4000s

Orque au Marineland d'Antibes (1/640s)

  • J’ai fait l’apprentissage timide des fichiers au format RAW. Il permet de récupérer une photo non traitée par l’électronique du boitier et sans compression. On reçoit en gros l’information brute du capteur et on peut appliquer sur les photos les réglages de l’appareil que l’on applique une fois pour toutes à la prise de vue en mode JPEG, comme les réglages de luminosité (utile pour corriger un contre-jour), netteté, contraste, température et saturation des couleurs. Ensuite, on peut compresser l’image traitée en JPEG pour le stockage et gagner de la place (le fichier RAW fait 12 Mo sur le 5D). Après quelques tests, je n’ai pas persisté dans l’usage du RAW pour le genre de photo que je faisais. C’est trop lourd à l’usage. C’est un truc de pro, que je ne suis pas encore !

J’ai sinon découvert quelques limitations :

  • Le nettoyage du capteur est un vrai problème. La documentation indique qu’il faut utiliser une poire pour enlever les poussières. Cela ne fonctionne pas pour les poussières qui restent attachées au capteur. En première approche, j’ai utilisé un doigt propre. Et cela a à peu près marché. Il faut sinon acquérir un kit de nettoyage. Certains appareils comme le dernier Sony intègrent un système qui fait vibrer le capteur pour le débarrasser de ses poussières. Sur la brochure marketing, cela impressionne. Je demande à voir à l’usage pour les poussières « non sèches ». Canon vient d’annoncer un dispositif similaire dans son nouveau 400D.
  • Le timer manque de flexibilité. On peut juste déclencher une photo avec 10s de retard. J’aimerais bien lancer la prise de plusieurs photos de suite en mode automatique, comme le font les IXUS !
  • Le réglage automatique de la température de couleur ne fonctionne pas bien pour les photos en intérieur (sur cet appareil). Il faut souvent définir à la main une température de couleur basse (2800°) pour compenser l’orientation « orangée » des éclairages incandescents.
  • J’ai un mal fou à maitriser le flash (Canon Speedlite 430EX). Peut-être un défaut ou une histoire de pile ou de batterie.
  • La mise au point est parfois difficile, soit qu’il y a un tas de choses sur plusieurs niveaux de profondeur de champ, soit que l’éclairage est insuffisant. Il faut quelques fois passer en mode manuel.
  • Le tri des photos devient fastidieux car à la longue, on prend beaucoup de photos en vacances ! Je suis allé jusqu’à en prendre 800 en une journée. D’où un tri qui s’effectuait en trois étapes minimum: dans l’appareil avant téléchargement sur le PC en USB2. Cela fait gagner beaucoup de temps, après téléchargement dans le PC, par un tri visuel rapide et enfin, un classement des photos par thème (individu, monument, etc) et un nouvel élagage. J’utilise le logiciel de gestion de photos Digital Image Pro de Microsoft qui est bien fonctionnellement mais horriblement lent. Je regrette que Picasa de Google ne permette pas la gestion de photos au niveau des dossiers, obstacle à son utilisation pour ce qui me concerne. Au finish, je ne garde en moyenne qu’une photo sur cinq. C’est un ratio bien faible qui témoigne du côté un peu pifométrique de ma prise de photo, de mes cadrages, de l’attention à l’éclairage. J’imagine qu’en améliorant ma technique, j’augmenterais ce ratio tout en diminuant d’autant le nombre de photos prises. Mais mojo du pro ou pas, un facteur n’est pas contrôlable pour les personnes que l’on photographie : leur posture. Il faut souvent prendre quatre à cinq photos d’une personne, comme pour un portrait au téléobjectif, pour obtenir la bonne et éliminer yeux fermés, absence de sourire ou autres incongruités. Et il vaut mieux éviter les repas car les bouches pleines sont rarement photogéniques !
  • Les appareils compacts comme reflex peuvent encore s’améliore côté « intelligence ». Par exemple pour la gestion des contre-jours, pour l’amélioration de l’autofocus en basse lumière, et pourquoi pas l’identification des visages pour créer une profondeur de champs (liée à l’ouverture) qui couvre automatiquement la profondeur du visage. Ces innovations arrivent en général dans les compacts “point and shoot” avant de toucher les réflexes, où la priorité est mise aux réglages manuels.

Au bilan, je suis passé du compact miniature tenant dans une pochette attachée à la ceinture à un réflexe semi-professionnel nécessitant un sac à dos de plusieurs kilos pour l’équipement complet. Le résultat est notable : je fais de bien meilleures photos, mais c’est plus lourd et l’investissement est conséquent : il a augmenté d’un facteur douze par rapport à l’IXUS 700 ! Cela fait un peu penser à l’équivalent dans la hifi. Pour améliorer le rendu d’une installation hifi ou home theater, les investissements deviennent souvent exponentiels. Pour apprécier la différence entre un lecteur de DVD standard à 100€ et un lecteur haut de gamme à 3000€, il faut que le reste du matériel suive en conséquence (ampli, enceintes). L’oreille doit aussi suivre mais pour le commun des mortels, la différence est souvent minime. Je n’ai jamais fait ce pas du côté de la hifi (sauf pour un caisson de basse de 1250W de Velodyne…), alors que je viens de le faire pour la photo numérique.

Cette tendance à l’adoption de réflex numériques est confirmée par un rapport de Park Associates de février 2006 qui estime que le marché des reflex numérique va passer de 4,4 millions d’unités en 2006 à 7,4 millions en 2010 alors que le marché des compact va baisser de 70 à 66 millions d’unités (surtout, du fait d’une saturation du marché et de taux d’équipement élevés).

Comme je l’indiquais dans un post précédent, on trouvera certainement à terme de nombreuses caractéristiques des réflex numériques dans les appareils compacts, même si certaines se heurteront à des obstacles mécaniques, optiques et marketing. Les annonces vont se suivre, les deux prochains épisodes clés étant le CES de Las Vegas en janvier 2007 et le salon de la PMA (Photo Marketing Association) qui a lieu aux USA en mars 2007.

RRR

 
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