Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

CR – AG – EBG

Post de Olivier Ezratty du 2 juillet 2006 - Tags : Actualités,France,Médias | 1 Comment

L’Electronic Business Group organisait son “AG” le 27 juin dernier à Paris. L’EBG est une association qui regroupe des acteurs du monde de la high-tech, de la communication et des médias. Comme à son habitude, son Président Pierre Reboul avait réuni un plateau prestigieux défilant du matin jusqu’au diner avec notamment Jacques Séguéla (Havas/EuroRSCG), Patrick Le Lay (TF1), Didier Lombard (France Télécom), Eckhard Pfeiffer (Acoona, ex-Compaq) et Thierry Breton (Minefi). Le tout devant 650 participants d’un très bon niveau, ce qui en fait un des rares événements avec une telle audience en France.

En tout, huit sessions sous forme de tables rondes avec jusqu’à une demi douzaine d’intervenants, plus le discours de clôture de Thierry Breton. Cette formule est trop souvent passablement soporifique. Mais à part quelques moments, l’ensemble était de qualité. On pouvait grappiller quelques formules chocs et reprendre quelques idées clés. Ah, et puis, j’intervenais dans une table ronde au titre bien flou de « What’s next » à 17h, alors que les participants étaient déjà bien lessivés. Nous y reviendrons rapidement.

La première session traitait des « Consommateurs actifs », un thème qui m’est cher puisque je donne des conférences sur le sujet depuis quelques temps. Entrée en matière avec Jean-Marc Lech d’IPSOS avec une vision toute statistique du consommateur et de l’internaute. Ce dernier était à l’origine plutôt jeune : CSP+, homme et habitant en ville. Cela change avec maintenant 46% de femmes. Mais 45% des internautes ont moins de 35 ans. De plus en plus, l’usage de l’internet est aligné avec la structuration de la société française. Soit. Jean-Marc Lech faisait surtout remarquer que les politiques devenaient des marques et agissaient comme tels. Sarkozy, Ségolène Royal, les Eléphants du PS sont des marques. Ils ont des blogs. Ils se rapprochent des citoyens dans un mode plus participatif qu’auparavant. Le problème, c’est qu’il n’est plus possible de siffler la fin de la récré et il devient dur de s’exprimer avec autorité dans un tel contexte.

Sur ce point, Jacques Séguéla ne manquait pas de verve. Il est toujours aussi inusable et prolixe en formules chocs comme « Ségolène Royal dit ‘votez pour vous’ tandis que Sarkozy dit ‘Votez pour moi’». Devinez qui est le mieux aligné avec cette tendance sociétale qui représente pour lui un tsunami sociologique ! On passe du fascisme à la démocratie (rien que ça !), du monologue au dialogue et de la propagande à la communication ! D’où le rejet de la publicité qui relève de la propagande. La communication doit être circulaire et fonctionner comme un cyclotron à base de RP/pub/viral. « Moins de test, plus de testicules » ! Du côté de la communication, il faut passer de l’idée « shot » à l’idée « boule de neige » qui peut se décliner, se raconter, se déformer, se transformer. Le search permet de mesurer les flux des consommateurs. Il génère de l’infidélité sans culpabilité. C’est aussi la mort de l’éditorial et l’émergence du témoignage. On passe d’une société de masse à une société de personnes. Les jeunes n’ont plus confiance dans les mass media et font de plus en plus confiance au buzz (même s’ils commencent à réaliser qu’il peut aussi relever de la manipulation). Pour Jean-Marc Lech, il subsiste par contre une coupure entre les plus de 60 ans et les moins de 60 ans. Seuls les premiers maitrisent la technologie. En 2007, 35% des votants auront plus de 60 ans. C’est un phénomène mondial.

Encore du Séguéla : la science mène le monde mais les spots publicitaires sont toujours les mêmes. La création ne peut rien révolutionner. C’est la fin de l’emballage et l’avènement du contenu ! Et de faire la promotion d’une approche en 3i : idée (mutative), intégration et international.

Sinon, un intervenant américain, Greg Johnson, de MRM, mettait en avant son sens de l’international avec le besoin d’approches globales mais de déclinaisons locales tenant compte des cultures.

La seconde session sur l’interactivité, le ciblage et le multi canal donnait plus dans le concret. Les entreprises ne sont pas préparées à la nouvelle donne qui exigent d’elles de répondre à tout un tas de questions des consommateurs. Leur attitude doit changer. Thierry Sybord, Directeur Marketing Europe de Renault, explique comment il gère en ligne toutes les étapes du cycle de vente jusqu’à la fidélisation client. Ce qui n’est pas évident car ce modèle bouleverse le modèle de distribution traditionnel des voitures qui n’a pas beaucoup changé en un demi-siècle. Il faut donc prendre soin à bien relier le réel au virtuel. Pour Mercedes Erra d’EuroRSCG, les marques sûres sont les marques qui dialoguent. Il faut accepter par exemple les fausses publicités des clients. Certaines marques ont même sélectionné des publicités créées par leurs clients.

La matinée se poursuivait avec un numéro de claquettes d’opérateurs de télécoms (FT, SFR, Neuf) face à Patrick Lelay, le PDF de TF1 sur le thème des médias dominants. Patrick Lelay était en forme à son habitude: que font les opérateurs dans mon métier ? Il faudrait que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Surtout quand on voit que les profits des telcos sont bien meilleurs que dans notre métier. L’ADSL sort du champ de l’exception culturelle. L’obligation qui nous est faite de financer le cinéma génère une pression à la baisse sur notre CA et créé une distorsion de la concurrence pour des raisons politiques. Puis : nous avons acheté tous les droits de la FIFA jusqu’en 2010. Donc tous les opérateurs devront passer par nous. Sinon, tous les intervenants étaient d’accord pour dire que la télé sur mobile va décoller. OKaye. Bref, j’ai surtout compris pourquoi je n’arrive pas à recevoir TF1 et M6 sur ma Freebox…

La matinée se terminait avec une session très intéressante sur les chaînes internationales avec Guido Baumhauer de la Deutsche Welle, Nigel Parsons de Al Jazeera et Alain de Pouzilhac de la CFII. On se trouvait face à trois approches différentes et complémentaires : la Deutsche Welle qui prône l’indépendance des journalistes par rapport aux politiques et même vis-à-vis de la culture allemande, Pouzilhac qui explique que la CFII devra faire la promotion des valeurs de la France et que les journalistes y signeront une charte. Enfin, Al Jazeera qui veut montrer le monde au travers des yeux des pays arabes. Avec par exemple une vision de ce qui se passe à l’atterrissage des missiles quand les chaines occidentales (à la Fox News) ont tendance à montrer leur décollage. Le nom de la CFII devait être annoncé vendredi dernier mais je n’en ai pas récupéré la trace.

L’après-midi, table ronde avec Didier Lombart de France Télécom et deux de ses partenaires technologiques (Nokia, Nortel) sur le modèle économique des opérateurs télécoms. Qui tourne autour de l’évolution bien connue de la valeur ajoutée des opérateurs, mise au défi par la voix qui devient gratuite (via Internet et l’ADSL). D’où la vente de services, notamment dans la communication d’entreprise, et la ruée vers les mobiles.

Table ronde suivante sur la révolution des médias. Dont j’ai retenu comme point clé : il y a un nouveau prime time… le 9h-18h au bureau ! La lecture sur cumule à la lecture et le Web ne nuit pas au papier. Méthode coué ? Cela doit dépendre un peu des générations. Cela fait bien longtemps que je n’achète plus Le Monde et que je le lis uniquement sur le Web.

L’avant dernière table ronde était celle où j’intervenais sur le « What’s next ». Trop vaste programme, traité avec Philippe Justus (eBay Europe), Nikesh Arora (Google Europe), une représentante de Verizon et Jean-Philippe Courtois, Président de Microsoft International. La table ronde était animée par Philippe Rodriguez, créateur de Wantono, trésorier de l’EBG et aussi ancien responsable du marketing serveur chez Microsoft France qu’il a quitté en octobre 2005. J’y ai balayé en quelques minutes les grandes évolutions du consumer electronics (mobilité, reprise du poil de la bête pour la télévision qui bénéficie à plein de la convergence numérique, bataille de la haute définition, bataille du salon) tout comme de celle des usages et de leur impact (complexité, émergence de l’égocasting, risques sur l’éducation, les enfants, la relation au temps et à l’apprentissage, impact du consumer electronics à la vie en entreprise). Les intervenants représentant tous des entreprises américaines leaders dans leur secteur (Verizon est #1 des télécoms aux USA) adoptaient des postures classiques. La concurrence de l’IGN et de Quaero financés par le gouvernement pour Google ? Normal, il y a de la concurrence partout. Où se situe la croissance pour eBay ? Dans l’amélioration des processus de vente. Où en est l’intégration de SkyPe à eBay? Elle se passe à merveille. Comment fonctionne l’innovation chez Microsoft ? Par ses gros investissements en R&D, de nombreux partenariats (INRIA, etc) et quelques acquisitions de technologies.

J’ai loupé le contenu de la table ronde suivante et nous sommes ensuite allés diner, sans avoir auparavant entendu Thierry Breton pendant une heure nous parler de son plan de désendettement de la France, ce qui était un peu hors sujet. Mais son discours économique sur l’équilibre entre agriculture (stratégique, à protéger), l’industrie (stratégique, à préserver) et les services (divers) était intéressant. A la fin, le Ministre s’en est allé terminer sa soirée ailleurs, sans répondre aux questions prévues par trois participants de l’EBG. Pour la démocratie participative, il faudra attendre !

RRR

 
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