Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

Bundles contestés, et après?

Post de Olivier Ezratty du 22 décembre 2006 - Tags : Logiciels,Logiciels libres,Microsoft,Technologie | Comments Disabled

L’UFC Que Choisir a réveillé en décembre 2006 un serpent de mer qui fait régulièrement couler de l’encre depuis au moins 1999 en portant plainte contre Hewlett Packard, Darty et Auchan pour bundles illégaux de logiciels dans les PC qu’ils commercialisent. Et de faire un certain nombre de propositions comme de permettre l’achat d’ordinateurs sans logiciels et de faire le choix des logiciels installés sur la machine.

Autant je trouve qu’il est utile d’encourager la concurrence et de favoriser le choix des consommateurs, autant il me semble que les propositions contre les fameux bundles sont très limitées d’un point de vue pratique, au point qu’elles pourraient même être préjudiciables aux utilisateurs de PC.

Avant d’en venir là, il me faut déjà décrire les plaintes, la position des constructeurs et les propositions des plaignants. Je vais en profiter pour expliquer la mécanique méconnue de ces bundles, les pratiques en termes de prix et de contrats de licence. Ensuite, je traiterai de l’impact potentiel, direct et indirect des propositions de l’UFC, de l’AFUL et des politiques qui se sont mêlés au débat. Et je concluerai avec quelques propositions que vous pourrez d’ailleurs compléter.

C’est un peu long, comme d’hab, car le sujet ne se traite pas à la légère.

Les plaintes et les arguments utilisés

L’UFC se fait le relai d’une action de l’AFUL (Association Française des Utilisateurs de Logiciels Libres) qui avait démarré en 1999, dans le cadre d’une campagne mondiale, avec l’attaque frontale de Microsoft et de Windows au travers des journées de sensibilisation dites “Windows Refund Day” devenues ensuite des “Journées Détaxe” dans leur version française.

L’approche a été étendue à tous les logiciels bundlés sur PC, mais toujours avec Windows en ligne de mire même s’il est maintenant cité par circonlocutions. L’AFUL a inventé à cette occasion le terme de racketiciel. Mais Microsoft est toujours en ligne de mire selon l’AFUL selon qui: “…perdure une pratique qui permet à certains de se constituer des rentes au détriment des consommateurs en imposant, avec les matériels proposés, leurs logiciels parfois de piètre qualité afin de percevoir des marges atteignant 80%. En France cette pratique cause depuis plus de dix ans une évasion fiscale annuelle d’au moins 115 M d’euros.”. Et on mélange les choux et les carottes avec un discours alter-mondialiste qui n’a rien à voir avec les considérations des consommateurs! Car cette évasion fiscale est simplement liée au fait que nombre de logiciels sont commercialisés par des entreprises américaines. Mais les ventes de produits de L’Oréal, Vuitton, Airbus et aussi Dassault Systèmes dans le reste du monde sont aussi de “l’évasion fiscale”, cette fois-ci au profit de la France. C’est ce que l’on appelle le libre échange! Par contre, il est vrai que la marge de Windows est très élevée. Sur l’année fiscale terminée en juin 2006, elle était exactement de 77% ($10B de marge opérationnelle sur $13B de revenu). Les coûts associés à Windows sont à peu près équitablement répartis entre R&D – aux alentours de $1,5B, soit le quart du total de la R&D de Microsoft – et le reste dans la vente et surtout le marketing. Avec une variabilité forte les années de lancement de nouvelles versions. Cette marge exceptionnellement élevée est principalement liée au volume des ventes: aux alentours de 180 millions de licences par an!

Les politiques ont depuis longtemps pris le relai de ces plaintes. Ce fut longtemps le cas de Députés du PS comme Jean-Yves Le Déaut, auteur de quelques propositions de lois farorables à l’usage des logiciels libres dans l’administration. Mais la droite s’est également impliquée, de peur de se retrouver hors du jeu. Ainsi, Richard Cazenave, député UMP qui soutient également les logiciels libres, a embrayé en soutenant la plainte. Avec le discours suivant: “Il y a dix ans, on pouvait invoquer que l’intérêt du consommateur était de disposer d’une offre globale, incluant logiciels et matériel, parce que les utilisateurs étaient peu avertis. Cela a changé. Aujourd’hui, la plupart des utilisateurs n’en sont plus à leur premier équipement. Bon nombre d’entre eux sont donc en mesure de faire des choix. Or, cela ne leur est pas offert”. Est-ce à dire que les utilisateurs lambda de PC sont devenus soudainement suffisamment compétents pour utiliser un logiciel comme Linux et l’installer eux-mêmes sur un PC? Loin s’en faut. Cette notion de “compétence” est bien floue et n’est pas du tout vérifiée. Surtout pour les foyers qui ne sont pas encore équipés de PC et il en reste plus de 40%.

Il continue avec: … les solutions de logiciels libres sont désormais beaucoup plus opérationnelles et accessibles. Il y a donc bien plusieurs solutions disponibles sur le marché. Mais ces offres alternatives ont des difficultés à émerger parce que l’on tolère la vente liée. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de faire cesser ces pratiques complètement anachroniques.”. Ceci est partiellement vrai car si Linux a fait d’énormes progrès ces dernières années, il n’a pas encore tout à fait les caractéristiques d’un système d’exploitation destiné au grand public. De là à dire que les pratiques dénoncées sont anachroniques, c’est fort de café, surtout dans la mesure où, nous allons le voir, c’est l’absence de ces pratiques qui serait anachronique et nous ferait revenir 20 ans en arrière!

Puis… Je condamne le fait que le consommateur ne soit pas au moins informé du coût des logiciels lorsqu’il achète un ordinateur. Je condamne surtout le fait qu’il y ait un couple forcé liant les logiciels et la machine. Cela peut être considéré à mon sens comme une violation du code de la consommation qui impose de séparer des produits vendus en lots.”. Mais il ne s’agit pas d’une vente par lot comme d’une boite de petits pois avec un paquet de pâtes! On verra plus loin que le PC et le Windows qui va avec sont étroitement liés techniquement. Un PC sans système d’exploitation est inopérant. Un constructeur se doit donc de proposer une machine qui tourne. Connaissez-vous beaucoup d’objets numériques qui sont vendus sans le logiciel qui va avec?

Et puis, est-on informé du coût détaillé de toutes les pièces détachées de Valéo lorsque l’on achète une Renault? Est-on informé des droits de diffusion de films et matches de Ligue 1 lorsque l’on s’abonne à Canal+? Est-on informé du prix de fabrication de sa Freebox lorsque l’on s’abonne à Free? Est-on informé du prix de l’échantillon de papier et de la cartouche d’encre fournis avec une imprimante? Quand on achète une solution, elle a un prix, c’est tout. Après, on peut comparer avec le prix des pièces détachées si elles sont disponibles séparément. En général, on se rend compte que la solution intégrée est bien plus avantageuse que le total du prix des pièces détachées. Chacun sait par exemple qu’une voiture achetée en pièces détachée vaut le quadruple du prix “monté”!

Enfin, on a une réponse alambiquée au sujet du Macintosh: Je pense que le débat est en l’occurrence différent. La vente liée est un problème lorsque l’on se positionne du côté du consommateur. Or, le consommateur achète une machine Apple aussi pour le système d’exploitation. C’est un choix délibéré.” . Méheu, ce n’est pas vrai! On peut installer Windows sur les Macintosh maintenant qu’ils utilisent un processeur Intel! On peut même y mettre Linux. Comment fais-je si je veux un portable Apple avec la petite prise d’alimentation aimantée (une idée super) et mettre Linux ou Windows dessus sans payer MacOS? Suis-je informé du coût de MacOS? L’argument ne tient plus! Même si Apple fournit à la fois le matériel et le logiciel et peut un peu plus prétendre à une solution intégrée que dans le cas où le logiciel n’a pas la même provenance que le matériel. Si une loi était votée qui obligeait à proposer “un ordinateur nu”, et bien, elle devrait s’appliquer aux Macintosh car ce sont devenus des PC à quelques détails près!

Autre plainte courante: ce serait scandaleux que les logiciels représentent jusqu’à 20% du prix d’un PC. Mais bon, c’est d’abord très rarement le cas. Sur un ordinateur à 600€, on est probablement aux alentours de 15% maximum et cela descend à moins de 10% pour les PC de 1000€ et plus. Et puis, n’est-ce pas normal que les logiciels aient de la valeur? Sans eux, on ne peut rien faire! Les logiciels bundlés avec un PC ne sont pas chers du tout! Prenez en comparaison un lecteur de DVD à environ 80€, c’est le prix de 3 DVDs! Et ce n’est que du contenu!

Position des constructeurs, prix des logiciels et marché des PCs

De leur côté, les constructeurs de PC indiquent qu’un “unbundling” n’aurait aucun sens industriel : il couterait cher car il faudrait démultiplier les configurations, le support technique des machines serait rendu plus difficile pour le grand public car le logiciel de base tournant sur les machines ne serait plus standard comme avec Windows et le piratage de logiciels serait indirectement encouragé. Enfin, les premiers essais de vente de PC avec Linux ont été de cuisants échecs dans le grand public.

J’ajouterai que l’association de Windows avec un PC est plus étroite que le simple ajout de l’un sur l’autre, afin de faire du PC une solution “prête à l’emploi”:

  • Préinstallation de Windows sur le disque dur qui permet de mettre en route l’ordinateur en quelques minutes après avoir saisi son compte utilisateur et son mot de passe.
  • Personnalisation de la version de Windows pour le matériel avec l’ajout des pilotes spécifiques, particulièrement importants dans le cas d’un ordinateur portable, et des logiciels de paramétrage spécifiques à son matériel.
  • Ajout d’une procédure de sauvegarde et de restauration de la machine, avec un DVD tout prêt ou avec la gravure d’un DVD de restauration.
  • Personnalisation de l’environnement applicatif au niveau : navigateur Internet, moteur de recherche, player multimédia, lecteur de DVD et codec MPEG2, anti-virus, lecteur PDF. A la fois pour se différentier et en réponse à différents “settlements” dans le cadre des procès Antitrust contre Microsoft. Personnalisation qui favorise la concurrence dans certaines catégories logicielles. Et qui répond aussi à des besoins fonctionnels réels non pourvus par Windows.
  • Fourniture d’un support technique utilisateur pour l’ensemble de la configuration matérielle et logicielle fournie. Même si sa qualité est souvent très inégale.

Regardons maintenant l’aspect “prix des logiciels bundlés” car il y a de nombreuses méconnaissances à ce sujet. Et d’ailleurs une confusion sémantique entre prix (ce que paye le consommateur) et coût (ce que paye le constructeur). Selon l’UFC, …le consommateur peut être titulaire de licences logicielles et vouloir acheter un ordinateur nu, ou tout simplement vouloir changer d’environnement logiciel. Il a donc légalement le droit de refuser l’achat concomitant des logiciels inutiles.”!

  • Ce n’est pas tout à fait le cas car la licence de Windows “bundlée” est liée à la machine par contrat. Vous direz que c’est un artifice de licence utilisateur pour générer un revenu récurrent à chaque renouvellement de machine. Oui, mais c’est reflété dans le prix que paye le constructeur à Microsoft, qui est bien plus bas qu’un achat à l’unité. Environ du tiers au quart tout de même! (cf tableau suivant des prix de vente constatés de Windows XP dans le grand public – source: Kelkoo).

  • Pour Windows comme pour les autres logiciels “bundlés”, le prix payé par le constructeur n’a rien à voir avec le même prix du logiciel payé à l’unité. Tout simplement parce que les coûts de diffusion ne sont pas les mêmes. Mettre le logiciel dans une boite et le vendre dans la grande distribution coûte bien plus cher que permettre au constructeur de le mettre sur le disque dur de ses PC, et même d’ajouter un CD-ROM dans la boite.
  • Si on prend juste le cas de Windows, le coût de Windows pour le constructeur est très inférieur à 100€ par machine. Un PC a une durée de vie d’au moins quatre ans. Ce qui donne donc environ 25€ à 30€ par an, sachant que les mises à jour mineures (correctifs, service packs) sont gratuites pendant ce laps de temps. Comparez cela au coût annuel d’un anti-virus comme Norton de Symantec qui se monte à 45€ et vous verrez que Windows n’est finalement pas bien cher.
  • Dans le cas de la vente de Windows en boite, c’est Microsoft qui assure le support technique alors que dans la vente “bundlée”, c’est le constructeur. Cela explique une bonne partie de la différence de prix.
  • Quand Windows est vendu en boite, il y a plusieurs versions: une licence pleine qui peut s’installer sur une machine neuve, et une licence de mise à jour, qui s’appliquera dans ce cas là à un PC déjà équipé de Windows par quelque moyen que ce soit. Mais on peut obtenir un meilleur prix chez un assembleur avec une boite Windows vendue uniquement avec la machine. Sur le site au doux nom de Racketiciel, l’AFUL écrit “En général, quand vous achetez un ordinateur, vous n’avez pas le choix des logiciels préinstallés qui sont inclus dans le prix typiquement entre 100 et 300 euros)“. Ce montant ne dépasse quasiment jamais 100€! Ces 300€ correspondent au prix de Windows “full package” vendu à l’unité. Mais jamais au prix payé par le constructeur à Microsoft et aux autres éditeurs concernés!
  • Le prix payé par le constructeur pour les autres logiciels bundlés est très bas. Quand l’AFUL parle de racketiciel, elle se trompe d’ailleurs de cible et de montant. Les racketés dans les bundles, ce sont les éditeurs de logiciels (en mettant de côté Microsoft qui n’est effectivement pas à plaindre)! Pour diffuser leur offre en volume, ils récupèrent une royalty très faible de la part des constructeurs. Selon le logiciel, elle est de quelques $ à quelques dizaines de cents! Certains comme Symantec se rattrapent en générant un revenu récurrent annuel. L’intégration du logiciel dans les machines peut être même considéré comme un investissement marketing de l’éditeur qui gagne là un moyen de toucher des clients potentiels.

Les bundles génèrent un bénéfice consommateur certain. Quand on peut choisir, il vaut mieux d’ailleurs trouver un PC qui a le meilleur niveau de “bundling” car c’est le moyen d’obtenir les logiciels en question au meilleur prix par rapport à un achat à l’unité en boite. En faisant cependant attention à plusieurs facteurs: de plus en plus de logiciels bundlés ont leur équivalent en freeware. C’est par exemple le cas de l’antivirus Norton de Symantec, souvent préinstallé sur les machines et payant au bout de quelques mois sous la forme d’une redevance annuelle. On peut l’éviter et installer à la place AVG ou Avast qui sont gratuits. Même chose pour les encyclopédies. Encarta ou Hachette, qui étaient appréciables… avant Wikipedia!

Il y a d’autres évolutions du marché des PC qu’il faut citer:

  • L’origine des PC: il fut un temps où près de 25% à 30% des PC étaient achetés chez des assembleurs dits de “quartier”. C’est comme cela que je m’approvisionnais en PC entre 1986 et 2001. Depuis, je suis passé à des PC de marque. Pourquoi donc? Parce que les économies d’échelle et la standardisation des composants génèrent de bien meilleurs prix avec les constructeurs internationaux. On trouve aujourd’hui des PC Media Center à 500€! Les assembleurs représentent maintenant une part plus faible des ventes de PC – aux alentours de 15%-20%!
  • Le type des PCs: la part des portables va croissant. Il suffit de voir les publicités dans le métro à Paris pour comprendre le phénomène. Or un laptop a encore plus besoin d’être une solution clé en main car c’est encore plus délicat d’y installer soi-même un système d’exploitation que sur un desktop. Quant à ces derniers, ils sont de plus en plus utilisés pour jouer. Un domaine qui favorise encore très nettement Windows par rapport à Linux.
  • La demande de PC sur Linux reste faible malgré les nombreuses améliorations que l’on trouve dans ce système d’exploitation. La demande reste concentrée dans le secteur public, dans une partie de l’enseignement supérieur, et dans certains métiers techniques et informatiques (développeurs Web, administrateurs réseaux), et plus sur les serveurs que sur les postes de travail, et plutôt dans les entreprises que chez les particuliers. Et les tentatives de ventes de PC préinstallés avec Linux dans la distribution par HP et Dell ont été des échecs même si leur côté anecdotique ne les aidait pas. Il y a donc peu de demande! Les utilisateurs de Linux dans le grand public ont une certaine typologie: ils sont plus experts, plus jeunes, et plus enclins à être clients de la rue Montgallet que de Darty! Le Linuxien est plus un adepte du “tuning”  de PC que du PC “prêt à porter”.
  • Le marché des serveurs est bien différent. Une part importante des serveurs sont livrés “nus” sans système. Ce qui n’empêche pas la dominance de Microsoft qui dispose de plus de 60% de parts de marché avec Windows Server.

La jurisprudence

Pour l’instant, seuls quelques tribunaux de première instance ont demandé le remboursement de plaignants à hauteur du prix “retail” de Windows. Ce sont des cas épisodiques en région.

Cas qui génèrent d’ailleurs un encombrement bien futile de la machine judiciaire à l’heure où tant de personnes mises en examen croupissent en prison à cause de la lenteur de ladite machine judiciaire qui ne dispose pas d’assez de moyens!

Les propositions

Ces plaintes UFC/AFUL soulèvent cependant un point qui est tout à fait compréhensible: une volonté de développer la concurrence dans les systèmes d’exploitation, domaine largement dominé par Microsoft avec Windows, qui est installé par défaut sur plus de 90% des PC distribués par les constructeurs. Comment mettre un coin dans cette dominance alors que l’alternative Linux semble devenir crédible?

C’est là que les propositions des uns et des autres partent en vrille.

Que propose le député Cazenave? Essentiellement, la création d’un groupe de travail à l’Assemblée sur le sujet et la création d’un cadre juridique pouvant aller de l’avant et l’encouragement aux “Class Action”, ces procès en nom collectifs bien connus aux USA. Cela n’a pas d’implication pratique immédiate. Le législateur est coutumier de ce fait avec le vote de nombreuses lois et règlements qui s’empilent sans qu’il se soit toujours bien préoccupé de leur aspect pratique et de leur impact au quotidien pour les citoyens.

De son côté, l’UFC demande dans sa plainte:

“- de permettre aux consommateurs qui le souhaitent de pouvoir acheter un ordinateur «nu» sans aucun logiciel d’exploitation et/ ou d’application pré installé,

– de permettre aux consommateurs de faire le choix des logiciels qu’ils souhaitent installer en les achetant séparément ou en activant ou non les logiciels pré installés via la remise ou non par le vendeur de leur clé d’activation.”

Voyons les conséquences pratiques de telles mesures:

  • La première mesure aurait un coût non négligeable pour les constructeurs et pour les points de vente. Cela doublerait voire triplerait le nombre de références dans les magasins, augmenterait les coûts de gestion et probablement les prix des PCs : une référence avec Windows car c’est encore la demande majoritaire, une référence avec Linux car cela serait bien plus pratique pour que le PC soit prêt à l’emploi, et une référence de PC nu. En gros, on augmenterait le prix des PCs pour satisfaire quelques % d’acheteurs. Ou alors, les constructeurs imputeraient via un peu de comptabilité analytique l’augmentation des coûts de gestion aux acheteurs de PC nus pour ne pas pénaliser ceux qui achètent des PC préinstallés avec Windows et n’ont rien demandé d’autre. Résultat, le PC nu couterait si cela trouve aussi cher si ce n’est plus cher que le PC “bundlé”. Il serait bon au passage de définir ce qu’est un “ordinateur”! Est-ce un ordinateur personnel sur lequel est actuellement installé Windows? Est-ce que cela englobe les Macintosh? Voire les assistants personnels? Idem pour les Media Centers à base de PCs?
  • Les constructeurs créeraient immanquablement des références différentes de PC pour les versions avec et sans Windows car ils ne souhaitent pas communiquer leurs prix d’approvisionnement. C’est une logique du commerce bien universelle! Un constructeur ne diffuse pas la structure de coûts de ses produits. C’est une information confidentielle dans le commerce! Les promoteurs de Linux diront cependant que cela les arrangerait bien car Linux étant parait-il moins consommateur de ressources, les PC nus pourraient être moins bien configurés que les PC avec Windows. Ce qui reste à démontrer pour des usages courants!
  • Il est hors de question d’obliger les clients de PC nus à acheter Windows à l’unité séparément. On a vu que ce n’est pas du tout intéressant économiquement. Sans compter le temps perdu! Un PC préinstallé avec Windows (ou Linux) est opérationnel en cinq minutes alors que si l’utilisateur doit l’installer par lui-même, il en a pour une heure… et quand il s’y connait un peu car malgré ce qu’affirme le député Cazenave, une grande proportion des utilisateurs bloquerait dans l’installation d’un système d’exploitation – Windows comme Linux -, ne serait-ce qu’au niveau des pilotes de périphériques, et autres Codec MPEG2 pour pouvoir lire un simple DVD vidéo!
  • On limiterait la capacité de certains éditeurs de logiciels (il n’y a pas que Microsoft) à diffuser à très bas prix des logiciels pour tous. La diffusion de logiciels via les constructeurs est en effet un bon moyen de toucher rapidement une large clientèle et avec un coût des ventes assez faible. Par ailleurs, il permet à certains concurrents de Microsoft d’être traités sur un (vague) pieds d’égalité par rapport à ce dernier. En supprimant cela, on favoriserait finalement Microsoft indirectement.
  • L’activation de logiciels à l’unité est un métier à part que les constructeurs ne veulent pas forcément assurer. Leur rôle est de fournir une machine prête à l’emploi au meilleur prix, avec des économies d’échelle et un minimum d’interaction avec les clients – c’est d’ailleurs pour cela qu’ils passent par des revendeurs. Pas de se transformer en distributeur de logiciels à l’unité, activité qui a des contraintes industrielles et de coûts de gestion. Même si certains comme Dell savent le faire via leur activité de “Built to order”.

Et puis, pourquoi n’irait-on pas plus loin?

  • En unblundlant les logiciels de retouche photo qui sont systématiquement bundlés avec les appareils photos, imprimantes et autres scanners.
  • En unblundlant les chaines sportives des bouquets de Canal Satellite que je ne regarde jamais alors que je préfère le cinéma. Pourquoi dois-je payer pour les 600m€ payés par Canal+ pour les matches de la Ligue1?

Bref, pourquoi compliquer la vie des 95% d’utilisateurs qui sont bien contents d’avoir un PC qui marche en s’allumant pour satisfaire quelques %?

It’s the ecosystem, stupid!

Le succès de Windows n’est pas simplement du à son installation par défaut dans les PC. Il est aussi du à l’étendue de son écosystème de produits et solutions complémentaires. Dans le même magasin où l’on achète son PC, on trouvera une foultitude de périphériques qui supportent Windows, et tout autant de logiciels adaptés à Windows. Il y a évidemment un phénomène d’oeuf et de poule dans l’histoire qui a démarré il y a plus de 16 ans.

C’est là où le bas blesse pour Linux. Son mode de développement communautaire et ses nombreuses distributions sont fort sympathiques et appréciables, surtout auprès d’utilisateurs techniques. Mais ils restent inadaptés à une diffusion dans le grand public. Il y a encore trop de variantes dans l’interface utilisateur (KDE, Gnome), dans les procédures d’installation du système et des logiciels applicatifs, et dans le packaging de Linux. Les constructeurs sont trop peu nombreux à avoir de leur côté personnalisé Linux pour leurs PC. Le support technique au grand public est difficile à gérer pour eux car encore trop de manipulations sous Linux nécessitent une maitrise du mode commande.

Tout ceci n’est pas insurmontable pour Linux, mais on n’y est pas encore.

Contre propositions

A force de démonter les propositions de l’UFC ou de l’AFUL, je me trouve en plan. Que faire? Comment favoriser la concurrence sans pénaliser les consommateurs?

J’aurais d’abord tendance à faire “confiance au marché” car l’intrusion du politique et du législateur dans le technique n’a que rarement fait des merveilles. Regardez toutes ces dispositions compliquées imposées à Microsoft par le Department of Justice américain ou par la Commission Européenne. Elles n’ont pas vraiment entamé la dominance écrasante de Microsoft dans les systèmes d’exploitation.

Voici donc quelques modestes pistes :

  • Laisser les constructeurs s’adapter à la demande en proposant quand ils sentent le marché évoluer des configurations nues ou avec Linux, comme ils l’ont tenté à plusieurs reprises dans le secteur de l’éducation. Mais sans leur forcer la main plus vite que la musique! Ils seront bien à même de s’adapter à la demande Linux s’ils la sentent arriver.
  • L’achat de logiciels à l’unité chez les constructeurs est une réalité pour les constructeurs qui font de la vente directe et du “Built to Order”, comme Dell. La demande de l’UFC pourrait donc s’y appliquer.
  • Dans un domaine de la protection des consommateurs qui n’a rien à voir avec les bundles, demander à ce que les constructeurs et Microsoft fournissent une réelle documentation utilisateur pour Windows, même en format électronique. Car la quasi absence de documentation est un véritable scandale qui oblige souvent à acheter un livre genre “Windows pour les nuls” pour s’y retrouver quand on n’y connait rien!
  • Les constructeurs pourraient documenter clairement la procédure pour le cas où l’on souhaite se faire rembourser la partie logicielle du PC. Car elle est effectivement prévue contractuellement. Procédure qui devrait déclencher un reformatage du disque dur de l’ordinateur. 

Un de ces 4, il faudra aussi parler du choix des microprocesseurs pour un PC. Car on nage en plein brouillard. Là aussi, il y a peu de transparence sur les prix et les performances. La différence de performance selon le processeur entre deux PC justifie-t-elle la différence de prix, souvent plusieurs fois supérieure au coût de Windows pour le constructeur? Comment s’y retrouver entre un portable à 700€ et un autre à 2000€? Où est la différence?

Bon, et puis, il y a un truc agaçant, c’est lorsque l’on est abonné à MSDN qui permet de disposer de licences Windows pour le développement et le test. Pas facile d’acheter un PC sans Windows pour les utiliser. On les paye donc effectivement deux fois, mais ce n’est plus du “grand public”. Et cela ne concerne que quelques milliers de personnes en France, sur environ 3 millions de PC vendus dans le grand public par an!

Et vous, avez-vous des idées de mesures qui encourageraient la concurrence sur les PCs, sans pour autant générer des usines à gaz préjudiciables aux consommateurs?

Cet article a été cité sur le site de ITR News le 27 décembre 2006 et légèrement complété le même jour.

RRR

 
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