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Aider les jeunes entrepreneurs

Post de Olivier Ezratty du 23 mai 2006 - Tags : Actualités,Startups | 7 Comments

Pendant la « crise » du CPE qui a égayé nos rues et nos débats politiques ces derniers mois, je me suis fait une réflexion liée à ma découverte du monde des entrepreneurs et du capital risque : même dans ces cercles que l’on peut qualifier “d’élites”, il est difficile de se positionner lorsque l’on est jeune, c’est-à-dire, un jeune entrepreneur.

Quelqu’un m’avait mis la puce à l’oreille pendant la visite du Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier 2006. J’y participais avec un groupe d’une trentaine de français, regroupés par Xavier Dalloz, consultant bien connu de la convergence numérique (et proche de l’âge de la retraite). Lors d’un débat organisé en fin de journée, mon voisin, un « jeune » patron de société de services (aux alentours de 35 ans) me faisait la réflexion suivante : « tu vois des jeunes parmis nous? ». Un rapide tour de table et oui, effectivement, il était le plus jeune d’entre nous. Et moi, j’étais un « middle-aged » dans cette audience !

Dans les nombreux événements pour entrepreneurs et capitaux risqueurs organisés à Paris ces derniers temps, même constat : les personnes présentes sont rarement jeunes. Jeunes au sens, moins de la trentaine d’années. La moyenne d’âge y est plutôt située entre 35 et 45 ans. Quand je consulte la liste des startups financées par les sociétés de capital risque (les VCs), itou : pas des masses de jeunes entrepreneurs. La tendance est plutôt de faire confiance aux « serial entrepreneurs » au cuir bien tanné.

Pourtant, les jeunes ont de la ressource: de l’énergie à revendre, des idées, une meilleure sensibilité aux tendances sociétales, fort utile dans le monde de l’Internet qui évolue à la vitesse grand V et peu de dépendances familiales contrairement aux trentenaires et quadras ! Il serait bon de trouver le moyen de mieux les aider à entreprendre. Et de faire un peu fi de ce retour de batons de l’éclatement de la bulle Internet qu’ils continuent de payer. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de six ans, beaucoup de jeunes s’étaient lancés – avec leurs financiers – dans des projets inconsidérés qu’ils sont tous dans ce cas là aujourd’hui!

Il se trouve que j’accompagne quelques startups dans leur développement, dont deux sont créées par de jeunes entrepreneurs (Voluntis et U.Lik). Leurs fondateurs ont moins de trente ans. Ils ont tout de même une première expérience en entreprise avant de s’être lancés dans l’entreprenariat. Leur jeunesse les handicape un peu. Mais ils mis en place quelques recettes qui limitent l’impact de leur jeunesse. La première consiste à bien s’entourer, notamment au niveau du board de l’entreprise. Par exemple, Pierre Leurent, CEO de Voluntis qui du haut de ses 28 ans, s’est entouré de Charles Beigbeder (Powéo) et d’Yves Barbieux (ex PDg de Nestlé France). U.Lik est entouré de son côté de bons financiers et d’un gars qui en connaît un peu en marketing (moi). La seconde consiste à se lancer rapidement dans le recrutement de pointures. Le cas de Voluntis est intéressant avec le recrutement par Pierre Leurent d’Hervé Barkatz, un manager expérienté du secteur de Voluntis (la santé) qui a 12 ans de plus que lui. Accepter de recruter quelqu’un qui apporte de la séniorité dans une équipe est une décision importante pour le jeune dirigeant. De son côté, U.Lik, créée par deux jeunes HEC, est explicitement à la recherche d’un CEO expérimenté !

Une fois cette « séniorisation » de l’équipe et des accompagnateurs, l’entrepreneur peut se lancer dans l’appel à du capital risque, quitte à se faire aider par des leveurs de fonds (comme Aélios Finance, Chausson, ou Normart). Il pourra faire appel à des « business angels », ces investisseurs privés qui aident les entrepreneurs. Il n’y en a malheureusement pas beaucoup en France (5000 ou 10 fois plus au Royaume Uni et 100 fois plus aux USA). Il y en a peu dans la high-tech car peu d’entrepreneurs ont réussi en France dans ce domaine. Et le peu qui l’on fait se sont souvent « exportés » dans pays limitrophes pour échapper à l’ISF. Une grande part des business angels français sont issus d’autres secteurs d’activité comme la distribution. Donc, dans ce domaine, l’approche “réseau” compte beaucoup. Elle peut éventuellement passer par les anciens élèves de son école, ou par d’autres réseaux plus ou moins formels.

Il existe sinon deux sources d’accompagnement non négligeables. Tout d’abord, les nombreux incubateurs que l’on trouve dans les grandes écoles de commerce (HEC, ESSEC, etc) ou d’ingénieurs (Centrale, Télécom, INT, etc). Ils peuvent mettre le pieds à l’étrier de leurs étudiants et même souvent d’anciens élèves passés par une première expérience – fort utile – en entreprise. Ensuite, le jeune entrepeneur pourra se faire accompagner par les incubateurs ou pépinières « publiques ». Les plus actives exercent leur activité à l’échelle régionale. C’est le cas de Paris Développement pour la région parisienne. Ces « têtes de réseau » sont fort utiles pour guider l’entrepreneur dans la dense jungle des aides publiques, notamment financières (OSEO-Anvar, etc). Enfin, il peut y avoir les accompagnements d’entreprises du secteur high-tech. Avec son programme IDEES destiné au soutien des startups, Microsoft pourrait aider les jeunes entrepreneurs. D’autant plus que le gars qui en a la charge, Julien Codorniou, a juste 27 ans!

Bref, avec le CPE, les jeunes ont repris un peu de poil de la bête et de reconnaissance dans le débat politique. Mais leurs demandes relevaient de la peur du risque dans le monde des entreprises. Il y a des jeunes qui eux, sont prêts à prendre des risques. Qui veut bien les aider? J’ai pour ma part décidé d’en faire partie. Pour ceux que cela intéresse, je travaille sur un document sur l’Accompagnement des startups en France, en cours de rédaction. J’y recense les différentes aides à l’entreprenariat, à destination notamment des jeunes créateurs d’entreprises. C’est aussi la raison pour laquelle je donne quelques conférences sur l’innovation et le management à Centrale comme à HEC (MBA).

Si vous êtes jeune entrepreneur, votre expérience m’intéresse ! Exprimez-vous et faites nous part de votre parcours et des difficultés que vous avez rencontrées et comment vous les avez surmontées.

Article mis à jour le 27 décembre 2008 pour pointer sur la version de décembre 2008 du guide.

RRR

 
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