Après un tour des généralités sur les télescopes spatiaux, sur ceux qui couvrent la lumière visible puis ceux qui sont dédiés à l’infrarouge, nous allons passer aux télescopes spatiaux qui explorent d’autres parties du spectre électromagnétique non visible autour du visible et de l’infrarouge :

  • Dans les rayons gamma avec Integral, SWIFT, Fermi, DAMPE et SVOM sachant que ces derniers couvrent souvent également les rayons X et ultra-violets.
  • Dans les rayons X avec Uhuru, Suzaku, XMM-Newton, Nustar, Hitomi, Chandra, HXMT et Einstein Probe, certains de ces télescopes couvrant aussi l’ultra-violet.
  • Dans l’ultraviolet avec WSO-UV et LUVOIR.
  • Dans les ondes radio avec Spectr-R, HALCA, Planck et CoRE.

Comme nous l’avions vu initialement sur les généralités des télescopes spatiaux destinés aux études astronomiques, chaque portion du spectre électromagnétique présente une utilité pour analyser les étoiles et galaxies, notamment les plus éloignées, ainsi que les phénomènes extrêmes type quasars, pulsars ainsi que le bruit de fond cosmologique. Les astronomes et astrophysiciens déploient des prouesses pour en tirer le maximum. Ces différents télescopes sont très complémentaires les uns des autres.

La complémentarité des observations dans différentes bandes de fréquences est parfaitement illustrée par cette vue de la Voie Lactée couvrant tout le spectre électromagnétique (source). Les rayons gamma ainsi que les ondes radio présentent l’intérêt de facilement traverser les nuages de poussières et de gaz qui se situent entre nous et le centre de la Voie Lactée. Les rayons infrarouges permettent au contraire d’analyser ces gaz et poussières chauffés par la lumière des étoiles.

C’est aussi le théâtre d’une compétition un peu particulière entre astronomes et astrophysiciens. Les astrophysiciens cherchent des théories physiques expliquant les observations des astronomes. Inversement les astronomes cherchent à confirmer ou invalider les théories des astrophysiciens. Nombre des télescopes que nous allons examiner ici sont ainsi dédiés à la résolution de questions qui taraudent les astronomes et astrophysiciens depuis près d’un siècle : qu’est-ce que la matière noire et l’énergie noire qui semblent expliquer la cohésion des galaxies et l’expansion de l’Univers ? Quel domaine de la physique des particules nous échappe qui les expliquerait ? Quelles sont les grandes constantes cosmologiques qui déterminent l’évolution de l’Univers et notamment son futur ?

Télescopes spatiaux dans les rayons gamma

Les rayons gamma sont les rayons les plus énergétiques et de fréquences les plus élevées que l’on puisse observer. Chaque photon gamma transporte plus d’énergie que tous les autres photons, cette énergie étant proportionnelle à leur fréquence. Elle est d’ailleurs mesurée en électron-volts. Les rayons gamma se découpent en tranches énergétiques avec les rayons gamma faibles (100 keV), à énergie moyenne (1 MeV) et à forte énergie (1 GeV). Par comparaison, un photon dans le visible est autour d’un électron-Volt.

Faisons un petit détour par la composition en éléments atomiques de l’Univers. Le schéma ci-dessous présente l’abondance des éléments telle qu’observée dans l’Univers (source). L’hydrogène est de loin l’élément le plus abondant, avec 92% des atomes, suivi de l’hélium. Afin de comparer les autres éléments qui sont bien plus rares, la courbe est une logarithmique décroissante, avec des hauts et des bas. On observe surtout qu’en plus du carbone, de l’azote, du sodium et de l’oxygène, le fer est le sixième élément le plus abondant, dépassant tous les autres qui sont compris entre le sodium et le fer en poids atomique.

Abondance éléments

Cette abondance relative du fer s’explique par l’équilibre énergétique de cet atome. Pour les éléments plus légers que le fer, la fusion atomique émet de l’énergie et des rayons gamma en générant des atomes plus lourds. Pour les éléments plus lourds que le fer, c’est la fission atomique qui émet également énergie et rayons gamma mais génère des atomes plus légers. Les fusions et fissions tendent à converger vers la stabilité atomique du fer, d’où l’abondance de cet élément dans l’Univers, qui est d’ailleurs croissante dans le temps. La fission intervient dans des réactions nucléaires

D’où proviennent ces différents atomes ? Essentiellement des étoiles qui transmutent l’hydrogène résultant du Big Bang. Le carbone est généré par la fusion de quatre atomes d’hélium (deux protons, deux neutrons) eux-mêmes venant de la fusion d’atomes d’hydrogène (un proton), via le deutérium (un proton, un neutron). L’énergie de fusion libérée correspond à la différence de masse entre l’atome de carbone résultant de la fusion et celle des quatre atomes d’hélium de départ. Chacune de ces réactions de fusion génère des rayons gamma d’un niveau d’énergie spécifique que l’on détecte ensuite ! On peut donc détecter dans quels objets célestes sont fabriqués tels ou tels éléments. L’hélium est par exemple fabriqué au sein des étoiles comme le Soleil.

Fusion generant helium et carbone

La création d’éléments plus lourds que le fer nécessite l’apport d’énergie que l’on trouve par exemple dans les explosions de supernovas. Les éléments plus lourds que le fer se dégradent vers des éléments plus légers par fission nucléaire. Bref, le fer est l’élément le plus stable d’un point de vue nucléaire, d’où son abondance. On retrouve cette abondance dans les planètes telluriques comme la Terre. Notre planète est ainsi principalement constituée de fer en-dessous de la croute terrestre. On trouve de tout à sa surface, comme du carbone, de l’azote, de l’oxygène, de l’hydrogène et du phosphore, associés en molécules plus ou moins complexes (CO2, H20, acides aminés, …) jusqu’aux molécules complexes du vivant (protéines, ADN, …). En termes de masse, la Terre est un gros aimant solide et liquide en fer et nickel recouvert d’une fine croute terrestre plus diverse en éléments ! Le champ magnétique terrestre est généré par les mouvements de convection du métal liquide dans le noyau externe (source).

Fusion et fission nucleaire

Revenons donc aux rayons gamma. Ils sont notamment générés par les réactions de nucléosynthèse, celle qui permet la création d’éléments lourds à partir de l’hydrogène et des éléments suivants. Ils sont aussi générés par des particules relativistes, dont la vitesse d’approche de celle de la lumière. On les trouve dans les noyaux galactiques actifs, pulsars, quasars, blazars à rayons gamma (un blazar est un quasar très compact, un quasar est noyau galactique actif avec un trou noir au milieu), et, près de chez nous, dans les éruptions solaires.

Le premier instrument spatial permettant de capter les rayons gamma fut Explorer XI, lancé par la NASA en avril 1961. Il servait à l’origine à la détection des explosions nucléaires provenant de l’URSS qui elles aussi en émettent. Il avait capté 31 évènements de rayons gamma en sept mois, ce qui fait peu mais qui ne provenaient pas de tests nucléaires soviétiques. Suivit le Small Astronomy Satellite 2 en 1972 qui a fonctionné également sept mois, puis le COS-B européen entre 1975 et 1982 et EGRET entre 1991 et 1996. Ils ont notamment permis de cartographier les sources de rayons gamma de la Voie Lactée. Et puis le GRANAT entre 1990 et 1997 qui permis la découverte de micro-quasars et le Compton Gamma Ray Observatory entre 1991 et 2000 qui détecta des sursauts gamma diffus.

Il existe plusieurs sortes d’instruments de détection des rayons gamma : les détecteurs simples, les télescopes à masques et matrices de détecteurs, les télescopes à focalisation couplés à des matrices de détecteurs et les télescopes Compton. Qui plus est, ces télescopes sont aussi équipés de spectrographes à rayons gamma. Je vais essayer de comprendre et expliquer comment ils fonctionnent au fil de l’eau ! Ces capteurs doivent tenir compte des contraintes des rayons gamma :

  • Ceux-ci ne peuvent pas être réfléchis sur quelque surface que ce soit pour converger sur un plan de focale car leur longueur d’onde est inférieure à la distance entre les atomes. Ils passent donc entre les mailles du filet de la matière.
  • Les photons émis par les objets observés sont rares et les observations doivent donc être de longue durée pour en récupérer.
  • Les capteurs peuvent être perturbés par la réception de rayons cosmiques parasites et il faut donc faire le tri entre les bons rayons gammas et les rayons gamma parasites. Qui soit dit en passant, sont plus nombreux que les rayons gamma que l’on cherche à détecter.

Le système le plus étrange est celui du capteur de rayons gamma à masque (coded mask). Un masque laisse passer à certains endroits et pas à d’autres les rayons gamma qui sont ensuite détectés par un capteur. L’empreinte récupérée par le capteur permet d’identifier la direction des rayons gamma incidents. L’image reçue par le capteur a en effet une forme unique qui correspond à l’ombre du masque et permet d’en identifier l’origine de manière unique, et donc la directivité. Pour ce qui est de la spectroscopie gamma, elle fonctionne sur le principe d’un tri des rayons reçus par niveau d’énergie, les capteurs étant capables de mesurer ce niveau d’énergie pour les rayons reçus.

Coded Mask Aperture

A passage, nombre de télescopes dédiés aux rayons gamma sont aussi équipés de détecteurs pour les rayons X et ultra-violet qui suivent les rayons gamma dans le spectre électromagnétique.

INTEGRAL (2002 – 2020)

L’INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory est un télescope dédié aux observations à la fois dans les rayons gamma, les rayons X et le visible. Il a été lancé par l’ESA en collaboration avec l’agence spatiale russe et la NASA.

INTEGRAL Space Telescope

Il est propulsé pour l’ajustement de son orbite par de l’hydrazine avec quatre réservoirs en titane totalisant 544 kg. Il dispose aussi de roues inertielles pour gérer son orientation. Ses panneaux solaires génèrent 2400 W d’alimentation électrique, stockée dans deux batteries nickel-cadmium. Le satellite est en sur une orbite elliptique qui dure 72 heures avec une périgée à 10 000 km de la Terre et une apogée à 153 000 km.

INTEGRAL est doté de quatre instruments :

  • IBIS (Imager on-Board the INTEGRAL Satellite) est un imageur dans les rayons gamma et les rayons X extrêmes qui lui sont adjacents. Il utilise une matrice de 95 x 95 masques en tungstène avec 128 x 128, l’ISGRI (Integral Soft Gamma-Ray Imager pour les rayons X) qui est à base de tellurure de cadmium complétée d’une autre de 64 x 64 panneaux de iodure de césium, le PICsIT(Pixellated Caesium-Iodide Telescope, pour les rayons gamma).
  • SPI (SPectrometer for INTEGRAL) est un spectromètre de rayons X et gamma originaire du CNES français. Il comprend 19 détecteurs au germanium arrangés dans une matrice hexagonale, un capteur et filtre au BGO (germanate de bismuth) qui élimine en partie les rayons parasites et un capteur au tungstène. L’instrument est imposant : il fait 2,5 m de long pour 1,1 m de diamètres et 1300 kg. Il réalise la spectrographie gamma dans la gamme 20 keV à 8 MeV. Pour ce qui est du fonctionnement exact de la spectrographie, je donne ma langue au chat ! Les capteurs au germanium sont refroidis passivement à 85K pendant les observations mais doivent être périodiquement réchauffés à 106°C pour que leur résolution reste stable. Le SPI est aussi doté d’un masque d’encodage (coded mask) qui obstrue certains rayons et pas d’autres et permet d’identifier leur incidence. Le SPI a été co-développé par l’IRAP de Toulouse et l’institut Max Planck allemand.

SPI principe    INTEGRAL SPI

  • Deux unités JEM-X qui font de l’observation dans les rayons X, de 3 à 35 keV avec une grande précision d’imagerie. Les détecteurs sont des scintillateurs à gaz utilisant du xénon et du méthane en couches minces.
  • L’OMC (Optical Monitor) est un capteur optique dans le visible focalisé sur 500 à 580 nm. C’est l’équivalent d’un système visée (AGS) servant à cadrer les observations du satellite. Il sert aussi à détecter les variations d’activité dans le temps des sources les plus brillantes.
  • IREM (INTEGRAL Radiation Environment Monitor) capte les rayons cosmiques de fonds pour le calibrage des instruments.

INTEGRAL a notamment permis l’identification de sursauts de rayons gamma et la détection d’un quasar de fer.

SWIFT (2004 – 20xx)

Ce télescope de la NASA pesant 1470 kg comprend trois instruments séparés pour l’étude des rayons gamma, des rayons X et de l’ultra-violet. Donc tout ce qui est en-dessous du spectre lumineux dans le spectre électromagnétique. SWIFT est en orbite à 600 km d’altitude. Il dispose comme tous les télescopes spatiaux de roues d’orientation pour son changement de position.

L’UV est capté grâce à un petit miroir principal de 30 cm couvrant les rayons entre 170 et 650 nm, couvrant ainsi une bonne part du visible. La captation des rayons X s’appuie comme il se doit sur des miroirs concentriques de type Wolter 1.

NASA_Swift_Gamma-Ray_Burst

Il étude les rayons gamma des noyaux de galaxies actives (AGN), détecte les trous noirs dans les AGNs ainsi que les blazars à rayons gamma et les supernovas (explosions d’étoiles). Il utilise comme INTEGRAL un masque codé mais de plus grande résolution, pour récupérer l’incidence des rayons gamma reçus. Le détecteur est une matrice de capteur au tellurure de cadmium-zinc.

SWIFT Coded Aperture Mask

Il a ainsi détecté en 2009 le noyau actif GRB 090423 qui est éloigné de 13,04 milliard d’années-lumières puis un Magnetar dans Kes 73. En 2015, il avait détecté plus de 1000 blazars à rayons gamma.

SWIFT Black Hole

Fermi (2008 – 2018)

Anciennement GLAST (Gamma ray Large Area Space Telecope), ce télescope américain a été lancé en orbite terrestre à 565 km d’altitude et avec une fin de mission étendue prévue en 2018. Il comprend deux instruments : un télescope et un détecteur de rayons gamma. Il communique avec la Terre en bande Ku à 40 Mbits/s. Il a été conçu avec la participation de la France (CEA, CNRS), de l’Allemagne (Max Planck Institute, DLR, leur équivalent de notre CNES), de la Suède, de l’Italie et du Japon. Il est doté de deux instruments : le LAT et le GMB.

Fermi GLAST

Le Large Area Telescope (LAT) est doté d’un très grand champ de vue de 5° qui lui permet de couvrir tout le ciel toutes les deux orbites. Les rayons gamma qui entrent dans le LAT sont convertis en particules dont l’énergie et la directivité sont alors mesurées. Il capte les rayons gamma d’énergie très élevée, comprise entre 20 MeV et 300 GeV. C’est le seul télescope spatial atteignant ce niveau.

Fermi sensors

Le LAT comprend 16 modules identiques de 37 cm de côté, mis côte à côte, qui contiennent chacun 18 couches de détecteurs de position au silicium, 8 couches de calorimètres CsI (à l’iodure de césium), 12 calorimètres NaI (à l’iodure de sodium) et des scintillateurs BGO (au germanate de bismuth). Une quincaillerie dont je vous passe les détails et qui permet de détecter les rayons gamma, leur origine et leur énergie, tout en éliminant les particules à haute énergie. En gros, lorsque les rayons gamma traversent la première couche de détecteur, ils se transforment en électrons et positrons à haute énergie qui vont percuter les couches suivantes.

Le Gamma-ray Burst Monitor (GBM) comprend 14 scintillateurs couvrant les énergies de 8 keV à 30 GeV également capable de réaliser de la spectrométrie.

La captation des rayons gamma doit tenir compte de la grande quantité de rayons cosmiques qui arrive dans le détecteur. Elle est supérieure à celle des rayons gamma ! Il faut donc analyser la trajectoire individuelle de chaque rayon dans les couches empilées de capteurs pour faire le tri. C’est le rôle des logiciels d’analyse ! Celui de Fermi a été régulièrement mis à jour pour améliorer l’exploitation des résultats et éliminer un maximum de détections qui ne relèvent pas de rayons gamma. La dernière version est Pass8, sortie en 2015, et réalisée en partie par Philippe Bruel de l’Ecole Polytechnique. Elle permet d’ailleurs d’étendre les mesures à des rayons gamma atteignant 3 TeV [cf cette vidéo où il intervient “Fermi Gamma Ray Telescope’s 4K Ultra HD Upgrade“].

Dans la conférence “Gamma Ray Bursts and Recent Results from the Fermi Mission” de Peter Michelson de 2015, ce dernier fait un panorama par que voici des différentes découvertes permises par Fermi depuis sa mise en service.

Fermi highlights and discoveries

Le télescope spatial Fermi a notamment détecté en 2010 d’énormes bulles de rayons gamma de 25 000 années-lumière de diamètre au-dessus et en-dessous du centre de la Voie Lactée (ci-dessous). Elles émanent du noyau de la galaxie au centre de laquelle se situe un trou noir faisant une masse équivalente à quatre millions de notre Soleil. Les deux bulles pourraient témoigner d’une activité récente de ce trou noir, qui est normalement inactif et en équilibre avec son environnement, tout du moins à une échelle de temps cosmique (quelque dizaines de millions d’années). Ces bulles pourraient aussi provenir de supernovas du centre de la galaxie.

Fermi Milky Way Gamma Ray Bubbles

Fermi a sert aussi à la recherche de noyaux galactiques actifs (AGN). Il a permis de découvrir que les tempêtes sur Terre généraient de l’antimatière, via la détection de rayons gamma d’un niveau d’énergie de 511 KeV qui correspond à l’annihilation d’un électron par un positron (source).

DAMPE (2015 – 2018)

Le DArk Matter Particles Explorer est un télescope spatial chinois développé avec des participations Suisse et Italienne et lancé en orbite terrestre basse à 500 km d’altitude. Il explore les rayons gamma ainsi que les rayons cosmiques qui sont des particules et pas des rayons électromagnétiques, électrons et neutrinos. Il est dédié à l’étude indirecte de la matière noire.

DArk Matter Particles Explorer

Le satellite fait une masse de 1850 kg et 1,2 x ,1,2 x 1 m. Il consomme 500W qui sont générés par ses panneaux solaires. Il émet 16 Go de données par jour. Il sera suivit du télescope HERDE qui sera embarqué dans la station spatiale chinoise en 2025.

DAMPE Instruments

DAMPE comprend quatre instruments de mesure qui sont empilés les uns sur les autres sachant qu’ils ne sont pas du tout associés à une optique ou à un miroir :

  • PSD (Plastic Scintillator Detector) composé de scintillateurs en plastique sur 82 x 82 cm.
  • STK (Silicon-Tungsten Tracker) qui mesurent les électrons à forte énergie mais ne sont pas très directifs. Ils sont constitués de supports en fibres de carbone et tungsten de 76x76cm sur 7 étages sur lesquels sont placés des capteurs de 9,5 x 9,5 cm qui sont des détecteurs au silicium provenant de Hamamastu Photonics, à raison de 32 par étage.
  • BGO Calorimeter, un calorimètre BGO d’imagerie à 14 niveaux de 60 x 60 cm qui capte les photons (rayons gamma) et électrons à haute énergie (rayons cosmiques).
  • NUD (Neutrons Detector), un détecteur de neutrons.

SVOM (2021 – 2031)

Le Space Variable Objects Monitor est un projet de télescope issu d’un partenariat scientifique entre le CNES français la China National Space Administration. Il sera dédié à l’étude des sursauts de rayons gammas (GRB = Gamma Rays Bursts) générés par les explosions d’étoiles massives, prenant le relai de SWIFT qui aura alors atteint sa fin de vie opérationnelle. Il doit capter le visible pour gérer son pointage, ainsi que les rayons X et les rayons gamma faibles. Le satellite sera en orbite terrestre à 625 km d’altitude.

Space Variable Objects Monitor

Les instruments embarqués dans ce télescope seront :

  • GRM (Chine), Gamma Ray Monitor pour capter les rayons gamma faibles et moyens, de 50 keV à 5 MeV, avec trois capteurs NaI (sodium-indium) donnant une précision angulaire de 2°, soit quatre fois le diamètre apparent de la Lune. C’est pour la pêche au gros des GRBs !
  • ECLAIR (France), une caméra de détection et de pointage captant les rayons gamma faibles, de 5 keV à 150 keV. Elle utilise un système de masque (Coded Mask Telescope) et une surface sensible avec 80×80 (6400) capteurs en tellurure de cadmium. Il doit détecter 80 phénomènes GRB par an. Elle aussi a un champ large de vue.
  • MXT (France, Allemagne, UK), Multichannel X-ray Telescope, avec un miroir ne pesant qu’un kilogramme et un capteur CCD de 256×256 pixels. Agit entre à 0,2 et 10 keV.
  • VT (Chine), un télescope avec un miroir de 40 cm opérant dans le visible de 400 à 950 nm, couvrant donc un bout du proche infrarouge, et doté de deux capteurs de 2Kx2K pixels.

L’instrument fonctionnera de concert avec les outils de détection des sursauts gravitationnels comme le LIGO américain pour détecter une poignée de sursauts gamma. Pour ce faire, il peut détecter ces sursauts et envoyer des alertes au sol en moins de 30s dans deux tiers des cas, permettant d’utiliser dans la foulée divers instruments terrestres dont le LIGO.

Il peut aussi être orienté avec l’aide du GFT1 (Chine) et du GFT2 (France, Mexique), deux télescopes terrestres robotisés (à venir) dotés d’un miroir de 1m et servant à la captation dans le visible des évènements qui seront ensuite détectés par l’instrument ECLAIR du SVOM. Le système comprend aussi le GWAC (Chine), Ground Wide Angle Camera, un autre instrument terrestre fonctionnant dans le visible, de 450 à 900 nm, et doté de 36 capteurs (4 modules avec une matrice de 9 capteurs).

SVOM Gamma Ray Bursts events chain

Les instruments fonctionnent en série dans le temps avec une détection de rayons gamma par le GRM ou ECLAIR dans le télescope déclenchant une analyse par le MXT et le VT. Dans le même temps, une détection sur terre par le GWAC déclenche une analyse par le GFT1 et 2 dans le visible et une spectrographie avec d’autres instruments terrestres.

Télescopes dans les rayons X

Le premier télescope spatial à rayons X était Uhuru, lancé par la NASA en 1970 et opérationnel jusqu’en 1973. Nous allons parcourir ici ceux qui ont été lancés relativement récemment comme XMM-Newton, Suzaku, Chandra et Nustar, puis ceux dont le lancement est à venir avec Hitomi, HXMT, Einstein Probe et NICER, sachant que certains de ces télescopes couvrent aussi l’ultra-violet et que nombre de télescopes vus dans la partie précédente sur les rayons gamma couvrent aussi les rayons X.

Low-Mass X-ray Binary

Les photons dans les rayons X sont émis lorsqu’un électron d’une couche externe d’un atome vient combler un trou des couches internes lorsqu’un électron en est éjecté. Comme les rayons gamma, les rayons X permettent la détection de phénomènes extrêmes autour des trous noirs, comme les LMXB (Low-Mass X-ray Binary qui associent une étoile et une étoile à neutrons), les noyaux galactiques actifs, les quasars et les pulsars. Ils permettent aussi d’étudier les éruptions solaires. Ils permettent aussi d’évaluer la taille d’un trou noir par celle de l’anneau lumineux qui est autour.

Black Holes Spin Measurement

Les télescopes à rayons X utilisent généralement un système de miroirs concentriques paraboliques et hyperboliques de type Wolter 1 adaptés à la focalisation des rayons X sur un plan de focale. Pourquoi un tel montage que l’on dénomme miroir de Bragg ? Parce que des miroirs traditionnels et orthogonaux à la source de lumière absorberaient les rayons X. Pour l’éviter, il faut qu’ils arrivent sur les miroirs avec une forte incidence, au minimum 89° et pour des rayons de moins de 10 keV. Le principe est décrit dans des schémas plus loin pour XMM-Newton et Chandra.

La seconde particularité de ces télescopes concerne leurs capteurs CCD. Comme l’énergie des photons en rayons X est élevée, les photos sont très énergiques mais plus rares. Les temps d’exposition n’ont donc pas besoin d’être longs. Les temps d’exposition longs pour détecter les faibles sources de rayons X, et sans générer de surexposition, sont obtenus avec une succession de temps d’exposition courts. Les capteurs CCD enregistrent la position, l’énergie et la position dans le temps de chaque photon X reçu en fonction de l’indice de l’exposition l’ayant généré. Comme le temps de lecture des CCD peut être un facteur limitant, celui-ci est réduit en limitant la surface d’exposition à la zone d’intérêt, éventuellement détectée par un télescope dans le visible adjoint au télescope rayon X. Les capteurs à rayons X génèrent beaucoup de bruit qu’il faut arriver à distinguer du signal utile. Les statistiques entrent alors en ligne de compte. L’augmentation des temps de pose sert aussi à augmenter le rapport signal utile sur bruit.

La captation de rayons X peut être aussi réalisée avec des calorimètres, dont le principe est voisin de celui des bolomètres que nous avons étudiés dans la partie sur les radiotélescopes. Ce sont des thermistances qui chauffent en fonction de l’énergie reçue par les photons X. Dans la pratique, elles ne sont pas exploitées, l’une des raisons étant le besoin de cryogénisation à 0,1K qui utilise trop de consommable comme de l’hélium liquide.

XMM-Newton (2000 – 2018)

Ce télescope de l’ESA (X-ray Multi-Mirror Mission) est capable de réaliser simultanément des observations dans le visible, les ultra-violets et dans les rayons X, y compris de la spectroscopie des rayons X. Il étudie les régions de formations d’étoiles, la formation et l’évolution des amas de galaxies, l’environnement des trous noirs super massifs ainsi que la cartographie (indirecte) de la matière noire.  Il comprend plusieurs miroirs pour alimenter ses instruments.

Il a été lancé fin 1999 en orbite elliptique avec une périgée de 838 km et une apogée de 112 473 km durant environ 48 heures et est opérationnel depuis juin 2000. Cette orbite permet d’avoir des périodes d’observation de 40 heures d’affilée. Il représente un budget de près de 700 Md€. Donné pour fonctionner deux à trois ans, sa mission a été plusieurs fois étendue du fait de la bonne santé des instruments, des panneaux solaires et de ses réserves en carburant de positionnement. C’est une forme d’underpromise/overdeliver courante avec les télescopes spatiaux.

ESA_XMM-Newton_625

Le télescope fait 10,8 m de long et une envergure de 16,16 m avec ses panneaux solaires déployés. Il pesait 3764 kg au lancement. Il est orientable dans toutes les directions pour gérer ses observations avec une précision de 0,25 arcsecondes, à la vitesse d’escargot de 90° par heure. Il communique avec la Terre en bande S. Les source des illustrations sont dans le XMM-Newton Users Handbook.

XMM-Newton Ecorche

XMM-Newton comprend en fait quatre optiques distinctes qui alimentent six instruments pouvant fonctionner simultanément. Trois optiques sont dédiées aux rayons X et une au visible et à l’UV. Les trois optiques à rayons X sont basées sur un système de 58 miroirs concentriques de type Wolter 1 (ci-dessous). Ces miroirs sont en aluminium recouvert d’une couche d’un quart de micron d’or puis de nickel.

XMM-Newton Mirrors

Deux de ces systèmes alimentent à la fois une caméra EPIC et un spectrographe RGS. Le troisième alimente une caméra EPIC pour les rayons X à haute énergie. Dans le détail :

  • Les trois EPIC (European Photon Imaging Camera) utilisent deux sortes de capteurs CCD et une roue à six positions avec quatre filtres transparents aux rayons X, une totalement ouverte et une totalement fermée, pour les tests de calibrage qui exploitent aussi une source radioactive. Deux capteurs MOS-CCD sont dédiés aux rayons X à basse énergie et comprennent sept capteurs CCD de 600×600 pixels de 40 microns leur donnant une résolution totale de 2,5 mpixels. La troisième caméra détecte les rayons X à haute énergie avec 12 capteurs CCD montés sur un seul chipset et totalisant 145 000 pixels de 150 microns sur 36 cm2. Elle est montée sur le télescope qui n’est pas doté de spectrographe RGS. Les deux EPIC identiques servent à la tolérance de pannes, un point clé dans les satellites. Et elle fut bien utile car l’un des capteurs CCD fut endommagé en 2005, handicapant partiellement l’un des EPIC.

XMM-Newton X-ray Mirrors  XMM Newton X Ray CCD

  • Deux RGS (Reflection Grating Spectrometers) analysent par spectrographie les rayons X reçus par deux des trois télescopes à rayons X selon le montage optique présenté ci-dessus. Ils servent à déterminer la composition des objets observés, notamment en carbone, azote, oxygène, néon, magnésium, silicium et fer. Les caméras utilisent neuf MOS-CCD de 384×1024 montés de manière incurvée, ce qui donne 3,5 mpixels en tout. La résolution spectrale est moyenne avec de 200 à 800 raies spectrales.

XMM Newton X-ray CCD EPIC et RGS

  • Un OM (Optical Monitor), un petit télescope indépendant avec un miroir de 30 cm couvrant le visible et l’UV, de 170 à 650 nm. La lumière traverse un filtre sélectionné dans une roue en comprenant 11 dont un grisme permettant de faire de l’interférométrie, puis un intensifieur de lumière qui l’amplifie un million de fois. Le CCD fait 2Kx2K pixels. Ce système permet l’identification simultanée d’objets dans les rayons X et le visible.

Les instruments sont refroidis de manière passive avec des radiateurs pour éviter les effets des radiations ionisantes sur les capteurs CCD en plus de celles du dark current habituel. La température de refroidissement compris entre -120°C et -110°C a été sélectionnée après des tests de performance à différentes températures.

Et voilà ce que cela donne en pratique avec un exemple d’image en rayons X générée avec deux caméras EPIC et un spectre de reste de supernova générée avec un spectrographe RGS.

XMM-Newton - exemples Imagerie et spectrographie rayons X

XMM-Newton a permis la découverte d’un magnétar, dénommé 3XMM J185246.6+003317. Qu’est-ce donc qu’un magnétar ? Il s’agit d’un type particulier d’étoile à neutrons qui présente un champ magnétique ultra intense et dont l’existence a été suggérée en 1992 par Robert Duncan et Christopher Thompson. Ce type d’étoile se constituerait environ une fois sur dix lors de l’implosion d’étoile en étoiles à neutrons lors de supernovas. Ce champ a un impact sur les rayons gamma et X émis. Ces étoiles à neutrons font environ 20 km de large et ont une masse d’environ 2 à 3 fois celle du Soleil. Ils tournent plus lentement sur eux-mêmes que les étoiles à neutrons habituelles, avec une période de une à dix secondes alors que celle des étoiles à neutrons peut descendre jusqu’à quelques dizaines de millisecondes.

Cela génère un champ magnétique caractéristique détectable via les rayons gamma et X émis. Un magnétar décline en environ 10 000 ans au bout desquelles le champ de rayons X décline. Il y aurait plus de 30 millions de magnétars inactifs dans la Voie Lactée. Il y a même des sortes de tremblements d’étoiles dans les magnétars qui génèrent des sursauts de rayons gamma. Dans les magnétars, les photons X se séparent en deux ou fusionnent. Le magnétisme polarise les rayons X et gamma. Les atomes sont déformés et s’allongent. Bref, ne comptez pas sur la vie pour y prospérer ! Elle y serait pulvérisée, ce même des milliers de kilomètres avant de se rapproche d’un magnétar ! A ce jour, on a identifié quelques dizaines de magnétars, en associant les données de télescopes spatiaux opérant dans les rayons gamma et X ainsi que des télescopes terrestres.

SUZAKU (2001- 2015)

Suzaku est un télescope à rayons X japonais aussi dénommé ASTRO-E2. Mouton noir du secteur, son lancement avait été raté en février 2000 après l’explosion de la fusée M-V-4. C’est une copie du télescope qui fut lancée en 2001. Il est doté de quatre télescopes rayons X avec caméras CCD et d’un détecteur de rayons X à haute énergie (HXD) allant de 10 à 600 keV. Il était aussi doté d’un calorimètre permettant une mesure précise des rayons X mais celui—ci n’a jamais marché.

Suzaku

Chandra (2011 – 2016+)

Chandra est un télescope à rayons X de la NASA qui est toujours en activité. Il est aussi sur orbite elliptique, avec une périgée assez éloignée de la terre, à 16 000 km, et une grande apogée de 133 000 km. Cela lui procure une capacité d’observation continue de 55 heures, sur les 65 heures de durée de son orbite. Il pesait environ 6 tonnes au lancement dont une d’hydrazine et de peroxyde d’azote qui servent à ses propulseurs d’ajustement d’orbite.

Chandra

Le télescope utilise un système unique de miroirs Wolter 1 à quatre couches concentriques, faites de verre Zerodur de 2 cm d’épaisseur avec un revêtement en iridium. Leur diamètre respectif est de 65, 87, 99 et 123 cm (cf le schéma ci-dessous). L’épaisseur de ces miroirs, bien plus grande que celle des miroirs en aluminium du XMM-Newton lui confère une meilleure stabilité et permet au télescope d’obtenir une excellente résolution. Par contre, cela se fait au détriment de la couverture du champ de vision par le télescope. En gros, c’est un compromis résolution contre sensibilité. Mais le polissage des miroirs doit être des plus précis, avec une tolérance d’à peine un nanomètre, bien plus exigeante que celle des grands miroirs de télescopes terrestres dans le visible.

Slide32

Il est doté d’une résolution angulaire de 0,5 arcsecondes à comparer avec les 15 arcsecondes des caméras EPIC du XMM-Newton. Cette résolution provient notamment de la caméra utilisée, faite de 69 millions de nanotubes de verre en oxyde de plomb qui amplifient les électrons générés. Le télescope est aussi équipé d’un spectrographe (ACIS), à base d’une dizaine de CCDs plus classiques.

Il s’oriente comme tous les satellites avec des roues, ici, qui sont 6. Enfin, il envoie ses données à la Terre à une vitesse maximale de 1 Mbits/s sachant qu’il peut emmagasiner 16 heures d’observations dans sa mémoire royale de plus de 2 Go !

Voici un exemple d’utilisation de Chandra, l’observation du centre de la Voie Lactée, issu de la conférence Le trou noir au centre de notre Galaxie, de Françoise Combes, donnée au Collège de France.

Centre Voie Lactee vu par Chandra

NuSTAR (2012 – 2018)

Le Nuclear Spectroscopic Telescope Array de la NASA observe les rayons X les plus énergétiques, de 6 à 79 keV, en complément des capacités d’observation de XMM-Newton et Chandra qui sont focalisés sur les rayons X faiblement énergétiques. Il est dédié à l’évaluation de la masse des trous noirs de la Voie Lactée et à la cartographie des explosions récentes de supernovas. Il détecte aussi les sources d’énergie les plus puissantes de la Voie Lactée : les trous noirs super massifs et les magnétars.

NuStar Xray Observatory

NuSTAR exploite deux optiques de type Wolter-I avec 133 miroirs paraboliques et hyperboliques cylindriques concentriques. Il est équipé de capteurs en tellurure de cadmium-zinc à haute sensibilité. Pourquoi donc est-il séparé en deux parties reliées par une sorte d’échafaudage d’une dizaine de mètres de long ? Parce que la première contient le miroir Wolter 1 et l’autre les récepteurs avec une longueur de focale très longue.

Contrairement à XMM-Newton et Chandra qui sont sur orbites elliptiques, il est placé sur orbite basse à 600 km d’altitude.

Hitomi (2016)

Egalement dénommé ASTRO-H avant son lancement, ou NeXT pour New X-ray Telescope, ce télescope japonais est placé en orbite terrestre basique à 575 km d’altitude. Il devait exploiter plusieurs télescopes à rayons X de type Wolter 1 couplés à des imageurs et spectrographes. Il couvrait les rayons X mous (0,3 à 12 keV) et durs (5 à 80 keV) ainsi que les rayons gamma mous (10 à 600 keV).

Hitomi Space Telescope

Manque de bol, son déploiement ne s’est pas passé comme prévu. Son système de navigation a mal fonctionné peu après sa mise en orbite et une cascade d’erreurs ont généré une rotation de plus en plus rapide du télescope sur lui-même, ce qui l’a démantelé et rendu hors service.

HXMT (2017 – 2021)

Ce télescope chinois a été lancé en juin 2017. Il est issu d’un partenariat technologique avec la Suisse et la Pologne. Pesant 2,5 tonnes, il est placé lancé sur orbite terrestre à 550 km d’altitude. Il est doté de trois capteurs à rayons X dans les basses, moyennes et hautes énergies.

HXMT Instruments

Il est dédié au scan de la Voie Lactée, à la recherche de sources brillantes, de sursauts rayons X associés à des étoiles à neutrons et des trous noirs. Il recherche aussi des trous noirs supermassifs et faiblement visibles. Comme nombre d’autres satellites, il s’intéresse aussi à la formation et à l’évolution des galaxies.

HXMT

Einstein Probe (2020 – 2022)

L’Einstein Probe est un projet chinois de petit télescope à rayons X destiné à l’étude des objets transitoires et variables. Il doit couvrir les rayons X mous avec deux instruments : un télescope grand angle (36° carré) de résolution spatiale et énergétique moyenne et un télescope à champ étroit de 1° carré doté d’une meilleure résolution.

Einstein Probe Instruments

Les capteurs à rayons X du télescope utilisent des concentrateurs à galette de micro-canaux. La société française Photonis a créé le capteur du télescope à champ étroit, comprenant des pixels de 20 microns dans un chipset de 4×4 cm, soient 2Kx2K pixels.

Le satellite est léger avec ses 245 kg et sera placé en orbite terrestre à 650 km d’altitude. Il ne consomme que 45 W. C’est l’équivalent d’un smartphone face à un PC de gamer, comparativement aux gros satellites listés dans ces pages.

Télescopes spatiaux dans l’ultra-violet

Peu de télescopes dédiés aux observations dans l’ultra-violet ont été lancés. Nous avons vu précédemment que nombre de télescopes dédiés aux rayons gamma et rayons X avaient aussi de quoi capter l’ultra-violet.

WSO-UV (2020 -202x)

Ce “World Space Observatory” à venir est un projet commun entre la Russie et l’Europe avec des participations de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Ukraine et de l’Italie. Le projet a été proposé en 1997 et lancé en 1999, rappelant le long terme qui a cours dans ce milieu. Il sera installé en orbite solaire sur le point de Lagrange L2.

WSO-UV Inside

Pesant 2,9 tonnes, son miroir primaire fait 1,7 m, poli avec une précision de 1 nm. C’est le premier télescope construit avec une armature principale en fibres de carbone qui lui apporte légèreté et solidité. Il enverra 1 Mbits/s de données vers la Terre, sa mémoire “buffer” locale étant de 8 Go.

Ses instruments comprennent :

  • OI (Optical Camera), une caméra dans le visible équipée de capteur CCD 4Kx4K 12 bits.
  • FGS : un système de positionnement équipé de trois capteurs de 1Kx1K pixels.
  • HRI, HSI, CFC : trois caméras dans l’UV faisant respectivement 1Kx1K, 1Kx1K et 2Kx2K pixels en couvrant l’UV de 115 à 310 microns.
  • HIRDES (High Resolution Double Echelle Spectrograph) : trois spectrographes (LSS, UVES, VUVES) couvrant les longueurs d’onde de 102 à 310 nm (UV proche). La résolution spectrale des spectrographes va de 1000 à 50 000 lignes.

D’où un plan de focale, ci-dessous, qui est bien rempli :

WSO-UV Focal Plane

Ses objectifs scientifiques comprennent l’exploration de la réionisaion de l’Univers après le big bang, la nucléosynthèse d’atomes plus lourds que l’hélium jusqu’au fer, la distribution de la matière baryonique (atomes, électrons, …), la géométrie, la structure et la croissance des trous noirs super massifs au centre des galaxies, la formation des étoiles, la composition chimique des galaxies etc. Il vise aussi à analyser la composition de l’atmosphère des exoplanètes par la méthode des transits, à la recherche de signatures d’une forme de vie quelconque, surtout carbonée. Ceci grâce au fait que la spectrographie des UV observés permet d’identifier les transitions électroniques de plusieurs molécules clés : CO2, CO, OH, O3 (ozone) et les PAH (hydrocarbures aromatiques).

LUVOIR (202x – 202y)

LUVOIR (Large UV/Optical/IR Surveyor) est un grand télescope à venir de la NASA qui couvre l’ultra-violet, le visible et l’infrarouge. Comme nombre de télescopes spatiaux, ses objectifs scientifiques sont variés, allant de la formation et de l’évolution des galaxies à celles des étoiles et planètes. Il vise surtout à améliorer notre connaissance des exoplanètes et surtout de celles qui seraient habitables selon nos critères.

LUVOIR

Ses spécifications ne semblent pas encore finalisées. Il devrait avoir un miroir primaire compris entre 9 et 15 mètres, reprenant le format du JWST, mais avec un plus grand nombre de miroirs hexagonaux le constituant. Il aurait un coronographe fonctionnant dans le visible et le proche infrarouge et doté d’un spectrographe à faible résolution spectrale (150 raies) complété d’un spectrographe à haute résolution spectrale (> 100 000 raies). Puis un LUMOS, un système d’imagerie et de spectrographie couvrant tout le spectre de l’ultra-violet. Et une caméra dans le visible et le proche infrarouge à haute définition, sorte d’upgrade du WFC3 du télescope Hubble.

Au rythme où vont les choses, la première lumière de ce télescope du futur n’arrivera pas avant la fin de la décade 2020 !

Télescopes spatiaux dans les ondes radio

Nous avons vu dans les deux parties dédiées aux radiotélescopes que ceux-ci n’ont que faire de l’atmosphère qui laisse passer quasiment intégralement les ondes radio. Alors donc, pourquoi envoyer des radiotélescopes dans l’espace ? L’une des motivations est de créer des interféromètres à très grande ouverture couplant des antennes sur Terre et une antenne dans l’espace. On peut ainsi agrandir significativement l’ouverture d’un interféromètre reposant sur des antennes placées de part et d’autre du globe terrestre, selon l’orbite retenue. Avec en cadeau, des images radio de meilleure résolution, quoique ne changeant quasiment rien côté sensibilité car celle—ci dépend de la surface cumulée des antennes.

HALCA (1997 – 2003)

Le HALCA (Highly Advanced Laboratory for Communications and Astronomy) est un radiotélescope japonais lancé dans les années 1990 et décommissionné en 2005. Il est doté d’une antenne de 8 mètres qui était utilisée dans le cadre de l’interféromètre VLBI (traité ici). C’était le premier du genre. Il était en orbite elliptique durant 6,5 heures avec une périgée de 560 km et une apogée de 21 400 km. Il fonctionnait dans les bandes de 1,6 GHz et 5 GHz, soit des longueurs d’ondes de 16 cm et 6 cm.

HALCA

Specktr-R (2011 – *)

Ce radiotélescope spatial russe de 3 660 kg explore les ondes centimétriques 0,3 cm, 1,6 cm, 5 cm, 18-25 cm et 92 cm. Il est équipé d’une antenne de 10 m qui s’ouvre avec ses 28 “pétales de fleurs” recouverts d’aluminium hautement réfléchissant. Elle alimente des récepteurs d’onde radio dits “LNA”, “Low Noise Amplifier”.

Spectr-R deploiement

Il permet de faire de l’interférométrie avec une bien meilleure résolution que HALCA grâce à son orbite elliptique atteignant 390 000 km en apogée, soit un peu plus que la distance Terre-Lune. Il transmet ses données à un maximum de 144 Mbits/s sur 15 GHz lorsqu’il est en périgée à 10 000 km de la Terre.

Planck (2009 – 2012)

Planck était un observatoire spatial de l’ESA et la NASA dont l’objectif était de cartographier les variations de température du fond diffus cosmologique dans les micro-ondes, ou rayonnement fossile, illustrant l’état de l’univers 380 000 ans après le big bang. Il faisait suite à deux télescopes dont c’était aussi la mission : COBE (années 1980) et WMAP (2001). Son instrument principal, le HFI, était bien plus précis que celui de ses deux prédécesseurs (cf la comparaison ci-dessous). Planck a été construit à Cannes – Mandelieu chez Thales Alenia Space.

Slide12

Les deux instruments de Planck sont le LFI (Low Frequency Instrument) et le HFI (High Frequency Instrument). Ils détectent l’intensité et la polarité des photons captés dans les micro-ondes allant de 30 (1 cm) à 857 GHz (300 microns) et valident le pic des ondes primordiales situé à 160,2 GHz (1,9 mm).

Le HFI était refroidi à 0,1 K pour réduire toute influence du bruit provenant de l’instrument, d’où sa durée de vie limitée par ses réserves de liquide pour la cryogénie, un refroidissement passif étant largement insuffisant pour obtenir cette température. Le télescope faisait 4,2 x 4,2 m et pesait 2 tonnes. Il consommait 1600 W générés par ses panneaux photovoltaïques. Son miroir faisait 1,5 m. Planck était positionné en orbite solaire sur le point de Lagrange L2.

Après sa collecte de données sur plusieurs années, cartographiant tout le ciel, les résultats compilés ont été publiée par étape de 2013 à 2015 (cf la grande carte d’anisotropie ci-dessous). Ils confirmèrent les principales théories sur la naissance et l’évolution et l’inflation de l’Univers, sur son âge et sa composition initiale.

Planck CMD Anisotropie 2015

L’anisotropie du fond diffus cosmologique s’explique notamment par l’accrétion de matière noire. Le décalage par effet Doppler vers le rouge ou le bleu (en fait, vers des longueurs d’onde plus grandes ou plus courtes, pas dans le visible) fournit des indications sur la dimension accrétions, et de l’ordre de seulement 1°. Ces variations s’expliquent aussi par les fluctuations quantiques des débuts de l’Univers. Les ondes gravitationnelles générées par les débuts de l’Univers polarisent les photons du fonds diffus, et cette polarisation était détectée par Planck. Elles permettent de faire ensuite le lien avec les études sur la structure en filaments des amas de galaxies.

Ceci étant, lorsque l’on améliore la résolution des recherches avec d’autres instruments, le bruit cosmologique révèle des galaxies très éloignées, remettant en cause la notion même de fonds diffus (source : cours du Collège de France 2008/2009 : “Exo-planètes, étoiles et galaxies : progrès de l’observation”, selon le programme HerMES.

CoRE (2025-2028)

Cosmic ORigin Explorer veut aller plus loin et plus précisément que Planck pour remonter aux origines de l’Univers. Il aura un miroir de 11 m et 49 bolomètres à 44 GHz, 4 à 140 GHz, 7 bolomètres multi mode à 140, 220 et 240 GHz. Il fonctionne dans les ondes millimétriques et capte leur polarisation. Il aura une faible durée de vie à cause de la cryogénisation d’une partie des instruments à 0,1K, comme Planck. Le budget de CoRE est estimé à 550 M€. Mais 2025, c’est loin. Après la fin d’un hypothétique second mandat de Donald Trump et après le JO de Paris ! C’est dire ! L’échelle scientifique dépasse de loin l’échelle politique et sportive !

_________________________

Nous n’en avons pas pour autant terminé avec les télescopes spatiaux qui sont décidément pléthoriques ! L’épisode suivant sera consacré à la recherche d’exoplanètes en passant par l’examen du satellite Kepler qui y est exclusivement dédié, puis par l’évocation de la fameuse équation de Drake, celle de Sara Seager et enfin, du paradoxe de Fermi sur l’absence de rencontre avec des extraterrestres. Vous remarquerez que je n’ai pas passé en revue les différentes sondes spatiales qui ciblent le Soleil ou les planètes du système solaire. C’est volontaire ! Je m’intéressais à ce qui permet d’explorer l’espace au-delà du système solaire. Nous allons aussi zapper la détection des ondes gravitationnelles qui a bien alimenté l’actualité en 2015.
_____________________________

Voici les pointeurs sur les douze épisodes de cette série dans leur ordre de parution :

De l’astronomie à l’entrepreneuriat : l’Univers
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes terrestes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : grands télescopes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes géants
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : radiotélescopes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : interféromètres
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans le visible
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans l’infrarouge
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans les rayons gamma, X et UV et ondes radio
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : les exoplanètes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : entrepreneurs

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img

Publié le 14 août 2017 et mis à jour le 27 août 2017 Post de | Actualités | 15062 lectures

PDF Afficher une version imprimable de cet article     

Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :


 

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img


Ajouter un commentaire

Vous pouvez utiliser ces tags dans vos commentaires :<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong> , sachant qu'une prévisualisation de votre commentaire est disponible en bas de page après le captcha.

Last posts / derniers articles

Free downloads

Understanding Quantum Technologies 2023, a free 1,366 pages ebook about all quantum technologies (computing, telecommunications, cryptography, sensing) also available in paperback edition on Amazon:

image

Free downloads

Understanding Quantum Technologies 2023 Short version, a 24 pages with key takeaways from the eponymous book.

image

Voir aussi la liste complète des publications de ce blog.

Derniers albums photos

Depuis juillet 2014, mes photos sont maintenant intégrées dans ce site sous la forme d'albums consultables dans le plugin "Photo-Folders". Voici les derniers albums publiés ou mis à jour. Cliquez sur les vignettes pour accéder aux albums.
albth
QFDN
Expo
791 photos
albth
Remise Légion d'Honneur Philippe Herbert Jul2021
2021
15 photos
albth
Vivatech Jun2021
2021
120 photos
albth
Visite C2N Palaiseau Mar2021
2021
17 photos
albth
Annonce Stratégie Quantique C2N Jan2021
2021
137 photos
albth
Maison Bergès Jul2020
2020
54 photos
albth
Grenoble Jul2020
2020
22 photos

image

Avec Marie-Anne Magnac, j'ai lancé #QFDN, l'initiative de valorisation de femmes du numérique par la photo. Elle circule dans différentes manifestations. L'initiative rassemble près de 800 femmes du numérique (en janvier 2022) et elle s'enrichit en continu. Tous les métiers du numérique y sont représentés.

Les photos et les bios de ces femmes du numérique sont présentées au complet sur le site QFDN ! Vous pouvez aussi visualiser les derniers portraits publiés sur mon propre site photo. Et ci-dessous, les 16 derniers par date de prise de vue, les vignettes étant cliquables.
flow
Gaëlle Rannou
Gaëlle est étudiante à 42 Paris et tutrice de l’équipe pédagogique (en 2021).
flow
Jehanne Dussert
Jehanne est étudiante à l'école 42, membre d'AI For Tomorrow et d'Open Law, le Droit ouvert. Elle est aussi fondatrice de "Comprendre l'endométriose", un chatbot informant sur cette maladie qui touche une personne menstruée sur 10, disponible sur Messenger. #entrepreneuse #juridique #santé
flow
Chloé Hermary
Chloé est fondatrice d'Ada Tech School, une école d'informatique alternative et inclusive dont la mission est de former une nouvelle génération de talents diversifié à avoir un impact sur le monde. #entrepreneuse #formation
flow
Anna Minguzzi
Anna est Directrice de Recherche au CNRS au Laboratoire de Physique et Modélisation des Milieux Condensés (LPMMC) à Grenoble. #quantique
flow
Maeliza Seymour
Maeliza est CEO et co-fondatrice de CodistAI, qui permet de créer une documentation du code informatique par une IA.
flow
Candice Thomas
Candice est ingénieure-chercheuse au CEA-Leti, travaillant sur l’intégration 3D de bits quantiques au sein du projet Quantum Silicon Grenoble. #recherche #quantique
flow
Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
flow
Sabine Keravel
Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
flow
Céline Castadot
Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
flow
Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
flow
Emeline Parizel
Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
flow
Elvira Shishenina
Elvira est Quantum Computing lead chez BMW ainsi que présidente de QuantX, l'association des polytechniciens du quantique. #quantique
flow
Marie-Noëlle Semeria
Marie-Noëlle est Chief Technology Officer pour le Groupe Total après avoir dirigé le CEA-Leti à Grenoble. #recherche
flow
Gwendolyn Garan
Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
flow
Alexandra Ferreol
Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
flow
Ann-elfig Turpin
Ann-elfig est étudiante en deuxième année à Lisaa Paris Jeux Vidéos (Technical artist, 3D artiste), année scolaire 2019/2020. #création #jeuvidéo

Derniers commentaires

“[…] to Olivier Ezratty, author of Understanding quantum technologies 2023, the challenge for Europe is to position itself outside of where the US and China are likely end up...”
“Désolé, je suis passé à l'anglais en 2021 sans revenir au français. Traduire un tel ouvrage (1366) pages d'une langue à l'autre est un travail herculéen, même avec des outils de traduction automatique. Sachant...”
“Je suis un artiste conceptuel, certes je garde la grande majorité de mon travail dans ma tête par défaut d'un grand mécène. Mon travail de base se situe sur le "mimétisme" qui mène aux itérations et de nombreux...”
“Better than a Harry Potter! Thanks Olivier...”
“J'ai bien aimé le commentaire sur le film Openheiner avec l'interrogation du chercheur sur l'utilisation de ses découvertes. En continuation de ces propos, je propose d'écouter le débat suivant qui m'a semblé...”

Abonnement email

Pour recevoir par email les alertes de parution de nouveaux articles :


 

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img