Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

Roland Garros 4K troisième

Post de Olivier Ezratty du 4 juin 2015 - Tags : Mobilité,Startups,TV et vidéo | 10 Comments

Pour la quatrième fois après 2011, 2013 et 2014, j’ai fait un tour à Roland Garros à l’invitation de France Télévisions et de son G.O. d’innovations numériques Bernard Fontaine.

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Le cour Philippe Chatrier où étaient installées les caméras 4K comme chaque année. Avec des Sony F55 ainsi que les nouvelles Grass Valley LDX86 utilisant un capteur 2/3 pouces, standard dans le broadcast jusqu'à présent.

L’exercice de style mérite d’être souligné : les équipes de France Télévisions valorisent à cette occasion une bonne part de l’écosystème technologique français de la télévision numérique et même au-delà. A chaque fois, je découvre de nouvelles startups du secteur. C’est presque de “l’innovation ouverte citoyenne” ! Cette fois-ci, pas de Maria Sharapova pour alimenter mon objectif : elle venait de se faire éliminer en huitième de finale juste avant mon arrivée sur place !

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Le stand de France Télévisions est situé comme chaque année dans le RG Lab en sous-sol. Les autres exposants ? Surtout Babolat et Engie.

Nouveautés dans la 4K

Pour la troisième fois, la part belle était faite à la captation de matches en 4K et il est très intéressant d’observer les évolutions de ce point de vue-là d’une année sur l’autre.

En 2013, c’était la première captation live des caméras à la régie. La partie technique était gérée par AMP Visual. La captation utilisait des caméras Canon C500. Des flux montés étaient diffusés sur Eutelsat. L’encodage était réalisé avec une solution d’ATEME en MPEG4/H264.

En 2014, la captation 4K était complétée par une diffusion en direct sur des canaux broadcasts : la TNT en DVB-T2 via les émetteurs de TDF de la Tour Eiffel et via satellite. Le tout s’accompagnait d’une compression en direct en HEVC/H265 avec des encodeurs ATEME, BBright et Envivio. Un encodage et une diffusion locale en IP/Ethernet était aussi en place au sein du RG Lab. La captation était réalisée avec des caméras Sony F55 et par Euromedia France.

En ce mois de juin 2015, quoi de neuf docteur ? La captation était réalisée intégralement avec les moyens techniques de France Télévisions et notamment un car régie récent adapté pour gérer à la fois de la HD et de la 4K. C’est un point clé car l’appropriation de la 4K par les équipes de production des chaines est un passage obligé pour son adoption.

A ce jour, France Télévisions semble le premier à faire cela dans un événement extérieur. TF1 a bien réalisé des tests de captation 4K, notamment de production de documentaires, mais pas encore pour du “live” et avec ses propres moyens de production. En 2013, ils montraient toutefois une démonstration de captation en replay de l’émission “The Voice”, tournée avec des caméras Sony. Côté M6 et Canal+, c’est pour l’instant le grand silence radio.

Autres nouveautés de ce Roland Garros : la captation et la diffusion en 50p (vs 25 images/secondes les années précédentes), une diffusion en différé de matches en 4K sur YouTube puis un test de post-production en HDR.

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La zone des CCU (Camera Control Units) du car régie de France Télévisions avec la réception de signaux 4K. Le car est équipés en connectique SDI 3 gbits/s adaptable à la HD et à la 4K. Reste à passer à la fibre optique !

Pour la diffusion TNT, l’encodage était réalisé en 50p (images / secondes) avec une solution d’Envivio à 22 mbits/s avec un son en Dolby AC4 en 5.1 canaux, le résultat étant présenté sur un TV Samsung via une set-top-box utilisant un chipset STMicroelectronics, semble-t-il une première mondiale. Par comparaison, la TNT en HD utilise actuellement 8 mbits/s en DVB-T1. La diffusion était toujours réalisée à partir de la Tour Eiffel par TDF. Donc, pour les franciliens !

De son côté, la diffusion satellite via Eutelsat n’était plus réalisée sur un canal expérimental mais dans l’offre commerciale du bouquet Fransat, qui est reçu par deux millions de foyers, notamment en zone blanche de la TNT. Elle pouvait être reçue par les abonnés à ce service qui disposent d’une carte de protection des contenus à la norme CI+ qu’ils enfichent dans une TV 4K. Le décodage via la norme DVB-S2 est réalisé directement par la TV. Il n’est pas nécessaire d’avoir une set-top-box dédiée ! Au passage, la prise de son utilisait une captation binaurale et un encodage Fraunhoffer qui permet de reconstituer la perception spatiale humaine dans un casque. A noter que l’encodage a été réalisé avec les solutions d’ATEME et de Thomson Video Networks chez TDF comme Eutelsat.

La diffusion en IP et OTT (hors canaux broadcast traditionnels) était réalisée tout d’abord en local vers une set-top-box de Technicolor exploitant un chipset UHD STiH418 de STMicroelectronics qui décode à la fois la 4K aux formats HEVC et VP9. La diffusion sur le réseau local de la FFT passait par un encodage BBright à 16 mbits/s et 10 bits (vs 8 bits en 2014). Ces contenus étaient aussi diffusés à la demande sur YouTube et au format VP9. Celui-ci était reçu sur une TV Samsung de génération 2015, les seules à le supporter chez ce constructeur (et les autres constructeurs d’ailleurs). L’image résultante sur YouTube est parfaite… sauf l’interface utilisateur de YouTube sur la TV connectée qui a l’air d’être en 720p.

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La box expérimentale 4K de Technicolor exploitant un chipset de STMicroelectronics.

Le test HDR (high dynamic range) pour améliorer la dynamique de luminosité entre les noirs et les blancs était réalisée avec captation RAW sortie de caméras Sony F55 puis post-production sur PC tournant sous Windows et avec la solution de montage DaVinci Resolve. L’expérimentation a été montée avec les équipes de l’initiative 4ever qui est pilotée par Orange et menée avec la société de production Atmosphère Production. Le résultat était présenté sur deux moniteurs Sony Trimaster 4k BVMX300 (à 30 K€ la pièce) : l’un avec la vidéo enregistrée en dynamique standard et l’autre en HDR. Et la différence se voyait bien ! L’image HDR était aussi présentée sur une TV Sony HDR de 75 pouces, modèle “juillet 2015”. Dans les deux cas, le résultat était probant avec un très bon rendu malgré l’ambiance très lumineuse du RG Lab.

Autre démonstration, le couplage TNT+Internet utilisant la prochaine version 2.0 de HbbTV qui permet de coupler sur l’écran des programmes broadcastés de manière traditionnelle et des contenus issus d’Internet. L’idée est de récupérer des contenus en 4K via Internet lorsque leur équivalent n’est diffusé qu’en HD en TNT. Cela fonctionne pour du live et pour des contenus enregistrés. La version 4K est récupérée dans le cache de la TV, via un stockage externe en USB.

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Voici comment via une popup HbbTV 2.0 l'utilisateur accédera à la version 4K des contenus diffusés sur canaux traditionnels en HD.

Il y aura environ 1,2 million de TV 4K fin 2015 en France. Cela commencera à compter ! Il est donc temps que les fournisseurs de contenus proposent des contenus à la hauteur. D’ici 2016, nous devrions voir les annonces se multiplier. Free a déjà lancé sa Freebox Mini 4K en mars 2015… sans contenus, ni même le support des vidéos 4K de YouTube au lancement ! TF1 a annoncé la diffusion prochaine de documentaires 4K en OTT. Canal+ pourrait faire une annonce de nouvelle box 4K le 10 juin prochain. Orange devrait présenter sa box 4K avant la fin de l’année 2015 pour la diffuser début 2016. Chez Numericable, dont la maison mère Altice est surtout prise d’une grosse fringale d’acquisitions à l’étranger, pas d’annonce ou de pré-annonce en vue de chaînes 4K.

Enfin, les premiers lecteurs de DVD Bluray 4K devraient être annoncés au prochain CES 2016, le standard associé ayant été finalisé en avril 2015. Ca vient, ça vient !

Mais la 4K n’était pas la seule thématique des démonstrations présentées sur le stand de France Télévisions à Roland Garros.

Captation 360°

La captation de vidéos à 360° n’est pas une nouveauté en soit. Mais sa mise en œuvre dans l’expérimentation de Roland Garros valait le détour. Elle était réalisée avec des caméras du lillois Giroptic (j’avais raconté leur aventure après un passage chez Euratechnologies en septembre 2014). Et ce choix d’une solution française n’était pas juste fait pour valoriser une startup française. Il se trouve que la solution de Giroptic est la plus compacte et versatile du marché. France Télévisions a ainsi pu installer cette Giroptic sur une chaise d’arbitre dans le cour Philippe Chatrier ainsi que sur un lampadaire dans les allées de Roland Garros. Comme il s’agissait encore d’une présérie (la version commercialisable doit arriver d’ici l’été), elle a été “durcie” avec une méthode McGyver : avec du joint en téflon complété d’un mastic transparent de plombier ! Histoire de résister à la pluie qui tombe régulièrement sur Roland Garros chaque année.

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La caméra Giration posée sur un lampadaire et entourée de teflon blanc pour résister au climat breton de Roland Garros !

Les vidéos captées sont “stitchées” directement dans la caméra Giroptic et extraites via le protocole RTSP (utilisé dans l’IPTV). Le tout est envoyé dans un serveur d’encodage Elemental et un serveur de diffusion, le tout occupant presque un rack complet. La vidéo est alors consommable dans une application mobile de France Télévisions Sports, à la fois en direct et à la demande.

L’immersion 360°

D’autres démonstrations envoyaient de la réalité immersive 360° stéréoscopique sur des Google Carboard, leur équivalent Samsung (Gear VR) et sur un kit de développement DK2 d’Oculus Rift avec du live et du replay de Roland Garros. Le tout dans une application dédiée développée sur iOS et Android.

La startup Catopsys (basée à Clermont Ferrand) présentait des démonstrations d’images 360° dans un showroom utilisant deux projecteurs vidéo envoyant leur image sur un miroir en demi-sphère au plafond. Ils ont développé le logiciel qui prépare les images pour les envoyer vers ces projecteurs et s’adapter au modèle 3D de la pièce. Ils vont lancer une campagne Kickstarter pour une solution intégrant leur logiciel et un projecteur vidéo associé. Le marché visé est celui des gamers. Dans les démonstrations, une utilisation de Google StreetView qui fonctionnait très bien ainsi qu’un jeu réalisé avec le SDK Unity 3D.

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La TV dans la voiture automatique

Comme chaque année, le stand de France Télévisions comprend une démonstration liée à l’automobile. L’année dernière, nous avions une voiture avec des composants “open source” d’origine italienne. Cette années, PSA présentait un concept de consommation de contenus TV sur le pare-brise (en mode “viseur tête haute”) sur voiture à conduite automatique ou assistée.

Il est évident que l’émergence progressive des véhicules à conduite automatique rendra ce scénario courant. Que ce soit pour consommer de la TV, des vidéos ou faire des visio-conférences. Reste à savoir si l’affichage sur le pare-brise est la solution la plus élégante. Surtout dans la mesure où la semi-réflexion sur le pare-brise est imparfaite, ne serait-ce qu’au niveau de la dynamique et des couleurs.

De deux choses l’une : soit on peut faire confiance à la voiture et on n’a pas besoin d’avoir l’œil rivé sur la route, soit on ne peut pas lui faire confiance et dans ce cas-là, il ne vaut mieux pas être perturbé par une vidéo quand on surveille la route. Cela ne ferait qu’empirer le phénomène qui existe déjà avec les kits main libre audio.

Alors, où serait l’écran le plus adapté dans une voiture ? Un grand écran comme le 17 pouces de la Tesla S, mais en mode landscape au lieu d’être en mode portrait ? Un écran dans la console face au conducteur ? Ca doit gamberger chez les constructeurs !

L’analyse automatique des matches

La startup parisienne Mojjo présentait une solution d’intelligence artificielle d’analyse des mouvements de la balle du matche de tennis. L’utilité ? Générer de la data et permettre de reconstituer une timeline pour la diffusion du match en replay. Cela permettrait même de générer des commentaires automatiques. Encore un truc à uberiser les journalistes !

Sachant que ce genre de solution pourrait être complétée par l’usage d’un circuit intégré dans des raquettes de tennis comme celles de Babolat, capable de capter 13 paramètres de jeu. Le tout était exploité par un logiciel mobile développé par la startup Push-pull.TV. C’est sympa mais reste un usage de niche. Il faudrait adapter ces techniques aux sports américains, car ce marché est assez vorace en données par rapport au marché français !

Autres technologies mises en oeuvre à Roland Garros

France Télévisions n’est pas seul à mettre en place de nouvelles technologies. Black Magic avait installé un mur d’image de six écrans Multiview 16s dans la salle médias pour le compte de la Fédération Française de Tennis qui organise le tournoi.

Dans le ciel circulaient toujours les caméras installées par ACS France dont une toujours habillée aux couleurs d’un Airbus Emirates et dotée d’une nouvelle tête allégée Shotover F1 (ci-dessous) qui a aussi servi au tournage de James Bond Spectre pour des vues prises d’hélicoptère à Rome (la poursuite en voiture…).

Shotover F1

 

J’ai même pu voir une belle infographie en 4K sur le stand de Babolat qui présentait les résultats d’usage de sa raquette connectée Babolat Play utilisée par Nadal !

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Prochain épisode pour France Télévisions ? Comme chaque année, une bonne partie des démonstrations faites à Roland Garros sera présentée à Futur en Seine dans l’église du CNAM à Paris. Avec un contenu adapté : un documentaire 4K réalisé pour Futur en Seine présentant des startups, tourné par Atmosphere Productions qui a aussi réalisé quatre autres documentaires pour France 5 et qui seront diffusés en TNT en 4K en DVB-T2 (toujours sur Paris via l’émetteur de la Tour Eiffel).

RRR

 
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