Après une première partie débroussaillant le sujet des réseaux M2M et faisant la part belle à LoRA et à Sigfox, passons aux autres standards et solutions dans ce marché très divers avec Weightless-N, Qowisio, les réseaux mesh avec notamment Wirepas, les réseaux M2M 3GPP, les réseaux propriétaires divers, les déploiements de compteurs intelligents en France, etc.

Nous terminerons avec quelques réflexions sur les modèles économiques et d’intégration de ce secteur.

Weightless-N

Il s’agit d’une spécification radio de réseau M2M dont l’écosystème est structuré comme celui de LoRA : principalement autour d’un concepteur de chipsets radio, l’anglais NWave, mais avec une approche technologique voisine de celle de Sigfox, basée sur l’usage de bandes de fréquences UNB (Ultra Narrow Band) libres de droit.

Sur le papier, la spécification est réalisée par un consortium industriel regroupant Accenture, ARM, Cable & Wireless, Qualcomm et Neul, une startup du Royaume-Uni d’une trentaine de personnes acquise par Huawei en 2014 pour $25m. Freescale fait aussi partie des supporters de Weightless-N.

Au départ avait été spécifié le Weightless-P, devant utiliser les bandes de fréquence issues du dividende numérique, libérées par la fin de la TV analogique. Mais leur libération effective par les états ayant pris du retard, l’alliance s‘en est détournée pour se focaliser sur les bandes de fréquence libres. Le standard Weightless-N a été publié en mai 2015. La promesse ? Des chipsets de moins de $2 et une portée de 10 km en ville, en ligne avec celle des stations de base LoRA et Sigfox.

Contrairement aux réseaux LoRA et au réseau Sigfox, Weightless-N n’est pas encore déployé. Son côté très ouvert pourrait le rendre attractif en Asie, à commencer par la Chine, et notamment du fait de la participation de Huawei dans les spécifications. Je n’ai pas trouvé de traces de projets s’appuyant dessus en France ou ailleurs.

Qowisio

La startup d’Angers Qowisio lance un réseau M2M concurrent à la fois de Sigfox et de la technologie LoRA. Elle a annoncé en juin 2015 une levée de fonds de 10 m€ auprès d’investisseurs de l’ouest de la France : Ouest Croissance, Go Capital et Pays de la Loire Développement, accompagnés par BNP Paribas Développement.

Qowisio s’appuie comme Sigfox sur une technologie radio “Ultra Narrow Band” pour son réseau M2M. Elle est ici propriétaire et non documentée. La société s’appuie sur un lab ouvert aux développeurs dans la nouvelle Cité de l’Objet Connecté d’Angers, inaugurée par François Hollande en juin 2015.

La startup créée en 2009 a choisi une stratégie encore plus intégrée verticalement que celle de Sigfox. A savoir que Qowisio est à la fois opérateur, créateur de  son propre protocole propriétaire et fournisseur des capteurs pour objets connectés et de matériels divers. Ses capteurs intègrent une solution “d’energy harvesting” pour leur source d’énergie. La solution est également bidirectionnelle.

Qowisio architecture

Ils s’appuient sur une expérience acquise en Afrique et au Moyen-Orient qui leur a permis de réaliser un CA cumulé de 9 m€ depuis leur création, en particulier dans le secteur de l’énergie et du “smart metering” industriel. Ce CA était généré avec la mise en place de solutions s’appuyant sur des réseaux traditionnels 2G/3G, Zigbee et terrestres (cf cette présentation). Ils prévoient maintenant de déployer plus de 1500 antennes de réseau M2M en France d’ici fin 2015. Cela ajoutera un protocole radio de plus à leur arc, sans probablement nécessiter de tout revoir dans les couches applicatives métiers.

Finalement, Qowisio joue le rôle d’intégrateur de solutions pour des clients industriels de marchés verticaux. Il fournit une solution clé en main. La partie “réseau M2M” de son offre semble considérée comme une commodité à un coût d’investissement accessible, donc ils vont jusqu’au bout. Qowisio et le cluster d’objets connectés d’Angers peut s’appuyer sur la présence dans la région de quatre EMS (Electronic Manufacturing Service, des sous-traitants de fabrication de matériel électronique) du Top 50 mondial : Eolane, Asteel, All Circuits et Lacroix. Des micro-Foxconn ou Flextronics en quelque sorte !

Ceci étant, in fine, l’histoire du numérique a montré que les plateformes avec le plus grand écosystème faisaient régulièrement la peau des solutions trop intégrées verticalement. Qowisio était rentable ces dernières années alors qu’un Sigfox est pour l’instant un tonneau des Danaïdes à cash. Mais ce dernier pourrait “scaler” bien plus loin que le premier. Une seule exception bien connue : Apple qui, malgré le fait qu’Android est maintenant plus utilisé qu’iOS dans la mobilité, capte l’essentiel de la valeur (marge) de ce marché. Mais n’est pas Apple qui veut !

Réseaux mesh M2M

Tous les réseaux M2M que nous avons évoqués sont architecturés en mode “étoile” avec des objets connectés reliés à des antennes ou stations de base, elles-mêmes reliées aux infrastructures Internet. Il existe une autre architecture pour créer un réseau sans fils, les réseaux “mesh”. Ce sont des réseaux où chaque objet connecté est à la fois émetteur et antenne relais. C’est l’équivalent dans les ondes radio du “peer to peer” dans la transmission de données sur Internet avec des logiciels type BitTorrent. Ces technologies mesh permettent en théorie de se passer d’une infrastructure lourde d’antennes relais ou de concentrateurs d’antennes relais.

Ce marché du mesh M2M semble être une spécialité des pays nordiques. On ne compte pas moins de trois acteurs spécialisés dans le domaine, chacun dans un des pays scandinaves : Wirepas (Finlande), Connode (Suède) et TinyMesh (Norvège). Il ne manque que le Danemark à l’appel ! Dans ces trois cas, l’offre relève du logiciel, mais avec des modèles de commercialisation légèrement différents. Pourquoi cette spécialité ? Parce que les fournisseurs d’électricité et autres utilities ont à gérer une spécificité géographique particulière : des pays assez grands, faiblement denses en habitants et au terrain assez accidenté. Ce qui ne facilite pas les relevés de consommation. Les utilities de ces pays ont donc mis en place très tôt des solutions de télé-relevés de consommation. Ils ont d’ailleurs essuyé des plâtres, notamment autour de solutions à base de courants porteurs (CPL). Par ailleurs, l’écosystème technologique des télécommunications y est assez dense avec Nokia, Ericsson et Nordic Semiconductor. Les solutions de M2M en mesh ont été créées pour palier les déficiences des premières solutions de télérelevés mises en place.

Commençons par la startup finlandaise Wirepas et sa solution “Pino” à architecture “mesh” issue de travaux de recherche de l’université Tempere en Finlande. Chaque objet, ou en tout cas sa composante “radio”, joue à la fois le rôle de nœud terminal ou de routeur d’informations intelligent avec les autres objets du réseau. Il est tout de même nécessaire d’installer quelques points d’accès dans le réseau qui peut couvrir une zone d’environ 10 km de côté, ce qui est déjà pas mal. Cela doit notamment diminuer le besoin en nombre de points d’accès dans les zones denses des villes.

Wirepas Mesh Network

Le réseau est auto-configurable, il scale mieux au niveau du nombre d’objets connectables, il est plus résilient du fait de la multiplicité des chemins que les données peuvent emprunter dans le “mesh” des objets ainsi connectés. Enfin, il peut être configuré dynamiquement pour gérer les priorités entre débit, disponibilité, consommation électrique et portée. Au niveau radio, Pino fonctionne à la fois dans la bande des 2,4 GHz et dans les bandes licenciées “sub 1 GHz” (868 MHz, 9xx MHz, selon les continents). L’essentiel de la valeur ajoutée de la solution réside dans les logiciels de pilotage de ce réseau aussi bien au niveau des objets eux-mêmes que des outils de supervision.

Wirepas Pino Stacks Architecture

A ce jour, la technologie radio de Wirepas est supportée par des composants radios issus de Nordic Semiconductor et Silicon Labs. Elle est conçue sous la forme d’un “stack logicielle” (ci-dessus) qui est indépendante du matériel. Elle s’adapte donc théoriquement à tous les composants radio existants modulo d’inévitables tests d’intégration. Cette stack est même téléchargeable en OTA (over the air) sur des appareils existants, permettant de mettre à jour des infrastructures existantes d’objets connectés en “réseaux étoilés”. Des fournisseurs comme Telit et Sagemcom fournissent ou fourniront les gateways matérielles entre ces réseaux mesh et les réseaux traditionnels.

Pino est déployé chez des fournisseurs d’énergie en Norvège et en Suède. Wirepas se positionne comme un fournisseur de technologie et pas comme un opérateur de réseau. La solution est commercialisée sous la forme de logiciels, soit en direct auprès de grands clients soit auprès d’intégrateurs. Ce modèle économique à faibles Capex (capital expenses) explique indirectement le niveau modeste de son financement à ce jour : 2m€.

Le second acteur de ce marché, Connode propose une offre logicielle visiblement assez similaire à celle de Wirepas, qui en est à sa quatrième génération. Les réseaux mesh sont eux-mêmes connectés aux ressources centrales via des réseaux WAN traditionnels, type 2G/3G ou même fixes. Connode est surtout à l’origine un fournisseur de modules radio. En plus de clients existants dans les pays scandinaves, leur solution est en cours de déploiement par l’opérateur Telefonica au Royaume-Uni pour les télé-relevés d’électricité et de gaz.

Connode Architecture

Le troisième larron, TinyMesh propose plus ou moins la même architecture de réseau mesh que les deux autres, à ceci près que les modules radio sont disponibles auprès d’un seul fournisseur, Radiocrafts. Il existe des références différentes selon les bandes ISM utilisée : 433 MHz, 868 MHz (Europe), 902-915 MHz (USA), 2,4 GHz (tous continents). Les modules radio mesh sont gérés de manière centralisée dans une solution de supervision de réseau en “cloud”. Là encore, les principales références sont situées dans les utilities des pays nordiques. Rien qu’en Finlande, il y a dix fournisseurs d’électricité ! La dérégulation de ce marché en fait une belle opportunité pour les fournisseurs de solutions M2M !

3GPP Narrowband-IoT

Les opérateurs télécoms et les grands équipementiers (Ericsson, Nokia, Huawei, Intel) planchent de leur côté sous l’égide du 3GPP et de la GSMA sur la création du “Narrowband-IoT”, une spécification de réseau M2M capable de réutiliser les fréquences allouées au LTE. Le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) rassemble les efforts de standardisation de sept organisations de standardisation des télécommunications (ARIB, ATIS, CCSA, ETSI, TSDSI, TTA, TTC).

3gpp logo

Les travaux ont fédéré les efforts de deux alliances : la GMA (Global M2M Association regroupant Deutsche Telekom, Orange, Telecom Italia, TeliaSonera, Bell Canada et SoftBank), et la M2M World Alliance (regroupant Etisalat, KPN, NTT DOCOMO, Rogers, Singtel, Telefónica, Telstra, VimpelCom et Telenor Connexion).

Ce standard émergent qui devrait être finalisé fin 2015, tout en réutilisant les fréquences allouées au LTE et certains équipements associés, permet de gérer les liaisons M2M avec les mêmes caractéristiques que les réseaux LPWAN que nous avons étudiés (LoRA, Sigfox, …) : longue portée, faible débit et faible consommation. Il devrait aussi permettre une meilleure couverture “in-door”, une des faiblesses des réseaux M2M LPWAN utilisant les bandes ISM non licenciées.

On est donc dans la situation suivante : les opérateurs comme Orange qui ont choisi LoRA pour lancer leur offre de réseaux M2M sont prêts à dégainer avec des offres exploitant les réseaux LTE dont ils ont acquis le droit d’utiliser les fréquences. La comparaison des offres de réseaux M2M n’est donc pas prête de se simplifier !

Plan Frequences 700MHz ARCEP

Ceci dit, ces opérateurs ne se bousculent pas pour utiliser les fréquences du dividende numérique ! L’ARCEP vient de recevoir les dossiers de candidature à son appel d’offre sur l’utilisation de la bande des 700 MHz libérée en 2011 par la fin de la TV analogique (voir leur Relevé Stratégique du Spectre pour le Très Haut Débit Mobile).

Il semblerait que les dossiers fraîchement déposés des quatre opérateurs télécoms français (Orange, Bouygues Telecom, Free) portent tous sur des usages mobiles traditionnels, et pas sur du M2M. Mais les dossiers soumis n’étant pas public, il faudra attendre un peu pour avoir le fin mot de l’histoire.

Autres réseaux M2M

En France, d’autres réseaux que Sigfox et LoRA sont aussi déjà déployés. Le principal est celui de M2ocity, une filiale commune entre Veolia Eau et Orange (branche Business Services). C’est ce dernier qui a déployé une solution réseau dans les bandes ISM 868 MHz, la même que celle qui est utilisée par Sigfox. La solution matérielle et le protocole radio provenaient du français HomeRider, lui aussi filiale de Veolia Eau, et qui n’a adopté LoRA que depuis 2014. L’application consiste à connecter les compteurs d’eau des particuliers pour automatiser les relevés. Près de 2 millions de compteurs connectés ont été déployés. C’est le plus gros déploiement M2M en France à ce jour.

J’ai d’ailleurs découvert que j’étais utilisateur de la chose à l’insu de mon plein gré avec, avec collé à mon compteur d’eau, un module Cyble HRF de HomeRider émettant dans la bande des 868 MHz. C’est le boitier noir dans l’image ci-dessous. Cette fréquence est utilisée pour émettre aussi bien à longue distance qu’à courte distance, permettant le relevé par des agents de Veolia passant dans la rue. Pourquoi le faire avec des agents qui circulent au lieu de le faire de manière centralisée ? Il doit y avoir plusieurs raisons, même si je ne connais pas les bonnes : les technologies radio M2M longue distance n’étaient peut-être pas au point ou courantes lors des déploiements, ils ont préféré ne pas détruire trop d’emplois, et il peut être utile pour les agents de faire un tour d’inspection des infrastructures externes aux habitations.

Compteurs m2ocity2

De son côté, le concurrent principal de Veolia Eau qu’est Suez Environnement s’est associé à SFR pour déployer ses propres compteurs connectés dans le cadre de sa filiale Ondeo Systems. Le réseau radio associé s’appuie sur les bandes ISM 169 MHz et 868 MHz ainsique sur le standard européen M-Bus (Meter-Bus). Ils se sont appuyés sur les services du français CNS Instrumentation et on déployé également plus de 2 millions de compteurs connectés à ce jour.

De son côté, la filiale d’Engie GrDF va démarrer en 2016 les premiers déploiements de ses compteurs Gazpar qui exploitent un protocole propriétaire utilisant la bande des 169 MHz. Les compteurs sont fabriqués par divers constructeurs : Itron (USA), Sappel (Allemagne), Dresser (Italie), AEM (Roumanie), Elster (UK) ainsi que Sagemcom et ­Kerlink (France).

Au programme, plus de 10 millions de compteurs connectés à déployer ! Une ribambelle de sous-traitants sont aussi activés dans ce projet de plus d’un milliard d’Euros et notamment CapGemini pour le système d’information et Sogetrel pour le déploiement du réseau M2M dédié. Celui-ci s’appuie sur 20000 relais en points hauts, témoignant peut-être d’un sur-dimensionnement comparativement à ce qui est nécessaire pour un réseau M2M de type Sigfox ou LoRA. Surtout dans la mesure où les compteurs n’envoient des informations que deux fois par jour ! La nuance vient de ce qu’il s’agit ici de faire des relevés en intérieur, parfois en sous-sol. Le réseau Sigfox ne fonctionne pas forcément bien dans ces conditions d’usage.

GrDF Gazpar

Le français MobiquiThings propose MobiquiSIM, une solution permettant de relier des objets aux réseaux traditionnels 2G/3G/4G des opérateurs de télécommunications, et capable d’utiliser le meilleur réseau en fonction de la situation, en mode multi-réseau et à l’échelle internationale. Assimilable à un MVNO, la société basée à Sophia-Antipolis revendiquait 75 clients et 100 000 objets connectés et prévoyait de réaliser 3m€ de CA en 2015. On les retrouve notamment dans le marché des transports : chez Renault, dans les services de location de véhicules Buzzcar et Autobleue et dans le gestionnaire de parking Zenpark.

MobiquiThings et Sierra Wireless

Mobiquithings a été acquis en août 2015 par le canadien Sierra Wireless pour une transaction évaluée au total à $30m. Ce dernier est un spécialiste de la fourniture de modules de réception mobiles pour le marché M2M. Il avait déjà acquis l’activité M2M du français Sagemcom en 2012, pour environ $45m. Il réalisait $548m  de chiffre d’affaires en 2014 et est le numéro un dans son marché. On se retrouve donc avec un spécialiste des solutions matérielles de connectivité qui se met à monter dans la chaîne de valeur au point de devenir opérateur virtuel. Le marché du M2M s’appuyant sur les télécoms mobiles traditionnels est un sujet à lui tout seul. On y trouve tout un écosystème d’industriels et de startups dont Matooma, basé à Montpellier.

Citons maintenant quelques autres réseaux M2M, qui sont opérés aux USA.

L’américain Helium Systems ($18,8m de levés) opère un réseau M2M qui s’appuie sur le protocole dérivé du 802.15.4 utilisé dans le protocole Thread spécifié par Google ainsi que dans Zigbee et 6LoWPAN. Il opère dans les bandes 2,4 GHz, 915 MHz, 868 MHz et 780MHz. Helium Systems pousse l’intégration verticale aussi loin que Sigfox en développant ses propres logiciels de supervision de réseau.

Le réseau du californien Ingenu, nouveau nom depuis septembre 2015 de On-Ramp Wireless, est basé sur le protocole bidirectionnel RPMA qui s’appuie sur un transport 802.15.4 dans la bande des 2,4 GHz comme chez Helium Systems. Il supporterait une portée de plus de 40 km permettant à une antenne en hauteur de couvrir 300 miles au carré.  Ingenu fournit un Network Appliance qui permet de gérer un réseau M2M complet. La société a levé en tout $100m, le même ordre de grandeur que Sigfox. Ils seraient déjà déployés sur 38 réseaux privés d’entreprises et sur cinq continents mais probablement pas encore avec un réseau M2M en bande ISM comme dans le cas de Qowisio.

Ingenu Competitive Analysis

L’américain M2M Spectrum Networks opère des réseaux M2M et joue le rôle d’intégrateur de solutions verticales. Il s’appuie sur des bandes licenciées VHF, UHF et 900 MHz, et une technologie propriétaire “Machine Data Network Architecture” (mDNA). Leur modèle économique, pas facile à faire avaler aux clients, consiste à ponctionner une partie de la valeur générée par l’application du client.

Modèles économiques des réseaux M2M

Quel que soit le mode de tarification des services M2M, celui-ci ne peut évidemment pas égaler celui des abonnements 3G/4G des mobiles. Il est de l’ordre de l’abonnement à la durée ou au nombre de messages émis, de quelques Euros par an et par objet.

Qu’est-ce qui relève de la commodité et qui relève de la plateforme captant de la valeur dans ce marché ?  Les réseaux M2M risquent de devenir rapidement de la commodité à faible prix et faibles marges. Le coût de déploiement des réseaux M2M LPWAN est relativement faible au regard de celui des réseaux 3G/4G. On passe de milliards d’Euros sur un pays à des dizaines de millions d’Euros pour un continent ! Il y a de la concurrence, des standards plus ou moins ouverts, de grandes économies d’échelle et des prix assez bas autant pour les composants que pour les réseaux. La chaîne de valeur voit aussi se commoditiser les fabriquants de matériels, coincés entre les fournisseurs de chipsets qui proposent des solutions de plus en plus intégrées et les intégrateurs qui répondent aux besoins des grands clients. Il serait très intéressant d’obtenir une analyse globale de la valeur pour un objet connecté : comment les prix et les marges se répartissent et se répartiront dans le futur, du matériel au service en passant par les réseaux ?

Qui plus est, les marchés de volume actuel sont essentiellement concentré sur les “utilities” pour le relevé de consommation à distance d’électricité, de gaz et d’eau comme nous l’avons vu pour la France et les pays nordiques.  Le marché est ainsi structuré avec des acteurs plutôt locaux, avec des niveaux d’exigence très élevés des opérateurs mettant une forte pression sur les intégrateurs et les fournisseurs de technologies. Les dizaines de millions de compteurs des particuliers déployés ou en cours de déploiement vont représenter une très grosse partie des objets connectés  via des réseaux M2M et ne laisser que des miettes aux Sigfox et autres LoRA !

M2M integration levels

Cela explique pourquoi de nombreux acteurs, opérateurs télécoms compris, remontent la chaîne de valeur et proposent des projets clés en main aux entreprises clientes. Et pourquoi pas au passage, c’est peut-être la raison pour laquelle Sigfox arrive visiblement à se positionner en fournisseur de réseau M2M vis à vis d’opérateurs télécoms, hors de France en tout cas.

On n’est pas du tout dans un marché grand public. Dans un futur immédiat, le grand public n’aura pas à choisir entre LoRA et Sigfox ou une autre technologie de LPWAN ou les offres 3GPP Narrow-band LTE. Un jour, nous verrons peut-être apparaître du “Sigfox Inside” qui voudra dire quelque chose pour le consommateur.

On note cette ambiguïté de positionnement dans la chaîne de valeur dans le marketing à la noix de nombreux industriels qui ajoute à l’imbroglio de ce marché émergent. Quand on consulte leur site, on trouve plein de baratin sur le M2M et l’IOT mais on a parfois toutes les peines du monde à comprendre leur métier : concepteur de composants, de solutions, intégrateur ou opérateur de réseau ? C’est notamment le cas pour Telit que je cite : “We Connect Your Things to Your Apps. Our products and services are about connecting things anywhere to the Cloud, apps and enterprise systems seamlessly and easily; reducing time-to-market and risk while enhancing technical and business performance of the overall solution“. D’accord, mais vous faites quoi dans la pratique ?

En découvrant les offres et déploiements des acteurs établis des réseaux M2M, on constate aussi qu’ils courent tous après les mêmes lièvres : le “smart metering”, dans l’énergie et l’eau, dans les transports et dans la gestion de bâtiments.

Une orientation plus grand public des offres est peut-être une clé du développement des réseaux M2M. Histoire de créer des marchés scalables et profitables à la fois. En France, tout le marché du “smart metering” grand public et donc de marchés de très grand volume est déjà trusté par des solutions verticales très intégrées ce qui ferme pour l’instant la porte à un acteur tel que Sigfox. Mais par quel bout prendre ce marché grand public ? Quels sont ses besoins ? On a encore du mal à sortir des grands classiques et fort rébarbatifs thermostats intelligents et télé-surveillances ! On pense vite à la santé, mais les réseaux M2M n’y sont pas forcément adaptés si les volumes de données à transmettre deviennent importants et temps-réel.

Les plateformes restent à créer pour capter de la valeur “business”, si possible par consolidation de données d’origine variées dans la mouvance du “big data”. On pense évidemment à Google et à Apple pour jouer ce rôle de manière horizontale et internationale pour les marchés grand public. Ils n’ont d’ailleurs pas encore avancé leurs pions dans les réseaux M2M. Peut-être considèrent-ils à juste titre qu’il s’agit de commodités et qu’il leur suffira de bâtir les plateformes logicielles et les applications au-dessus. Exactement comme ils vivent de la bête des réseaux mobiles sans avoir investi un kopeck dedans !

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Publié le 30 septembre 2015 Post de | Google, Objets connectés | 57628 lectures

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Les 11 commentaires et tweets sur “Comment s’y retrouver dans les réseaux M2M ? 2/2” :

  • [1] - Nathalie Gasnier (@ObservaEmpresa) a écrit sur Twitter le 30 septembre 2015 :

    Solutions M2M. Vers le “smart metering” pour l’énergie, l’eau, les transports et la gestion de bâtiments par @olivez http://t.co/7MWBRXGeBx

  • [2] - @WorlWindWriting a écrit sur Twitter le 1 octobre 2015 :

    Didier_Celisse: Et la partie 2 du #M2M #IoT par olivez avec notamment les amis de MobiquiThings http://t.co/xKogssvdkV #tweetprecedent

  • [3] - Gilles D. a écrit le 1 octobre 2015 :

    Merci pour cet impressionnant panorama des réseaux M2M et pour votre analyse de ce marché. Pour ajouter à la cartographie, mais un peu à la marge, il y a la start-up Filament qui propose du “blockchain-based M2M networks”. La solution repose sur du Mesh network à l’origine développée pour du Wireless Home (source pour plus de détails: http://www.coindesk.com/filament-nets-5-million-for-blockchain-based-internet-of-things-hardware/)

    Cdt

  • [4] - Hugues Severac a écrit le 2 octobre 2015 :

    Sur l’aspect pricing, à noter quand même que les réseaux IoT doivent supporter le coût complet de fonctionnement du réseau tandis que les réseaux mobiles peuvent fonctionner en coût marginal. Ramené au ko/s le coût telecom du M2M mobile sur des parcs de centaines de milliers de devices est …moins cher que l’IoT. En réalité, ce facteur n’est pas différenciant pour des grands comptes. Ce qui l’est beaucoup plus, c’est la pénétration, la couverture, la consommation électrique, la pérennité de la technologie (et avec elle la période d’amortissement du coût de déploiement) et l’impact sur le coût du device (batterie, module, taille,…) . Certains fabricants malins re-designent leur carte électronique pour qu’elle ne tourne que quelques minutes par jour et peuvent tenir sur batterie en mobile des années.
    Les objets connectés attirent l’attention depuis peu, mais en réalité, les questions techniques et économiques sous-jacentes ne sont pas nouvelles; dans le M2M qui existe depuis 10-15 ans, le coût des communications représente typiquement 10-15% d’un projet et je n’ai pas le souvenir d’en avoir vu un qui ait avorté à cause du coût des télécommunications. Le discours ambiant est que l’IoT va faire exploser le nombre de use case. Implicitement, cela signifie qu’on va voir apparaitre des use cases où on ne peut pas mettre de grosses batteries, qui ne peuvent pas être couverts par des techno courte portée, et où les quelques dizaines d’euros gagnés rendent le projet rentable, là où il ne l’était jamais avant (même dans des niches). C’est quand même très exigeant comme cahier des charges, et du coup il est peu étonnant qu’on parle toujours des mêmes use cases !
    Quand on voit le temps qu’il a fallu pour développer des réseaux locaux wifi et bluetooth, alors que le coût était quasi-nul et la complexité technique limitée, on se dit que pour l’IoT outdoor, ça va être long, long, long.

  • [5] - Thibaut a écrit le 5 octobre 2015 :

    D’autres solutions existent, comme l’utilisation de Twilio comme moyen de communication ; il est notamment utilisé par Yespark, un service de location de places de parking.

    • [5.1] - Olivier Ezratty a répondu le 6 octobre 2015 :

      Merci pour la publicité pour ce service. C’est un peu hors sujet dans le cadre de cet article. Twilio est un service pur logiciel “OTT” au-dessus de HTTP, indépendant de la couche physique réseau utilisée (Ethernet, Wi-Fi, …). Ce n’est donc pas vraiment un réseau dédié M2M.

      • [5.1.1] - Arnaud a répondu le 25 novembre 2015 :

        +1 pour Olivier, cela n’a rien à voir avec le M2M. C’est vraiment histoire de publier histoire sur un service, qui de plus, n’est vraiment pas terrible.

  • [6] - @guyMadrid a écrit sur Twitter le 19 octobre 2015 :

    LoRa : Le futur réseau des objets connectés ? http://t.co/zlqKa7ZThK
    Et pour en savoir plus sur les réseaux M2M http://t.co/Rb3biOIwAw

  • [7] - brams a écrit le 2 juin 2016 :

    Merci beaucoup Olivier pour tes articles. Tu es la bible des objets connectés!

    A ton avis, est il possible de se lancer dans la conception de plateformes logicielles et application mobiles grand public ou bien le business est bouché par les gros que sont Google ou Apple?

    • [7.1] - Olivier Ezratty a répondu le 2 juin 2016 :

      Ca dépend du marché visé et de l’originalité de la solution ! Il ne peut pas y avoir de réponse absolue à ce genre de question !

  • [8] - brams a écrit le 3 juin 2016 :

    En fait, concrètement, j’ai eu l’idée de créer une application tout en un pour consulter les données de ses objets connectés, à la manière du hub numérique de la Poste.




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Candice Thomas
Candice est ingénieure-chercheuse au CEA-Leti, travaillant sur l’intégration 3D de bits quantiques au sein du projet Quantum Silicon Grenoble. #recherche #quantique
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Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
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Sabine Keravel
Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
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Céline Castadot
Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
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Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
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Emeline Parizel
Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
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Elvira Shishenina
Elvira est Quantum Computing lead chez BMW ainsi que présidente de QuantX, l'association des polytechniciens du quantique. #quantique
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Marie-Noëlle Semeria
Marie-Noëlle est Chief Technology Officer pour le Groupe Total après avoir dirigé le CEA-Leti à Grenoble. #recherche
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Gwendolyn Garan
Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
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Alexandra Ferreol
Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
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Ann-elfig Turpin
Ann-elfig est étudiante en deuxième année à Lisaa Paris Jeux Vidéos (Technical artist, 3D artiste), année scolaire 2019/2020. #création #jeuvidéo

Derniers commentaires

“[…] to Olivier Ezratty, author of Understanding quantum technologies 2023, the challenge for Europe is to position itself outside of where the US and China are likely end up...”
“Désolé, je suis passé à l'anglais en 2021 sans revenir au français. Traduire un tel ouvrage (1366) pages d'une langue à l'autre est un travail herculéen, même avec des outils de traduction automatique. Sachant...”
“Je suis un artiste conceptuel, certes je garde la grande majorité de mon travail dans ma tête par défaut d'un grand mécène. Mon travail de base se situe sur le "mimétisme" qui mène aux itérations et de nombreux...”
“Better than a Harry Potter! Thanks Olivier...”
“J'ai bien aimé le commentaire sur le film Openheiner avec l'interrogation du chercheur sur l'utilisation de ses découvertes. En continuation de ces propos, je propose d'écouter le débat suivant qui m'a semblé...”

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