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LeWeb 2014 : objets connectés

Post de Olivier Ezratty du 17 décembre 2014 - Tags : Entrepreneuriat,Objets connectés | 7 Comments

Après la vue d’ensemble et le thème de la santé, cette troisième partie de mon compte-rendu de LeWeb 2014 couvre le vaste domaine des objets connectés, pris d’abord sous un angle généraliste, notamment autour des wearables, puis avec les drones et enfin avec les objets connectés dans la création artistique, un angle original rarement traité dans les grands événements.

Le monde enchanté des objets connectés !

Dans un talk d’une heure, trois consultants commençaient par faire le marketing des startups en intégrant les objets connectés dans des modèles démontrant leur inévitabilité dans tous les pans de la vie. Cela commençait avec deux gars du Forrester.

Auteur du livre “Digital Disruptions”, James L. McQuivey rappelait le côté générique des smartphones qui ont capté la valeur de plein d’objets plus ou moins connectés du passé. On passe de forces centrifuges qui faisaient tout converger vers les mobiles à des forces centripètes qui font exploser le nombre de capteurs et de wearables. De là à détrôner les mobiles, il ne faudrait pas pousser ! Ils restent au centre de cette vague d’objets connectés. Ce sont eux qui en sont les pivots, surtout les plateformes Android et iOS.

L’autre Forrester-man, J. P. Gownder, présentait tout un tas d’objets tendance. Voir ses slides de SXSW 2014 sur les objets connectés et les handicaps. Les objets connectés servent autant à améliorer la vie de “l’homme diminué” que de créer “l’homme augmenté”. Il évoquait aussi un nouveau rapport du Forrester sur les attentes des utilisateurs qui montre qu’un énorme marché latent est là, prêt à être cueilli par les innovateurs. Même les décriées Google Glass intéressent 43% des américains et 25% des Européens, pour peu que leur prix soit convenable. L’objet connecté wearable préféré est celui qui se met autour du poignet, validant le principe d’un objet générique qui serait la montre connectée.

Forrester-Figure-Consumer-Preferences-Vary-For-Optimal-Wearables-Locations

Et d’égrener une litanie d’objets divers utilisés dans la relation entre marques et consommateurs ou par des startups diverses et variées :

  • La société de BTP Thiess qui suit ses ouvriers en temps réel (activité, pouls, oxygénation du sang, température).
  • ClickSoftware et sa plateforme d’équipement des personnels mobiles.
  • Virgin Atlantic et son usage des Google Glass pour permettre à ses personnels au sol de fournir des informations aux passagers.
  • Nivea et son bracelet permettant de suivre à la trace ses enfants à la plage.
  • Vivametrica et sa solution permettant d’anticiper l’apparition de diabète et de pathologies cardiaques.
  • Ducere Technologies et ses baskets dotées de GPS et de vibreurs pour indiquer la direction, variante des équivalents dans les vestes connectés comme PointLocus qui met cette fonction sur les épaules ou AiQ et ses vêtements connectés.
  • Sension et son système de détection des émotions sur les visages.
  • Le Tempo de CarePredict qui détecte les changements de comportement des seniors.
  • Le bracelet Myo de ThalmicLabs qui permet de commander des jeux, ses slides ou son smartphone.

Le troisième analyste était David Rose de Ditto Labs et auteur de “Enchanted Objects”, un nouveau terme sympathique pour décrire les objets connectés, wearables ou pas.

David Rose fait le lien entre les contes pour enfants et autres romans fantastiques. L’épée magique du Seigneur des Anneaux, le Miroir magique de la Reine dans Cendrillon, et autres objets “enchantés” se retrouvent maintenant incarnées dans une palanquée d’objets connectés qu’il cartographie dans un tableau rappelant celui des éléments de Mendeleiev. Voir ses slides génériques sur le sujet, une variante, ainsi que cette présentation qui intègre le tableau en question.

David Rose Enchanted Objects

Il fait ensuite, également, la promotion d’un nombre d’objets divers dont il semble être à l’origine, tel :

Le Single Pixel Object, une lampe dont la couleur varie pour indiquer au choix les conditions météo, le niveau de pollen, le vent et la pression barométrique (utiles pour la pêche), l’humidité du sol (pour l’agriculteur). Why not, mais si la lampe a plusieurs usages, il faut alors trouver comment indiquer quel est la nature de la donnée présentée ! Ou alors, on s’équipe d’une lampe pour chaque usage et on place une étiquette dessous, avec un post-it ?

Des objets réalisés pour de grands acteurs de l’Internet par le MIT Media Lab : le Google Latitude Doorbell qui indique en musique dans combien de temps les membres de la famille vont arriver à diner, le Skype Cabinet est un écran pour discuter avec tout un chacun en Skype que l’on place un peu partout chez soi, la Coffee Table équipée de Google Earth permet de faire découvrir le monde à ses enfants qui savent rester au calme dans le salon (en quoi est-ce différent d’une tablette à part la taille de l’écran, on se demande…).

Ils ont aussi imaginé la Amazon Trash Can, une poubelle connectée qui commande automatiquement les consommables quand on les épuise ! Une idée moins bonne que le Dash d’Amazon, un lecteur de codes barre qui permet de commander tout ce dont on manque dans la cuisine.

Il y a aussi l’Ambiant Umbrella qui s’allume quand il faut prendre le pépin, les GlowCaps ou le BlisterPack qui rappellent les médicaments à prendre (j’en vois toujours au CES depuis des années…), le Vitality Sticker qui fait penser aux capteurs de Sen.se Mother pour vérifier l’activité physique des membres de la famille, le Spirometer Kazoo qui permet de mesurer le souffle et l’horloge Energy Clock qui permet de suivre la consommation électrique du foyer. Tout cela relève de la créativité d’agence de design, mais pas forcément de produits qui auront un véritable avenir commercial.

La société Ditto Labs de David Rose a sinon produit une application qui analyse les photos sur les réseaux sociaux et la présence de logos de marque, typiquement, sur les tee-shirts. Elle ajoute des liens sur les photos qui deviennent cliquables et produit moult analytics sur les liens entre marques et thèmes, et l’identification des influenceurs porteurs de tee-shirts. Après les bonnes déclarations d’intention sur le merveilleux monde des objets connectés, on en revient toujours au nerf de la guerre : le commerce et ce qui peut l’alimenter !

S’en suivait une table ronde plus convenue avec des entrepreneurs de l’univers des objets connectés : Stéphane Marceau de OMsignals et ses vêtements connectés (ce sont des canadiens de Montréal) ainsi que Cédric Hutchings de Withings expliquant l’intérêt de la montre Activité. Pour lui les “wearables ne doivent pas être des droppables”. La montre connectée ressemble à une montre traditionnelle à l’extérieur. Elle contient un tracker qui alimente l’application associée. Mais les aiguilles s’ajustent automatiquement au fuseau horaire.

Le casque new-wave de Skully

Présenté par Brian Solis et son créateur Marcus Weller, le casque de moto ultra-connecté Skully AR1 illustrait comment un produit traditionnel peut être complètement transformé par l’intégration de ce qui se fait de mieux dans la vision et la mobilité.

Le mieux à faire reste de visionner leur tonitruante vidéo en mettant le caisson de basse à fond et se demander si ce n’est pas un fake ! Et de rappeler qu’en matière d’innovation, il faut savoir devancer le marché et deviner ses attentes.

Marcus Weller n’a pas fait d’étude de marché ! Il a par contre levé $2.4m très rapidement  sur Indiegogo dans l’une des campagnes de crowdfunding les plus rapides de la plateforme. Le casque sera commercialié au prix public de $949, ce qui est sommes toutes raisonnable au vu du nombre de technologies qu’il intègre, du prix habituel des casques moto et de sa valeur d’usage, qu’il reste cependant à vérifier sur le terrain et dans la durée.

Skully AR1

Le message envoyé dans toutes ces présentations est surtout destiné aux grandes marques : où sont donc vos objets connectés ? Les intervenants des keynotes étaient en effet des consultants (Brian Solis, Forrester) qui vivent des grandes entreprises. C’est donc un message commercial avant tout. Pour de grandes marques, l’innovation par les objets connectés répond actuellement à une logique de communication sur l’innovation presque plus que pour une véritable création de valeur pour les utilisateurs.

Des questions clés restaient à traiter : où migre la valeur dans les objets connectés, quels sont le modèles économiques et où sont les plateformes, notamment d’orchestration des différents objets que l’on a sur soi ou chez soi ?

La prolifération des drones

Les drones grand public sont à la mode depuis au moins quatre ans. Ce marché a été notamment initié par l’AR Drone de Parrot, vendu à ce jour à environ 700 000 exemplaires, ce qui est une belle performance pour un produit grand public français.

Une autre session animée par l’incontournable “futuriste” Robert Scoble rassemblait quelques acteurs de ce marché, à commencer par Henri Seydoux, le CEO fondateur de Parrot venu présenter le Bebop Drone. C’est une variante allégée – sauf pour le prix – de l’AR Drone, lancée début novembre 2014, et dotée d’une caméra fish-eye et de tout un tas d’innovations technologiques. Vendu entre 500€ et 900€ selon les modèles et l’équipement (pad pour tablette), il est assez cher. Mais il s’adresse aux “enthousiastes” qui sont prêts à y mettre le prix pour capter des images extrêmes en Full HD. C’est une sorte de GoPro volante et autonome. Loïc semblait surpris d’apprendre qu’elle avait une portée de 2 Km, lorsqu’utilisée aux USA (ça dépend des fréquences utilisées). Pour Henri Seydoux, le positionnement marketing est celui… de la poésie !

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De ce côté là, il y avait aussi l’oiseau volant “Flying bird” du français Edwin Van Ruymbeke de XTIM. L’oiseau qui bat de l’aile est pilotable avec son smartphone. Il devrait être l’une des nombreuses innovations françaises présentées au CES de Las Vegas en 2015. C’est le résultat de longues années de R&D. Il est probablement l’un des drones les plus miniaturisés. Seul bémol et de taille : il ne sert à rien surtout dans la mesure où il ne semble pas avoir de caméra embarquée. Là, c’est vraiment de la poésie à 100% !

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Un autre entrepreneur, Eric Cheng, de DJI, montrait sa vision des choses avec un autre quadricoptère doté d’une caméra 4K tournant sur son propre gimbal et avec quatre pattes rétractables lui permettant de filmer à 360° sur une demi-sphère vers le bas. La vidéo peut être aussi transmise en live en Full HD. Le tout pour la modique somme de $3K. Le système utilise un protocole de communication standardisé pour les drones, l’AVLINK.

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Un quatrième, Christian Sanz de Skycatch présentait un autre quadricoptère se distinguant par la capacité à revenir sur une station d’accueil pour se recharger tout seul.

On pouvait aussi voir des drone-copters open source dans la zone des makers ! Ils sont partout. Ainsi, en visitant le SATIS début décembre, j’ai pu croiser une société nantaise, Pixiel, qui avait conçu pas moins de quatre drones différents pour la captation d’images vidéos !

Comme dans toute vague d’innovation, des tas d’entrepreneurs pensent pouvoir capter des parts de gâteau égales d’un marché émergent. La réalité est souvent tout autre, concentrant la valeur de ce marché sur un tout petit nombre d’acteurs voire sur un seul acteur comme dans la recherche sur Internet. Pour une fois, ici, un acteur français est dans les “winners” (Parrot) ! Comme quoi c’est possible quand on prend les trains à la bonne heure et avec une stratégie de plateforme !

Les objets connectés dans l’art numérique

Dernier thème sur les objets connectés, leur usage dans l’art numérique ! C’était l’une des thématiques de la zone des makers de Makery dans le dock Pullmann. Il y avait notamment ce livre que l’on feuillette avec ses pages générées par un projecteur vidéo, ce mur de LEDs que l’on peint avec un pinceau mouillé ainsi que des petits boîtiers illustrant l’état de la météo dans chaque ville en  fonction de l’ouverture d’un parapluie.

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Il y avait aussi une session sur l’art numérique avec deux intervenants de Google : Amit Sood du Google Art Project et Duncan Osborn du Google Cultural Institute (vidéo). Non content d’investir presque partout (robots, transhumanisme, fibre, etc), Google est aussi présent dans le secteur de la culture. Les motivations réelles sont assez prosaïques et relèvent aussi des “relations institutionnelles” comme pour la création du Centre Culturel de leur siège de Paris. La gestion de l’image d’une entreprise est aussi une approche… artistique ! Mais cela relève aussi de leur obsession visant à capter toute l’information disponible sur cette planète et même ailleurs ! Ils ont notamment photographié les œuvres de 600 musées, fondations et monuments dans le monde, visibles ici.

Côté architecture, des vues à 360° sont proposées comme à l’Opéra Garnier de Paris. Les œuvres sont zoomables avec un degré de précision énorme. J’y découvre aussi le musée du sable du Japon, étonnant ! Ils planchent aussi sur un application mobile permettant la visite interactive de musées sur site, prenant comme exemple de démonstration la visite du Musée des Arts et Métiers de Paris. Aller, hop, le rouleau compresseur de Google va même retirer aux musées leurs ventes de guides audio ! Dernières démonstrations, la liaison entre Chromecast et le mobile pour en savoir plus sur les photos d’œuvres d’art que Chromecast affiche sur la TV et l’usage de Google Carboard pour bénéficier d’une visite virtuelle en 3D stéréoscopique suivant les mouvements de la tête avec n’importe quel smartphone tournant sous Android.

Google Art Museums

La photo était aussi à l’honneur dans cette session avec Frédéric Della Faille, fondateur de la startup belge Frontback, une application photo (vidéo). Avait commencé par développer une application mobile de partage de photo sans originalité apparente. Puis est venue Frontback qui permet de capturer ses photos en double avec la vue avant et la vue arrière, profitant des deux capteurs photo des smartphones. Cela fournit visuellement le contexte des photos. Et notamment de produire des selfies doubles ! Et là, gros succès au rendez-vous ! Jusqu’au prochain gimmick photographique !

Le photographe Christopher Michel intervenait aussi deux fois, dans l’ouverture de LeWeb et dans cette session sur les Arts. Il avait lancé un défi aux participants de LeWeb de capter leur meilleure photo de chaque journée et de l’envoyer sur le hashtage #lewebmoment. Christopher est aussi un grand amateur de portraits (comme moi) et il travaille beaucoup à grande ouverture avec ses Sony Alpha 7s et son Fuji X-T1. Il cherchait à faire passer le message suivant : il vaut mieux prendre quelques photos de qualité avec un vrai appareil photo que des milliers sans grande valeur avec un smartphone. Je plussoie plusplus le Monsieur en étant vraiment d’accord ! Mais dans le vide car rien n’arrêtera la vague des photos pourries et des selfies réalisés avec des smartphones.

L’Art devenait entièrement artificiel avec les gagnants anglais du concours de startups : Jukedeck, avec leur solution de création automatique de musique pour l’habillage de vidéos. Axelle Lemaire était inspirée en leur demandant ce qu’était l’art pour eux ! Une très bonne question au bout du compte que l’on peut étendre à ce monde ultra-numérisé où l’émotionnel est dur à trouver dans cet océan de big data et cette société du quantified-self.

A noter enfin, une session sur le mouvement des Makers (vidéo), un phénomène qui prend de l’ampleur depuis quelques années et qui était aussi bien représenté sur divers stands.

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Il est fort probable que LeWeb n’était qu’un apéritif et que je découvrirais un bon lot d’objets connectés déjantés au prochain CES 2015. Et pas seulement avec les plus de 60 startups françaises du village Eureka !

Dans l’épisode suivant sur LeWeb 2014, je couvre des sujets divers des conférences, et notamment l’économie collaborative, les médias et la transformation digitale. Le dernier article portera sur le concours de startups et la bataille des écosystèmes européens d’innovation.

RRR

 
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