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CEATEC 2013 : introduction et mobilité

Post de Olivier Ezratty du 6 octobre 2013 - Tags : Composants,Innovation,Loisirs numériques,Mobilité,Technologie,TV et vidéo | 1 Comment

Voici le compte-rendu de ma troisième visite au CEATEC de Tokyo après 2011 et 2012. J’y vais pour compléter le CES de Las Vegas et sentir ce qui se passe en Asie, même si pour que le tour soit complet, il faudrait aussi aller parcourir le Computex de Taiwan en juin voire la Hong Kong Fair fin octobre ou le KES de Séoul qui a lieu juste après le CEATEC. Chacun de ces salons présente la particularité d’être plutôt l’agrégat des constructeurs du pays correspondant et de quelques pays avoisinants. Mais c’est finalement le CES qui les intègre tous et de manière assez exhaustive.

CEATEC Hall

Le CEATEC est un salon en déclin apparent. Il occupait quatre halls jusqu’à la fin des années 2000, puis est passé à trois hall les deux dernières années et cette année était tombé à deux halls, le troisième comptant pour du beurre car servant d’espace de démonstration de moyens de transports (ci-dessous). Le déclin vient à la fois de celui des salons dans le mix marketing des constructeurs et aussi de celui de l’industrie japonaise qui perd de l’influence sur le marché, face aux coréens et aux chinois. C’est aussi le signe d’une industrie qui certes continue d’évoluer mais de manière moins radicale qu’avant, même si l’avenir nous réserve toujours des surprises.

CEATEC Automotive Hall

Cette édition rassemblait 587 exposants dont 163 entreprises non japonaises avec notamment Intel, Rohde & Schwarze, Huawei et Fraunhofer HHI, un petit village de PME coréennes, un autre pour Taïwan et quelques chinois. Par contre, pas de sociétés françaises, tout comme l’année dernière. Il faut dire qu’elles ne se bousculent pas dans ce pays, tout du moins dans ce secteur d’activité ! Par comparaison, il y avait 624 exposants en 2012 et 814 en 2008 ! Et il y en a plus de 3000 au CES.

CEATEC Taïwan village

Comme d’habitude, aucun constructeur d’appareils photo (Canon, Nikon, Olympus, Pentax) n’exposait. Mais c’est l’absence pour la première fois du stand de KDDI qui était remarquable. C’était l’un des plus gros du salon, à côté de son concurrent NTT Docomo. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas grand-chose à proposer par rapport à l’habitude et la surface de son stand était sous-utilisée. Quant à l’opérateur KDDI, il était absent pour la première fois. Tout comme SoftBank, qui vient de boucler son acquisition en juillet 2013 de l’américain Sprint-Nextel, faisant de lui le troisième opérateur télécom mobile mondial.

DoCoMo-2

Le salon recevait 20 211 visiteurs le premier jour dont 1035 journalistes. Le second jour, le nombre de visiteurs passait à 26 597 mais à juste 191 journalistes. En comparaison, le premier et le second jour du CEATEC 2012 avaient attiré respectivement 23 715 et 31 208 visiteurs. Par contre, la proportion des exposants est raisonnable, de 19% le second jour, alors qu’elle est du tiers des visiteurs au CES de Las Vegas. Au total, le salon  a du attirer environ 135 000 visiteurs, à comparer aux 152 000 du CES de Las Vegas. C’est finalement un résultat honorable compte-tenu de la surface qui est bien moindre que celle du CES.

Seulement 30 journalistes et médias occidentaux sont référencés dont un petit tiers de français ce qui est pas mal ! L’équipe de l’américain EnGadget est là, ce qui permet aux exposants ayant des choses à montrer de le faire savoir à l’échelle planétaire.

CEATEC Attendance (2)

Le marketing des exposants est toujours quelque peu exotique à nos yeux. C’est le paradoxe d’un marketing très technique mais pas traduit chez les constructeurs de composants et d’un marketing simpliste avec peu d’informations pour les produits grand public. Il est difficile d’avoir des discussions en profondeur avec les équipes des exposants tout comme dans les visites organisées par leurs équipes de relation publique. Mais le phénomène existe dans d’autres salons tels que le CES de Las Vegas.

Voici quelques exemples :

  • TE (Tyco) attirait le chaland avec un simulateur de pesanteur lunaire qui occupait la moitié de la surface du stand de ce fabricant de composants qui n’avait pas d’innovation particulière à proposer. Le simulateur s’appuyait cependant sur divers capteurs et moteurs du constructeur.

TE Connectivity

  • Chez l’ensemblier automobile Denso, on n’hésite pas à présenter un prototype de Monowheel style Général Grivious (vu dans Star Wars III). Le film datant de 2005, ils ont pris leur temps mais le concept de monowheel existe depuis plus longtemps ! Comme les petits robots de Murata, il semble que cet engin ne serve qu’à démontrer les capacités des produits de Denso qui est un ensemblier automobile (comme Valéo).

Denso-5

  • Toshiba valorise toujours ses TV avec un marketing très grand public et ses habituelles danseuses dont le style évolue d’année en année.

CEATEC Women (from Toshiba) (2)

  • Intel propose aux visiteurs d’être pris en photo avec un gars déguisé en Tigre. On se croirait à Disney ! Le stand ne présentait pas de nouveau form factor de tablettes ou de PC. Dommage !

Intel animation (3)

  • Des stands qui présentent un tas de “concepts” et de “prototypes“, y compris avec des technologies qui n’ont en apparence rien d’innovantes par rapport à l’état de l’art. Cela se retrouve dans une batterie Lithium-Ion standard chez TDK ou avec diverses interfaces utilisateurs.

Sharp-8

  • Un grand nombre de stands utilisent un petit train miniature pour valoriser caméras, capteurs et autres outillages. Il y a même la version sans rail avec la démonstration d’aimant supra-conducteur de Fujikura (ci-dessous). Le salon assume son rôle de foire aux “boys toys”.

FujikuraTaiyo Yuden-2Fujitsu-2

  • On trouve du cloud, du big data et de l’open data mais de manière un peu moins insistante que dans les salons occidentaux.
  • Par contre, on ne voyait rien dans le domaine de l’impression 3D, comme si le Japon loupait quelque chose ou au contraire évitait de s’engouffrer dans une fausse piste ! L’histoire jugera. En attendant, ce marché est presque intégralement capté par deux pays : les USA (Cubify, 3DSystems/Z-Corp) et Israël (Stratasys/Makerbot).
  • Enfin, hors salon, la visite du showroom de Panasonic à Odaiba est plutôt sympa et le lieu impressionnant mais il est interdit d’y prendre des photos. Un comble à l’ère des réseaux sociaux ! Dans le showroom de DoCoMo du centre de Tokyo, par contre, les photos étaient par contre autorisées.

Les médias français visitant le salon étaient un peu dépités car les grands exposants comme Sony ne présentaient rien de bien nouveau, même d’annoncé récemment (IFA ou autre). Malgré tout, en balayant au peigne fin le salon, on trouve toujours quelques technologies intéressantes. On peut aussi s’y éduquer, notamment au niveau des composants. Le désossage des smartphones est une spécialité de ce salon !

Dans ce compte-rendu en plusieurs parties, je vais couvrir mes découvertes par catégories avec : la mobilité, la 4K, la TV connectée, les interfaces utilisateurs, les composants, l’habitat, la santé, les transports et l’énergie. Cela prendra surtout la forme d’un reportage photo commenté !

Mobilité

Le marché japonais vient de changer significativement avec la commercialisation récente des smartphones par DoCoMo, avec la sortie des iPhone 5S et 5C. C’est une grande première car l’absence de l’iPhone dans le catalogue du premier opérateur local handicapait la plateforme. Cependant, l’augmentation de la pénétration de l’iPhone était déjà patente, rien qu’en observant les gens dans le métro à Tokyo. Plus d’un passager sur deux semble en être équipé ! Ce n’était pas du tout le cas il y a un et deux ans. En 2011, on voyait de l’Android et beaucoup de feature phones locaux comme des modèles de Panasonic ou de NEC. L’iPhone est maintenant numéro un des ventes avec plus de 15% du marché japonais, qui vont augmenter avec l’arrivée de DoCoMo. Cette adoption a été particulièrement bonne auprès des femmes pour qui l’iPhone avait dès son lancement un côté très fashion par rapport aux très anguleux feature phones japonais. Cette percée de l’iPhone a eu lieu sans pourtant qu’Apple supporte les technologies mobiles propres au Japon comme le paiement sans contact avec la puce Felica de Sony ou la TV mobile. Apple compense cela avec la richesse de sa bibliothèque applicative. La force de la plateforme logicielle compense les faiblesses du matériel !

Dans mes deux premières visites du CEATEC, DoCoMo et KDDI présentaient le plus grand nombre d’innovations concernant les mobiles. Il s’agissait de “use case” très variés bâtis avec des industriels et souvent à l’état de prototypes. Certains deviennent un à deux ans plus tard des produits commerciaux. D’autres restent des prototypes sans commercialisation. Chez DoCoMo, seul en lice, on en retrouvait un grand nombre de déjà vus l’année précédente.

L’opérateur présentait surtout ses projets en matière de 5G qui vise à multiplier la 100 le débit disponible par rapport au LTE. Le tout en s’appuyant sur un réseau comportant beaucoup plus d’émetteurs et en optimisant l’usage des fréquences disponibles. Le déploiement est prévu pour l’horizon 2020, une date charnière pour Tokyo du fait des Jeux Olympiques.

Comment obtenir de tels débits ? Il ne s’agit pas d’une nouvelle technologie de modulation de fréquences permettant de transporter plus d’information par cycle, mais de l’usage de bandes de fréquences plus élevées dans le spectre électromagnétique. En mobilité 3G/4G, on est compris entre 700 MHz et 2,7 GHz. Pour la 5G, cela démarre à 6 GHz selon les opérateurs. Plus on augmente la fréquence de porteuse, plus la portée diminue (tout comme la radio analogique ondes courtes a une meilleure portée qu’en onde longue, pour ceux qui ont connu cette période…). Qui dit moins de portée dit besoin de plus d’antennes. Et l’usage des set-top-box en mode Femtocell ne semble pas à l’ordre du jour.

Des tests DoCoMo ont été réalisés en mars 2013 de transmission mobile à 10 Gbits/s avec le Tokyo Institute of Technology à Ishigaki  sur l’ile d’Okinawa. Ils s’appuyaient sur la bande de fréquence des 11 GHz. Samsung avait aussi présenté sa version de la 5G avec des débits de transmission de 1 Gbits/s en s’appuyant sur la bande des 6 GHz. La 5G fait aussi partie de l’offre de l’américain Broadcom. Elle est intégrée dans le chipset BCM4335 et dans un smartphone Sharp Aquos Phone Zeta SH-06E. Cette 5G-là est en fait du Wi-Fi !

Sinon, DoCoMo présentait  côté nouveautés :

  • Un prototype de lunettes intégrant des écrans pour faire de la réalité augmentée. Ces lunettes pas du tout confortables étaient constituées d’un système Vuzix complété par un capteur infrarouge permettant de détecter la position des mains. Un jeu permettait de manipuler des animaux virtuels avec les mains. Il y avait une très longue file d’attente pour voir cela. C’est plus lourd que les Google Glass mais ces dernières n’ont pas de capteur de distance. DoCoMo entrevoit des usages où toute surface est complétable par de la réalité augmentée. Truc classique de la solution qui cherche son problème !

DoCoMo-13

  • Des lunettes ressemblant aux Google Glass et proposant la traduction (Anglais, Japonais, Chinois, Coréen) de ce que l’on voit. Cela rappelle le scénario de la traduction des menus dans les restaurants vu chez DoCoMo en 2011, une application tournant à l’époque sur smartphone Android. L’application ne serait plus disponible depuis peu.

Côté devices, bien, évidemment des smartphones et des tablettes. Mais difficile de faire rêver avec ces produits dont les form factors sont stables depuis quelques années :

  • Sony démontrait ses smartphones Xperia Z1 et Xperia Z1 Ultra (ci-dessous) qui avait été annoncé début septembre à l’IFA. Sont écran LCD Full HD est d’excellente qualité, grâce à l’usage de la technologie Triluminos, où le masque couleur de l’écran est fait de couleurs primaires plus saturées. Les images démontrées y sont en effet éclatantes. Sony présentait aussi une application “cloud” pour gérer les photos en mode ‘Smart Social camera’.  C’est visiblement une évolution de leur logiciel PlayMemories.

Sony Experia Z Ultra

  • Huawei présentait ses smartphones Ascend D2 comprenant des chipsets chinois HiSilicon en ARM Cortex A15 (K3V2). Ils avaient été présentés au CES 2013 avec le Ascend Mate (un équivalent 5 et 6 pouces) et sont maintenant disponibles. Ce sont des smartphones très complets avec écran Full HD et waterproof. Ils tournent sous Android of course. Le chinois présentait aussi un petit feature-phone pour les enfants et les seniors ainsi qu’une grande panoplie de hotspots Wifi / LTE. A noter que Huawei est le seul grand exposant du CEATEC qui ne soit pas japonais.
  • Huawei avait aussi dans sa besace l’UltraStick, une carte SD contenant un modem 3D supportant des téléchargements à 21 Mbits/s en HSPA+ (pour les USA). Il proposait aussi de nombreux routeurs Wi-Fi 3G/LTE.

Huawei UltraStick 3G

  • Sharp annonçait des tablettes 7 et 10 pouces pouces à base consommation intégrant un écran en technologie IGZO. Je suis curieux de voir ce qu’elle donnerait en autonomie sous Windows 8.1 et avec un processeur Haswell Intel. La Mebius Pas en version 10,1 pouces faisait une résolution de 2560×1600 (voisine de celle de l’iPad 3) et tournait sous Windows 8 avec un processeur Atom Z3370. Ce n’est donc pas une bête de course !
  • Toshiba présentait une nouvelle tablette 7 pouces Regza tournant sous Windows 8.1.
  • Sonostar présentait sa smart watch qui ressemble à la Pebble. Elle est dotée d’un écran e-ink incurvé de 320×240 pixels, du Bluetooth et supporte la liaison avec iOS ou Android. L’industrie japonaise semble prudente par rapport au phénomène des smartwatches.

Dans l’épisode suivant, nous traiterons de la 4K et des TV connectées.

RRR

 
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