Tentative de décryptage du Grand Emprunt

Publié le 4 février 2010 et mis à jour le 4 avril 2019 - 23 commentaires -
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J’avais fait le point en novembre sur le Grand Emprunt et le numérique alors que la Commission Juppé/Rocard avait rendu son rapport, proposant un investissement de 4 milliards d’Euros sur le numérique.

Depuis, les choses ont avancé. Le gouvernement a soumis un projet rectificatif de loi de finance qui définit précisément les allocations budgétaires du grand emprunt et la gouvernance de l’usage de ces fonds. On commence à y voit un peu plus clair. Plus ou moins car l’opacité qui reste de mise pour ce qui est des détails.

Nous sommes en ce moment en plein débat parlementaire sur ce Projet de Loi de Finance Rectificative pour 2010 du gouvernement. Les discussions ont démarré à l’Assemblée Nationale : la Commission des Finances a rendu ses arbitrages et les débats ont lieu cette semaine en plénière. Sachant qu’après, cela passera au Sénat début mars 2010 et reviendra ensuite à l’Assemblée.

J’ai creusé ce projet de loi pour comprendre son impact sur le financement général de l’innovation et plus particulièrement des startups, mais aussi pour voir comment le gouvernement envisageait de remettre le pieds dans la création d’une “stratégie industrielle”.

Structure des allocations budgétaires

Pour commencer, voici une synthèse “jamais vue” sur les allocations du Grand Emprunt par thématique et par type d’allocation. J’ai du compulser le projet de loi et le rapport de la commission des finances pour reconstituer ce tableau associant une description de chaque ligne d’investissement identifiable et de la ventilation des fonds alloués.

Tableau synthese du grand emprunt 2010

Tout d’abord, il faut faire la distinction entre les différentes formes d’allocation du Grand Emprunt que voici ci-dessous. La moitié est du “non consomptible”, un terme pas très grand public ! Il s’agit d’un montant qui est conservé par le Trésor et dont seulement l’intérêt annuel est attribué chaque année aux organismes de gestion des fonds. Le Trésor a emprunté ce montant sur les marchés, il le replace à un taux d’intérêt un peu supérieur et il verse tout ou partie de cet intérêt aux intéressés. Avec l’intérêt de créer une ressource pérenne sur de nombreuses années. Une approche curieuse alors que l’Etat est censé financer ces activités dans ses budgets habituels. C’est une manière de créer des investissements “ring fenced” comme on dit dans les boites américaines, à savoir, protégés des aléas budgétaires du futur.

Ventilation typee du Grand Emprunt

Exemple : l’opération Campus est dotée de 1300 m€ de non consomptible. Supposons qu’ils rapportent 4% par an. Ce qui va donner 52 m€ par an, qui sont répartis sur 10 campus. Soit 5 m€ par université… pour rénover le patrimoine immobilier. Cela s’ajoute aux 15 m€ qui avaient déjà été alloués avec la revente d’actions EDF par l’Etat (3,7 Md€). Donc, en tout 20 m€ pour rénover les bâtiments chaque année. Donc, des travaux qui risquent d’aller bien lentement. On constate alors l’énorme inégalité de traitement qui favorise le campus de Saclay. Il bénéficiera d’une allocation entièrement consumptible de 1 Md€. Il pourra donc engager très rapidement sa transformation et la consolidation comme le déménagement de l’Ecole Centrale Paris de Châtenay à Gif, près de Supelec. Tandis que les autres campus évolueront à la vitesse de l’escargot.

Pour les autres allocations, il y a ce qui relève de véritables dépenses (dépenses directs, subventions) et ce qui relève d’un point de vue comptable de la création de nouveaux actifs : les avances remboursables, prêts et prises de participation. Dans les deux cas, ces allocations sont censées s’étaler sur au moins quatre à cinq ans. Il est donc délicat de calculer une version annualisée de ces différentes allocations. Beau jeu de bonnetots ! Ces distinctions permettent en tout cas de réduire l’impact du Grand Emprunt dans la comptabilité publique. Ainsi, le coût “budgétaire” supporté par le budget de l’Etat au sens de Maastricht n’est-il que de 2 à 3 milliards d’Euros par an (ci-dessous). Etalé sur une dizaine d’années.

Cout annualise du Grand Emprunt

Citons les organismes gestionnaires de ces allocations. Ils couvrent les différents champs de recherche et industriels du Grand Emprunt. La part du lion va à l’Agence Nationale de la Recherche qui va gérer la moitié des fonds pour le compte des Universités et de la Recherche. La Caisse des Dépôts est derrière, avec son rôle prééminent dans le numérique, puis Oséo pour l’investissement dans les PME innovantes. On verse ensuite dans le sectoriel avec le CEA, l’ADEME, l’ONERA, le CNES, etc.

Organismes gestion grand emprunt

Eric Woerth attend 25 milliards de fonds privés pour compléter les 35 du plan. Comme c’est étalé sur de nombreuses années, cela sera difficilement vérifiable, notamment en termes d’incrément réel. C’est la plus grande inconnue car les mécanismes d’effet de levier sur l’investissement privé ne sont pas bien documentés dans le plan du gouvernement. D’autant plus qu’ils risquent de créer des phénomènes de vase communiquant avec d’autres investissements existants.

Côté gouvernement, la mise en application du Grand Emprunt sera enfin sous la supervision du Commissaire Général à l’Investissement, René Ricol, rattaché à Matignon. Il n’est pas payé et est entouré de deux permanents issus de l’inspection des finances. Donc, une structure de coordination très légère. Ce qui va rendre critique le rôle du parlement pour surveiller la mise en application du Grand Emprunt.

Le rôle de l’Assemblée Nationale

Nous avons un projet de loi avec de nombreuses parties impliquées : le gouvernement (Ministres, cabinets), les administrations, les élus, les organismes de recherche, les établissements publics comme Oséo, et différents lobbies industriels. Quels sont les équilibres de pouvoir ? Comment sont prises les décisions ? A l’observation, on ne peut que constater que le gouvernement navigue un peu à vue. Cela se voit avec les montants alloués qui tombent “rond”. Et aussi avec le peu de détails fournis sur chacune des allocations. Certains ministère cloisonnent jalousement l’information concernant leur secteur. D’autres travaillent avec de grosses louches.

L’Assemblée joue-t-elle son rôle de contrôle du gouvernement et de ce qui se cache derrière ? Et bien pas vraiment, et voilà pourquoi…

  • L’opposition parlementaire incarnée par le Parti Socialiste a consacré presque tous ses amendements aux impôts, en proposant d’en augmenter certains ou d’en créer d’autres. Avec en ligne de mire les dispositions du fameux paquet fiscal de 2007. Mais ils n’ont rien proposé concernant les investissements du Grand Emprunt.
  • Le PS propose aussi une majoration du taux du Crédit Impôt Recherche en faveur des PME. Mais en oubliant que rares sont les PME qui peuvent faire de la véritable recherche au titre du CIR. Le PS parle de “recherche et développement” mais le CIR ne couvre pas officiellement le “développement”. L’initiative est en tout cas louable. Cf ce livre blanc du MEDEF sur le CIR de décembre 2009 qui met en avant le fait que le CIR bénéficie déjà aux PME. En fait, tout est question de définition de ce qu’est une PME.
  • Le Rapporteur de la Commission des Finances, Gilles Carrez (UMP) propose des dispositions du contrôle plutôt à postériori des investissements issus du Grand Emprunt par les deux assemblées. Ce qui aura pour conséquence, une plus grande transparence pour le public des investissements en question. Une bonne chose, mais qui laisse plutôt les mains libres à l’administration.
  • Patrice Martin-Lalande (UMP), déjà connu pour ses prises de position autour d’HADOPI (pour en modérer la nocivité…), a proposé quelques modifications sur les aides à l’industrie des jeux vidéo et sur le rôle du parlement dans la gouvernance du Fonds National de la Société Numérique.

A part cet intérêt sectoriel de Patrice Martin-Lalande pour le numérique, je constate au vu des débats le peu d’intérêt des élus pour la politique industrielle. Aucun élu n’a remis en cause les allocations et n’a posé de question sur leur fonctionnement. Sujet trop consensuel pour être un enjeu politique ? Manque de connaissances et d’intérêt ? Insuffisance des lobbies ? Je penche pour la deuxième piste…

La focalisation sur la recherche

Le grand emprunt a fait la part belle au financement de la recherche, tant fondamentale qu’appliquée, jusqu’à la création de prototypes et démonstrateurs. Avec 14,5 Md€ sur 35 Md€, dont 6,6 Md€ dédiés à la question environnementale (surtout par le biais des transports qui se font la part belle des allocations). On voit là une volonté louable de financer un peu plus de l’aval de la R&D, tout en respectant les critères de la Commission Européenne. Ainsi, dans la R&D “filières industrielles”, seuls 28% des crédits prennent la forme de subventions et aides, le reste relevant de prêts et de prises de participation, moins contraints par Bruxelles.

On retrouve malgré tout ce tropisme pour les projets “collaboratifs” dans un grand nombre de lignes budgétaires. Une mécanique qui favorise l’amont, les gens qui ont du temps et les investissements assez éloignés du marché. On y trouve beaucoup de pertes en ligne !

Autre focalisation du gouvernement, la valorisation de la recherche. Comment améliorer la transformation des travaux de labos en valeur ajoutée économique, en création de nouveaux produits dans les grands groupes comme dans les startups ? Alors que les programmes de valorisation ont historiquement donné peu de résultats, on continue d’amplifier le mouvement en améliorant la dotation des sociétés de valorisation industrielle de la recherche et de fonds d’amorçage. Ce système finance l’amont de l’innovation : les études d’intérêt, le pré-amorçage (maturation des projets avant de créer une entreprise) et enfin l’amorçage. Dans le circuit, Oséo prend le relai pour contribuer au financement des PME innovantes.

Mais cela reste une vue assez classique et linéaire du processus d’innovation de la recherche vers les marchés. Elle est certes complétée par la mise en réseau, notamment par les pôles de compétitivité qui bénéficient eux-aussi d’un surcroît de financement dans le Grand Emprunt. Mais ce sont de telles usines à gaz qu’on se demande encore ce qu’elles ont pu générer en sortie.

Tout cela reste donc encore trop éloigné d’une véritable valorisation économique et de la création d’emplois marchands.  Et pour plusieurs raisons fondamentales :

  • Tout d’abord, l’absence de diagnostic (relevée aussi dans le blog Sincérités) sur les carences du dispositif français de l’innovation dans le Grand Emprunt. On raisonne toujours trop avec l’oeil rivé sur le % du PIB investi dans la recherche.
  • Les règlementations Européennes et de l’OMC entrainent une concentration des aides sur l’amont de la R&D, là où le marché est censé être déficient. Même si sous d’autres formes (prêts, avances, participations), elles peuvent aussi toucher l’aval de l’innovation.
  • On manque cruellement de compétences dans le “business development” de l’innovation. Et beaucoup plus que de financements. Il est d’ailleurs dommage qu’aucun investissement ne porte spécifiquement sur ce point. La constitution des pôles d’excellence universitaires comme celui de Saclay va certes créer une masse critique d’ingénieurs, universitaires et chercheurs. Mais essentiellement dans les “sciences dures” et sans regroupement avec les sciences molles utiles au business (écoles de commerce, de marketing, de design, de droit, de sciences humaines, …). Investir dans ces compétences aurait été plus que souhaitable, et de plus, faisable ! Si je salue les 300m€  alloués au développement de la culture scientifique (on manque d’ingénieurs, …), je me demande où l’on va valoriser les compétences business indispensables pour valoriser tous ces investissements dans l’amont de l’innovation !
  • Une réelle difficulté à vendre la technologie à l’étranger, incarnée par notre balance commerciale ultra-déficitaire dans les technologies numériques tout comme les difficultés à vendre le Rafale, TGV et autres centrales nucléaires.
  • La valorisation de la recherche est de plus trop souvent vue sous l’angle de la propriété intellectuelle par les organismes de valorisation. Si il est utile de la protéger, elle est bien insuffisante pour la valoriser ! Et c’est en général une barrière à l’entrée assez illusoire. La meilleure barrière reste la capacité à exécuter rapidement son plan, à commercialiser l’offre et à constituer un écosystème autour.

Le corpus idéologique dominant n’a donc pas vraiment changé avec le Grand Emprunt. C’est bien dommage.

Les infrastructures

Un emprunt peut aussi servir à bâtir des infrastructures préparant le futur. Il y en a cinq essentiellement dans le Grand Emprunt, mais pour des montants assez modestes :

  • Le financement du renouveau du parc immobilier des universités dans le cadre du plan campus. C’est du bon vieux basique de rattrapage (1,3 Md€). Il y a aussi des créations d’établissements de prévues.
  • Le financement d’acquisition de matériels de laboratoires de recherche (1 Md€).
  • Le cofinancement des infrastructures haut débit, le plus souvent pour des collectivités locales en sociétés mixtes (2 Md€).
  • La rénovation thermique des bâtiments privés (0,5 Md€), dans un montage compliqué impliquant l’Agence Nationale pour l’Habitat.
  • Une part des prêts verts (1 Md€) dans le cadres des recommandations des Etats Généraux de l’Industrie, qui visent à financer le renouveau de l’outil industriel pour l’adapter aux normes environnementales.

Le reste ne relève pas d’infrastructures matérielles, mais plutôt immatérielles (recherche, valorisation, etc).

Et le numérique ?

C’est une grosse enveloppe obtenue après un lobbying persistant au sein du gouvernement et auprès de la Commission sur le Grand Emprunt réalisé par Nathalie Kosciusko-Morizet pendant la seconde moitié de 2009.

On trouve trois pôles d’investissement dans le numérique :

  • L’enveloppe de 2 Md€ pour le cofinancement des infrastructures régionales de haut débit. Certains trouvent déjà qu’elle sera insuffisante pour assurer une bonne couverture des territoires et qu’elle profitera surtout aux agglomérations moyennes.
  • Le financement de la numérisation des contenus proposée par le Ministère de la Culture (ce qui explique notamment la présence de Frédéric Mitterrand au séminaire numérique grand emprunt de septembre 2009). Son impact économique reste à déterminer. Il est dit que cette initiative permettra des usages commerciaux des contenus numérisés, avec valorisation par les administrations concernées. Mais lesquels ? On hésite entre “exception culturelle”, “francophonie” et véritable bénéfice économique. Il serait intéressant d’obtenir le détail de ces investissements. Si par exemple, ils permettaient de mieux valoriser économiquement notre patrimoine touristique, cela pourrait avoir de réels débouchés économiques.
  • Le financement de projets divers sans que la répartition soit indiquée : dans le cloud computing, la e-santé, la e-éducation, la ville, les transports, les nanos-technologies et les logiciels. Seul le projet Smart Grid géré par l’ADEME, est détaillé (250m€). Beau bric à brac ! On y retrouve un projet en gestation de data center de cloud computing copiloté par Thalès, Dassault Systèmes et Orange. Mais ces gens là ont-il vraiment besoin de l’Etat, les deux derniers étant plus que profitables ? Si c’est un bon business, pourquoi n’utilisent-ils pas leurs fonds propres pour s’y lancer ? Et au train où cela va aller, ils auront raté une ou deux révolutions de l’Internet ! Ce qui m’inquiète est aussi la forte proportion des marchés explicitement visés où l’économie est avant tout locale et/ou le financement est lui-même d’origine publique (santé, éducation, ville) et où il est donc plus que difficile de créer des acteurs d’envergure internationale. Restent les logiciels et les nanotechnologies. L’honneur est sauf ! On va certainement voir fleurir des appels à projets du style de celui sur le serious gaming et le web 2.0 du printemps dernier. Avec des travers bien identifiés qui, je l’espère, seront corrigés.

Sachant que le numérique est également concerné par la partie du grand emprunt qui concerne les PME, et est essentiellement géré par Oséo et le FSI qui voient leurs moyens renforcés. Moyens qui vont probablement surtout compenser la baisse prévisible des levées de fonds des sociétés de capital risque sur les années à venir.

Et vous startups, comment profiter du Grand Emprunt ? Les règles ne changent pas trop : s’impliquer si cela a du sens dans des projets collaboratifs (je n’en pense pas beaucoup de bien, mais c’est comme cela) et gérer avec soin vos dossiers de demandes d’aides, avances et prêts auprès Oséo. Et puis sinon, ne pas s’en préoccuper est peut-être une très bonne option !

Saupoudrage ?

A la vue de la répartition budgétaire de ce Grand Emprunt, on ne peut pas échapper à l’impression d’un grand saupoudrage. Quand tout est prioritaire, rien ne l’est plus ! Les arbitrages semblent relever d’un consensus mou. Il y a quelques perles comme la construction navale (100m€) ou le développement des interpôles de compétitivité (200m€). D’autres actions comme la création d’un fond pour l’entrepreneuriat solidaire (100m€) ou la rénovation thermique de logements privés (500m€) ne sont pas contestables, mais restent un peu déconnectées du reste des investissements.

Voici une vision systémique du processus de l’innovation financé par le Grand Emprunt synthétisée sous forme de graphique avec des rectangles de taille à peu près proportionnée aux budgets consacrés :

Cycle de l'innovation du grand emprunt Fev2010

Le bon point : le secteur du développement durable qui récupère la plus grosse part du gâteau la plus avale du cycle de l’innovation. Cela couvre aussi la filière transport puisque les investissements correspondants visent à créer les automobiles, trains, navires, avions et fusées du futur moins consommateurs d’énergie.

Mais en dehors du développement durable, on voit que l’amont du cycle de l’innovation est bien mieux couvert que l’aval. C’est parfaitement logique au vu des contraintes réglementaires. Mais est-ce que cela va réellement permettre de créer de la croissance et des emplois et de mieux exporter notre savoir faire ? Pas sûr que cette question ait été vraiment traitée à défaut d’être posée !

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Publié le 4 février 2010 et mis à jour le 4 avril 2019 Post de | Enseignement supérieur, Entrepreneuriat, France, Haut débit, Innovation, Logiciels, Startups, Technologie | 37092 lectures

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Les 23 commentaires et tweets sur “Tentative de décryptage du Grand Emprunt” :

  • [1] - Jacques a écrit le 4 février 2010 :

    Bonjour,

    J’aurais des questions de niveau débutant à propos de la valorisation de l’innovation, que vous évoquez dans votre article :

    – Pourriez-vous revenir sur les structures actuellement dédiées à la valorisation de l’innovation en France :
    Quelles sont les principaux acteurs de la valorisation de la recherche par la propriété industrielle ?
    Existe-t-il quelques acteurs de la valorisation par le business development, dont vous déplorez le manque en France ?
    N’y aurait-il pas des acteurs de la valorisation positionnés à la fois sur la propriété industrielle et le business development en France ?

    – Quels pays ont des structures de valorisation de l’innovation par le business development plus développées que la France, et de quels types sont-elles ?

    Merci pour votre blog excellentissime.

    • [1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 4 février 2010 :

      La plupart des structures de valorisation sont rattachées aux grands établissements de recherche publique. Il y a par exemple INSERM Transfert, INRA Transfert, INRIA Transfert (qui est plus orienté business dans le coaching), tout comme CEA Investissement, qui fait aussi de l’investissement d’amorçage.

      La valorisation par le business development relève aussi des fonds d’amorçage, tels que ceux qui sont adossés aux régions (IDF Capital ou Cap Décisif pour l’Ile de France). Puis, il y a le privé avec les business angels et les rares VCs qui font de l’amorçage. Plus le financement est privé, plus il y a des chances que l’accompagnement soit orienté “business”.

      Comme on sort du rôle de l’Etat et de ses agents, je pense que le sujet devrait être traité indirectement par une meilleure organisation des pôles universitaires.

      Les pays anglo-saxons ont en général un avantage que je qualifierai de “culturel” plus favorable au business et qui perfuse dans toute la société (cf le cas de la Silicon Valley). La prédisposition culturelle s’accompagne d’une accumulation de compétences liée à la structure de l’enseignement supérieur qui associe mieux les sciences molles et les sciences dures qu’en France. Et puis, il y a la masse critique d’entrepreneurs qui ont réussi. Et dans un creuset multi-culturel très concentré qui allie les talents de nombreux pays comme l’Inde, la Chine, Israël et les pays européens en général. L’environnement humain me semble moins divers dans l’entrepreneuriat français.

      Après, c’est un cercle vertueux : des entrepreneurs réussissent, ne s’expatrient pas (!), deviennent business angels ou VCs, puis accompagnent de jeunes entrepreneurs qui réussissent à leur tour. Dans le lot, quelques succès planétaires sont créés qui alimentent financièrement le cercle vertueux. Ces succès viennent de ce qu’il est plus aisé d’en créer à partir des USA qu’à partir d’un petit pays (oui, nous sommes un petit pays !). D’où mon crédo : pour réussir (dans les technologies du numérique), il faut avoir un gros pieds de posé aux USA. Si ce n’est les deux.

      L’autre cercle vertueux aux USA provient de la commande publique. L’Etat fédéral subventionne moins et achète plus, ne serait-ce que parce qu’il fait moins de choses par lui-même et se repose plus sur le secteur privé (avec des dérives, cf Blackwater ou Haliburton). C’est une autre forme de subvention si l’on veut. Mais elle positionne le gouvernement comme client et donneur d’ordre (surtout le Pentagone) plus que comme simple porte monnaie ou prêteur à bon compte. Cela créé une relation plus orientée besoins et business entre les acteurs publics et privés de l’écosystème de l’innovation.

      Pour revenir aux structures de valorisation françaises, elles ont un intérêt pour les startups qui peuvent s’adosser sur elles pour se protéger plus efficacement lorsqu’elles commencent à aborder les marchés étrangers comme les USA.

  • [2] - Peretz a écrit le 4 février 2010 :

    Belle étude. Mais, comme la plupart de ce qui relève de l’investissement on ne sépare pas le rendement selon l’efficacité, ni sur le court ou long terme.

  • [3] - Guillaume a écrit le 5 février 2010 :

    Remarquables graphiques. J’ai fini par comprendre. Vous pouvez indiquer maintenant l’ADEME en troisième position comme opérateur, devant Oséo. En effet, Oséo n’aura finalement que 2,4 milliards, car l’augmentation des fonds propres de cette “banque” (fragilisée par la crise) sera réalisée désormais grâce aux bonus des banques (360 millions d’euros), selon le souhait de Christine Lagarde qui vient de réussir son annonce à l’Assemblée nationale sur ce point. Sans doute pour remercier Oséo (drôle de cadeau) pour ses efforts durant le plan de relance et aussi pour faire sauter de joie les banques (elles vont détester Oséo maintenant ou accroître leur pouvoir sur cet organisme).

    Si le FNSN et la CDC s’occupent du numérique, des nanotechnologies et des logiciels (c’est énorme), cela retire à Oséo sa fonction de soutien dans ces domaines ? Soit les 2/3 de son activité en aide à l’innovation par exemple ? A côté de la pauvre dotation d’Oséo Innovation ces dernières années, cela fait une sacrée différence (1 milliards d’euros pour le FNSN et ses appels à projets il y a de quoi faire). D’autant que sur ces mêmes thèmes, la CDC avec le FSI pourra financer les fonds propres de ces mêmes entreprises du numérique.

    Finalement, je me demande si les PME plus proches du marché ne vont pas préférer les prêts d’Oséo qui seront dédiés à l’aval davantage. Mais ces prêts seront ils adaptés aux startups au sens “créations d’entreprises” à potentiel ? J’en doute.

    Les socialistes ne trouvent rien de mieux que de faire la promotion du crédit d’impôt recherche ? Là c’est incompréhensibles, alors que certains élus voulaient justement plutôt des aides directes pour les conditionner à l’utilisation des emplois de recherche en France. Or le CIR n’est pas conditionné à l’embauche de chercheurs français. ET le Medef veut élargir la possibilité de faire financer la soustraitance par le CIR. Bruxelles interdira la préférence nationale dans ce cadre aussi (la délocalisation de la R&D a de beaux jours devant elle).

    Côté “Industrie”, Christian Estrosi doit se trouver mal. Il n’y a pas grand chose de sortie de ces “Etats Généraux”. Des prêts verts ? Très poétique en effet.

    • [3.1] - Olivier Ezratty a répondu le 5 février 2010 :

      Je me garderai bien de décrire une image aussi sombre pour ce qui est du rôle d’Oséo. Je demande à voir les chiffres définitifs. Etes-vous sûr que l’augmentation des fonds propres d’Oséo par la taxation des bonus des banques va remplacer ce qui était prévu dans le grand emprunt (500 m€), en plus des 1000m€ de dotation pour augmenter la capacité à faire des prêts aux PME ?

      Il me semble que ce que Lagarde a obtenu, c’est que les 360m€ servent à augmenter le fonds de garantie d’Oséo, qui couvre les défaillances des PME qui sont plus nombreuses et le seront certainement pendant encore quelque temps. Il faut suivre de près les discussions à l’Assemblée avec l’évolution des allocations du Grand Emprunt pour y voir plus clair.

      Le FSI et la CDC vont jouer un rôle dans les prises de participation dans les PME innovantes, soit directes soit par le biais de fonds d’amorçages tiers co-financés, ce qu’Oséo ne fait plus et ne fera pas. Oséo restera l’outil de base pour les aides multisectorielles, les avances remboursables et les prêts. Sa charge de travail va encore augmenter !

      Pour le numérique, il est par contre vrai que les appels à projets thématiques seront gérés par le Fond National de la Société Numérique. Cela ne va pas remplacer ce que fait Oséo aujourd’hui, mais plutôt décharger la DGCIS de Bercy qui gérait ces appels d’offre jusqu’à présent. Il sera intéressant de voir comment le FNSN est constitué : quel haut fonctionnaire (ou pas) le dirigera, avec quelles équipes, de quelle provenance. On peut avoir le meilleur comme le pire !

      Il est vrai par contre que l’ADEME va avoir de grosses sommes à gérer. C’est à surveiller comme le lait sur le feu. Car un trop plein de financement public ne rend jamais ni plus intelligent, ni plus “orienté business”, ni plus clean. Au sens moral et éthique et pour les gens qui vont graviter autour.

  • [4] - Guillaume a écrit le 5 février 2010 :

    Oui la taxe sur les bonus remplace bel et bien ce qui était prévu dans le grand emprunt, puisque cette taxe remplace 360 millions d’euros qui auraient dû être trouvés sur les marchés financiers par l’emprunt de l’Etat. C’est donc une économie de plus pour l’Etat. En outre, cette taxe ne vient pas financer les PME mais renforcer les fonds propres d’Oséo qui n’étaientt que de 1 milliard d’euros face à 15 milliards de risques pris par la garantie des prêts et autres cofinancements.
    lire le compte rendu
    http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cfiab/09-10/c0910037.asp
    Il est clair que ce sont les fonctionnaires de Bercy qui s’occuperont des appels à projets numériques pour constituer le FNSN. Oséo sera t-il sollicité pour de la simple gestion ? Sans doute, puisqu’on lui a déjà confié la simple gestion du FUI pour les pôles de compétitivité.

    • [4.1] - macha a répondu le 6 février 2010 :

      bonjour guillaume. Pour comprendre la situation (les milliards donnés à la recherche dans le grand emprunt, plutôt qu’à l’industrie ou aux PME), peut être que ce serait utile de lire le rapport de l’Académie des sciences sur le bilan de la loi Allègre (1999). Il balance que les faiblesses françaises de valorisation de la recherche. Il y a le concours de la création d’entreprise du ministère de la recherche et d’Oséo qui avait été créé en partie pour aider les chercheurs à transférer leurs découvertes vers les entreprises, quitte à créer eux-mêmes leurs boîtes. Mais cela ne suffit pas. Car il faut aussi accompagner plus longtemps en “amont” les créateurs-chercheurs dans leur labo avant de les lâcher dans la nature, face aux prédateurs de toute sorte. Et puis, il y a le problème du capital de ces entreprises. Le FSI pourrait jouer un rôle plus grand dans l’amorçage (pour les protéger au début).
      Et surtout, j’ai l’impression que Pecresse veut que les chercheurs quittent leur statut de “fonctionnaire” en labo, pour aller dans le privé (et vite) : c’est une politique libérale qui considère que la recherche fondamentale doit rapidement servir l’économie (et surtout permettre de réduire les déficits en allégeant gravement la fonction publique). Or, a priori, nos chercheurs choisissent sciemment de rester fonctionnaires (on les comprend…) et donc de ne pas se lancer dans l’industrie.
      http://www.latribune.fr/journal/edition-du-0602/politique-france/360678/en-france-les-chercheurs-trouvent-mais-n-exploitent-pas.html
      http://www.academie-sciences.fr/publications/rapports/rapports_html/rapport_innovation_recherche_03_02_10.htm
      Malgré le soutien d’Oséo (qui est cité sur ce créneau de façon positive), la mortalité des startups de la recherche est grande. C’est à dire qu’on ne donne pas les moyens aux chercheurs de réussir vraiment. Je pense surtout que dès qu’ils le peuvent, ils vendent leur entreprise au plus offrant. De toute façon Oséo (en dehors de son job sur le concours qui est restreint) et de sa dotation riquiqui pour les créations d’entreprises innovantes, je ne vois pas comment ils peuvent faire mieux.
      http://www.ecoles-entreprises.com/actu.php?id_article=4099
      “L’Académie des Sciences, dans un rapport remis le 4 février à Valérie Pécresse, prône une plus grande pénétration de la recherche académique dans l’industrie.”
      Le lien entre recherche et industrie, les complications du Crédit d’impôt recherche, etc… c’est pour obliger les entreprises du privé à embaucher nos chercheurs.
      Enfin, la privatisation des universités trouve comme argument le mauvais classement de la France dans le palmares Shangai (brevets, etc).
      http://www.ifrap.org/Le-rapport-Aghion-et-ses-pistes-pour-la-reforme-de-l-Universite,11497.html
      http://www.ifrap.org/Universite-Osons-la-reforme,11386.html

      Il se passe des choses autour de la privatisation de la recherche qui explique pourquoi le grand emprunt finance à fond cette réforme. Mais au détriment de tout le reste. Notamment des créateurs qui ne sont pas chercheurs et qui ont besoin d’un coup de main aussi. Dommage.
      C’est un massacre cette réforme des universités. Pourquoi se calquer sur les US ou le Royaume-Uni ?
      Les chercheurs français et ingénieurs sont trop chers dans le privé et les entreprises délocalisent leur R&D…
      Il faudrait d’abord rassurer tout le monde avant de réformer.

      • [4.1.1] - Guillaume a répondu le 6 février 2010 :

        @macha. Encore mieux. Donc le financement de recherche en universités/labos et donc des futurs créateurs d’entreprises de technologie innovantes se fera directement dans les universités (pardon, “campus d’excellence) avec l’ANR (si on lit le tableau d’Olivier et on recoupe avec tes infos). L’avenir du concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes du ministère est donc fortement compromis. Après 10 éditions, on comprend que la ministre Pécresse veuille s’en débarasser. Le rapport Aghion n’est pas ininteressant. Pour 30 millions d’euros par an, ce n’est pas bien grave, à côté des milliards du grand emprunt confiés à l’ANR. Une énormité.
        En ce qui concerne tous les regroupements de clusters et de pôles universitaires, lit ce blog (la journaliste a tout compris). En 2005, on avait prévu une stratégie, aujourd’hui (5 ans après) on en prévoit une autre. Et dans deux ans… je te laisse deviner.
        http://blog.usinenouvelle.com/innovation/entreprise/grand-emprunt-combien-vaut-un-mit-a-la-francaise/
        On démultiplie les choses. Les interventions sont concurrentes les unes des autres.

  • [5] - Mimi Socquette a écrit le 6 février 2010 :

    Je suis tellement sensible à la pertinence de vos analyses que ce que j’aimerais maintenant, c’est que vous disiez quoi faire selon vous, non pas si l’on était dans un autre contexte économique, avec quelqu’un d’autre au gouvernement, et ainsi de suite. Mais là, tel qu’on est, où on est, comme on est et avec qui on a affaire, ici et autour.

  • [6] - fabien a écrit le 7 février 2010 :

    N’aurait on pas dû supprimer la baisse de la TVA des restaurateurs pour limiter le montant du grand emprunt ? Ou revenir sur le paquet fiscal ?
    Cela nous aurait fait 5 à 10 milliards d’euros tout de suite pour l’innovation et les startups. Je viens de découvrir que Oséo finance aussi les restaurateurs et les hoteliers ? Je ne pige pas très bien. Depuis quand ? En quoi c’est porteur ?
    http://www.e24.fr/economie/france/article158886.ece/Bercy-veut-faire-aimer-la-baisse-de-la-TVA-dans-la-restauration.html
    http://www.latribune.fr/static/pdf/brief_promotion.pdf

  • [7] - Pierre Col - Kizz TV a écrit le 10 février 2010 :

    Merci pour ce remarquable travail d’analyse et de mise en perspective.

  • [8] - Pierre Jol a écrit le 14 février 2010 :

    En réponse à Olivier sur les 360 millions du bonus bancaire, c’est effectivement pour recapitaliser Oséo et sa branche bancaire.

    Quand aux prêts participatifs à distribuer avec le milliard du grand emprunt, ils concerneront un type tout à fait particulier d’entreprise : elles devront être rentables (donc elles rembourseront, et même plus).

    Oséo n’est donc plus l’organisme “d’aide” mais un semblant de banque qui prête avec des taux d’intérêt aux côtés de banques (pour réduire leur prise de risque) et aux côtés des capitaux-risqueurs.

    On ne peut pas dire que cette banque Oséo pèse sur le budget de l’Etat, comparativement au FNSN, à l’Ademe ou à l’ANR… et son cortège de fonctionnaires.

    Je dis bien “banque” car Mme Lagarde l’a incluse dans son projet de loi sur la régulation bancaire. Oséo bdpme va carrément absorber oséo anvar ; une banque absorbe un organisme d’aide publique. Autant dire que demain l’aide publique directe va disparaître au profit du prêt.

    C’est important de le savoir pour la suite des événements. Et d’ailleurs, avons nous le choix face au déficit public ? Ce qui est par contre indéfendable, c’est de laisser d’autres agences publiques croître ou naître, sur les cendres des autres, avec la possibilité de distribuer des subventions et des avances remboursables à taux 0. Alors que ces mêmes agences n’ont pas les outils de gestion et de prise de décision aussi pointus que ceux d’Oséo dans son ensemble (sofaris incluse).

    • [8.1] - Aleccio a répondu le 15 février 2010 :

      Bonjour,

      C’est ma première intervention sur ce blog et je tiens à féliciter son auteur pour le travail fourni, la qualité des articles et la clarté des analyses.

      @Pierre Jol : Votre commentaire m’a interpellé parce que je pensais que OSEO BDPME avait déjà fusionné avec OSEO ANVAR il y a déjà quelques années. Pourquoi professez-vous aujourd’hui que l’aide publique directe va disparaitre au profit du prêt?

      Au contraire, il me semblait que, tout récemment dans les cahiers de la compétitivité, François Drouin parlait de réduire les soutiens de trésorerie et d’augmenter les aides en matière d’investissement, d’innovation et d’international.

      • [8.1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 15 février 2010 :

        Bonjour Aleccio,

        Il faut en fait distinguer les aspects juridiques, statutaires et organisationnels. Oséo ne fait plus qu’un du point de vue du management et de l’organisation depuis 2006. Mais c’est en fait un rassemblement d’entités aux statuts différents, notamment pour Oséo Innovation. La fusion “juridique” est en cours. Cela a visiblement pris plus de temps que prévu.

        • [8.1.1.1] - Aleccio a répondu le 15 février 2010 :

          Bonjour Olivier,
          Merci pour cette réponse. Dois-je en conclure que vous pensez, comme Pierre Jol, que la concrétisation de cette dernière étape « juridique » sonne le glas de l’intervention d’OSEO sous forme de subvention pour les projets innovants ?
          Dans ce cas, comment comprendre (par exemple) le lancement du Fond Régional pour l’Innovation en Ile de France ?
          http://www.innovation-idf.org/fr/actualites/actu-partenaires/1822-lancement-du-fonds-regional-pour-linnovation-en-ile-de-france
          OSEO mise 3 millions d’euros par an, la région 9. Certes cela reste faible en comparaison des besoins sur l’Ile de France. En revanche, OSEO assure l’ensemble de la gestion du fonds qui sera destiné à un financement sous forme de subventions. Est-ce un « os à ronger » lancé aux insiders de l’ex OSEO-Anvar, pour qu’ils ne se sentent pas trop floués par la nouvelle politique de l’institution ? Est-ce une astuce politique bon marché pour se donner une image « éco-innovante » ? Ou est-ce une réelle volonté d’intervenir aux côtés des porteurs de projets ? Peut-être un peu des trois…
          Ce qui est certain, c’est qu’OSEO à investi 400 millions d’euros en 2009 en avances remboursables et subventions en accompagnement de 4000 projets innovants (cf. Bilan 2009 d’OSEO). Et annonce autant pour 2010.
          Alors, quid du financement public de l’innovation hors crédit d’impôt recherche (qui est un dispositif très discutable mais c’est un autre débat) ? Va-t-on se diriger vers du 100% d’appels à projets ?
          Pierre Jol à raison, c’est très important de le savoir pour la suite des évènements. Quel est votre avis la dessus ?

          • [8.1.1.1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 15 février 2010 :

            Pierre enterre peut-être un peu trop vite le rôle d’Oséo Innovation qui aide les startups en phase d’amorçage. Le changement de statut ne pas pas réduire cette mission que je sache.

            En fait, Oséo est le seul à avoir la taille critique pour traiter les milliers de dossiers à l’échelle nationale. Cela explique ces partenariats divers. Celui que vous citez avec la Région Ile de France est en droite ligne d’un partenariat équivalent avec la Ville de Paris (en fait, pour être plus précis, le Département de Paris) conclu en 2009. C’est l’association de budgets nationaux et locaux et des ressources humaines d’Oséo Innovation pour traiter les dossiers. Cela relève aussi d’une approche de cofinancement bien courante en France.

    • [8.2] - macha a répondu le 16 février 2010 :

      :)j’ai trouvé le projet de loi avec ce lien
      http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2165.asp
      c’est pas la mort non plus. Ca ne change rien pour les entreprises. Il est bien dit que les activités sur l’innovation seront distinctes du financement et de la garantie, même avec cette absorption par la banque. Les comptes seront séparés.
      Le plus embêtant ce n’est pas cela. C’est plutôt le grand emprunt et le FNSN sur le développement de l’économie numérique. J’ai trouvé, enfin, le document qui dit tout.
      Regardez page 66
      http://www.performance-publique.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLFR2010/PLFR1.pdf
      Olivier pourra comme cela enquêter plus facilement.
      En fait, le fonds est géré par la CDC. Pour ce qui est des projets innovants sur les usages et contenus, ils vont pouvoir toucher pratiquement tous les secteurs clés (santé, éducation, ville, tourisme, réseaux, transport, commerce, loisirs, environnement, services mobiles… ma grand mère). Tout est détaillé page 69 et 70. Les projets seront financés en subventions (pour les 2/3) et en avances remboursables (pour le 1/3 restant).
      Ce programme Economie Numérique est piloté au commissariat du gouvernement par M. Lavisgne.

      Tandis que le programme sur la croissance des PME est piloté par Luc Rousseau (de la DGCIS). C’est ce programme qui implique un peu Oséo (avec la CDC). Et dans le document il est bien dit que ce seront des prêts ou avances à faire pour 50% d’entre eux avec le réseau bancaire (c’est un objectif clairement indiqué). Il cite aussi les 200 millions d’euros pour les pôles de compétitivité mais dans une logique de structuration des pôles industriels. Ils rêvent ou quoi ? Les prêts verts de Estrosi sont cité aussi.
      Il y a aussi 180 Millions pour la relocalisation compétitives d’entreprises industrielles (on aura tout vu).

      En gros, Oséo innovation va se taper ce que plus personne ne veut : l’industrie (avec les pôles) et ses catastrophes de délocalisations qu’il faudra freiner… Tandis que le FNSN aidé par les fonctionnaires du ministère de l’industrie (ex-Drire) et la CDC vont travailler dans le secteur numérique plus porteur et dans lequel Oséo Innovation a bossé déjà (la moitié de son activité).
      C’est page 65

      C’est un vrai gachis.

      • [8.2.1] - Olivier Ezratty a répondu le 16 février 2010 :

        Macha, le deuxième lien de mon article pointait déjà sur le projet de loi ! Je l’ai utilisé ainsi que le rapport de la commission des finances de l’Assemblée pour constituer le tableau de répartition du Grand Emprunt dans l’article.

        Je suis sinon un peu blasé par ces discussions sur le qui gère quoi dans ce bazar. Oséo, CDC, FNSN, etc. Cela reste du secteur public. Cela reste compliqué. Cela reste aussi politique au sens de la gouvernance. Et parfois, à des niveaux insoupçonnés. Vous n’avez pas idée ! Parfois, telle décision est prise non pas pour respecter tel ou tel corpus idéologique (plus ou moins d’Etat, etc) ou financier (réduire la dette) mais pour satisfaire telle ou telle personne ou lobby (haut fonctionnaire, syndicat professionnel, etc). Les interprétations sur “Oséo perd ceci ou gagne cela par rapport à la CDC, aux banques, etc” sont alors un peu à côté de la plaque. Nous n’avons jamais le détail du pourquoi de nombreuses décisions ! Donc, ne les surinterprétons pas !

        Je ne pense pas qu’il y ait de “grand plan” comme certains d’entre vous y font allusion. Le gouvernement navigue à vue. Il suit surtout comme il le peut les désidérata de l’Elysée. Rappelez-vous l’origine du Grand Emprunt : une idée d’Henri Guaino, poussée ensuite par Nicolas Sarkozy et imposée à deux anciens premier ministres récalcitrants mis dans la boucle pour les neutraliser, et qui disent en privé que le Grand Emprunt est une bêtise. On a ensuite un parlement qui travaille en procédure d’urgence, sans avoir le temps d’étudier les dossiers. Comme l’Elysée ne travaille pas assez les détails et l’exécution, elle laisse ensuite les Ministères s’approprier le GU. Et on est revenu au saupoudrage habituel, à la culture du consensus, et on s’est un peu éloigné de l’objectif de génération de croissance. On a aussi fait plaisir aux chercheurs, avec plus de cinq ans de retard par rapport aux grèves de 2004/2005. Très bien, mais alors, on aurait du appeler cela le “Grand Emprunt pour la Recherche”. Pas pour la croissance, bien plus lointaine, et que l’on sera bien infichue de mesurer, ou tout du moins d’attribuer aux effets du Grand Emprunt !

        Compte tenu de ses effectifs et de sa présence régionale, je ne pense pas qu’Oséo sera un “laissé pour compte” de toutes ces initiatives. Et ce n’est pas pour leur faire plaisir que je dis cela. Notez que François Drouin siège au conseil d’administration de l’ANR avec voix consultative. Regardez qui siège dans les conseil d’administration de toutes ces organisations : les mêmes personnes, souvent des hauts fonctionnaires de Ministères issus des mêmes grands Corps de l’Etat et qui se connaissent bien.

        Ce que nous devrions regarder de plus près, c’est le mode d’attribution de tous ces subsides. Quel est le ratio entre fonctionnaires (ou agents d’entreprises publiques, peu importe) et budgets attribués ? Il me semble qu’il va y avoir un réel problème à l’ADEME, à la CDC, au FNSN et à l’ANR. Contrairement à Oséo qui est bien staffé. Ils vont devoir distribuer dans la durée des budgets significatifs avec peu de ressources humaines. Par exemple, les effectifs permanents de l’ANR sont de l’ordre de la centaine de personnes. Ils pilotent une foultitude de comités de sélection d’appels à projets et font appel à plus de 15000 experts ! Les champions des allocations budgétaires du privé sont encore les grandes entreprises habituelles (Thalès, etc). On retrouve un circuit équivalent à celui des Pôles de Compétitivité. En fait, l’ANR est une des sources de financement des Pôles en plus du FUI géré par Oséo.

        Le rôle de surveillance du Parlement et de la Cour des Comptes sera critique. Car des abus, il y en aura !

  • [9] - Pierre Jol a écrit le 15 février 2010 :

    @aleccio et olivier. Bonsoir. J’ai lu comme vous la presse citant les objectifs de M. Drouin pour Oséo. Les fameux “3i” (pour innovation, investissement, international).

    En fait, à mon avis, cela signifie surtout qu’Oséo ne souhaite pas avoir pour seule mission le remplissage de trésorerie des entreprises en difficultés comme durant la crise (avec le plan de relance). Les PME finissent par ne retenir que cela…. Ce serait extrêmement dangereux pour l’institution bancaire à terme. Cette dernière, qui deviendra totalement une banque, préfère quitter peu à peu la scène de la crise… pour se tourner vers son coeur de cible : les belles entreprises, de taille intermédiaire, sur lesquelles des financements comme les “contrats de développement” (innovation, participatif, international, etc) peuvent être pratiqués avec des marges.

    Ensuite, les partenariats avec les régions permettent justement de financer les créations d’entreprises, et encore, pour un court laps de temps et des sommes modiques. La gestion est confiée à Oséo pour des raisons pratiques (le travail de gestion est chronophage). Comme on confie la gestion du financement des projets des pôles. Mais Oséo dans ce cadre, n’instruit pas les projets.

    Il va bien y avoir un bouleversement. Les Villes et les conseils régionaux vont difficilement pouvoir se substituer totalement aux missions régaliennes de l’Etat… Ce serait suicidaire aussi pour elles.

    Enfin, les banques se sont engagées à faire davantage de prêts moyen long terme pour les PME (rentables). Mais ce dont ces dernières ont besoin c’est de trésorerie court terme. Avec la crise, les PME sont au bord du gouffre. Les créateurs d’entreprises auront de plus en plus de mal à trouver des financements. Or, avec le chômage, nombre de jeunes cadres n’ont pas d’autre choix que tenter l’aventure…

    Il y a un gros dilemne… Cela va exploser. Mais avant que l’on ait pu comprendre… de toute façon.

  • [10] - Pierre Jol a écrit le 15 février 2010 :

    Excellent guide. Petites corrections (au passage, et sans grande importance).

    Page 152 : Sofaris (Oséo garantie) n’est pas un organisme indépendant. Il faisait partie (avant 2006) de la BDPME (Oséo financement) : la BDPME regroupait depuis 1996, le CEPME (crédit d’équipement des PME) et la Sofaris (Société française d’assurance risque); La CDC et les banques sont actionnaires de Sofaris. Ensuite, à partir de 2005, la BDPME et ANVAR (oséo innovation) se sont rapprochées (et n’ont pas fusionné) pour donner naissance à OSEO. En 2010 peut être, la Sofaris et Anvar seront totalement absorbés par le CEPME.

    Page 151 : le PPA peut faire suite soit à une aide à l’innovation d’Oséo soit à tout autre type d’aide à l’innovation (de type R-D I) par exemple régionale, pour des entreprises de moins de 5 ans d’existence, et pour préparer au mieux une levée de fonds.

    Page 151 : le PCE (prêt à la création) n’est pas directement octroyé par Oséo à un créateur d’entreprise. C’est la banque du créateur qui fait le prêt, puis qui le signale à Oséo à travers un extranet spécifique, afin que Oséo puisse compléter par un prêt jusqu’à 7 000 euros et le garantir. Le PCE concerne très rarement les entreprises technologiquement innovantes… Il permet de se constituer une petite trésorerie de démarrage pour s’équiper (ordinateur, etc).

    Concernant le rôle d’Oséo dans le grand emprunt, il est forcément mineur. Les 1 milliards d’euros ne seront distribués directement par Oséo que sous forme de prêts bancaires participatifs pour une catégorie très particulière d’entreprises (de croissance, rentables…). M. Drouin vous a t-il dit si cela concernait les créateurs d’entreprises, les startups ? Pour le reste (avances et subventions), tout se fera par les appels à projets (projets collaboratifs) avec une sélectivité drastique (par les fonctionnaires des ministères). De même que le concours national de la création d’entreprises de technologies innovantes est aussi très sélectif…

    Rien ne dit que la dotation d’Oséo Innovation pour l’aide classique (subvention et avance à taux 0 rembousable en cas de succès) sera pérennisée au delà de 2011… Le Premier ministre nous annonce des réductions énormes de déficits qui vont faire peur (en raison du grand emprunt justement, qui sera surtout géré par les nouvelles agences, la recherche avec l’ANR et les universités).




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