Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

Une startup française derrière la standardisation des ebooks

Post de Olivier Ezratty du 2 mars 2010 - Tags : Actualités | 10 Comments

Autre lieu, autre découverte d’une startup un peu hors du commun, cette-fois ci lors du Tremplin Entreprises Sénat le 12 février 2010 dernier : Feedbooks. En fait, c’est plutôt une redécouverte car je les avais déjàs croisés lors du tour des Traveling Geeks à la Cantine en décembre 2009 et sur Capital Week en avril 2009.

Feedbooks est à la fois un site web de diffusion de livres électroniques et un service “en cloud” associé, maitrisant diverses technologies logicielles de publication d’ebooks.

Leur activité est intéressante à plus d’un titre. D’abord, bien entendu, parce que le marché du livre électronique est en pleine expansion. Mais surtout parce que leur approche du marché est plutôt originale comme nous allons le voir.

Feedbooks home page

Ce qui est séduisant au premier abord dans cette startup, c’est son implication dans la standardisation des ebooks. Un sujet critique dans un monde qui verra cohabiter des univers fermés (à la Amazon Kindle) et des univers ouverts (à la ePub).

Le format ouvert (et sans royalties) le plus répandu est l’ePub. Il est supporté dans de nombreux ebooks comme le Sony Reader, les Bookeen, les Plastic Logic, le Nook de Barnes & Noble et aussi dans l’iPad d’Apple (ces trois derniers n’étant pas encore disponibles), un constructeur pourtant pas un grand adepte des formats ouverts. Il est aussi supporté sur Android. ePub est issu d’un consortium, l’International Digital Publishing, qui comprend de nombreux membres, éditeurs et associations d’éditeurs, constructeurs de ebooks, constructeurs informatiques comme HP et aussi Adobe. Ce forum était anciennement l’Open eBook Forum et ePub a remplacé le format Open eBook qui provenait de la société E-Book Systems, éditrice du logiciel FlipViewer de consultation de livres électroniques.

L’ePub est un format à base XML. Il contient du “texte courant” qui peut être mis en page automatiquement en fonction de la taille de l’écran, un peu comme une page web. Ce qui est parfait pour du texte simple ou du texte avec des illustrations en ligne, mais n’est pas adapté aux mises en pages complexes (formats magazines, bande dessinée, ou équivalents). Il supporte des solutions de DRM. L’ePub est en tout cas le format le plus supporté par les ebooks avec le PDF (lui aussi supporté sur le site de Feedbooks).

L’équipe de Feedbooks est un gros contributeur aux évolutions du standard ePub, ayant rejoint l’IPDF en 2008. Il est aussi le principal architecte de l’OPDS (Open Publication Distribution System), un format XML qui permet la distribution d’ebooks sous forme de catalogues au format standardisé qui s’appuie sur le format ePub pour les ebooks eux-mêmes. Evidemment, le site web de Feedbooks implémente ce format, encore à l’état de proposition.

L’approche d’écosystème et de partenariats de Feedbooks est particulièrement bien développée, avec une couverture internationale plutôt rare chez nos startups :

  • Le site est exploitable sous la forme d’un service Web via des APIs documentées. Petit bémol sur leur site : ils n’expliquent pas à quoi peuvent servir ces APIs. Le travail de vulgarisation reste à faire !
  • Même si Feedbooks est un grand promoteur du format ePub, son site supporte les Kindle d’Amazon et son format d’ebooks associé, le MobiPocket.
  • Stanza, le lecteur d’ebooks pour iPhone de Lexcycle utilise les APIs catalogue de Feedbooks. 75% des téléchargements d’ebooks avec cette application proviennent du site Feedbooks.

Lexcycle Stanza home page

  • Le lecteur d’aldiko pour Android fait de même en supportant aussi les APIs de Feedbooks. Ce lecteur devrait être intégré dans les smartphones Android de Motorola. D’une manière générale, l’équipe de Feedbooks pari sur une diffusion large des ebooks sur les smartphones. Pour 3 millions de Kindle vendus en 2009, il y aura 76 millions de smartphones Android en 2012 et 71,5 millions d’iPhone.

Aldiko Home Page

  • D’autres lecteurs d’ebooks supportent le service Feedbooks : FBreader (multiplateforme) et Bookshelf (pour iPhone).
  • La startup a signé des accords de diffusion d’ebooks avec les grands de l’édition : Random, Oreilly, Hachette, Harper Collins (ou est en cours de négociations…). Ils font une marge de 30% sur la vente de livres, sachant que leur prix est situé à environ 30%/40% du prix des livres papier aux USA.
  • Leur site permet aussi l’autopublication, à savoir que tous les auteurs peuvent directement y publier leurs ouvrages.

En février 2010, selon Feedbooks, 100K ebooks étaient téléchargés chaque jour sur leur site. A comparer aux 2 millions par mois chez Amazon pour le Kindle, mais évidemment payants, alors que la part des ebooks gratuits est prépondérante chez Feedbooks. Autre point étonnant :  85% du trafic de Feedbooks proviendrait des USA et moins de 2% de France ! En consultant Google Trends for Websites, Alexa ou Compete, on n’obtient malheureusement pas les bonnes indications. Il semblerait que les US représentent tout de même au moins trois fois le site de la France et que le site en UK ait un trafic équivalent à celui de la France.

Feedbooks a été créé par deux ingénieurs et un chercheur : Loic Roussel, Hadrien Gardeur et David Julien (issu du laboratoire LIP6). Ils ont été lauréats du Concours National de la Création d’Entreprises de Technologie Innovante pour un total de 300K€ deux années de suite. Ils cherchent actuellement 300K€ de d’investissements en capital pour financer leur croissance, complétant un apport initial des fondateurs et de quelques business angels.

Alors, comme je le mentionnais en 2008, feront-ils le poids face à Amazon ? C’est la question que peuvent se poser tous les offreurs d’alternative à la combinaison du Kindle et du site de vente en ligne qui s’est mis aux ebooks. On pourrait tenter un parallèle : Feedbooks pourrait au moins tenter d’être l’Android des ebooks, Amazon jouant le rôle (dominant) d’Apple avec son iPhone. On est évidemment encore loin du compte car le marché des ebooks est très fragmenté dans toutes ses composantes (écrans, devices, sites, logiciels, formats), le propre des marchés encore très jeunes. Feedbooks fait aussi beaucoup de choses, ce qui est à la fois une originalité, mais ouvre la porte à différents modèles de monétisation. A ceci près que la partie technologique de l’offre est très “open source / open format”. Très bien pour l’état d’esprit. Mais un gros obstacle pour créer de la valeur qui soit “scalable”. La principale valeur économique de la société réside donc le % récupéré sur les ventes des livres payants réalisées sur le site. Dans un univers où la concurrence est très rude. Qui nécessitera des investissements marketing conséquents et une approche un peu moins “geek” qu’aujourd’hui.

En tout cas, l’approche “OEM”, d’API ouvertes et autour de la standardisation de cette société ne peut pas laisser indifférent.

RRR

 
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