LeWeb 2010 – Epilogue
Post de Olivier Ezratty du 22 décembre 2010 - Tags : Communication,Entrepreneuriat,Innovation,LeWeb,Marketing | 3 Comments
Maintenant que j’en ai terminé avec la Freebox V6, du moins d’ici son arrivée effective, il me faut achever l’inachevé avec ce sixième et dernier article du compte-rendu de LeWeb 2010. La conférence a eu lieu il y a presque deux semaines. C’est peut-être du réchauffé mais il y avait encore d’autres interventions intéressantes à citer, for the record. Elles ont pour point commun de ne pas avoir de grand rapport avec le thème principal de la conférence, les plateformes.
Voici ce qu’il me restait à se mettre sous la dent pour parachever ce compte-rendu de LeWeb 2010 :
Comme je n’ai pas le don d’ubiquité, j’ai regardé pas mal des présentations que j’avais loupées dans leur version disponible sous UStream ou bien YouTube.
Médias sociaux
Le sujet était traité à la fois de manière académique et avec du recul par différents intervenants.
Commençons par Yossi Vardi, ce fameux business angel israélien maintenant habitué des interventions déjantées à tiroir dans cette conférence. Cette fois-ci, il traitait du “Wisdom of Crowds”, la sagesse des foules (vidéo). En montrant que les foules les plus intelligentes étaient les foules de la sphère animale, mais que l’homme organisé en foule était capable du meilleur comme du pire. Le tout à partir d’une collection d’absurdités récupérées sur YouTube et Flickr. Comme cette vidéo sur la méconnaissance de la géographie mondiale de la middle class américaine, sur ces américains “bizarres” qui font leur course à Walmart, ou sur des résultats aberrants du collaborative filtering sur Amazon. La sagesse des foules serait en quelque sorte un grand déballage de l’ignorance et de la bêtise humaines. On en a en effet parfois l’impression en se baladant dans certains forums de discussion.
Que tirer de ces exemples de bêtise des foules ? Qu’elles ont besoin d’être éclairées par des élites ? Qu’il faut des hiérarchies dans tout : les savoir, les pouvoir, les avoir ? A nous de voir ! Cela pouvait éventuellement se raccrocher au très porteur thème de la curation du web. Nombre de services en ligne visent à permettre aux utilisateurs de filtrer, organiser et commenter ce qui est intéressant sur Internet dans le fouillis d’informations disponible. Cela peut-être aussi bien la plateforme de scrapbooks Tumblr, les perles de Pearltrees, l’agrégation d’informations Wikio tout comme Twitter dont l’essentiel des messages contient des pointeurs sur des pages web jugées intéressantes par leurs lecteurs. Dans la lignée, Tweetmeme, Delicious et Digg sont aussi des sites de curation. La curation du web vise à remplacer ou compléter les robots tels que les moteurs de recherche qui n’auraient pas l’intelligence suffisante pour distinguer ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas. C’est une fonction qui était historiquement dévolue aux médias traditionnels qui éditorialisent les contenus qui leurs semblent pertinents pour leur audience. Elle est ainsi transférée dans les mains du public, devenant une autre forme d’UGC : l’User Generated Curation. Reste à savoir si le remplacement de l’intelligence artificielle par la bêtise humaine fonctionne à tous les coups ! Ou si c’est l’inverse qui se produit plus souvent : une certaine bêtise artificielle remplacée par de l’intelligence humaine. Le propos de Yossi Vardi était de montrer qu’il faut se garder des conclusions hâtives…
L’autre intervenant atypique de LeWeb était un revenant de l’édition 2009, Gary Vaynerchuk (vidéo). Cette bête de scène et grand donneur de leçon est une sorte de gourou de la relation client et de la manière dont les marques devraient s’approprier les réseaux sociaux. Il avait promis de revenir pour faire une session de questions/réponses avec la salle. Ses interventions musclées se distinguent par une quantité de “fuck” impressionnante, rare chez un américain, tout du moins en public. Mais sous des dehors agressifs, son message est en fait très positif si ce n’est chaleureux.
Mais au juste, qui est donc ce Gary, se demande-t-on après l’avoir observé pour la seconde fois avec quelque jubilation ? Américain natif de Biélorussie d’où ses parents on émigré alors qu’il avait trois ans, c’est d’abord un passionné du vin et gourou de l’œnologie anticonformiste. Il a cofondé un site de vente de vins en ligne (Wine Library) complétant une boutique traditionnelle dans le même créneau, il est vidéo bloggeur sur le sujet avec une vidéo quotidienne depuis cinq ans (Wine Library TV) et chroniqueur dans de nombreux médias TV et radio aux USA. Il est aussi l’auteur à succès du livre “Crush IT” sur le rôle des réseaux sociaux dans la construction de nouveaux business et de “The Thank You Economy” qui se fait l’avocat d’une manière plus symétrique de faire du business, et de gérer la relation client. Ce qui l’a amené à créer WaynerMedia, une agence qui aide les entreprises, startups et personnalités à construire leur image de marque. Enfin, il caresse le rêve d’acquérir l’équipe de football américain des New York Jets.
Gary Vaynerchuk soulevait quelques points intéressants dans sa session :
D’autres intervenants plus traditionnels traitaient aussi des médias sociaux. Tout d’abord, Jeremiah Owyang (Altimeter Group, une boite de conseil sur les technologies disruptives) expliquait comment les entreprises s’appropriaient les médias sociaux et leur manière de s’organiser. 2011 sera l’année de l’intégration de l’implication dans les médias sociaux avec le reste du mix marketing et relation clients des entreprises. Et on va commencer à comprendre comment mesurer cette implication. La présentation est ici.
Et puis Alistair Croll, un québécois fondateur de BitCurrent, une société de veille technologique (voir son support de présentation) expliquait quelques bonnes pratiques des startups dans la lignée de la démarche de la “Lean Startup”. Il est aussi l’auteur du livre “Complete Web Monitoring”, une bible sur la manière de mesure la performance d’une startup de l’Internet. Il expliquait d’abord qu’une startup devait apprendre et s’adapter rapidement. Il ne suffit pas de créer une roadmap produit. Il faut savoir l’adapter en permanence en fonction de ce que l’on apprend des utilisateurs, de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. La mesure doit donc se concentrer dessus : sur les taux de transformation dans le cycle de la relation client et de la vente, sur le taux de viralité dans les réseaux sociaux, sur ce qui ne va dans le produit. Il faut utiliser ces données pour améliorer le produit avant d’arriver à cours de cash ! La mesure de la présence des marques dans les réseaux sociaux est devenue un véritable business.
On compte des dizaines de sociétés dans le domaine et notamment Synthesio, Cymfony, BuzzMetrics, BrandWatch, Intelliseek, Trendum, Converseon, iiiumbria, Attentio, Glide Technologies et Spotter. Je participais d’ailleurs juste après LeWeb à la conférence Monitoring Social Media avec notamment Brian Solis qui permettait d’approfondir le sujet. Les photos sont ici, mais je n’ai pas vraiment le temps de couvrir l’événement en détail.
Ignite
Pendant une heure, une douzaine d’intervenants ont pitché un sujet qui les passionnait pendant cinq minutes. C’est une sorte de mini-TED réalisé suite à un appel au peuple sur Internet. Certains faisaient mouche, d’autre non. J’ai surtout remarqué :
Financement de la croissance et liquidité
C’est le dernier thème à aborder dans ce compte-rendu presque exhaustif de LeWeb 2010. Il concernait le financement de l’innovation dans son ensemble avec mix d’interventions et de tables rondes. Les discussions portaient surtout sur les phases de croissance de l’entreprise, sur la liquidité de leur capital et sur l’évolution du marché en termes de sorties. Passons en revue quelques interventions :
La partie “finance” se terminait avec un panel rapide sur les sorties par fusion acquisition, avec Anil Hansjee du Corporate Development de Google EMEA (anil@google.com), Fritz Lanman, Senior Director de la Corporate Strategy chez Microsoft Corp, et enfin Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur et CEO de PriceMinister qu’il a récemment revendu au japonais Rakuten. J’ai eu l’occasion d’avoir une belle discussion avec Anil Hansjee le premier jour de LeWeb en allant prendre le métro sous la neige (le hasard des rencontres !). Il m’a expliqué que Google avait fait une trentaine d’acquisitions cette année, certaines n’étant pas encore publiques. En général, ils ne cherchent pas à les rendre publiques, mais ont du mal à l’empêcher. Les acquisitions ne sont pas une fin en soi. Elles servent une stratégie produit et marchés.
Où est la valeur des sociétés acquises ? Pour Microsoft, d’abord les équipes, puis le produit et enfin la profitabilité de l’entreprise. Que les startups doivent se rapprocher des grands groupes via leurs programmes de partenariat. Elles rentrent ainsi “dans le radar”. Quid du deal manqué avec Facebook pour Microsoft ? Réponse pas évidente de Fritz Lanman. En fait, il faut savoir aussi nouer des partenariats qui ne sont pas forcément des investissements ou des acquisitions.
Pierre-Kosciusko Morizet racontait quant à lui le pourquoi du comment de la vente de Price Minister à Rakuten. Cette société a une valorisation de $10B. Elle représente 17% du commerce en ligne au Japon (par comparaison, Amazon en a 8% aux USA). Pierre continue à gérer l’entreprise Price Minister. Il s’est engagé sur cinq années, ce qui est très long terme dans une acquisition alors que dans les grandes entreprises américaines, les CEO des startups acquises partent souvent après quelques mois. Et un conseil : ne pas se focaliser sur la sortie. Les marchés font leur boulot. Les grandes sociétés suivent le marché ! Si on est bon, on se fait identifier assez rapidement. Et au fait, que va-t-il faire avec les 30m€ qu’il a récupérés via cette vente ? Déjà s’acheter un appartement car il est locataire à Paris. Et puis, poursuivre son investissement dans des startups via le fond ISAI Ventures dont il est l’un des cofondateurs. Pour information, ISAI gère maintenant 35m€ et investit dans trois à quatre sociétés par an dans l’Internet, avec des tickets initiaux voisins de 1m€ et la capacité de financer un second tour. Les premiers investissements sont Commerce Guys (qui gèrent la déclinaison ecommerce du CMS Drupal et font déjà 1m€ de CA en 2010), Instant Luxe (une place de marché de produits de luxe en séries limitées) et Covoiturage (qui fait aussi déjà 1m€ de CA, a déjà 850000 utilisateurs enregistrés et une part de marché en France de 85%). Et non, je ne vais pas commenter ici le nouveau rôle de PKM auprès d’Eric Besson pour la constitution du Conseil National du Numérique… .
Photographie
Il y avait une table ronde hors plénière d’une demi-heure animée par Rodrigo Sepulveda sur la photographie (vidéo). Occasion pour Jean-Marie Hulot de présenter l’évolution de l’offre de Fotopedia, une encyclopédie photographique en ligne. Il devient maintenant un éditeur de livres électroniques pour l’iPad ! Avec des photos magnifiques telles que celles de parcs nationaux aux USA (réalisées par Quand-Tuan Luong, un français d’origine vietnamien, polytechnicien, et habitant aux USA). Et aussi d’avoir des nouvelles d’un autre site créé en France mais qui se développe essentiellement aux USA, Fotolia, qui est une banque d’images alimentée par 80000 photographes et concurrençant sérieusement les agences photo traditionnelles (Corbis, Getty…). La société fera $100m en 2010 ! Whaouh !
Sinon, comme chaque année, j’ai pris pas mal de photos de LeWeb. Vous les trouverez dans les galerie de ce blog pour les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 ! Certains sont étonnés du piqué de certaines d’entre elles. L’astuce ? Je n’utilise plus l’autofocus entièrement automatique de mes réflex Canon (qui fonctionne mal, c’est un défaut de certains modèles chez ce constructeur), mais avec le focus au centre, en recadrant ensuite la photo. Cela permet d’être sûr que les visages des gens photographiés sont bien nets. Le tout avec des optiques ouvrant à 2.8. Je prend mes photos en RAW et les édite avec Adobe Lightroom 3.0 en ajustant fréquemment l’exposition ainsi que la température de couleur.
Conclusion
J’espère que vous avez pu apprécier la densité de cette conférence dans mes six articles. C’était certainement l’édition la plus réussie de LeWeb depuis sa création. Cela ne fait que faire monter les enchères pour la prochaine édition en 2011 ! Bravo à Loic et Géraldine Lemeur qui sont ainsi devenus des “entrepreneurs de conférence” de haut vol à l’échelle internationale.
Passez toutes et tous de joyeuses fêtes de fin d’année !
La collection complète des articles sur LeWeb 2010 :
LeWeb 2010 – Vue d’ensemble
LeWeb 2010 – Les startups
LeWeb 2010 – Les plateformes 1
LeWeb 2010 – Les plateformes 2
LeWeb 2010 – Les plateformes 3
LeWeb 2010 – Epilogue
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