Opinions Libres - Le Blog d'Olivier Ezratty

Macro-économie de la crise dans le numérique

Post de Olivier Ezratty du 9 mai 2009 - Tags : Economie,France,Google,Innovation,Internet,Logiciels,Loisirs numériques,Technologie | 7 Comments

Dans “Relativisons”, paru en janvier 2009, j’avais publié un petit tableau et un graphique sur l’évolution du chiffre d’affaire Q4 2008 de grandes entreprises tous secteurs confondus dans le domaine du numérique.

Partant de là, j’ai persévéré dans la collecte de données sur le sujet. En complétant le tableau avec un plus grand nombre de sociétés cotées, tant dans le monde (USA, Japon, Taïwan, Europe) qu’en France. Et puis, récemment, en y intégrant les données Q1 2009 pour voir comment le secteur se porte et si il résiste bien ou pas à la crise économique du moment.

Sur Q4 2008 YoY (Year over year), cela donne cela (vous pouvez cliquer sur les images pour les visualiser en grand) :

Croissance Q4 2008 Industries Numérique

On y voit qu’en pourcentage, quelques sociétés se portaient encore assez bien sur Q4 2008 ainsi que sur Q1 2009 (tableau suivant) :

  • Netgem avec ses 172% de croissance sur Q4 2008 et 53% sur Q1 2009. Le fabriquant de set-top-boxes profite de la dynamique du marché de la télévision sur IP (ADSL) et de son business avec SFR/Neuf.
  • Free qui affiche une croissance insolente de 41,8% sur Q1 2009 et les télécoms qui se portent assez bien (certains résultats manquent cependant sur Q1 2009).
  • Toujours les coréens Samsung et LG qui sont d’ailleurs encore en croissance sur Q1 2009 alors que les constructeurs japonais continuent à s’enfoncer dans le rouge.
  • RIM / Blackberry, une société qui pèse plus de $10B de CA annuel maintenant grâce à un modèle économique qui associe matériel et service logiciel (les serveurs qui gèrent les mails des utilisateurs de Blackberry génèrent un revenu récurrent significatif) !
  • Toujours Amazon, avec une croissance stable de 18,2% sur deux trimestres consécutifs et Netflix qui continue son envolée dans la vidéo à la demande,
  • Activision-Blizzard qui ne figure pas dans ce graphe affiche une croissance de 262% du fait d’un périmètre non constant, les deux sociétés ayant fusionné en 2008.

Sur un périmètre de $604B de Q1 2007, la décrue de chiffre d’affaire était de $42,2B, soit 7%, avec des taux très variables selon l’activité, les plus mal en point étant celles des composants électroniques et du hardware en général. Avec un contraste fort : $59B de chiffre d’affaire ont été perdus par ces acteurs tandis que $16,4B étaient gagnés par ceux qui sont en croissance. Quelle est la représentativité de ces sociétés ? Elle est assez bonne avec plus de 2 trillions de $ annuels.

En ajoutant Q1 2009 dont la plupart des résultats sont maintenant disponibles, j’ai pu constituer ce tableau qui donne une bonne vision de l’évolution de la situation économique dans le secteur. En gros, elle est moins bonne pour la plupart des acteurs. Des acteurs qui étaient encore dans le vert sur Q4 2008 sont maintenant dans le rouge : Electronic Arts, Broadcom, SAP, Citrix, Adobe et Microsoft. Ce dernier a ainsi noté le premier trimestre en décroissance YoY de son histoire, gêné notamment par le ralentissement des ventes de PC, du poids des netbooks qui diminue le revenu Windows par PC équipé, et aussi par le ralentissement des ventes en entreprise qui pénalise tout autant ses collègues SAP et Citrix.

Evolution CA Industries Numérique 2008 et 2009

Dans ce concert, il y a juste une petite exception : Thomson qui enregistre une croissance de 8,5% après une longue série de trimestres en décroissance. Il faut dire que notre spécialiste français de la chaîne de production et de diffusion de la vidéo numérique a sérieusement dégraissé, en se séparant notamment de Grass Valley qui produisait des systèmes vidéo pour les régies broadcast. Le business des set-top-box représente maintenant un très gros tiers de l’activité de Thomson.

Quand on observe l’évolution en valeur absolue du CA de ces mêmes sociétés, cela donne le graphe suivant :

 Evolution CA Industries Numérique 2008 et 2009 Valeur Absolue

On y constate cette évolution à la baisse sur Q1 2009. Baisse confirmée par un recalcul ci-dessous avec la valeur créée (l’évolution du CA des entreprises en croissance) et la valeur enlevée (l’évolution du CA des entreprises en décroissance) qui montre que la situation empire dans l’ensemble.

Valeur enlevée et créée dans les industries du numérique 2008 et 2009

Sur le périmètre des entreprises où je dispose de Q4 2008 et Q1 2009, la décrue sur Q4 2008 était de 8,4% et elle est de 11,1% sur Q1 2009. Sur le tableau complet, la décrue était plus faible, de 7% sur Q4 2008. Mais il manque encore Sony, Hitachi, Panasonic, NEC et Sharp donc il ne serait pas étonnant que l’on reste à -11% ou même plus bas.

Tout ça pour dire quoi ?

  • Que la décrue des industries du numérique semble plus importante que celle de l’économie. En grande partie due au fait que l’essentiel du CA ici analysé provient de biens d’équipement, les premiers à souffrir en temps de crise.
  • Que nous avons là un bon indicateur de la santé de l’économie mondiale. On aura des signes de reprise lorsque l’amont de la chaine de valeur de cette industrie qui commence avec les composants électroniques se portera mieux. Il semblerait que Q2 montre des signes positifs chez certains fondeurs. Nous en saurons plus en juillet/août prochain.
  • Que les acteurs du secteur professionnel souffrent maintenant autant que ceux du grand public. La baisse du CA de Microsoft en est l’un des symptômes au delà de ses difficultés spécifiques. Que l’on retrouve chez SAP (-2,6%), Adobe (-11,7%) ou IBM (-11,4%).
  • Que les acteurs de l’immatériel (logiciels, Internet, télécoms, fournisseurs de contenus comme DirecTV ou Netflix) se portent mieux que ceux du matériel. Surtout grâce à des sources de revenu bien plus récurrentes que celles des seconds. Sachant en plus que ce tableau est assez léger sur le monde de l’Internet en France (commerce électronique, etc). 
  • Les français qui exportent (Thomson, Alcatel, ST Microelectronics, Gemalto, LaCIE) se portent plutôt mal – malgré le léger rebond de Thomson alors que ceux qui sont plus tournés vers le marché intérieur se portent mieux (telcos, Netgem). Certains diront alors : restons donc chez nous ! En fait, il s’agit d’être plus compétitifs ! Les coréens y arrivent bien…

On peut aussi constater que certaines entreprises très innovantes s’en sortent mieux, mais surtout celles dont l’innovation correspond bien à la demande du moment. Peut-on véritablement affirmer que les entreprises les plus innovantes résistent mieux à la crise ? C’est en général le cas lorsque l’on benchmarke les entreprises au sein de leur secteur d’activité.

Disclaimer : ces données ne sont pas exactes à 100%. J’ai notamment du appliquer des taux de change divers et fluctuant pour les entreprises asiatiques et les manipulations sous Excel sont parfois hasardeuses ! Et le périmètre des sociétés analysées est loin d’être complet même s’il est assez représentatif en termes de chiffre d’affaire des industries mondiales du numérique.

Ajout du 10 mai 2009 : vous pouvez télécharger les schémas en PDF.

RRR

 
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